Gaza: Avec Yahya Sinouar, le Hamas change de direction et se rapproche de l’Iran

Publié le par S. Sellami

Ismaïl Haniyeh Yahya Sinouar D à Gaza
Le nouveau chef du Hamas à Gaza, Yahya Sinouar (D), en conversation avec son prédécesseur, Ismaïl Haniyeh (G), lors de l'inauguration de la nouvelle mosquée Raed al-Attar de Gaza-City, le 24 février 2017.© Mohammed Talatene/ANADOLU AGENCY/AFP

Le mouvement palestinien Hamas qui contrôle la bande de Gaza a menacé Israël d’une riposte «foudroyante» en cas de nouvelle frappe. Une réaction au raid israélien en représailles à un tir de roquettes contre le sud de l’Etat hébreu, aussitôt relayée par un site iranien et le site Al-Manar du Hezbollah. Un changement de ton qui coïncide avec le récent remaniement à la direction du mouvement.


Lundi 27 février 2017, l’aviation israélienne mène des raids de représailles contre cinq positions du Hamas dans la bande de Gaza à la suite d’un tir de roquettes contre une zone inhabitée dans le sud de l’Etat hébreu.
 
Le tir de roquette qui n’a pas été revendiqué n’a pas fait de victime. Tandis que les raids ont fait quatre blessés, poussant le mouvement islamiste palestinien à réagir sur un ton particulièrement véhément.

Le Hamas promet à Israël une riposte «foudroyante» 
«Si de nouvelles frappes israéliennes, comme celles lancées lundi contre Gaza se reproduisent, le Hamas ripostera de manière foudroyante», a averti Abou Obaïda, le porte parole des Brigades Ezzeddine al-Qassam, la branche militaire du mouvement.
 
Une mise en garde contrastant avec le cessez-le-feu tacite en vigueur entre les deux parties depuis la dernière guerre menée par Israël contre Gaza en juillet 2014.
 
«Si nous observons le silence, le régime de Tel-Aviv l’interprètera comme un signe de peur et de faiblesse» a encore expliqué Abou Obaïda, prévenant que «lorsque la résistance palestinienne formule une promesse, elle la tient toujours».
 
Un véritable changement de ton, deux semaines seulement après le remaniement à la tête du mouvement islamiste. Au terme d’un long processus d’élections internes, le Hamas s’est doté d’un nouveau chef, le 13 février 2017.

Yahya Sinouar, un «militaire» à la tête du mouvement islamiste palestinien 
A 55 ans, dont 23 derrière les barreaux israéliens, «Yahya Sinouar a été élu à la tête du bureau politique du Hamas dans la bande de Gaza», ont annoncé ce jour-là les cadres du mouvement. Il succède à Ismaïl Haniyeh, lui-même potentiel successeur de Khaled Mechaal, chef du bureau politique du Hamas en exil, basé au Qatar.
 
Né dans le camp de réfugiés de Khan Younès, au sud de la bande de Gaza, Yahya Sinouar a commencé sa formation très jeune au sein du Rassemblement islamique, créé par le cheikh Ahmad Yassine, lié aux Frères musulmans égyptiens.
 
Il fonde en 1985 l’Organisation du Jihad et de la prédiction, une unité de renseignement chargée de débusquer et châtier les «collaborateurs» de l’ennemi sioniste, intégrée au Hamas après sa création en 1987.
 
Commandant d’élite au sein des Brigades Ezzeddine al-Qassam, il est recherché par Israël et placé sur la liste américaine des terroristes internationaux.
 
Incarcéré par Israël à la fin des années 80, il est en charge du renseignement et la sécurité des détenus du Hamas en prison, où ce diplômé d’arabe apprendra également l’hébreu. Il sera libéré en 2011, dans le cadre de l'échange asymétrique d'un millier de prisonniers palestiniens contre Gilad Shalit, le soldat franco-israélien détenu par le Hamas.
 
«C’est l’homme de la sécurité par excellence», dit de lui Abou Abdallah, un cadre du mouvement interrogé par l’AFP, ajoutant: «Il a un charisme de leader. Il prend des décisions dans le plus grand calme, mais est intraitable dès lors qu’il s’agit de défendre les intérêts du Hamas.»

Les relations avec Téhéran remises sur «de bons rails»
A l’exact opposé de Hanniyeh et Mechaal, qui s’efforçaient ces dernières années de faire du Hamas un mouvement «fréquentable», le nouvel homme fort du mouvement islamiste est un militaire discret, habitué à la clandestinité et surtout un idéologue refusant tout compromis avec l’Etat Hébreu, selon les commentateurs israéliens.
 
Au cours de sa carrière, il a été également en charge des relations avec les pays soutenant la «résistance» contre Israël, dont l’Iran. Un atout pour un rapprochement avec la République islamique iranienne qui ne bénéficiait plus que d’une portion congrue de sympathie palestinienne avec le groupuscule du Jihad Islamique.
 
Des signes évidents de ce retour en grâce de l’Iran en territoire palestinien ont même fait leur apparition ces derniers jours. Une délégation officielle du Hamas emmenée par Sami Abou Zouhri était à Téhéran à l’occasion de la VIe conférence internationale de soutien à l’intifada palestinienne. «La relation avec Téhéran est repartie sur de bons rails», a même déclaré Abou Zouhri au site Al-Monitor.
 
Toujours selon Al-Monitor, un officiel iranien souhaitant garder l’anonymat a révélé que les efforts iraniens pour soutenir les factions palestiniennes avaient doublé ces derniers mois.
 
Enfin la mise en garde du Hamas à Israël après les derniers raids contre Gaza a aussitôt été relayée par le site iranien Press TV, lui-même repris parAl-Manar, le site d’information du Hezbollah, le mouvement chiite libanais pro-iranien.

Par Alain Chémali avec AFP
geopolis.francetvinfo.fr
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