"Déchet pédérastique", "sodomite"... Ce cadre gay du FN raconte l'envers du décor

Publié le par S. Sellami

Secrétaire général du Collectif Marianne et proche de la ligne de Florian Philippot, Guillaume Laroze quitte le FN écoeuré.

 30/11/2016 
AFP
Traité de "déchet pédérastique", Guillaume Laroze explique pourquoi il quitte le Front national.

FRONT NATIONAL - C'est une lettre pleine d'amertume qu'a publiée ce mercredi 30 novembre sur les réseaux sociaux Guillaume Laroze, jeune cadre Front national et secrétaire général du Collectif Marianne, mouvement chargé de diffuser les idées frontistes dans les réseaux étudiants. "Le cœur plein de regrets", le jeune homme annonce qu'il claque la porte du FN, qu'il avait rejoint par "patriotisme". S'il tourne aujourd'hui les talons, c'est parce qu'il dit avoir "découvert au fil du temps le goût amer de la désillusion".

 

"Souverainiste mais de gauche", Guillaume Laroze assume avoir adhéré, "séduit par le discours, les positions et la hauteur de Florian Philippot". Mais l'impossible cohabitation du courant incarné par l'ancien énarque chevènementiste avec la ligne traditionnelle du FN a fait du parti "une cocotte minute sur le point d'exploser", estime-t-il.

 

Guillaume Laroze confirme dans sa lettre les dissensions qui minent la formation d'extrême droite, partagée entre une ligne sociale et souverainiste incarnée par Florian Philippot, et le FN "canal historique" ultra-conservateur et libéral incarné par Marion Maréchal Le Pen depuis l'éviction de son grand-père.

 

"J'ai assumé ma sensibilité, progressiste et sociale. Mais s'il est aisé d'être conservateur et militant de la 'Manif pour tous' au Front National, il l'est beaucoup moins d'être favorable au 'Mariage pour tous' et d'adopter un ton mesuré sur certaines questions", écrit-il avant d'énumérer les insultes dont il a fait l'objet.

 
On m'a traité de 'gauchiste islamisé infiltré' (sic), de 'parasite LGBT', de 'déchet pédérastique' (ou sa charmante variante 'sodomite'), j'en passe"

Plus loin, Guillaume Laroze esquisse les limites de la stratégie de dédiabolisation adoptée par le Front national. "Traduction : cachez ces horreurs que nous ne saurions voir, il faut d'une part garder la droite réactionnaire dans la poche, et d'autre part continuer à polir l'image. Une fois, ça passe. Toutes les semaines, ça fracasse", écrit-il, prenant soin de préciser que le FN voulu par Marine Le Pen n'est pas un parti homophobe.

"Le Front est devenu un parti du Système"

Mais s'il a choisi de partir, c'est parce qu'il ne peut plus supporter "l'amnistie systématique de certains dérapages ou les œillères à ce sujet".

Le jeune homme en veut pour preuve la mutation entreprise par le Front national, qui renie selon lui le discours anti-système qu'il revendique. "Dire tout et son contraire pour ratisser large. Refuser de se fixer, de choisir entre l'ultra-conservatisme et le progressisme. Omerta sur les sujets sociétaux (...) Et tous ces gens prêts à tout pour un poste... Le Front est devenu un parti du Système", assène-t-il.

Et Guillaume Laroze de conclure: "On m'a fait comprendre, parfois violemment, que je n'avais pas ma place chez les 'patriotes'. J'en prends acte".                                                                                                                        

 
 
6 h

C’est le cœur plein de regrets que j’ai décidé de quitter le Front National, et de démissionner de mon poste de Secrétaire Général du Collectif Marianne.

Il y a plus d’un an, je rejoignais Marine Le Pen, séduit par l’idée d’un grand rassemblement des souverainistes, de gauche comme de droite, unis autour d’une colonne vertébrale idéologique solide : le patriotisme. J’y croyais. J’ai vibré. Je me suis investi. J’ai milité. J’ai tracté. J’ai travaillé. J’ai donné. J’ai sacrifié. J’ai dégusté. 
Et j’ai découvert au fil du temps le goût amer de la désillusion.

J’ai assumé ma sensibilité, progressiste et sociale. Mais s’il est aisé d’être conservateur et militant de la « Manif pour tous » au Front National, il l’est beaucoup moins d’être favorable au Mariage pour tous et d’adopter un ton mesuré sur certaines questions. 
On m’a traité de « gauchiste islamisé infiltré » (sic), de « parasite LGBT », de « déchet pédérastique » (ou sa charmante variante « sodomite »), j’en passe. Qu’il y ait des idiots dans la sphère du Front National, c’est le cas partout. Ce qui est beaucoup plus difficile à digérer, ce sont les bons conseils de ceux qui sont censés être de son côté au sein de la si divisée « famille politique ». Et ce fameux « fais le dos rond, ne fais pas de vague, ignore-les, il ne faut pas fragiliser l’unité ». Traduction : cachez ces horreurs que nous ne saurions voir, il faut d’une part garder la droite réactionnaire dans la poche, et d’autre part continuer à polir l’image. 
Une fois, ça passe. Toutes les semaines, ça fracasse. Les couleuvres sont vite indigestes.
On ne peut pas dire que le Front National de Marine Le Pen soit homophobe, c’est même le contraire. Toutefois, l’amnistie systématique de certains dérapages ou les œillères à ce sujet sont insoutenables. Le jeune homo que je suis l'a très mal vécu.

Outre le talent de Marine Le Pen, j’avais été séduit par le discours, les positions et la hauteur de Florian Philippot. L’opposition à l’ultra-libéralisme, la lutte pour la souveraineté et la démocratie, l’accent social, le peuple, tout cela me plaisait. C’était rafraîchissant, plaisant à l’oreille, et ça correspondait à mes convictions. 
Mais force est de constater que l’union des souverainistes, évoquée précédemment, a échoué. Le Front National est une cocotte minute sur le point d’exploser, où deux sensibilités bien différentes ont de plus en plus de mal à cohabiter, quoi qu’en disent officiellement les cadres. Et à ma grande tristesse, l’une est bien plus bruyante que l’autre. 
Je ne peux plus supporter d’être dans un parti dont certains cadres voient en l’ultra-conservatisme et la promotion des « bonnes mœurs » (les « valeurs », dans le vocable aseptisé) une forme d’avenir. Comme j’avais l’habitude de dire ces derniers temps : « ça me donne la nausée ».

L’autre aspect séduisant du Front National est son apparent rejet du système politique, dont toute personne ayant deux sous de bon sens admettra qu’il est pourri jusqu’à la moelle, qu’il ne sert plus le peuple. Mais, comme un parti classique, le Front a progressivement abandonné les convictions au profit de la quête irréfléchie des résultats électoraux et de l’image. Dire tout et son contraire pour ratisser large. Refuser de se fixer, de choisir entre l’ultra-conservatisme et le progressisme. Omerta sur les sujets sociétaux, qui ont pourtant leur importance : c’est le quotidien des français, c’est l’Humain.
Et tous ces gens prêts à tout pour un poste...
Le Front est devenu un parti du Système.

Je tiens à remercier mon camarade Daniel Auguste, Président du Collectif Marianne, et à saluer le travail que nous avons accompli ensemble. Je me souviens de cette joie lorsque, suite à notre mobilisation, le Président du CCIF, l’ennemi de la République, de la liberté et des femmes, a renoncé à s’exprimer à La Sorbonne. J’espère que le Collectif continuera à grandir, et je souhaite bon courage à mon successeur.
Je n’oublie pas non plus toutes ces rencontres, tous ces gens formidables avec qui j’ai tissé des liens qui, j’en suis sur, survivront.

Souverainiste mais de gauche, on m’a fait comprendre, parfois violemment, que je n’avais pas ma place chez les « patriotes ». J’en prends acte.

                                                      

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