La guerre secrète d’Israël au Soudan

Publié le par S. Sellami

En avril, un mouvement de contestation populaire a renversé le Président Omar al-Bashir, de la République du Soudan. Les médias grand public ont dépeint les événements au Soudan comme un soulèvement populaire à l’encontre d’un dictateur oppresseur. Toutefois, un examen plus attentif de l’histoire géopolitique complexe du pays révèle que les forces mondialistes ont joué un rôle crucial dans le renversement d’un régime hostile aux intérêts israélo-américains. Dans la première partie de cette série, j’évoque l’engagement israélo-américain au Soudan dans le contexte des politiques sionistes en Afrique, tandis que la deuxième partie expose les principaux acteurs impliqués, et les techniques déployées dans ce qui est encore une autre opération de changement de régime ourdie par les mondialistes.

La crise au Darfour

SoudanDe nos jours, les gens associent deux mots avec le Soudan : Darfour et génocide. Le conflit au Sud-Soudan et au Darfour a reçu une couverture médiatique exhaustive depuis 2003. Pourtant la géopolitique complexe qui sous-tend cette zone de conflits est rarement, ou jamais expliquée par les médias grand public.

Quelle est l’origine du conflit au Darfour ? Quel est le rôle de la communauté internationale dans ce conflit ? Pourquoi des organisations humanitaires occidentales y ont-elles encouragé une intervention militaire de la part des États-Unis ou de l’ONU, afin de « protéger les droits de l’homme » ?

Alors que quelques analystes politiques ont souligné le rôle discret des USA et du Royaume-Uni dans la déstabilisation de la région? dans le but d’acquérir le contrôle des vastes réserves pétrolières du Darfour – actuellement exploitées par la Chine – la participation israélienne au Darfour est largement restée cachée sous le boisseau.

Le livre de Charles Onana, « Al-Bashir et le Darfour, la Contre-Enquête« , traite des origines de la crise au Darfour ainsi que de la rébellion au Sud-Soudan, en des termes qui mettent en lumière le rôle d’Israël dans la fourniture d’armes aux rebelles ainsi que dans l’organisation d’une campagne médiatique internationale impressionnante, dirigée contre le gouvernement soudanais.

Le livre met un accent particulier sur le rôle direct joué par Israël au Soudan dans le cadre d’un agenda anglo-américain et israélien, ou sioniste, concernant l’ensemble du continent africain.

La thèse d’Onana est que :

Au contraire du discours officiel sur leur contribution au processus de paix au Soudan, les États-Unis, la Grande-Bretagne et Israël n’ont jamais eu l’intention d’aider ou d’encourager la paix au Soudan. Plutôt, afin de poursuivre leurs propres intérêts, chacun d’entre eux a contribué à fomenter ce conflit entre le Nord et le Sud, ou d’en profiter en diabolisant les Musulmans et en prétendant défendre les animistes et les Chrétiens, tout en les armant les uns contre les autres.

Ce qui suit est une tentative pour résumer certains des faits troublants dévoilés par Onana afin de démontrer comment l’impérialisme occidental, par le biais de ses médias tentaculaires, ses ONGs et ses entreprises transnationales, a harcelé le Soudan sans relâche depuis sa naissance en tant qu’état indépendant en 1956, aboutissant au meurtre de plus d’un million et demi de personnes et à la destitution de millions d’autres.

Avec la sécession du Sud riche en pétrole en 2011 et le conflit toujours latent au Darfour, le Soudan risque de payer un lourd prix pour son opposition au mondialisme et à l’état le plus puissant du mondialisme, Israël.

Le problème d’Israël avec le Soudan

Les tensions ethniques entre les Arabes et les Noirs au Soudan ont leurs racines dans la politique de division pour mieux régner de l’empire britannique dans le pays, jusqu’à son indépendance en 1956.

Sous le règne britannique, les Musulmans arabes du Nord du Soudan étaient favorisés par rapport à leurs voisins du Sud à la peau plus foncée, de confession animiste ou Chrétienne. Les politiques britanniques de division pour mieux régner au Soudan impliquaient de scinder le pays selon ses identités ethniques.

Les missionnaires chrétiens étaient majoritairement actifs au sud du Soudan où l’anglais est devenu la langue officielle, tandis que l’arabe était la langue officielle du nord majoritairement musulman. Les Britanniques ont utilisé les clans régnants du Nord comme classe gouvernante par procuration, dominant leurs voisins du Sud.

Ceci signifiait que le développement économique et les investissements se concentraient au nord, ceci au détriment du sud.

Onana situe les intérêts d’Israël au Soudan dans le contexte de la politique étrangère globale de l’état sioniste en Afrique, en particulier dans les états frontaliers du Soudan.

Après l’indépendance soudanaise en 1956, la Grande-Bretagne et l’Amérique espéraient empêcher l’unification du Soudan avec l’Égypte en faisant monter la tension entre les deux états. Après que le président nationaliste égyptien Gamel Abdel Nasser ait expulsé le Mi-6 (services secrets britanniques) d’Égypte au cours de la Guerre de Suez de 1956, des agents britanniques opérèrent contre l’Égypte depuis le Soudan voisin, contribuant à y mener au pouvoir le pro-occidental Sayed Abdallah Khalil. Khalil était le dirigeant du parti de l’Oumma (nation), qui était farouchement anti-Nasser.

Mordechai Gazit, premier Secrétaire de l’Ambassade d’Israël à Londres, noua des contacts étroits avec le parti soudanais de l’Oumma, facilitant l’introduction de représentants d’Oumma auprès du Premier Ministre israélien, David ben Gourion. La relation d’Israël avec le Soudan partait sur de bonnes bases.

Les années ’60 et ’70 ont vu une succession de coups d’état militaires au Soudan ainsi qu’une guerre civile toujours en cours dans le Sud. Toutefois, l’accession d’Omar Hassan al-Bashir au pouvoir en 1989 allait radicalement changer les relations israélo-soudanaises.

Depuis son soutien en faveur des forces arabes au cours de la Guerre de Six Jours en 1967 entre l’Égypte et Israël, Omar Hassan al-Bashir est un défenseur de la libération palestinienne.

Al-Bashir servit également comme officier dans l’armée égyptienne au cours de la Guerre du Kippour de 1973 contre Israël. Depuis son accession au pouvoir au Soudan en 1989, Israël a résolu de renverser son régime pro-palestinien à Khartoum. L’animosité israélienne à l’encontre du gouvernement soudanais a pris la forme d’un soutien militaire en faveur des insurgés du Darfour se battant contre le gouvernement soudanais.

Mais afin de comprendre l’implication d’Israël au Soudan, Onana nous emmène dans une tournée des pays africains voisins dans le contexte des intérêts géostratégiques d’Israël. Ce qui en émerge est un nœud très complexe de déstabilisation israélienne, s’étendant à travers le continent africain.

Israël et le Congo

RDCLe Soudan partage une frontière avec la République Démocratique du Congo. Pendant la brutale colonisation du Congo par le roi des Belges Léopold II au 19ème siècle, des banquiers juifs tels que Raphael Bauer, Franz Philippson et Léon Lambert, ainsi que des consultants, des avocats et des entrepreneurs juifs jouèrent un rôle central dans la gestion de la colonie belge pour le compte du roi des Belges.

Des Juifs originaires de Russie, de Pologne, de Hongrie et des États Baltes se ruèrent sur le Congo pour exploiter l’immense richesse du pays qui comprenait des diamants, de l’or, du cobalt et d’autres matières premières.

Une grande partie de cette richesse contribua à construire la Belgique moderne et fut extraite au travers de l’esclavagisme, de la torture et du meurtre de masse.

Néanmoins la Belgique ne fut jamais contrainte de payer des réparations pour ses crimes contre l’humanité au Congo, au contraire de l’Allemagne après la Seconde Guerre Mondiale qui fut, de façon justifiée, obligée de payer Israël pour son asservissement des Juifs.

À l’aube du vingtième siècle, la communauté juive du Congo était devenue extrêmement fortunée, tant et si bien qu’elle devint la principale contributrice financière de l’état émergent d’Israël en 1948.

La diaspora juive de la colonie esclavagiste du Congo a levé davantage d’argent pour l’établissement d’Israël que les diasporas juives d’Amérique, de Suisse ou d’Afrique du Sud.

Après l’indépendance congolaise, des responsables israéliens servirent d’agents par procuration pour la politique US de Guerre Froide dans le pays. Après que la CIA et les services secrets belges aient assassiné le leader démocratique congolais Patrice Lumumba, forçant la province riche en minéraux du Katanga à faire sécession en accord avec les intérêts occidentaux, Israël entraîna 800 soldats d’élite congolais pour défendre le pillage occidental des mines du Katanga.

Le rôle d’Israël en tant qu’intermédiaire des intérêts occidentaux au Congo devint bientôt un sujet de lourde inquiétude pour les états arabes, enclins à décrire les activités d’Israël au Congo comme étant « néocoloniales ».

Le Congo n’était pas seulement une source importante de richesse pour Israël, sa présence sur place lui permit également d’étendre son influence en Afrique Centrale et au Soudan.

Israël et le Tchad

TchadDès l’indépendance du pays en 1960, le premier Président du Tchad François Tombalbaye entretenait des relations étroites avec Israël. La situation ethnique au Tchad était similaire à celle du Soudan, sauf que c’étaient les Sudistes francophones qui dominaient les Arabes du Nord après l’indépendance.

Ainsi, la politique israélienne au Tchad impliquait de manipuler ces tensions ethniques en poursuivant les intérêts géostratégiques sionistes et en particulier pour déstabiliser le Soudan voisin, après que le pro-Israélien Abdallah Khalil ait été renversé en 1958.

En 1965, un groupe rebelle tchadien nommé Front de Libération Nationale du Tchad (FROLINAT) s’installa à Khartoum, la capitale soudanaise.

Les tensions entre N’Djamena (capitale du Tchad) et Khartoum s’apaisèrent, toutefois, quand ces derniers consentirent à expulser les rebelles tchadiens du Soudan.

Israël, sensible aux tensions ethniques croissantes au Tchad, avait juste l’homme qu’il fallait pour cette mission diplomatique.

Quadia SofferQuadia Soffer était un Juif né en Irak qui est devenu le principal diplomate d’Israël au Tchad. Sa maîtrise de la langue arabe lui permettait de manipuler les deux côtés de la division ethnique du Tchad à l’avantage d’Israël. Soffer persuada le président Tombalbaye de soutenir Israël devant l’ONU.

Cependant, après la Guerre de Six Jours en 1967, la popularité d’Israël sombra vers des bas-fonds, la plupart des pays africains condamnant l’occupation de terres arabes par l’entité d’occupation sioniste. Par voie de conséquence, le Tchad et le Soudan commencèrent à s’unir dans leur opposition à Israël.

Hélas, en réalité, les gouvernements de l’Ouganda et du Tchad ont prêté leur assistance aux rebelles du Darfour pour le compte de Washington, de Tel-Aviv, de la France et du Royaume-Uni.

Le président Idriss Déby du Tchad et le Président Yoweri Museveni de l’Ouganda sont des alliés cruciaux des USA, d’Israël et de la France en Afrique Centrale Septentrionale et en Afrique Centrale.

Idriss DébyIdriss Déby du Tchad est arrivé au pouvoir en 1990 avec l’aide des services secrets français, après que le dictateur précédent ait commencé à favoriser les compagnies pétrolières US aux dépens de leurs concurrentes françaises.

Depuis l’accession de Déby au pouvoir la pauvreté a continué d’augmenter ; tout comme les bénéfices des entreprises pétrolières françaises qui continuent de piller le pays.

Maintenu au pouvoir par les militaires français, Déby a joué un rôle dans la déstabilisation du Soudan. Cependant, les médias occidentaux ont, sans surprise, fait écho à la propagande des gouvernements occidentaux, c’est-à-dire que la violence au Darfour pourrait se répandre jusqu’au Tchad.

Au cours du conflit avec le Sud, qui cessa avec la création de l’état du Sud-Soudan en 2011, les médias occidentaux ont décrit à plusieurs reprises la guerre comme un conflit ethnique entre des Musulmans arabes et hégémoniques au Nord, et des Chrétiens et des animistes noirs au Sud.

Israël et l’Ouganda

OugandaAu sud du Soudan se trouve l’Ouganda. Au 19ème siècle, l’Ouganda avait été suggéré par le premier Ministre britannique au président du Congrès Sioniste Mondial Theodor Herzl, comme possible foyer national pour les Juifs.

Bien que l’idée ait été rejetée ultérieurement par le Congrès Sioniste Mondial, les relations israélo-ougandaises sont demeurées fortes après l’indépendance du pays en 1962.

Milton OboteLe premier président de l’Ouganda, Milton Obote, avait au départ de bonnes relations avec Israël. Les forces armées du pays nouvellement indépendant avaient même été entraînées par Israël.

Nonobstant, la Guerre de Six Jours avait outragé les états africains, et la résolution arabe de 1967 à Khartoum appelant à la fin de l’occupation israélienne des territoires arabes conquis cette année-là, ainsi que l’appel à toutes les nations africaines de ne pas reconnaître l’état juif troublèrent Tel-Aviv. De plus, le « virage à gauche » du Président ougandais Milton Obote inquiétait les stratèges de la Guerre Froide de Washington, de Londres et de Tel-Aviv. Il fallait qu’Obote parte.

Un remplacement convenable pour Obote fut trouvé en la personne d’Idi Amin. Le Colonel Bar-Lev, l’attaché à la défense israélien du régime d’Obote, fut complice dans le coup d’état qui amena Amin au pouvoir en 1971. Amin avait été entraîné en Israël après l’indépendance ougandaise.

Une partie du pacte d’Amin avec les services de renseignement israéliens consistait à fournir des armes aux rebelles du Sud-Soudan. Israël était résolu à punir Khartoum, pour son soutien en faveur des Arabes pendant la Guerre de Six Jours.

En persuadant son régime-client d’Ouganda à fournir des armes aux rebelles du Sud-Soudan, Israël espérait provoquer une guerre civile au Soudan. Tel-Aviv, toutefois, n’avait aucunement l’intention d’aider les rebelles à prendre le pouvoir à Khartoum. Une guerre civile suffirait à affaiblir un régime hostile à la politique impérialiste d’Israël au Moyen-Orient. La guerre civile soudanaise allait prendre la vie de plus d’un million et demi de personnes.

Israël et la géopolitique du Delta du Nil

Delta du NilLe fleuve Nil a depuis longtemps été source de tensions entre nombre d’états africains. le Nil traverse l’Égypte, le Soudan, l’Éthiopie, le Kenya, la République Démocratique du Congo, l’Ouganda, le Burundi, le Rwanda et la Tanzanie.

Au dix-neuvième siècle, le père du sionisme moderne Theodor Herzl tenta de convaincre le gouvernement britannique de drainer l’eau du Nil vers un projet juif d’installation dans le Sinaï. Mais ce projet fut finalement abandonné, après la Première Guerre Mondiale.

En 1979, le président égyptien Anwar el-Sadat offrit un accès au Nil à Israël, en échange d’un retrait de Jérusalem-Est. Israël déclina l’offre.

le 14 mai 2010, un accord fut signé à Entebbe en Ouganda entre le Rwanda, l’Ouganda et la Tanzanie dans lequel ces pays convenaient d’œuvrer à obtenir une plus grande part des eaux du Nil.

Selon des accords datant de l’ère coloniale, l’Égypte et le Soudan avaient reçu plus de 90% de l’eau. L’Égypte et le Soudan refusèrent d’assister à la conférence d’Entebbe. les deux pays dépendent lourdement du Nil pour l’agriculture et ne sont pas prêts à abandonner leur part de cette ressource vitale au bénéfice de pays qui jouissent d’une pluviosité annuelle plus abondante.

Les quatre signataires de l’accord d’Entebbe ont tous signé des accords hydroélectriques et de désalinisation avec Israël.

Israël est le seul pays qui n’est pas frontalier avec Nil, et pourtant il possède des projets élaborés pour une pipeline sous le Canal de Suez pouvant fournir l’eau du Nil à Israël.

Une alliance entre un Soudan fort et unifié et l’Égypte contre le « Northern Sinai Agricultural Development Project » (NSADP) [projet de développement agricole du nord du Sinaï, NdT] pourrait rendre caducs les projets aquifères de l’état juif. L’accès aux eaux du Nil est un autre facteur alimentant la détermination infatigable d’Israël pour détruire le Soudan.

La Mer Rouge

Mer RougeL’empire portugais au 16ème siècle, la France napoléonienne et l’empire britannique ont tous cherché à posséder le contrôle de la Mer Rouge, qui a été l’artère historique des commerçants arabes pour acheminer les épices indiennes vers l’Europe.

Djibouti, l’Érythrée, l’Égypte, l’Arabie Saoudite, la Jordanie, le Yémen et le Soudan donnent tous sur la Mer Rouge.

Au cours des années 1970, Israël noua des liens étroits avec l’Éthiopie. L’Éthiopie allait devenir la base israélienne de pénétration du Soudan.

Quand des millions d’Éthiopiens mouraient de faim en 1984, les services de renseignement israéliens (le Mossad) évacuèrent discrètement, avec l’aide de la CIA, les Juifs éthiopiens du pays affamé vers Israël en passant par le Soudan.

Les Israéliens avaient convaincu le Président soudanais Gafar Nimeiry de coopérer avec cette opération secrète. Toutefois, la décision de coopérer avec une nation ennemie coûta sa carrière à Nimeiry, qui fut renversé dans un coup d’état l’année suivante.

Al-Bashir et le Darfour

SoudanOmar Hassan al-Bashir évinça Sadiq al Mahdi lors d’un putsch en 1989. Sa première action, une fois au pouvoir, fut de négocier un terme à la Seconde Guerre Civile Soudanaise. Hélas, le Darfour allait devenir le prochain théâtre des opérations de déstabilisation israéliennes.

Israël a fourni des armes et de l’entraînement aux rebelles du Darfour dès que le conflit y a commencé. Bien qu’Israël ait nié toute implication au Darfour, le gouvernement soudanais a présenté des preuves de fusils d’assaut israéliens « Tavor », pris aux rebelles du Darfour.

Pendant les années Clinton, la Conseillère à la Sécurité Nationale US Sandy Berger et le Ministre de la Défense US William Cohen ont joué un rôle crucial dans la coordination de la déstabilisation US/israélienne du Soudan.

Après que l’administration Clinton ait imposé des sanctions au Soudan en 1997 en vertu d’allégations de soutien au terrorisme, la Secrétaire d’État Madeleine Albright donna 2 millions de dollars au gouvernement ougandais pour combattre les soi-disant « rebelles ougandais » qui traversaient la frontière depuis le Soudan.

Le Soudan se trouva bientôt encerclé par des régimes-clients des USA, résolus à protéger les « minorités » à l’intérieur des frontières du pays.

En dépit du fait que le conflit soit souvent décrit comme ayant ses racines dans la haine ethnique entre les Noirs et les Arabes, la réalité du Soudan est bien différente.

Tant il est vrai que les Arabes étaient dominants durant l’ère coloniale britannique et que depuis lors ils ont conservé une certaine hégémonie, aujourd’hui le pouvoir n’est plus tout à fait divisé selon des lignes raciales.

Même le Président du Soudan Omar al-Bashir est ethniquement un Noir africain et non un Arabe, ce qui trouble la notion voulant que les Soudanais noirs soient totalement dominés par leurs compatriotes arabes.

De nombreuses ethnies et cultures se mélangent au Soudan, et le conflit ne peut tout simplement pas être réduit à une division entre Noirs et Arabes.

En fait, c’est le climat plutôt que la race qui a été le facteur décisif derrière la violence au Darfour. Des sécheresses au cours des années 1990 ont généré des migrations depuis le Nord du Darfour vers le Sud de la région, ainsi que vers l’Est. La compétition pour les terres et les maigres ressources, couplée à des armées de guérilla par procuration au services des intérêts occidentaux, telles que l’Armée de Libération du Soudan et le Mouvement pour la Justice et l’Égalité ont toutes contribué au conflit.

Il convient de préciser que, lorsque nous identifions le climat comme facteur dans le conflit, nous ne faisons nullement référence à l’hypothèse dorénavant discréditée de Roger Revelle de « réchauffement climatique » anthropique, alimenté par le CO2.

« Urgence Darfour » : intellectuels sionistes et politiciens bellicistes

Abdul Wahid al-Nour Bernard Henri-Lévy Bernard KouchnerAbdul Wahid al-Nour, le chef de l’Armée de Libération du Soudan, possédait d’étroits liens avec Israël, et aussi tout particulièrement avec la France. C’est un ami personnel de l’ancien Ministre des Affaires Étrangères français Bernard Kouchner, ainsi que des « philosophes » juifs Bernard Henri-Lévy et André Glucksmann.

L’inimitié de Bernard Kouchner envers le Soudan d’al-Bashir remonte à loin. En tant que ministre du gouvernement Mitterrand en 1991, il s’était rendu au Sud-Soudan pour y parler avec les chefs rebelles – sans la permission de Paris.

Kouchner, qui est lui-même juif et un fervent supporter d’Israël, a été le promoteur infatigable d’une campagne d’intervention militaire au Soudan. La vocation humanitaire douteuse de Kouchner s’est retrouvée sous l’œil du microscope en 2009 à la publication du livre « Le Monde selon K », écrit par le journaliste français Pierre Péan. Les révélations du livre à propos des affaires véreuses de Kouchner en Afrique avaient provoqué un scandale d’ampleur nationale, mais cela n’avait pas suffi à contraindre le Ministre des Affaires Étrangères français à la démission. Ce fut simplement un exemple supplémentaire embarrassant sur la « Françafrique » : dans la culture politique française, un certain degré de latitude est tacitement toléré quand il s’agit des affaires concernant les anciennes colonies françaises.

La campagne française « Urgence Darfour » est un trombinoscope d’organisations juives françaises et de pontes sionistes. Bien que la campagne française contre le gouvernement du Soudan soit parvenue à résonner parmi quelques groupes antiracistes africains, leurs affirmations concernant le sort des Noirs africains au Sud du Soudan et au Darfour frisent l’absurde.

Les associations juives anti-soudanaises ne se sont nullement souciées du nombre d’Africains morts au Congo voisin depuis l’invasion Tutsi soutenue par les USA et Israël en 1996, à ce jour estimé selon l’ONU entre 5 et 10 millions.

La campagne « Save Darfur » : lobbies juifs, acteurs de Hollywood et criminels de guerre

La campagne qui fut menée aux USA contre le gouvernement du Soudan, connue sous le nom de « Save Darfur » [sauvez le Darfour, NdT], suit un schéma similaire à sa consœur française, « Urgence Darfour ».

Le financement US de la campagne « Save Darfur » provient de plus de 60 lobbies juifs. Charles Jacob est l’un des cerveaux de la campagne US « Save Darfur ».

Activiste politique autodidacte, Jacob est le cofondateur de l’American Anti-Slavery Group [Groupe anti-esclavage américain, NdT – 1984], codirecteur de la « Sudan Campaign » (2000), Directeur-Adjoint du chapitre de Boston du Committee for Accuracy in Middle East Reporting in America [Comité pour l’exactitude du journalisme américain au Moyen-Orient, NdT] et cofondateur du David Project for Jewish Leadership [Projet David pour le leadership juif, NdT].

American Anti-Slavery GroupLa campagne « anti-esclavage » de Jacob se concentre exclusivement sur le Soudan, où il affirme que les personnes de couleur noire sont vendues comme esclaves aux Arabes. L’American Anti-Slavery Group n’a pas fourni la moindre preuve étayant ces allégations.

La campagne contre l’esclavage de Jacob ne mentionne jamais l’esclavage au Congo où des enfants travaillent dans des mines pour moins de 20 cents par jour, et elle ne dénonce pas non plus le trafic des femmes pour l’esclavage sexuel en Israël, une réalité qui a été documentée par de nombreuses organisations de défense des droits de l’homme.

Les allégations fumeuses d’esclavage de Jacob contre le Soudan sont destinées à des Américains mal informés, et en particulier à la communauté noire des USA.

La représentante du Congrès US Cynthia McKinney fut approchée par Jacob afin de participer à la campagne calomnieuse contre le Soudan.

On lui a dit que son image serait publiée en « Une » des magazines à travers l’Amérique, et qu’elle se verrait réélue à vie si elle coopérait avec la campagne « Save Darfur ». McKinney refusa.

On demanda aussi à la star de la pop Michael Jackson de participer à la campagne « Save Darfur », mais le chanteur n’était apparemment pas convaincu des bonnes intentions de la campagne et refusa lui aussi. La campagne fumeuse « Save Darfur » trouva finalement, néanmoins, un participant volontaire en la personne de George Clooney qui a endossé le rôle de porte-parole de l’organisation, lui apportant dans les médias une notoriété dont elle avait besoin. Clooney est membre du Council on Foreign Relations [CFR, Conseil sur les relations étrangères, NdT], et c’est un lobbyiste de premier plan des intérêts impérialistes des USA à travers le monde.

Cette campagne, abondamment financée et politiquement motivée contre le Soudan, est passée dans les médias grand public sans avoir été exposée, ou presque. Les mots-clé inlassablement répétés de la campagne « Save Darfur » sont « génocide », « nettoyage ethnique », « esclavage » et ainsi de suite.

En 2005 un panel de l’ONU arriva à la conclusion qu’il n’existait pas de preuves de génocide au Darfour. Mais la campagne « Save Darfur » continue d’employer le mot « génocide » dans ses publications.

Pétrole soudanais

Les vastes réserves pétrolières du Soudan, situées au Darfour, sont une autre motivation derrière la campagne « Save Darfur ». Le 25 janvier 2002, l’Institute for Advanced Strategic and Political Studies [Institut d’études politiques et stratégiques avancées, NdT] tint un symposium à Washington afin de formuler une politique énergétique US en Afrique. Le symposium résulta en la création de l’African Oil Policy Initiative Group [AOPIG, Groupe pour l’initiative de politique pétrolière africaine, NdT], qui publia un rapport intitulé « Pétrole Africain, une priorité pour la sécurité nationale US et le développement africain » (« African Oil, a priority for US national security and African development »).

Le rapport indique que :

L’AOPIG considère le bassin pétrolier du Golfe de Guinée en Afrique de l’Ouest, avec l’Afrique Centrale et Australe plus vaste et son marché de 250 millions de personnes vivant de chaque côté de voies cruciales de communication, comme un « intérêt vital » dans les calculs de la sécurité nationale US. Le Golfe de Guinée, faisant partie du bassin pétrolier de l’Atlantique, dépasse le Golfe Persique dans ses fournitures de pétrole aux USA par un facteur de 2:1, de plus, il possède des gisements considérables de minéraux d’une importance stratégique cruciale dont le chrome, l’uranium, le cobalt, le titane, les diamants, l’or, la bauxite, les phosphates et le cuivre. La région se caractérise également par des ressources hydrologiques, agricoles et piscicoles sous-exploitées. Un échec à traiter le problème de la concentration et de l’optimisation de l’organisation du commandement diplomatique et militaire US sera perçue par beaucoup en Afrique comme la preuve d’une négligence voulue de la part de la seule superpuissance du monde, et pourrait par conséquent agir comme incitation involontaire pour des rivaux des USA tels que la Chine, des adversaires tels que la Libye, et des organisations terroristes telles qu’al-Qaeda afin d’assurer une présence politique, diplomatique et économique en Afrique.

Ce rapport fut initialement mis en ligne avec une URL indiquant « Israel Economy », un fait intéressant en soi étant donné qu’Israël n’est nulle part mentionné dans le document.

L’ancien Ministre des Affaires Étrangères soudanais Eltigani Fidail a dit :

Nous savons que les États-Unis veulent contrôler l’exploitation et la fourniture de pétrole à travers le monde. Les entreprises US ont été les premières à découvrir du pétrole dans notre pays, mais pensant qu’elles n’avaient pas de concurrentes, elles ont demandé des conditions inacceptables pour son exploitation, ce qui nous mena à conclure un accord avec la Chine. Cela ne plaît pas aux Américains.

Le rapport recommande « l’établissement d’un commandement sous-unifié doté d’une responsabilité exclusive pour la région du Golfe de Guinée, ou toute l’Afrique sub-Saharienne, similaire à US Forces Korea » [Forces US en Corée, NdT].

Charles Jacob fut accessoire, dans la plainte pour atteinte aux droits de l’homme engagée contre l’entreprise pétrolière canadienne Talisman Energy en 1998. Talisman Energy avait une participation de 25% dans la Greater Nile Petroleum Operating Company, une entreprise co-détenue par la Chine, la Malaysie et le Soudan.

Jacob et la campagne « Save Darfur » affirmèrent que Talisman était coupable de complicité de génocide, au travers de son implication avec le gouvernement soudanais. Mais l’affaire fut finalement classée par l’US District Court du Southern District de l’État de New York [Tribunal de district du sud de l’État de New York, NdT].

Cependant, les pressions de Jacob et de ses nombreux partenaires commerciaux forcèrent Talisman Energy à quitter le Soudan. Ce fut la coopération de Talisman avec la Chine et avec la Malaysie qui fut la cible de la campagne de Jacob pour le compte des intérêts US/israéliens, ou sionistes.

Selon Onana, la Chine a eu des accords commerciaux avec le Soudan depuis 1958, et les relations entre les deux pays ont toujours été cordiales et mutuellement bénéfiques.

La compétition entre les puissances occidentales et la Chine pour le pétrole soudanais sera probablement la source de conflit dans la région dans les années qui viennent.

Dans la deuxième partie de cette série, je traiterai de certains des thèmes-clé qui doivent être pris en considération dans l’évaluation de la signification globale de la présente crise soudanaise.

Par Gearóid Ó Colmáin                                                                                                                                                                                                                                               Source: https://www.gearoidocolmain.org/israels-secret-war-in-sudan/

Traduit par Lawrence Desforges

via:https://globalepresse.net/2019/08/04/la-guerre-secrete-disrael-au-soudan/

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