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La chute

Publié le par S. Sellami

La chute
Il est sorti. Il n'est pas encore parti. Il ne tombera pas si profondément dans les abysses de l'ingratitude et de l'oubli. Les hommes tombent un à un, le parti doit rester debout, ne serait-ce qu'en hommage à la mémoire des martyrs
Ce départ ne va pas pour autant faire finir la confrontation interne qui secoue encore le parti et le situe pleinement dans un tourbillon alimenté par les désirs des uns et les raisons des autres. « Le parti est habitué à ce genre de clivage depuis le Congrès de la Soummam » disait un jour Belkhadem. Il aurait raison s'il n'était pas lui aussi quelque part responsable de ce qu'a entériné et finalement accompli Saadani. Dans le temps, ces « clivages » n'étaient que d'ordre idéologique, d'orientation et de vision politiques. Ils le sont, en ces temps une affaire d'individus, de clans et d'intérêt personnel.
Que va faire Saadani ?
Faire ses comptes et les rendre à sa conscience. Il prendra quelques jours de repos, réglera ses factures, et dégustera la primeur des dattes toutes fraiches. On continuera à le réconforter, à lui faire des éloges, à lui miroiter de meilleurs lendemains. Certains, très peu persévéreront à lui vouer vénération et respect. D'autres plus nombreux l'oublieront s'ils ne lui feront pas supporter tout le mal qu'endure le parti. Le Monsieur est bien descendu du perchoir, qu'il aille vaquer à ses passions s'il en a, à ses besoins personnels s'ils sont en suspens. Il a fait ce qu'il croyait devoir faire. Avec ses péchés et ses vertus son registre brouillé et brouillonnant en tant que secrétaire général du plus grand parti de l'histoire est clos et pas encore classé. Si les pronostics allaient bien dans le sens d'une reconfiguration tactique ou par mesure de ristourne pour service rendu ; on aurait à le revoir investi d'une nouvelle fonction. Conseiller spécial ou représentant personnel à la présidence de la république, sénateur tiers-présidentiel ou délégué diplomatique.
La politique n'est pas un chagrin d'amour
Elle serait peut être, dites-vous un intérêt tout au plus. Démissionnaire ou démissionné, le Sieur Saidani n'aura pas fait long feu malgré ses tirs incessants sur des cibles sans âme pour avoir été abattues mille fois. Son règne n'a été sillonné que par l'agitation dans un paysage déjà bouillonnant et l'ardeur de pourfendre toute voix ne se mettant pas en accord philarmonique de son concert invectivant.
A voir des personnes le pleurant dans l'instant qui a suivi son aveu amer de lâcher du lest, les voir prises d'émotion en s'apprêtant à faire allégeance au nouveau venu ; c'est dire que son autorité n'était pas issue de sa compétence mais de sa puissance à pouvoir hisser les uns et bannir les autres. Il a su tout de même soumettre à sa personne kasmas, mouhafadhas, comité central et bureau politique. Toutes les instances du parti lui étaient acquises armes et bagages.
Certes l'acte du militantisme n'a pas d'âge ni exigence de niveau. Mais il reste par bienséance soumis à des pré-requis. A la décence et la juste mesure de faire le nécessaire. On ne vient pas déjà vieux, usé et empaqueté dans un conditionnement affairiste au parti et au bout de minimes années l'on zyeute le pouvoir central. On n'a pas à pleurer un départ ni se réjouir d'une nouvelle arrivée. L'émotion a été toujours une mauvaise conseillère.
Venir militer à 50 ans est un passe-temps
Tous les martyrs sont tombés au champ d'honneur à la fleur de l'âge. Cela suppose qu'ils ont offert leur adolescence et leur jeunesse pour la cause nationale. Qu'ils ont transposé leur rêve dans le rêve national.
Beaucoup de militants FLN l'ont été dès leur majorité et lui sont restés fideles avec ou sans avantages. Avec ou sans opportunité de se voir candidats. Ils sont toujours là à faire la galerie pour ceux qui sont venus, par calcul et audace prendre les devants de la scène. Ils observent, ces militants invisibles et silencieux, tels des témoins chagrinés l'imposture et l'intrusion et méditent attristés sur ce temps où l'UNJA et autres organisations dites de masses alimentaient judicieusement les rangs du parti.
Venir militer à l'âge de 50 ans et plus, croyez-vous que c'est un acte de maturité politique ? C'est comme l'on vient à la mosquée en rencontrant la dévotion à ce même âge et l'on se prend pour de grands ascètes et de grands religieux. Ou aviez-vous consommé vos belles ou mauvaises années ? qui dans la quête d'une carrière professionnelle inaccomplie, qui dans un commerce n'offrant pas trop de gain ou exigeant un peu plus. Il demeure impensable sous cette optique de voir et de constater qu'un individu sans nul cursus politique ni un historique fut-il futile et minime ; soit après un parachutage qui dira un jour son nom, comblé sans crier gare de la noble fonction de membre du comité central. Pour un autre arborant pour seul entité sa ténacité ou sa fortune, venir au parti est l'unique tremplin pour booster ses affaires et tisser des relations pour les faire maintenir ou les accroitre. A cet âge l'on est grisé par le désarroi et les aléas fatidiques du temps. La retraite aussi tient lieu de motivations pour combler le vide et finir les longs et vieux jours. L'on ne retrouve pour son semblant d'épanouissement, son redéploiement d'activité et parfois une occupation bénéfique que le fait d'aller s'inscrire sur un registre d'adhésion et attendre les prochaines élections. Sait-on jamais dit-on.
Les vieux bleus du FLN
Ce sont en fait ces gens là, ceux qui, arrivés à un âge très avancé se sont inscrits sournoisement dans les rangs en vue seulement de gagner des places politiquement confortables. Se frayer pour certains, des chemins qu'ils croient dorés et n'ont pu les avoir à travers leur métier initial ou leur position socialement dérisoire. Ils ne sont pas animés pour leur grande majorité d'un quelconque engagement politique. Sinon pourquoi opter pour ce parti et non pas pour un autre ? C'est vrai que l'exercice d'un droit est garanti par les lois et que chacun jouit totalement et en toute légitimité de sa liberté d'aller militer là où bon lui semble. C'est possible mais rare que l'on peut prendre « une conscience politique » en étant plus prés d'un cimetière ou en marge de l'évolution sociétale. Mais ces personnes, ayant raté le parcours du militant lorsque le militantisme ne payait pas plus qu'il ne faisait passionner l'aventure juvénile, cramponnent leur « conscience politique » tardive et ménopausée dans ce que peut rapporter une carte de militant. La proximité avec le pouvoir, la candidature électorale et au pire un strapontin dans les coulisses de la cour de la république. C'est pour cela qu'ils émettent leurs premières amours, toutes entières directement en direction de la chefferie du parti.
Les mouches vont changer de dos d'âne
C'est un principe mécanique provenant d'un instinct animal que de voir les mouches s'agglutinant sur un dos, changer de dos quand le premier dos est sans utilité. La masse compacte qui faisait l'essaim indissociable du maitre va se désagréger au profit d'un autre maitre des lieux. Pas de bâton mais beaucoup de carottes en mire. C'est une théorie que confirme une pratique longtemps usitée. A l'exception de quelque uns qui gardent tout de même un positionnement clair non pas face à une personne mais envers une idéologie, le reste du monde se laisse trainer par l'humeur de l'instant.
Pour les gens qui disent que le départ de Saidani « est une leçon de démocratie est un exemple de l'alternance au pouvoir » ils n'ont rien pour discourir sur ce ras-le-bol. Ils attendent, guettent, scrutent et calculent comment remonter sur le nouveau courant et comment profiter de cette « leçon de démocratie » qu'ils refusent toutefois qu'elle leur soit appliquée.
Il y aura parmi ceux-là mêmes qui jusqu'à hier adoraient à mourir Saadani beaucoup qui vont subitement, comme un coup de foudre porter tout leur amour à Ould Abbes. La veille l'on ne jurait que par sa tête, l'on s'égosillait à parfaire son image et argumenter tous ses dérapages. L'on a même, ailleurs brandi sa photo voulant ainsi exprimer son soutien indéfectible. Le mystère de la haute stratégie les a tous berné dans leur réalité illusoire. En cas de doute ; le ni avec, le ni contre est un équilibre difficile à tenir, pourtant il se pratique par toute cette faune d'opportunistes.
L'impératif retour aux origines
Cette énième alternative dans un climat houleux et néanmoins menaçant constitue une aubaine pour le raccommodage des affaires et la correction du discours éditorial du FLN. Si l'on parle de la nécessité d'un retour aux origines, l'on ne vise pas le retour des dinosaures, mais de ces valeurs perdues au gré des compromis et de la compromission. Il était dit dans la charte d'Alger qu' « il doit être un parti d'avant-garde profondément lié aux masses tirant toute sa force de cette liaison » Ses origines sont le peuple, cette grande masse, de pauvres, de fellahs, de travailleurs, de jeunes et d'étudiants et non pas une caste de nantis, de promoteurs immobiliers, d'import/export ou d'affairistes sans scrupules.
Le FLN était la révolution du premier Novembre. Il en est le dépositaire historique. Celle-ci s'était concrétisée par le peuple. Elle formait une résurgence inépuisable du sentiment nationaliste et un précieux expédient pour l'amour de la patrie. Voir des moudjahidine accusés de trahison, outragés en public n'est pas un acte responsable pour un individu se croyant responsable.
Pour des raisons de maintenance, de compétitivité politique, d'adaptation à de nouveaux concepts ; la légitimité historique n'a plus de sens de continuer à pourvoir le parti en combustibles. La démarche inévitable de l'alternance politique et de l'élan démocratique peut le placer aisément tout en conservant sa primauté dans l'échiquier politique national. Il a tout pour réussir finalement la difficile transition d'une histoire à un facteur de développement et de mobilisation. Il lui suffit de s'assumer dans la nouvelle exigence que recommande une vision stratégique pour le long terme. Dans cent ans, que sera-t-il ?
Un code moral s'impose, élu une fois pas plus !
Avec ou sans un secrétaire général qui aura le devoir moral de ne plus se faire aimer mais faire aimer le parti , le FLN est contraint à garantir sa pérennité et défendre ses nobles idéaux. Malheureusement ces derniers ont été travestis par l'apport massif de centralistes et de parlementaires n'ayant aucun souci quant à la promotion politique des masses. Fort encore de ses référentiels qui ont failli périr avec la gabegie vécue dernièrement , le parti peut à l'instar des grandes corporations de libération nationale se faire prendre par ses jeunes cadres.
L'assainissement commencera d'abord par la mise à l'écart de ces eternels candidats et dont les photos des dernières élections continuent à ce jour à ternir les murs des villages, des cages d'escaliers et des arcades d'avenues. Et si jamais ce code ou autres dispositions viennent à se mettre en évidence pour alterner les candidatures. Imposer à ses militants une discipline alternative aurait à crédibiliser davantage la notion du partage du pouvoir et donner accès à toutes les bonnes volontés de contribuer à l'effort politique sur, notamment la scène locale. Rien ne justifie qu'un individu puisse faire deux, trois mandats, parfois plus dans une même localité pour la simple raison dira-t-on que c'est un choix du peuple. C'est au parti de régenter ses troupes et d'offrir à la population des visages nouveaux qui ne soient pas sujet à anxiété ou nostalgie de la fonction élective. On connait des gens qui font de cette fonction un métier à défaut d'en avoir un. Ils sont de toutes les échéances. Ainsi on saura éviter à travers le menu proposé au vote l'indigence en termes de valeur politique. Et puis si l'on réservait la candidature parlementaire aux seuls militants ayant déjà jouit d'un mandat électif local ?
Membre du comité central, n'importe qui !
Dans le temps ce titre faisait peur. Maintenant il fait rire. Il n'est pas question de diplômes mais beaucoup de plus de punch, de gabarit, de personnalité et de l'éclat qui s'en dégage. C'est de cet abus du pouvoir tendant à designer directement les membres du comité central que le parti est rentré dans l'irréflexion et la banalisation de l'instance. Alors qu'a-t-on fait du principe qui s'est désacralisé du centralisme démocratique lequel requiert que tout doit provenir de la base ? « Faire venir quelqu'un de la rue et l'installer dans le fauteuil du CC est ridicule » dixit Abada. Eh oui ! L'on est censé avoir fait ses classes à la base, dans sa famille, dans son quartier, dans sa cité. Avoir été maire ou Mouhafedh dans une grande ville est toutefois une bonne référence politique pour pouvoir occuper un tel siège. Pourvu que l'on ne soit pas un « homme de cœur ». Alors qu'une bonne partie de cette conglomération centraliste n'avait même pas eu à connaitre le fonctionnement intérieur d'une cellule, d'une kasma , d'un bureau de mouhafadha ou d'une assemblée populaire, qu'elle croit apte à agir dans les cercles supérieurs de la conception politique partisane. 
 

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Juanita Castro, soeur de Fidel et agent de la CIA (Nouvel Obs.com)

Publié le par Charlotte Cieslinski

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Syrie: la Russie dit "non" à Hollande (Pars Today)

Publié le par Pars Today

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Israël dénonce la France après une décision sur les produits des colonies (AFP)

Publié le par AFP

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Fidel Castro meurt de sa belle mort : l’ultime pied-de-nez à 638 tentatives d’assassinat

Publié le par France Révolution

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Fidel Castro : un géant du XX ème siècle Un récit de José Fort Dans la chambre 212 de l’hôtel National à La Havane, Michael Mc Lanay, l’homme de main du chef de la mafia New-Yorkaise Meyer Lansky, s’inquiétait. Il était près de minuit ce 31 décembre 1958. Le gangster avait fait son tour de salle au Casino Parisien situé au rez-de-chaussée de l’établissement où les habitués de la haute société cubaine et nord-américaine ainsi que des diplomates et des touristes fortunés se pressaient autour des tables de jeux. Il s’étonnait d’une absence : celle de Santiago Rey Pernas, un ministre de Batista plein aux as, pour lequel un étage était aménagé avec roulette spéciale, filles et alcools à disposition. Michael Mc Lanay tenait de bonne source que les guérilleros conduits par Ernesto Che Guevara contrôlaient la ville de Santa Clara, les hommes de Fidel Castro encerclaient Santiago de Cuba, ceux de Camilo Cienfuegos s’approchaient de la capitale. Un employé de l’hôtel nettoyait sa chambre. « Dis-moi Jorge », lui dit Mc Lanay, « tu sais quelque chose » ? Jorge haussa les épaules, sans piper mot. Le gangster allait bientôt apprendre les raisons de l’absence du ministre, pourquoi serveurs et croupiers échangeaient des propos à voix basse. Un avion venait de décoller de l’aéroport Columbia dans la proche banlieue de la capitale avec à son bord Batista, sa famille, un groupe de ministres et d’officiers. Le dictateur s’enfuyait vers Saint Domingue avec des valises pleines de 45 millions de dollars. Quelques jours plus tard, les gangsters préparant leur départ convoquaient Jorge. « Nous avons mis le Casino et un compte de 250.000 dollars à ton nom. Garde-nous tout cela au chaud, nous reviendrons bientôt ». Mc Lanay ne savait pas que Jorge était le représentant du mouvement révolutionnaire à l’hôtel National. Il deviendra capitaine au Ministère cubain de l’Intérieur. La Havane vivait dans une frénésie de vie nocturne et de paillettes. Les cabarets faisaient le plein, on dépensait des fortunes à la roulette, 10.000 prostituées vantaient leurs charmes, les voitures de luxe sillonnaient la ville tandis qu’en province régnait la misère. Fidel Castro et ses compagnons préparaient leur entrée dans La Havane. Rarement un révolutionnaire, un homme d’Etat aura provoqué autant de réactions aussi passionnées que Fidel Castro. Certains l’ont adoré avant de le brûler sur la place publique, d’autres ont d’abord pris leurs distances avant de se rapprocher de ce personnage hors du commun. Fidel Castro n’a pas de pareil. Il était « Fidel » ou le « Comandante » pour les Cubains et les latino-américains, pas le « leader maximo », une formule ânonnée par les adeptes européo-étatsuniens du raccourci facile. Quoi qu’ils en disent, Fidel Castro restera un géant du XX ème siècle. Le jeune Fidel, fils d’un aisé propriétaire terrien, né il y a 81 ans à Biran dans la province de Holguin, n’affiche pas au départ le profil d’un futur révolutionnaire. Premières études chez les Jésuites, puis à l’université de La Havane d’où il sort diplômé en droit en 1950. Il milite dans des associations d’étudiants, tape dur lors des affrontements musclés avec la police dans les rues de la capitale, puis se présente aux élections parlementaires sous la casaque du Parti orthodoxe, une formation se voulant « incorruptible » et dont le chef, Chivas, se suicida en direct à la radio. Un compagnon de toujours de Fidel, Alfredo Guevara, fils d’immigrés andalous et légendaire inspirateur du cinéma cubain, dira de lui : « Ou c’est un nouveau José Marti (le héros de l’indépendance), ou ce sera le pire des gangsters ». Le coup d’Etat du général Fulgencio Batista renverse le gouvernement de Carlos Prio Socarras et annule les élections. Voici le jeune Castro organisant l’attaque armée de la caserne Moncada, le 26 juillet 1953. Un échec. Quatre-vingts combattants sont tués. Arrêté et condamné à 15 ans de prison, Fidel rédige « l’Histoire m’acquittera », un plaidoyer expliquant son action et se projetant sur l’avenir de son pays. Libéré en 1955, il s’exile avec son frère Raul au Mexique d’où il organise la résistance à Batista. Son groupe porte le nom « Mouvement du 26 juillet ». Plusieurs opposants à la dictature rejoignent Fidel. Parmi eux, un jeune médecin argentin, Ernesto Rafael Guevara de la Serna. Son père me dira plus tard : « Au début, mon fils le Che était plus marxiste que Fidel ». Fidel communiste ? Fidel agent du KGB ? Fidel Castro à cette époque se définit comme un adversaire acharné de la dictature, un adepte de la philosophie chère à Thomas Jefferson, principal auteur de la Déclaration d’indépendance des Etats-Unis, et adhère au projet de Lincoln de coopération entre le capital et le travail. Raul et plusieurs de ses compagnons sont nettement plus marqués à gauche. Le 2 décembre 1956, Fidel monte une expédition avec 82 autres exilés. Venant du Mexique à bord d’un bateau de plaisance, le « Granma », ils débarquent après une traversée mouvementée dans la Province Orientale (sud-est de Cuba). La troupe de Batista les y attend. Seuls 12 combattants (parmi lesquels Ernesto Che Guevara, Raul Castro, Camilo Cienfuegos et Fidel) survivent aux combats et se réfugient dans la Sierra Maestra. Commence alors une lutte de guérilla avec le soutien de la population. Fidel Castro apparaît au grand jour dans les journaux nord-américains et européens, accorde des interviews, pose pour les photographes, parle sur les radios. A Washington, on ne s’en émeut guère lassés des frasques d’un Batista peu présentable. Après l’entrée de Fidel dans La Havane, le 9 janvier 1959, on observe avec intérêt ce « petit bourgeois qui viendra à la soupe comme tout le monde », ricane-t-on au département d’Etat. Même le vice-président Nixon mandaté pour le recevoir afin de vérifier s’il est communiste soufflera à Eisenhower : « C’est un grand naïf, nous en ferons notre affaire ». Tant que Fidel ne s’attaque pas à leurs intérêts économiques, les dirigeants étasuniens ne s’alarment pas. Lorsque la révolution commence à exproprier des industries nord-américaines, la United Fruit par exemple, la donne change brutalement. Le premier attentat dans le port de La Havane, le 4 mars 1960, sonne le prélude à une longue liste d’actes terroristes : le cargo battant pavillon tricolore, La Coubre, qui avait chargé des munitions à Hambourg, Brème et Anvers explose dans le port de La Havane faisant plus de cent morts, dont six marins français. Ulcéré, le général de Gaulle donne l’ordre d’accélérer la livraison des locomotives commandées du temps de Batista. Elles font l’objet d’étranges tentatives de sabotage. Les dockers CGT du port du Havre surveilleront le matériel jusqu’au départ des navires. Une opération de grande envergure se préparait du côté de Miami : le débarquement de la Baie des Cochons. En avril 1961, au lendemain de l’annonce par Fidel de l’orientation socialiste de la révolution, le gouvernement des Etats-Unis missionne la CIA pour encadrer 1400 exilés cubains et mercenaires latino-américains en espérant, en vain, un soulèvement populaire. Fidel en personne dirige la contre-attaque. La tentative d’invasion se solde par un fiasco. Les Etats-Unis signent là leur déclaration de guerre à la révolution cubaine. Pendant des dizaines d’années, ils utiliseront toute la panoplie terroriste pour tenter d’assassiner Fidel, jusqu’à la combinaison de plongée sous-marine enduite de poison, faciliteront le débarquement de groupes armés, financeront et manipuleront les opposants, détruiront des usines, introduiront la peste porcine et des virus s’attaquant au tabac et à la canne à sucre. Ils organiseront l’asphyxie économique de l’île en décrétant un embargo toujours en vigueur. « El Caballo » (le cheval) comme l’appelaient parfois les gens du peuple, ce que Fidel n’appréciait pas, aura survécu à Eisenhower, Kennedy, Johnson, Nixon, Reagan, Ford et assisté aux départs à la retraite de Carter, Bush père et Clinton. Il dira de Bush fils « celui là, il finira très mal. » Tant d’années d’agressions, tant d’années de dénigrement et de coups tordus, tant d’années de résistance d’un petit pays de douze millions d’habitants face à la première puissance économique et militaire mondiale. Qui fait mieux ? Lorsqu’on évoque le manque de libertés à Cuba, ne faudrait-il pas d’abord se poser la question : un pays harcelé, étranglé, en guerre permanente, constitue-t-il le meilleur terreau pour favoriser l’épanouissement de la démocratie telle que nous la concevons en occident et que, à l’instar de George Bush, certains souhaiteraient calquer mécaniquement en d’autres endroits du monde, particulièrement dans le Tiers monde? Lorsque dans les salons douillets parisiens, on juge, tranche, condamne, sait-on au juste de quoi on parle ? La crise des fusées ? Lorsque l’URSS dirigée par Nikita Khrouchtchev décide en 1962 d’installer à Cuba des missiles afin, officiellement, de dissuader les Etats-Unis d’agresser l’île, la « patrie du socialisme » répond à une demande de Raul Castro mandaté par Fidel. La direction soviétique fournit déjà à Cuba le pétrole que lui refuse son proche voisin. Elle met deux fers au feu : dissuader les Etats-Unis d’agresser Cuba, afficher un clair avertissement à Washington sur l’air de « nous sommes désormais à proximité de vos côtes ». La tension atteint un point tel qu’un grave conflit mondial est évité de justesse. Les missiles soviétiques retirés, Fidel regrettera que le représentant de l’URSS à l’ONU n’ait pas reconnu la réalité des faits. « Il fallait dire la vérité », disait-il. Il fut bien obligé de se plier à la décision finale de Moscou même si dans les rues de La Havane des manifestants scandaient à l’adresse de Khrouchtchev : « Nikita, ce qui se donne ne se reprend pas. » Entre Moscou et La Havane, au-delà des rituels, les relations ont toujours été conflictuelles. Pas seulement, pure anecdote, parce que des « responsables » soviétiques ignorants faisaient livrer des chasse-neige à la place des tracteurs attendus. Les Soviétiques voyaient d’un mauvais œil le rôle croissant de Fidel dans le mouvement des non alignés, l’implication cubaine aux côtés des mouvements révolutionnaires latino-américains puis l’aide à l’Afrique. Ils ne supportaient pas la farouche volonté d’indépendance et de souveraineté de La Havane et ont été impliqués dans plusieurs tentatives dites « fractionnelles » reposant sur des prétendus « communiste purs et durs », en fait marionnettes de Moscou, pour tenter de déstabiliser Fidel. Une fois l’URSS disparue, les nouveaux dirigeants russes ont pratiqué avec le même cynisme abandonnant l’île, coupant du jour au lendemain les livraisons de pétrole et déchirant les contrats commerciaux. Quel autre pays aurait pu supporter la perte en quelques semaines de 85% de son commerce extérieur et de 80% de ses capacités d’achat ? L’Espagne, ancienne puissance coloniale, a laissé à Cuba un héritage culturel, les Etats-Unis son influence historique et ses détonants goûts culinaires comme le mélange de fromage et de confiture. Mais la Russie ? Rien, même pas le nom d’un plat ou d’un cocktail. L’exportation de la révolution ? Fidel n’a jamais utilisé le mot « exportation ». Ernesto Che Guevara, non plus. Ils préféraient évoquer la « solidarité » avec ceux qui se levaient contre les régimes dictatoriaux, créatures des gouvernements nord-américains. Doit-on reprocher ou remercier Fidel d’avoir accueilli les réfugiés fuyant les dictatures du Chili et d’Argentine, de Haïti et de Bolivie, d’avoir ouvert les écoles, les centres de santé aux enfants des parias de toute l’Amérique latine et, plus tard, aux enfants contaminés de Tchernobyl ? Doit-on lui reprocher ou le remercier d’avoir soutenu les insurrections armées au Nicaragua, au Salvador et d’avoir sauvé, face à l’indifférence des dirigeants soviétiques, l’Angola fraîchement indépendante encerclée par les mercenaires blancs sud-africains fuyant, effrayés, la puissance de feu et le courage des soldats cubains, noirs pour la plupart ? Dans la mémoire de millions d’hommes et de femmes d’Amérique latine et du Tiers monde, Fidel et le Che sont et resteront des héros des temps modernes. Les libertés ? Fidel, un tyran sanguinaire ? Il y eut d’abord l’expulsion des curés espagnols qui priaient le dimanche à la gloire de Franco. Complice de Batista, l’église catholique cubaine était et demeure la plus faible d’Amérique latine alors que la « santeria », survivance des croyances, des divinités des esclaves africains sur lesquels est venue se greffer la religion catholique, rassemble un grand nombre de noirs cubains. Les relations avec l’Eglise catholique furent complexes durant ces longues années jusqu’au séjour de Jean Paul II en 1998 annoncée trop rapidement comme l’extrême onction de la révolution. Ce n’est pas à Cuba que des évêques et des prêtres ont été assassinés, mais au Brésil, en Argentine, au Salvador, au Guatemala et au Mexique. Il y eut la fuite de la grande bourgeoisie, des officiers, des policiers qui formèrent, dès la première heure, l’ossature de la contre révolution encadrée et financée par la CIA. Il y eut ensuite les départs d’hommes et de femmes ne supportant pas les restrictions matérielles. Il y eut l’insupportable marginalisation des homosexuels. Il y eut les milliers de balseros qui croyaient pouvoir trouver à Miami la terre de toutes les illusions. Il y eut la froide exécution du général Ochoa étrangement tombé dans le trafic de drogue. Il y eut aussi ceux qui refusaient la pensée unique, la censure édictée par la Révolution comme « un acte de guerre en période de guerre », les contrôles irritants, la surveillance policière. Qu’il est dur de vivre le rationnement et les excès dits « révolutionnaires ». Excès? Je l’ai vécu, lorsque correspondant de « l’Humanité » à La Havane, l’écrivain Lisandro Otero, alors chef de la section chargée de la presse internationale au Ministère des Affaires étrangères, monta une cabale de pur jus stalinien pour tenter de me faire expulser du pays. Ceux qui osent émettre une version différente d’un « goulag tropical » seraient soit des « agents à la solde de La Havane », soit victimes de cécité. Que la révolution ait commis des erreurs, des stupidités, des crimes parfois n’est pas contestable. Mais comment, dans une situation de tension extrême, écarter les dérives autoritaires? A Cuba, la torture n’a jamais été utilisée, comme le reconnaît Amnesty international. On tranchait les mains des poètes à Santiago du Chili, pas à la Havane. Les prisonniers étaient largués en mer depuis des hélicoptères en Argentine, pas à Cuba. Il n’y a jamais eu des dizaines de milliers de détenus politiques dans l’île mais un nombre trop important qui ont dû subir pour certains des violences inadmissibles. Mais n’est-ce pas curieux que tous les prisonniers sortant des geôles cubaines aient été libérés dans une bonne condition physique ? Voici un pays du Tiers monde où l’espérance de vie s’élève à 75 ans, où tous les enfants sont scolarisés et soignés gratuitement. Un petit pays par la taille capable de produire des universitaires de talent, des médecins et des chercheurs parmi les meilleurs au monde, des sportifs raflant les médailles d’or, des artistes, des créateurs. Où, dans cette région du monde, peut-on présenter un tel bilan ? Fidel aura tout vécu. La prison, la guérilla, l’enthousiasme révolutionnaire du début, la défense contre les agressions, l’aide internationaliste, l’abandon de l’URSS, une situation économique catastrophique lors de la « période spéciale », les effets de la mondialisation favorisant l’explosion du système D. Il aura (difficilement) accepté l’adaptation économique avec un tourisme de masse entraînant la dollarisation des esprits parmi la population au contact direct des visages pâles à la recherche de soleil, de mojito, de filles où de garçons. Comment ne pas comprendre les jeunes cubains, alléchés par l’écu ou le dollar, et regardant avec envie les visiteurs aisés venus de l’étranger ? Il aura, enfin, très mal supporté le retour de la prostitution même si dans n’importe quelle bourgade latino-américaine on trouve plus de prostituées que dans la 5 eme avenue de La Havane. Alors, demain quoi ? Fidel mort, la révolution va-t-elle s’éteindre ? Il ne se passera pas à Cuba ce qui s’est produit en Europe de l’Est car la soif d’indépendance et de souveraineté n’est pas tarie. Les adversaires de la révolution cubaine ne devraient pas prendre leurs désirs pour la réalité. Il y a dans cette île des millions d’hommes et de femmes – y compris de l’opposition – prêts à prendre les armes et à en découdre pour défendre la patrie. Fidel avait prévenu en déclarant : « Nous ne commettrons pas l’erreur de ne pas armer le peuple. » Le souvenir de la colonisation, malgré le fil du temps, reste dans tous les esprits, les progrès sociaux enregistrés, au-delà des difficultés de la vie quotidienne, constituent désormais des acquis. Il y a plus. La révolution a accouché d’une nouvelle génération d’hommes et de femmes refusant le retour au passé, des cadres « moyens » de trente à quarante ans très performants en province, des jeunes dirigeants nationaux aux talents confirmés. Une nouvelle époque va s’ouvrir et elle disposera d’atouts que Fidel n’avait pas. L’Amérique latine, ancienne arrière cour des Etats-Unis, choisit des chemins progressistes de développement, l’intégration régionale est en marche, les échanges économiques permettent le transfert de savoir faire contre des matières stratégiques, comme le pétrole avec le Venezuela notamment, le prestige de la révolution cubaine demeure intacte auprès des peuples latino-américains. Cuba, enfin, peut respirer. Il n’y aura pas de rupture à Cuba. Il y aura évolution. Obligatoire. Pour qu’elle puisse s’effectuer dans les meilleures conditions, il faudra que les vieux commandants de la Révolution rangent leurs treillis vert olive, prennent leur retraite et passent la main. Les atlantes du futur, de plus en plus métissés, sont prêts. Ne sont-ils pas les enfants de Fidel ? José Fort

Publié le par José Fort

Cet article est reposté depuis Le blog de José Fort.

Fidel Castro : un géant du XX ème siècle  Un récit de José Fort  Dans la chambre 212 de l’hôtel National à La Havane, Michael Mc Lanay, l’homme de main du chef de la mafia New-Yorkaise Meyer Lansky, s’inquiétait. Il était près de minuit ce 31 décembre 1958. Le gangster avait fait son tour de salle au Casino Parisien situé au rez-de-chaussée de l’établissement où les habitués de la haute société cubaine et nord-américaine ainsi que des diplomates et des touristes fortunés se pressaient autour des tables de jeux. Il s’étonnait d’une absence : celle de Santiago Rey Pernas, un ministre de Batista plein aux as, pour lequel un étage était aménagé avec roulette spéciale, filles et alcools à disposition. Michael Mc Lanay tenait de bonne source que les guérilleros conduits par Ernesto Che Guevara contrôlaient la ville de Santa Clara, les hommes de Fidel Castro encerclaient Santiago de Cuba, ceux de Camilo Cienfuegos s’approchaient de la capitale. Un employé de l’hôtel nettoyait sa chambre. «  Dis-moi Jorge », lui dit Mc Lanay, « tu sais quelque chose » ?  Jorge haussa les épaules, sans piper mot. Le gangster allait bientôt apprendre les raisons de l’absence du ministre, pourquoi serveurs et croupiers échangeaient des propos à voix basse. Un avion venait de décoller de l’aéroport Columbia dans la proche banlieue de la capitale avec à son bord Batista, sa famille, un groupe de ministres et d’officiers. Le dictateur s’enfuyait vers Saint Domingue avec des valises pleines de 45 millions de dollars.  Quelques jours plus tard, les gangsters préparant leur départ convoquaient Jorge. « Nous avons mis le Casino et un compte de 250.000 dollars à ton nom. Garde-nous tout cela au chaud, nous reviendrons bientôt ». Mc Lanay ne savait pas que Jorge était le représentant du mouvement révolutionnaire à l’hôtel National. Il deviendra capitaine au Ministère cubain de l’Intérieur. La Havane vivait dans une frénésie de vie nocturne et de paillettes. Les cabarets faisaient le plein, on dépensait des fortunes à la roulette, 10.000 prostituées vantaient leurs charmes, les voitures de luxe sillonnaient la ville tandis qu’en province régnait la misère. Fidel Castro et ses compagnons préparaient leur entrée dans La Havane.  Rarement un révolutionnaire, un homme d’Etat aura provoqué autant de réactions aussi passionnées que Fidel Castro. Certains l’ont adoré avant de le brûler sur la place publique, d’autres ont d’abord pris leurs distances avant de se rapprocher de ce personnage hors du commun. Fidel Castro n’a pas de pareil. Il était « Fidel » ou le « Comandante » pour les Cubains et les latino-américains, pas le « leader maximo », une formule ânonnée par les adeptes européo-étatsuniens du raccourci facile. Quoi qu’ils en disent, Fidel Castro restera un géant du XX ème siècle.  Le jeune Fidel, fils d’un aisé propriétaire terrien, né il y a 81 ans à Biran dans la province de Holguin, n’affiche pas au départ le profil d’un futur révolutionnaire. Premières études chez les Jésuites, puis à l’université de La Havane d’où il sort diplômé en droit en 1950. Il milite dans des associations d’étudiants, tape dur lors des affrontements musclés avec la police dans les rues de la capitale, puis se présente aux élections parlementaires sous la casaque du Parti orthodoxe, une formation se voulant « incorruptible » et dont le chef, Chivas, se suicida en direct à la radio. Un compagnon de toujours de Fidel, Alfredo Guevara, fils d’immigrés andalous et légendaire inspirateur du cinéma cubain, dira de lui : « Ou c’est un nouveau José Marti (le héros de l’indépendance), ou ce sera le pire des gangsters ».   Le coup d’Etat du général Fulgencio Batista renverse le gouvernement de Carlos Prio Socarras et annule les élections. Voici le jeune Castro organisant l’attaque armée de la caserne Moncada, le 26 juillet 1953. Un échec. Quatre-vingts combattants sont tués. Arrêté et condamné à 15 ans de prison, Fidel rédige « l’Histoire m’acquittera », un plaidoyer expliquant son action et se projetant sur l’avenir de son pays. Libéré en 1955, il s’exile avec son frère Raul au Mexique d’où il organise la résistance à Batista. Son groupe porte le nom « Mouvement du 26 juillet ». Plusieurs opposants à la dictature rejoignent Fidel. Parmi eux, un jeune médecin argentin, Ernesto Rafael Guevara de la Serna. Son père me dira plus tard : « Au début, mon fils le Che était plus marxiste que Fidel ».  Fidel communiste ? Fidel agent du KGB ? Fidel Castro à cette époque se définit comme un adversaire acharné de la dictature, un adepte de la philosophie chère à Thomas Jefferson, principal auteur de la Déclaration d’indépendance des Etats-Unis, et adhère au projet de Lincoln de coopération entre le capital et le travail. Raul et plusieurs de ses compagnons sont nettement plus marqués à gauche.  Le 2 décembre 1956, Fidel monte une expédition avec 82 autres exilés. Venant du Mexique à bord d’un bateau  de plaisance, le « Granma », ils débarquent après une traversée mouvementée dans la Province Orientale (sud-est de Cuba). La troupe de Batista les y attend. Seuls 12 combattants (parmi lesquels Ernesto Che Guevara, Raul Castro, Camilo Cienfuegos et Fidel) survivent aux combats et se réfugient dans la Sierra Maestra. Commence alors une lutte de guérilla avec le soutien de la population. Fidel Castro apparaît au grand jour dans les journaux nord-américains et européens, accorde des interviews, pose pour les photographes, parle sur les radios. A Washington, on ne s’en émeut guère lassés des frasques d’un Batista peu présentable. Après l’entrée de Fidel dans La Havane, le 9 janvier 1959, on observe avec intérêt ce « petit bourgeois qui viendra à la soupe comme tout le monde », ricane-t-on au département d’Etat. Même le vice-président Nixon mandaté pour le recevoir afin de vérifier s’il est communiste soufflera à Eisenhower : « C’est un grand naïf, nous en ferons notre affaire ».  Tant que Fidel ne s’attaque pas à leurs intérêts économiques, les dirigeants étasuniens ne s’alarment pas. Lorsque la révolution commence à exproprier des industries nord-américaines, la United Fruit par exemple, la donne change brutalement.  Le premier attentat dans le port de La Havane, le 4 mars 1960, sonne le prélude à une longue liste d’actes terroristes : le cargo battant pavillon tricolore, La Coubre, qui avait chargé des munitions à Hambourg, Brème et Anvers explose dans le port de La Havane faisant plus de cent morts, dont six marins français. Ulcéré, le général de Gaulle donne l’ordre d’accélérer la livraison des locomotives commandées du temps de Batista. Elles font l’objet d’étranges tentatives de sabotage. Les dockers CGT du port du Havre surveilleront le matériel jusqu’au départ des navires.  Une opération de grande envergure se préparait du côté de Miami : le débarquement de la Baie des Cochons. En avril 1961, au lendemain de l’annonce par Fidel de l’orientation socialiste de la révolution, le gouvernement des Etats-Unis missionne la CIA pour encadrer 1400 exilés cubains et mercenaires latino-américains en espérant, en vain, un soulèvement populaire. Fidel en personne dirige la contre-attaque. La tentative d’invasion se solde par un fiasco. Les Etats-Unis signent là leur déclaration de guerre à la révolution cubaine. Pendant des dizaines d’années, ils utiliseront toute la panoplie terroriste pour tenter d’assassiner Fidel, jusqu’à la combinaison de plongée sous-marine enduite de poison, faciliteront le débarquement de groupes armés, financeront et manipuleront les opposants, détruiront des usines, introduiront la peste porcine et des virus s’attaquant au tabac et à la canne à sucre. Ils organiseront l’asphyxie économique de l’île en décrétant un embargo toujours en vigueur. « El Caballo » (le cheval) comme l’appelaient parfois les gens du peuple, ce que Fidel n’appréciait pas, aura survécu à Eisenhower, Kennedy, Johnson, Nixon, Reagan, Ford et assisté aux départs à la retraite de Carter, Bush père et Clinton. Il dira de Bush fils « celui là, il finira très mal. »    Tant d’années d’agressions, tant d’années de dénigrement et de coups tordus, tant d’années de résistance d’un petit pays de douze millions d’habitants face à la première puissance économique et militaire mondiale. Qui fait mieux ? Lorsqu’on évoque le manque de libertés à Cuba, ne faudrait-il pas d’abord se poser la question : un pays harcelé, étranglé, en guerre permanente, constitue-t-il le meilleur terreau pour favoriser l’épanouissement de la démocratie telle que nous la concevons en occident et que, à l’instar de George Bush, certains souhaiteraient calquer mécaniquement en d’autres endroits du monde, particulièrement dans le Tiers monde? Lorsque dans les salons douillets parisiens, on juge, tranche, condamne, sait-on au juste de quoi on parle ?   La crise des fusées ? Lorsque l’URSS dirigée par Nikita Khrouchtchev décide en 1962 d’installer à Cuba des missiles afin, officiellement, de dissuader les Etats-Unis d’agresser l’île, la « patrie du socialisme » répond à une demande de Raul Castro mandaté par Fidel. La direction soviétique fournit déjà à Cuba le pétrole que lui refuse son proche voisin. Elle met deux fers au feu : dissuader les Etats-Unis d’agresser Cuba, afficher un clair avertissement à Washington sur l’air de « nous sommes désormais à proximité de vos côtes ». La tension atteint un point tel qu’un grave conflit mondial est évité de justesse. Les missiles soviétiques retirés, Fidel regrettera que le représentant de l’URSS à l’ONU n’ait pas reconnu la réalité des faits. « Il fallait dire la vérité », disait-il. Il fut bien obligé de se plier à la décision finale de Moscou même si dans les rues de La Havane des manifestants scandaient à l’adresse de Khrouchtchev : « Nikita, ce qui se donne ne se reprend pas. » Entre Moscou et La Havane, au-delà des rituels, les relations ont toujours été conflictuelles. Pas seulement, pure anecdote, parce que des « responsables » soviétiques ignorants faisaient livrer des chasse-neige à la place des tracteurs attendus. Les Soviétiques voyaient d’un mauvais œil le rôle croissant de Fidel dans le mouvement des non alignés, l’implication cubaine aux côtés des mouvements révolutionnaires latino-américains puis l’aide à l’Afrique. Ils ne supportaient pas la farouche volonté d’indépendance et de souveraineté de La Havane et ont été impliqués dans plusieurs tentatives dites « fractionnelles » reposant sur des prétendus « communiste purs et durs », en fait marionnettes de  Moscou, pour tenter de déstabiliser Fidel. Une fois l’URSS disparue, les nouveaux dirigeants russes ont pratiqué avec le même cynisme abandonnant l’île, coupant du jour au lendemain les livraisons de pétrole et déchirant les contrats commerciaux. Quel autre pays aurait pu supporter la perte en quelques semaines de 85% de son commerce extérieur et de 80% de ses capacités d’achat ?  L’Espagne, ancienne puissance coloniale, a laissé à Cuba un héritage culturel, les Etats-Unis son influence historique et ses détonants goûts culinaires comme le mélange de fromage et de confiture. Mais la Russie ? Rien, même pas le nom d’un plat ou d’un cocktail.   L’exportation de la révolution ?  Fidel n’a jamais utilisé le mot « exportation ». Ernesto Che Guevara, non plus. Ils préféraient évoquer la « solidarité » avec ceux qui se levaient contre les régimes dictatoriaux, créatures des gouvernements nord-américains. Doit-on reprocher ou remercier Fidel d’avoir accueilli les réfugiés fuyant les dictatures du Chili et d’Argentine, de Haïti et de Bolivie, d’avoir ouvert les écoles, les centres de santé aux enfants des parias de toute l’Amérique latine et, plus tard, aux enfants contaminés de Tchernobyl ? Doit-on lui reprocher ou le remercier d’avoir soutenu les insurrections armées au Nicaragua, au Salvador et d’avoir sauvé, face à l’indifférence des dirigeants soviétiques, l’Angola fraîchement indépendante encerclée par les mercenaires blancs sud-africains fuyant, effrayés,  la puissance de feu et le courage des soldats cubains, noirs pour la plupart ? Dans la mémoire de millions d’hommes et de femmes d’Amérique latine et du Tiers monde, Fidel et le Che sont et resteront des héros des temps modernes.  Les libertés ? Fidel, un tyran sanguinaire ? Il y eut d’abord l’expulsion des curés espagnols qui priaient le dimanche à la gloire de Franco. Complice de Batista, l’église catholique cubaine était et demeure la plus faible d’Amérique latine alors que la « santeria », survivance des croyances, des divinités des esclaves africains sur lesquels est venue se greffer la religion catholique, rassemble un grand nombre de noirs cubains. Les relations avec l’Eglise catholique furent complexes durant ces longues années jusqu’au séjour de Jean Paul II en 1998 annoncée trop rapidement comme l’extrême onction de la révolution. Ce n’est pas à Cuba que des évêques et des prêtres ont été assassinés, mais au Brésil, en Argentine, au Salvador, au Guatemala et au Mexique. Il y eut la fuite de la grande bourgeoisie, des officiers, des policiers qui  formèrent, dès la première heure, l’ossature de la contre révolution encadrée et financée par la CIA. Il y eut ensuite les départs d’hommes et de femmes ne supportant pas les restrictions matérielles. Il y  eut l’insupportable marginalisation des homosexuels. Il y eut les milliers de balseros qui croyaient pouvoir trouver à Miami la terre de toutes les illusions. Il y eut la froide exécution du général Ochoa étrangement tombé dans le trafic de drogue. Il y eut aussi ceux qui refusaient la pensée unique, la censure édictée par la Révolution comme « un acte de guerre en période de guerre », les contrôles irritants, la surveillance policière. Qu’il est dur de vivre le rationnement et les excès dits « révolutionnaires ». Excès? Je l’ai vécu, lorsque correspondant de « l’Humanité » à La Havane, l’écrivain Lisandro Otero, alors chef de la section chargée de la presse internationale au Ministère des Affaires étrangères, monta une cabale de pur jus stalinien pour tenter de me faire expulser du pays.    Ceux qui osent émettre une version différente d’un « goulag tropical » seraient soit des « agents à la solde de La Havane », soit victimes de cécité. Que la révolution ait commis des erreurs, des stupidités, des crimes parfois n’est pas contestable. Mais comment, dans une situation de tension extrême, écarter les dérives autoritaires?   A Cuba, la torture n’a jamais été utilisée, comme le reconnaît Amnesty international. On tranchait les mains des poètes à Santiago du Chili, pas à la Havane. Les prisonniers étaient largués en mer depuis des hélicoptères en Argentine, pas à Cuba. Il  n’y a jamais eu des dizaines de milliers de détenus politiques dans l’île mais un nombre trop important qui ont dû subir pour certains des violences inadmissibles. Mais n’est-ce pas curieux que tous les prisonniers sortant  des geôles cubaines aient été libérés dans une bonne condition physique ? Voici un pays du Tiers monde où l’espérance de vie s’élève à 75 ans, où tous les enfants sont scolarisés et soignés gratuitement. Un petit pays par la taille capable de produire des universitaires de talent, des médecins et des chercheurs parmi les meilleurs au monde, des sportifs raflant les médailles d’or, des artistes, des créateurs.  Où, dans cette région du monde, peut-on présenter un tel bilan ?  Fidel aura tout vécu. La prison, la guérilla, l’enthousiasme révolutionnaire du début, la défense contre les agressions, l’aide internationaliste, l’abandon de l’URSS, une situation économique catastrophique lors de la « période spéciale », les effets de la mondialisation favorisant l’explosion du système D. Il aura (difficilement) accepté l’adaptation économique avec un tourisme de masse entraînant la dollarisation des esprits parmi la population au contact direct des visages pâles à la recherche de soleil, de mojito, de filles où de garçons. Comment ne pas comprendre les jeunes cubains, alléchés par l’écu ou le dollar, et regardant avec envie les visiteurs aisés venus de l’étranger ? Il aura, enfin, très mal supporté  le retour de la prostitution même si dans n’importe quelle bourgade latino-américaine on trouve plus de prostituées que dans  la 5 eme avenue de La Havane. Alors, demain quoi ?  Fidel mort, la révolution va-t-elle s’éteindre ? Il ne se passera pas à Cuba ce qui s’est produit en Europe de l’Est car la soif d’indépendance et de souveraineté n’est pas tarie. Les adversaires de la révolution cubaine ne devraient pas prendre leurs désirs pour la réalité. Il y a dans cette île des millions d’hommes et de femmes – y compris de l’opposition – prêts à prendre les armes et à en découdre pour défendre la patrie. Fidel avait prévenu en déclarant : « Nous ne commettrons pas l’erreur de ne pas armer le peuple. » Le souvenir de la colonisation, malgré le fil du temps, reste dans tous les esprits, les progrès sociaux enregistrés, au-delà des difficultés de la vie quotidienne, constituent désormais des acquis. Il y a plus. La révolution a accouché d’une nouvelle génération d’hommes et de femmes refusant le retour au passé, des cadres « moyens » de trente à quarante ans très performants en province, des jeunes dirigeants nationaux aux talents confirmés. Une nouvelle époque va s’ouvrir et elle disposera d’atouts que Fidel n’avait pas. L’Amérique latine, ancienne arrière cour des Etats-Unis, choisit des chemins progressistes de développement, l’intégration régionale est en marche, les échanges économiques permettent le transfert de savoir faire contre des matières stratégiques, comme le pétrole avec le Venezuela notamment, le prestige de la révolution cubaine demeure intacte auprès des peuples latino-américains. Cuba, enfin, peut respirer. Il n’y aura pas de rupture à Cuba. Il y aura évolution. Obligatoire. Pour qu’elle puisse s’effectuer dans les meilleures conditions, il faudra que les vieux commandants de la Révolution rangent leurs treillis vert olive, prennent leur retraite et passent la main. Les atlantes du futur, de plus en plus métissés, sont prêts. Ne sont-ils pas les enfants de Fidel ?   José Fort
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Fidel n’est pas mort

Publié le par S. Sellami

Fidel n'est pas mort ! Hasta siempre Fidel.

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CENSURE FRANCAISE: "On ne pouvait pas laisser les cles du Memorial à un colloque suspecté de defendre les positions de Bachar el-Assad"... a declare à l’AFP Stephane Grimaldi, le directeur du Memorial de Caen.

Publié le par Jean Lévy

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Etudiants, retraités et femmes seules avec enfants seraient victimes des « migrants » : les gros mensonges du FN.PAR NOLWENN WEILER 25 NOVEMBRE 2016

Publié le par S. Sellami

Qui sont donc Sandra, Pierre et Julie ? Si l’on en croit les nouvelles affiches signées « Les jeunes avec Marine », ce sont des citoyens français – une mère célibataire sans domicile, un agriculteur à la retraite, et une étudiante – lésés par les migrants, ou par les politiques sociales qui favoriseraient les immigrés aux dépens des Français. Ceux-ci leur prendraient le logement auxquels ils ont droit ou percevraient davantage d’aides sociales, tel est le message distillé. Sauf que les problèmes que ces Français rencontrent n’ont rien à voir avec l’immigration, loin de là. Et les arguments du FN ignorent totalement les véritables solutions pour sortir les jeunes et moins jeunes de la précarité.

Intox n°1- Les migrants prendraient les logements des étudiants

Depuis le 19 octobre dernier, soit quelques jours avant que ne commence le démantèlement de la jungle de Calais, 80 migrants sont logés dans une cité universitaire de la métropole lilloise. Originaires du Soudan, d’Albanie, de Syrie ou d’Irak – où leurs vies étaient menacées – ces personnes, inscrites à l’université, ont emménagé dans des chambres inoccupées situées dans un bâtiment destiné à être démoli.

« Les trois campus de Lille totalisent 60 000 étudiants ; pour 9500 chambres universitaires », informe Dylan Lecocq, de la Fédération des étudiants en résidence universitaire de Lille (ferul). Des milliers de demandes sont en attente. « Si l’on manque de logements étudiants en France, c’est parce que les dotations de l’État accordées aux Crous (centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, qui gèrent les restaurants et cités universitaires, ndlr) ne cessent de diminuer », précise Dylan Lecocq. L’année dernière, la Fédération des associations générales étudiantes (Fage) s’est indignée de la forte diminution des crédits alloués aux Crous dans le projet de loi de Finances pour l’année 2016 : 50 millions d’euros en moins pour la vie étudiante, alors que le nombre d’étudiants ne cesse d’augmenter.

« Ajoutons que, à Lille, 50% du parc est insalubre et en attente de rénovation, glisse Dylan Lecocq. Aux cafards s’ajoutent de solides problèmes d’isolation ou de chauffage, et la vétusté des sanitaires. Certains de ces bâtiments sont exécrables, et destinés à la démolition. » C’est dans l’un de ces bâtiments que sont logés les migrants incriminés par le FN depuis la mi-octobre. « Les Crous font ce qu’ils peuvent avec les moyens qu’ils ont, précise Fabio Cioni, membre du bureau du syndicat étudiant Unef à Lille. L’État n’arrête pas de diminuer les budgets alors qu’il devrait investir massivement dans les Crous, de façon à résoudre cette grave question de la pénurie de logements étudiants. Un étudiant sur dix est logé en cité universitaire, alors qu’un étudiant sur deux travaille. »

Il y a 150 000 chambres universitaires en France pour 1,2 million d’étudiants. La grande majorité doit se loger dans le parc privé. Résultat ? « Les étudiants sont de plus en plus nombreux à être en grande précarité pédagogique du fait du poids du logement sur leur budget : en moyenne 50% », estime Fabio Cioni. Ce qui n’empêche pas des associations d’étudiants d’aider les migrants à passer leurs diplômes en France plutôt que de distiller des mensonges.

Intox n° 2 - Un demandeur d’asile serait mieux aidé qu’un agriculteur retraité

Depuis le 19 octobre dernier, soit quelques jours avant que ne commence le démantèlement de la jungle de Calais, 80 migrants sont logés dans une cité universitaire de la métropole lilloise. Originaires du Soudan, d’Albanie, de Syrie ou d’Irak – où leurs vies étaient menacées – ces personnes, inscrites à l’université, ont emménagé dans des chambres inoccupées situées dans un bâtiment destiné à être démoli.

« Les trois campus de Lille totalisent 60 000 étudiants ; pour 9500 chambres universitaires », informe Dylan Lecocq, de la Fédération des étudiants en résidence universitaire de Lille (ferul). Des milliers de demandes sont en attente. « Si l’on manque de logements étudiants en France, c’est parce que les dotations de l’État accordées aux Crous (centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, qui gèrent les restaurants et cités universitaires, ndlr) ne cessent de diminuer », précise Dylan Lecocq. L’année dernière, la Fédération des associations générales étudiantes (Fage) s’est indignée de la forte diminution des crédits alloués aux Crous dans le projet de loi de Finances pour l’année 2016 : 50 millions d’euros en moins pour la vie étudiante, alors que le nombre d’étudiants ne cesse d’augmenter.

« Ajoutons que, à Lille, 50% du parc est insalubre et en attente de rénovation, glisse Dylan Lecocq. Aux cafards s’ajoutent de solides problèmes d’isolation ou de chauffage, et la vétusté des sanitaires. Certains de ces bâtiments sont exécrables, et destinés à la démolition. » C’est dans l’un de ces bâtiments que sont logés les migrants incriminés par le FN depuis la mi-octobre. « Les Crous font ce qu’ils peuvent avec les moyens qu’ils ont, précise Fabio Cioni, membre du bureau du syndicat étudiant Unef à Lille. L’État n’arrête pas de diminuer les budgets alors qu’il devrait investir massivement dans les Crous, de façon à résoudre cette grave question de la pénurie de logements étudiants. Un étudiant sur dix est logé en cité universitaire, alors qu’un étudiant sur deux travaille. »

Il y a 150 000 chambres universitaires en France pour 1,2 million d’étudiants. La grande majorité doit se loger dans le parc privé. Résultat ? « Les étudiants sont de plus en plus nombreux à être en grande précarité pédagogique du fait du poids du logement sur leur budget : en moyenne 50% », estime Fabio Cioni. Ce qui n’empêche pas des associations d’étudiants d’aider les migrants à passer leurs diplômes en France plutôt que de distiller des mensonges.

Intox n° 2 - Un demandeur d’asile serait mieux aidé qu’un agriculteur retraité

En France, les agriculteurs à la retraite touchent en moyenne 740 euros par mois, largement en dessous du seuil de pauvreté situé à 1 000 euros par mois. S’ils ont plus de 65 ans, les agriculteurs peuvent demander un complément de revenu via l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), qui permet de percevoir jusqu’à 800 euros par mois pour une personne seule et 1 242 euros pour un couple.

Les agriculteurs sont de plus en plus nombreux à être en grandes difficultés : ils étaient 40 000 à toucher le RSA en juin 2015, soit près de 10% de la population agricole (hors salariés) ! En cause : les prix, trop faibles, payés par les industries agro-alimentaires.« Pour que je puisse simplement payer mes emprunts et assurer le coût de fonctionnement de la ferme, sans même me payer, il faudrait que le cochon soit vendu 1,65 euro le kilo. En ce moment, il se vend environ 1,10 euro ! », soulignait un éleveur que Basta ! a rencontré en début d’année (voir l’article ici). Un autre vendait sa tonne de litre de lait 270 euros, au lieu des 388 euros nécessaires pour faire tourner son exploitation.

Les agriculteurs critiquent aussi les banques qui leur accordent souvent des prêts à des taux très élevés. Aux difficultés de trésorerie s’ajoutent l’isolement – les exploitants sont souvent seuls sur d’immenses surfaces agricoles – et un manque de reconnaissance. Le tout avec de rudes journées de travail. Chaque année, près de 500 agriculteurs se suicident et 10 000 cessent leur activité. Les demandeurs d’asile n’y sont évidemment pour rien.

En France, ces derniers ne peuvent pas travailler tant que le statut officiel de réfugié, délivré par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) selon des critères de plus en plus stricts, ne leur a pas été accordé. En attendant, ils reçoivent l’allocation pour demandeur d’asile : de 200 à 340 euros par mois selon qu’ils sont logés, ou non, dans un centre d’accueil de demandeurs d’asile (Cada).

Plutôt que de stigmatiser les étrangers, de nombreux agriculteurs inventent de véritables solutions face à la crise qui frappe les campagnes. Certains s’organisent en coopérative, comme dans l’Aubrac, pour mieux rémunérer les éleveurs. D’autres choisissent l’élevage bio et non industriel, comme cette famille installée en Auvergne.

Les difficultés qu’ils rencontrent ne les empêchent pas de faire preuve de solidarité. Les agriculteurs membres du réseau Accueil paysan ouvrent leurs fermes aux personnes défavorisées : jeunes maltraités, enfants et adultes handicapés (lire ici). Cédric Herrou, agriculteur à Breil-sur-Roya (Alpes-Maritimes), risque lui la prison pour avoir recueilli bénévolement des migrants, mal équipés pour la marche et le froid, qui tentaient de franchir la frontière escarpée entre la France et l’Italie (lire ici). Des engagements bien plus utiles que les diatribes des « jeunes avec Marine ».

Intox n° 3 - Les immigrés s’accapareraient les logements sociaux

En France, 3,5 millions de personnes sont mal logées. Parmi elles, 900 000 sont privées de logement personnel, selon la Fondation Abbé Pierre [1]. Elles vivent dans des hôtels, des habitations de fortune ou à la rue. Cette précarité frappe d’abord les familles monoparentales, dont un tiers vit en dessous du seuil de pauvreté. Telle la « Sandra » imaginée par le FN, qui « dort dans sa voiture ».

Il est cependant trompeur de sous-entendre qu’il n’existe aucune solution pour les femmes seules avec enfants. Elles peuvent bénéficier des solutions d’urgence : centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) ou centres d’hébergement d’urgence (CHU). Il y a aussi des dispositifs spécifiques : chaque département doit disposer de structures d’accueil pour les mères isolées accompagnées d’enfants de moins de trois ans. Il existe aussi plus de 1000 centres d’accueil et d’hébergement pour les femmes victimes de violences.

Là encore le problème ne vient pas des immigrés. Les budgets alloués par l’État à l’accueil et à l’hébergement des femmes en difficultés sont trop serrés. Ils sont même parfois en diminution, comme c’est le cas pour de nombreuses autres associations (voir notre enquête ici). Certaines collectivités locales choisissent aussi de tailler dans ces budgets sociaux. Certains centres doivent fermer leurs portes, comme Regain, à Strasbourg, contraint d’éconduire les femmes qu’il accueillait suite à une coupe budgétaire du département, dirigé par Frédéric Bierry (Les républicains), où siègent trois élus FN... Les mères célibataires au chômage, comme « Sandra », feraient mieux de ne pas habiter dans certaines communes gérées par le parti de Marine Le Pen. Joris Hébrard, maire FN du Pontet (Vaucluse) a supprimé, en juin 2014, deux mois à peine après son élection, la gratuité totale de la cantine scolaire, dont bénéficiaient les familles les plus pauvres (lire ici).

 

Les migrants en situation irrégulière ou en cours de régularisation n’ont pas accès aux logements sociaux. La loi française oblige l’État à loger les demandeurs d’asile, mais les places manquent. En 2014 à peine 40% d’entre eux ont pu être logés dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (cada). Ceux qui accèdent au statut de réfugié peuvent être logés en HLM uniquement dans des zones où ces HLM sont vacants, en général des villes moyennes où la population diminue à cause du chômage. Beaucoup de ces logements doivent subir des travaux ou être démolis. Selon le ministère de l’Intérieur, les ménages immigrés représentent 16,5 % des résidents en logement social, les descendants d’immigrés 8,5 %.

Si les logements sociaux sont saturés – 1,5 million de personnes sont en attente d’un logement à loyer modéré –, c’est qu’il y en a trop peu. « Au lieu des 150 000 logements sociaux attendus, seuls 109 000 ont été financés en 2015, en baisse annuelle de 9 %», déplore la Fondation Abbé Pierre. « Un même bilan décevant concerne la production de logements très sociaux à bas niveau de quittance, à peine plus de 700 ont été programmés alors que 3 000 étaient promis », ajoute la fondation [2].

Les HLM font cruellement défaut en l’île-de-France, aux alentours de Lyon et dans la région Provence Alpes Côte d’azur. Certaines communes refusent de remplir leurs obligations en matière de constructions sociales. Des villes très riches comme Neuilly-sur-Seine en comptent moins de 5% alors qu’elles sont tenues par la loi à un taux de 20%. En PACA, 18 villes ont été mises sous surveillance par le gouvernement pour leur trop faible effort en faveur des HLM. Parmi ces communes qui n’aident pas les ménages en difficulté à se loger : Fréjus – 9,9% de HLM – dirigée depuis 2014 par David Rachline (FN), le directeur de campagne de Marine Le Pen pour la présidentielle 2017. Et si « Sandra » allait frapper à sa porte ?

http://www.bastamag.net/
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Bois d'oeuvre: l'industrie américaine met sa menace à exécution

Publié le par S. Sellami

Bois d'oeuvre: l'industrie américaine met sa menace à exécution
 

L’industrie américaine du bois d’œuvre a mis sa menace à exécution, vendredi, en déposant une requête auprès du département du Commerce des États-Unis pour réclamer une enquête en raison de concurrence déloyale de la part de l’industrie canadienne.

Le gouvernement canadien qui a jusqu’ici échoué dans ses efforts pour renégocier une entente avec les États-Unis, a indiqué qu’il s’attendait à ce que l’industrie américaine passe à l’action, depuis l’expiration du moratoire sur le bois d’œuvre il y a un mois.

La Coalition américaine sur le bois d’œuvre soutient que les gouvernements provinciaux détiennent la plupart des terrains et fournissent aux producteurs canadiens des arbres à un prix «en-dessous de la valeur marchande» et offrent d’autres subventions. La Coalition soutient que le bois d’œuvre canadien est vendu aux États-Unis à un prix «inférieur à sa valeur».

Elle soutient que depuis l’expiration de l’entente de libre-échange sur le bois d’œuvre de 2006-2015, la part des importations canadiennes est passée de 29,5 % au premier trimestre de 2015, à 34,1 % en 2016.

«Les gains canadiens dans la part de marché se sont faits au détriment des producteurs américains», indique la Coalition.

Le bureau de la ministre fédérale du Commerce internationale, Chrystia Freeland, a pour sa part soutenu que le Canada «est prêt à toute éventualité».

«Notre gouvernement défendra avec vigueur les intérêts des travailleurs et des producteurs canadiens. ‎‎Nos travailleurs et producteurs de bois n’ont jamais été en faute; par le passé, les organismes internationaux se sont toujours rangés du côté de notre industrie», a indiqué le bureau de la ministre, dans une déclaration écrite.

La ministre de l’Économie du Québec, Dominique Anglade, a aussi affirmé que la «situation était prévisible».

«On est parfaitement prêt à réagir à la situation présentement. Il y a dans les gestes qu’on a posés dans les dernières semaines et mois, une série d’éléments qu’on a mis en place pour aller rencontrer nos homologues américains», a-t-elle indiqué.

Elle a ajouté que le négociateur en chef pour le Québec, Raymond Chrétien, serait à Washington du 5 au 8 décembre avec l’ambassadeur du Canada.

La ministre demande aussi au fédéral de convenir avec les provinces d’un programme d’aide pour permettre des garanties de prêt ou cautions financières pour les entreprises qui pourraient être affectées par les droits compensatoires.

«Les droits compensatoires n’arriveront pas avant avril, mais la rapidité va être importante de la part du fédéral là-dessus. Il faut rassurer notre industrie également», a-t-elle fait valoir.

Aux Communes, vendredi, l’opposition a critiqué le gouvernement Trudeau pour sa gestion du dossier avec les États-Unis.

«La ministre du Commerce international a été incapable, en 387 jours, de défendre les travailleurs forestiers au Canada. Le résultat, c'est que des milliers de familles des régions ont peur d'être les victimes de cette guerre commerciale», a lancé le député conservateur de Mégantic-L’Érable, Luc Berthold.

Le secrétaire parlementaire de la ministre, David Lametti, a pour sa part martelé que le gouvernement veillait à la défense des intérêts des travailleurs et des producteurs canadiens dans le dossier du bois d'oeuvre.

«C'est exactement la raison pour laquelle nous ne sommes pas encore arrivés à un accord. Ce que les États-Unis nous ont présenté n'est pas acceptable. (...) Nous allons nous défendre vigoureusement devant les tribunaux. Nous n'avons jamais perdu, et nous allons continuer à travailler pour arriver à un bon accord pour le pays», a-t-il soutenu.

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