L'imam Sherin Khankan, son combat pour les femmes.... Par Emilie Blachère

Publié le par S. Sellami

Sherin Khankan, imam danoise.Tor G. Stenersen

Cette imam danoise vient d'inaugurer une mosquée exclusivement féminine.

« Un peuple qui confie le pouvoir à une femme ne prospérera jamais...» C'est le genre de dicton que Sherin Khankan balaie d'un revers de sa fine main. De son père, artiste opposant syrien, elle a hérité une vision très libérale de l'islam. D'une mère finlandaise catholique, le goût de l'égalité. Leur union a donné naissance à une ravissante brune aux cheveux lisses, qui a choisi de faire profession d'imam. Car le Danemark a une reine et déjà... quatre femmes imams. Et alors? «Trois des quatre grandes écoles traditionnelles sunnites autorisent l'imamat des femmes et la quatrième ne l'interdit pas», affirme-telle. En août 2016, Sherin Khankan a inauguré la mosquée Mariam. Une fois par mois, la prière est exclusivement réservée à ses «soeurs». C'est aussi elle, la belle Sherin, qui lance l'adhan, l'appel à la prière. De quoi démontrer que, accommodé à la sauce danoise, l'islam est une religion moderne et progressiste. «Oui, la femme est précieuse dans l'islam, mais si elle n'a pas le droit de prononcer la prière... les choses n'avancent pas.» Les attentats du 11 septembre n'ont fait que renforcer ses convictions. L'initiative de Sherin et de ses consoeurs est un énorme succès. Et ce ne sont pas quelques remarques misogynes et conservatrices qui les décourageront.

Ce centre, mené par des femmes, permet aux musulmanes d'être visibles

Mariée, mère de quatre enfants, Sherin Khankan a fait ses études à Damas et à Copenhague. Elle se dit proche du soufisme, cette pratique vieille de treize siècles qui se nourrit de philosophie et d'ascétisme, et ne porte pas le voile en dehors de la mosquée. Pour elle, «le hidjab représente la sincérité, il permet d'être plus proche de Dieu». Diplômée en psychothérapie, elle a créé des groupes de parole et d'aide pour les femmes victimes de violences psychologiques. Elle s'est aussi intéressée aux religions, avant de devenir une sociologue renommée. Sherin Khankan est une philanthrope généreuse, sensible et brave. Douce et déterminée. Des signes particuliers qui, appliqués aux religions, universellement dominées par les hommes, pourraient transformer la face du monde. La partie n'est pas encore gagnée, en témoigne cette réflexion de sa fille aînée. «Pourquoi tu ne te trouves pas un vrai boulot?» Raison de plus pour continuer à lutter. «Ce centre, mené par des femmes, va permettre aux musulmanes d'être visibles dans des institutions patriarcales. L'impact va au-delà de la mosquée, il se ressent dans la relation avec les maris, les enfants. C'est une image forte pour contrer l'islamophobie. Les femmes imams et les intellectuelles essayent d'interpréter le Coran selon notre époque et nos moeurs.»

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Sherin Khankan célèbre des mariages. Une dizaine depuis l'ouverture du centre. Des couples arrivés de toute l'Europe, séduits par un contrat qui garantit le droit au divorce pour les femmes, l'interdiction de la polygamie et des violences conjugales. Une transformation radicale ? Certainement pas, selon Sherin, qui pioche dans l'Histoire. A son époque, le Prophète n'a-t-il pas autorisé Oum Waraqa à prêcher? Beaucoup plus tard, ce sont les Américains qui ont accordé à Amina Wadud le droit de s'adresser aux fidèles. C'était il y a plus de dix ans, dans une mosquée installée dans une ancienne église. L'Angleterre, l'Italie, la Suède ont suivi. Mais toujours pas la France. «Si une femme est contrainte de porter le hidjab, je me battrai pour qu'elle ne le porte pas », déclare Sherin Khankan. Mais elle serait aussi prête à se battre pour qu'elle ait le droit de le porter... Le vieux débat entre la liberté de conscience et la laïcité à la française n'est pas clos.                                                                                                                                                                                                  Paris Match|

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