Photo de députés avec le grand mufti de Syrie : Nicolas Dhuicq répond aux critiques médiatiques 30 nov. 2016

Publié le par S. Sellami

Nicolas Dhuicq, Valérie Boyer, Michel Voisin, Thierry Mariani et Denis Jacquat entourent le grand mufti de Syrie Ahmad Badreddin Hassoun et Loukas Al Khoury, l'archevêque grec orthodoxe© Capture d'écran Twitter @BAbiramia
Nicolas Dhuicq, Valérie Boyer, Michel Voisin, Thierry Mariani et Denis Jacquat entourent le grand mufti de Syrie Ahmad Badreddin Hassoun et Loukas Al Khoury, l'archevêque grec orthodoxe

Des médias exhument une photo de députés français aux côtés du mufti qui, selon eux, «menaçait l’Europe d’attentats». Pour Nicolas Dhuicq, présent sur le cliché, il s'agit d'une «opération idéologique» contre les soutiens de François Fillon.

RT France : BuzzFeed et le Lab d'Europe 1 ont sorti des articles autour d'une photographie lors d'un voyage à Damas en mars dernier, où vous et plusieurs autres députés posez avec Ahmad Badreddin Hassoun, grand mufti de Syrie. Ces deux médias reprochent notamment à ce religieux des propos de 2011 où il exprimait une menace pour l'Occident de représailles en cas de bombardements en Syrie. Regrettez-vous aujourd'hui d'avoir pris cette photographie ? 

Nicolas Dhuicq (N. D.) : Non car les propos du grand mufti ont été déformés et sortis de leur contexte. Il faut comprendre que la situation syrienne est très compliquée et que nous sommes en réalité face à une guerre au sein du sunnisme. Le sunnisme est depuis des siècles confronté à deux pôles. Il y a d'abord un pôle soufi par son essence, qui est le plus élaboré et le plus métaphysique, qui est aussi très beau et lié à des grands poètes pré-islamiques. Puis, il y a un pôle réactionnaire, au sens propre du terme, qui veut revenir à une communauté fantasmée d'origine autour du prophète et une interprétation littérale des textes sacrés - comme par exemple le deuxième verset du coran qui régit les questions d'héritage et attribue aux femmes une part de moitié inférieure à celle des hommes. Dans ce combat, beaucoup de nos politiques n'ont pas la connaissance suffisante pour comprendre ce qui est en train de se jouer.  

Par contre ce que je demande à ces médias, c'est de révéler la part sombre du grand mufti de Jérusalem qui pendant la Deuxième Guerre mondiale est allé rencontrer au moins à deux reprises Adolf Hitler et qui a appelé ouvertement à collaborer avec les nazis pour massacrer les juifs. Je pense que nous sommes sur deux notions complètement différentes et comme d'habitude nous avons affaire à une guerre d'information, qui est plutôt de l'ordre de la désinformation. Les propos du grand mufti sur la laïcité feraient beaucoup de bien s'ils étaient répercutés dans les mosquées en France. Je rappelle d'ailleurs que nous l'avons rencontré en compagnie d'un patriarche chrétien orthodoxe et qu'il appelle au dialogue entre religions.

L'opération idéologique, qui consiste à faire passer les soutiens de Fillon pour des personnes archaïques, réactionnaires et stupides, est en route

RT France : Cette photo est en ligne publiquement sur Twitter depuis la fin du mois de mars, aucun des députés présents n'a cherché à la cacher. Pourquoi la voir ressortir aujourd'hui dans les médias?

N. D. : Je pense que cette photo ressort pour deux raisons. La première c'est que l'opération idéologique, qui consiste à faire passer les soutiens de Fillon pour des personnes archaïques, réactionnaires et stupides, est en route. Car beaucoup ont pu être surpris par sa victoire qui est liée au retour de certaines valeurs et idées en politique. La deuxième, qui est moins importante mais qui peut également jouer, c'est que l'armée régulière syrienne est en ce moment en train de remporter des victoires à Alep et de démontrer sa capacité de résistance. Le fait est que la situation syrienne n'est pas celle qui est décrite par les grands médias en France et en Europe de l'Ouest.

RT France : Envisagez-vous dans un futur proche vous rendre de nouveau en Syrie?

N. D. : Je l'espère prochainement pour témoigner de la présence française auprès du peuple syrien qui est un peuple martyr depuis plus de cinq ans maintenant. J'ai aussi un projet plus personnel. J'aimerais pouvoir un jour emmener des médicaments notamment à l’hôpital de Damas où j'ai vu des enfants, dont personne ne parle, qui n'avaient pas assez de médicaments pour être soignés correctement. Donc oui, je souhaite y retourner à titre personnel mais aussi de manière générale pour que la France reprenne pied dans ce pied qu'elle n'aurait jamais dû abandonner.

On entend encore des décideurs politiques être dans un jugement simpliste et binaire

RT France : Est-ce que vous subissez des pressions pour limiter ou empêcher vos voyages en Syrie?

N. D. : Disons que malheureusement, le niveau de connaissances culturelles et historiques dans la classe politique en général est plus faible qu'autrefois. Et malheureusement, une partie de nos collègues, quelles que soient leurs qualités par ailleurs, ont tendance à suivre une idéologie dominante et un prêt-à-penser. Dès que vous sortez de cette idéologie dominante, dès que vous êtes dans l'idée de vous informer par vous-même et de tenir des opinions différentes du courant principal, vous devez être suffisamment solide pour résister, non pas tant aux pressions, qu'à l'indifférence et à l'incompréhension.

Je suis persuadé qu'une grande partie de l'avenir du monde se joue en Syrie. C'est la raison pour laquelle, quel que soit le jugement moral que l'on peut émettre sur le régime, la majorité des Syriens souhaitent simplement la paix et appellent, au moins dans un premier temps, au maintien de Bachar al-Assad au pouvoir. Au moins pour éviter un bain de sang. Ce simple principe de survie est oublié et méprisé. On entend encore des décideurs politiques être dans un jugement simpliste et binaire. J'en suis profondément malheureux. Il faut que nous ayons suffisamment de force de caractère et de volonté pour être quelques-uns à savoir dire non. A savoir nous projeter à plus long-terme. Car notre vision est à long-terme, c'est l'intérêt de la France à long-terme que nous visons.

 

 

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