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Le racisme et le mythe des races supérieures: l’Occident en questionnement

Publié le par S. Sellami

«Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente. Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte. Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde. […] Il faudrait d’abord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral, (…) et qu’au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées, de tous ces prisonniers ficelés et interrogés, de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de l’Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent.»  Aimé Césaire,  (Discours sur le colonialisme, 1950)

La dignité humaine est, une fois de plus, bafouée, mais, cette fois, la coupe est pleine. C’est ainsi que l’on peut expliquer cette insurrection des consciences suite à la mort de George Floyd, une affaire de violence policière américaine d’un homme afro-américain, lors de son interpellation par le policier blanc Derek Chauvin, le 25 mai 2020, à Minneapolis. La vague d’indignation qui secoue les États-Unis s’exporte en Europe et principalement dans les pays anciennement esclavagistes comme le Royaume-Uni, l’Espagne, le Portugal et la France qui firent de l’esclavage une science exacte. Ainsi ressurgirent les vieux démons des affaires de meurtre étouffées comme l’affaire Adama Traoré en France et celle de Stephen Lawrence, adolescent noir britannique, tué le 22 avril 1993. À la base de tout cela, il est important de rappeler la tentation d’empire de l’Europe et la mise en esclavage des peuples entiers donnant ensuite libre cours à la colonisation, deuxième temps de l’asservissement de l’homme chez lui, avant d’arriver au néo-colonialisme.

S’il est vrai que le phénomène de l’esclavage  au-delà la malédiction biblique de cham,  est un phénomène consubstantiel de la nature humaine.  « Lupus est homo homini » L’homme disait Plaute   est un loup pour l’homme. Les civilisations se sont construites souvent sur la mise en esclavage des peuples vaincus.  Cependant l’esclavage occidental après  ce qu’il est communément  admis d’admettre à en croire la doxa occidentale, : « Les grandes découvertes » inaugurées par le premier négrier occidental en l’occurrence  Christofo  Colombo,    a gagné   en cruauté et en professionnalisme avec « le commerce triangulaire » Naturellement tout ceci dans une atmosphère adoubée par l’Eglise du mythe des races supérieures. L’exemple suivant nous permettra de comprendre les fondements du racisme et de la genèse du phénomène colonial.

L’Europe et l’esclavage 

Tout les pays européens, à des degrés divers, ont été esclavagistes après la conquête du «nouveau monde» en 1492. Par la suite, à la fin du XVIIIe siècle, la France est l’un des pays leaders dans «la traite des Noirs». Comme le souligne Nathalie Funès : «Louis XIII l’a autorisée en 1642. Louis XIV, son fils, l’a encouragée en 1672 en accordant une prime de treize livres par ‘’tête de nègre’’ aux négriers privés. Le Roi-Soleil a aussi édicté en 1685 le fameux Code noir sur le statut des esclaves dans les colonies, désormais officialisés comme des ‘’biens meubles’’, que l’on peut vendre ou échanger. Les navires du commerce triangulaire partent des ports français (Nantes, Bordeaux, La Rochelle…), chargés d’armes, d’alcool et de bijoux, s’arrêtent en Afrique pour embarquer des esclaves et repartent vers les îles d’Amérique pour rapporter sucre, cacao, tabac et pierres précieuses sur le Vieux Continent. Environ 2 300 voyages au cours du seul XVIIIe siècle. Tout au long de la traite négrière, la France aurait ainsi embarqué entre 1,5 et 2 millions d’Africains à destination des Caraïbes.  Le premier décret d’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises est voté par Robespierre  le 4 février 1794  Il sera rapidement caduc. Le premier consul, Napoléon Bonaparte, réintroduit des esclaves en Martinique. L’esclavage ne sera finalement aboli  qu’avec le décret du 27 avril 1848.»(1) 

Catherine Coquery-Vidrovitch,  professeure émérite de l’université Paris-Diderot, nous explique comment l’esclavage, même interdit après qu’il eut été pratiqué d’une façon industrielle, on pense qu’il y eut plus de 15 millions d’esclaves déportés vers le nouveau monde, a continué de perdurer sous une autre forme :

«En Occident, l’héritage de la longue histoire de l’esclavage, c’est le racisme anti-Noirs et l’importance de la couleur de la peau.» Le mouvement commence, au début du XIXe siècle, par l’abolition, non de l’esclavage lui-même, mais du commerce des esclaves, c’est-à-dire de la traite négrière.  Contrairement à ce que l’on enseigne dans les écoles, la fin de la traite n’intervient pas lors du Congrès de Vienne de 1815 : les grandes puissances occidentales se contentent, cette année-là, de s’engager à la supprimer dès qu’elles le pourront. L’abolition de l’esclavage n’intervient que dans un second temps, à partir des années 1830. La Grande-Bretagne le supprime en 1833, la France en 1848. Vient ensuite le tour des États-Unis en 1865, de Cuba en 1880 et du Brésil en 1888. Mais l’esclavage se poursuit, après l’abolition, sous une forme déguisée. À la fin du XIXe siècle, les Français et les Britanniques faisaient ainsi signer à des travailleurs analphabètes recrutés en Afrique des contrats de trois ans aux termes desquels ils s’engageaient à partir travailler dans les anciennes colonies esclavagistes et à payer eux-mêmes leur voyage retour : comme c’était quasiment impossible, la plupart ne revenaient jamais.»(2)

Le discours sur le colonialisme toujours d’actualité 

On a tout dit d’Aimé Césaire le poète, et ses écrits ne lui ont pas attiré les sympathies de l’Académie française qui, globalement, est de cette droite revancharde forte de ses certitudes et qui ne renie pas la conception de la civilisation qu’elle a infligée aux colonies, et qu’Aimé Césaire n’a cessé de dénoncer avec élégance et pertinence.

«… La France moutonnière aura préféré Senghor et ses mots fleuris, sa poésie de garçon-coiffeur, ses ‘‘versets’’, sa sotte imitation, pâlotte et ringarde, de Claudel, ses génuflexions d’acculturés et son culte imbécile d’une tout aussi imbécile civilisation de l’universel et d’une bâtarde francophonie, au style de pur-sang, de révolté, d’écorché vif d’un Alioune Diop, d’un Gontran Damas, d’un Césaire… Aimé Césaire restera la mauvaise conscience de ce XXe siècle, de ces générations qui donnèrent au monde le contraire de ce qu’elles espéraient. Il aura été de toutes les luttes progressistes de son temps. Il aura écrit, avec son Discours sur le colonialisme, le livre le plus concis, le plus fort sur ce thème. Il aura bâti la réfutation la plus solide de ce système.

Il aura été un écrivain supérieurement doué, un humaniste sincère, généreux. (…) Césaire fut une leçon d’honnêteté, une leçon d’amour de la langue française, un maître en écriture, un traceur de route, une école de style — lui, si parfait pur-sang  — un repère.»(3)

Césaire est l’homme qui a dressé le réquisitoire le plus pertinent, le plus juste et le plus complet contre le colonialisme et son «œuvre positive». Conséquent avec lui-même, il convoque les textes à charge :

«J’ai relevé dans l’histoire des expéditions coloniales quelques traits que j’ai cités ailleurs tout à loisir. Cela n’a pas eu l’heur de plaire à tout le monde. Il paraît que c’est tirer de vieux squelettes du placard. Voire ! Etait-il inutile de citer le colonel de Montagnac, un des conquérants de l’Algérie Pour chasser les idées qui m’assiègent quelquefois, je fais couper des têtes, non pas des têtes d’artichauts, mais bien des têtes d’hommes. » Convenait-il de refuser la parole au comte d’Herisson :  « Il est vrai que nous rapportons un plein baril d’oreilles récoltées, paire à paire, sur les prisonniers, amis ou ennemis. » Fallait-il refuser à Saint-Arnaud le droit de faire sa profession de foi barbare : ‘’On ravage, on brûle, on pille, on détruit les maisons et les arbres.’’ Fallait-il empêcher le maréchal Bugeaud de systématiser tout cela dans une théorie audacieuse et de se revendiquer des grands ancêtres :

« Il faut une grande invasion en Afrique qui ressemble à ce que faisaient les Francs, à ce que faisaient les Goths » (…) Pour ma part, si j’ai rappelé quelques détails de ces hideuses boucheries, ce n’est point par délectation morose, c’est parce que je pense que ces têtes d’hommes, ces récoltes d’oreilles, ces maisons brûlées, ces invasions gothiques, ce sang qui fume, ces villes qui s’évaporent au tranchant du glaive, on ne s’en débarrassera pas à si bon compte. Ils prouvent que la colonisation, je le répète, déshumanise l’homme même le plus civilisé.»(4)

Il est intéressant de remarquer que la lecture du  «Discours sur le colonialisme est chaque fois une source de ressourcement et surtout de conviction que ce discours peut bien être celui sur le néo-colonialisme». Césaire met ainsi un parallèle explosif entre le colonialisme et la Shoah : «Oui, il vaudrait la peine d’étudier, cliniquement, dans le détail, les démarches d’Hitler et de l’hitlérisme et de révéler au très distingué, très humaniste, très chrétien bourgeois du XXe siècle qu’il porte en lui un Hitler qui s’ignore, au fond, ce qu’il ne pardonne pas à Hitler, ce n’est pas le crime en soi, c’est le crime contre l’homme blanc, et d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes d’Algérie, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique.»(5)  

On pourrait croire que le colonialisme fut une faute assumée. Il n’en fut rien, il s’est trouvé un président de la République française en 2007 qui, du haut d’une tribune à Dakar, à quelques encablures de l’île de Gorée, Nicolas Sarkozy semblait vouloir légitimer le colonialisme en affirmant :  «Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire.»(6)

Les zoos humains

Pendant 150 ans, des hommes ont exhibé d’autres hommes dans des zoos
Non contents d’asservir et de saigner à blanc les pays subjugués, les pays esclavagistes «importaient» des Noirs pour les exposer afin de distraire les autochtones. Geoffroy de Saint Hilaire à Paris en a fait une entreprise lucrative :

«Les zoos humains, considérés comme une attraction, à l’époque de la colonisation, nous dit Nathalie Funès, ont attiré 1,5 milliard de visiteurs en Europe et aux Etats-Unis entre le milieu du XIXe siècle et 1940. Au début du XIXe siècle, les exhibitions des ‘’sujets’’ des empires coloniaux en Afrique, en Asie, en Amérique et en Océanie commencent à se populariser. Les « indigènes » s’exhibent dans les foires et dans les cirques. Le cas le plus célèbre à l’époque est celui de Saartjie Baartman, la ‘’Vénus hottentote’’, née en Afrique du Sud et emmenée à Londres en 1810 exposée nue, derrière une cage. Son squelette ne sera restituée par la France qu’en 2002. À la fin des années 1870, le phénomène des zoos humains se développe et devient une attraction très prisée. La foule se presse pour voir des ‘’sauvages’’, des hommes, des femmes, des enfants, qui sont placés au même niveau que les animaux,  L’exposition universelle de 1889, destinée à célébrer le centenaire de la Révolution française, vise aussi à montrer à la Métropole la réalité de l’empire et le bien-fondé de la colonisation. Les zoos humains viennent ‘’prouver’’ la supériorité des Blancs. Les ‘‘sauvages’’, amenés, souvent de force, par bateaux, directement des colonies mènent leurs activités quotidiennes, mangent, se lavent, dorment, sous le regard des curieux. En 1906, Marseille est la troisième ville à accueillir une exposition coloniale. La manifestation accueille 1,8 million de visiteurs.  Après la guerre de 14-18, les zoos humains vont connaître une décennie d’apogée, avec des recruteurs locaux,  spécialisés auparavant dans les animaux, et des troupes qui peuvent atteindre 200 ‘’figurants’’. Après l’apogée, viendra le déclin. C’est l’exposition coloniale internationale de 1931, à Paris, qui va déclencher la polémique et sonner le glas des zoos humains.»(7)

Comment se propage le racisme et comment l’éradiquer ?  

Nous sommes au XXIe siècle  dans le monde du corona, et faisant pour l’académicien Dany Laferrière, «le racisme est un virus». Cette analogie avec le coronavirus vient à point nommé avec une troublante analogie dans l’invasion et la létalité.  Ecoutons-le :

«le racisme naît, vit et pourrait même mourir un jour. Il est contagieux et se transmet d’un être humain à un autre. Toutefois, sa rapidité de contagion varie selon le lieu ou la situation. On peut d’ailleurs créer de toutes pièces des situations qui augmenteraient sa vitesse et sa puissance, alors que d’autres la diminueraient. Si le chômage fait soudain rage, on pointe alors du doigt les nouveaux venus qui conservent en eux, semble-t-il, ce gène de la misère qui permet au racisme de féconder. C’est en voyant un malade qu’on apprend l’existence du virus, sinon il reste invisible. Ce qui fonde l’idée que le malade est responsable de la maladie. Si le Blanc pense que c’est avec le Noir que ce virus est arrivé en Amérique, le Noir croit, lui, que c’est la cupidité du Blanc à vouloir exploiter son énergie qui le garde encore vivant. Il n’y a pas de Noir sans Blanc, comme il n’y a pas de Blanc sans Noir.»(8)  

«On se demande, poursuit-il, quand tout a commencé en Amérique ? Il y a 400 ans, avec le commerce d’esclaves. Les premiers bateaux négriers sont arrivés à ce moment-là sur les côtes d’Amérique. Cela peut sembler lointain, mais, sur le plan historique, c’était hier. Les petits-fils d’esclaves font tout pour se rappeler «ces siècles sanglants» tandis que les petits-fils de colons font tout pour les oublier. On ne pense pas toujours à la même chose au même moment. On peut faire remonter la conception du virus quand l’Europe s’est mise à fantasmer sur cette énergie gratuite et inépuisable : la force de travail de l’esclave. Le but c’est l’argent. Faire travailler les autres gratuitement, avec droit de vie et de mort sur eux. On trouve encore des gens aux États-Unis qui pensent avec nostalgie à cette époque. Je dis États-Unis parce que les derniers événements s’y sont déroulés, mais je souris de voir l’Europe s’étonner de la violence du racisme américain, oubliant qu’elle était à l’origine de toute cette histoire. C’était la première pandémie puisque au moins trois continents étaient impliqués : l’Europe, l’Afrique et l’Amérique. Il y a un point qui reste mystérieux : le racisme est capable d’apparaître dans les régions les plus reculées (…) Le virus peut-il passer de l’homme à l’animal ? On pourrait le croire en voyant dans le sud des États-Unis, il n’y a pas si longtemps, des endroits publics où c’est affiché : ‘‘Interdits aux nègres et aux chiens’’.»(8)

Convoquant l’Église qui légitime la condition biblique des Noirs, Dany Laferrière l’amalgame avec le pouvoir de Colbert :

«Pour que l’esclave puisse accepter sa condition de bête de somme cela requiert une participation de tous les corps de métier qui ont une certaine influence sur la société. L’Église lui fait comprendre que tant de souffrance sera récompensée par une place certaine au paradis.  Un article du Code noir qui régit tous les aspects de la vie de l’esclave stipule que ‘’le nègre est un bien meuble’’. On est en plein siècle des Lumières. Pourtant, l’esclavage va fleurir durant cette époque de haute philosophie et de progrès scientifique. On se demande même si le Noir possède une âme. On remarque alors que plus le virus s’installe, plus la police se croit puissante. Une fois qu’il est là, c’est difficile de l’extirper du corps. On cherche ou on fait semblant de chercher un vaccin pour le tuer. Mais en fait, c’était sans compter sur la pièce maîtresse : l’argent. Car tout le monde cherche à s’enrichir par la traite négrière. Même les philosophes – Voltaire en tête – possédaient des actions à la Compagnie des Indes.  C’est l’argent qui a permis au virus de se propager. Au point que le raciste se demande de quoi on l’accuse. Si l’Afrique du Sud l’a perfectionné avec l’apartheid, l’Amérique avait compris longtemps avant qu’il fallait une distance sociale. Étrangement cette fois, la distanciation sociale permet au virus de garder sa vigueur. Rapidement les États du Sud ont mis en place un système sanitaire qui écarte dans tous les actes de la vie quotidienne le Blanc du Noir. Il ne fallait pas qu’ils soient ensemble dans la même pièce. Il ne fallait pas qu’ils fréquentent les mêmes bars sauf s’il y a deux entrées. C’était aux Noirs de se tenir à distance.»(8)  

«Je ne sais pas, conclut l’auteur, par quel étrange raisonnement on a conclu que le virus du racisme n’était pas chez le Blanc mais chez le Noir, qu’il n’était pas chez le maître mais chez l’esclave. C’est pour cela qu’on a mandaté la police pour protéger le Blanc du Noir. Car c’est de sa faute si le Blanc est raciste. On ne lui reproche rien d’autre que d’être Noir. Des penseurs ont affirmé que n’importe qui peut être raciste. N’importe qui peut être un salaud ou un tueur, mais le racisme est un virus particulier. Il a besoin d’un porteur qui se croit supérieur à tout autre individu différent de lui, tout en pensant que le Noir est au bas de l’échelle. Sait –il qu’il y a quelques siècles cet homme aurait été son ‘’bien meuble’’. Pendant longtemps on a cru que le raciste ressemblait à ces hommes qui portent des cagoules pointues et de longues robes blanches pour se réunir la nuit sous de grands arbres avec des torches et une croix en flammes. On sait aujourd’hui que le virus a atteint presque tout le monde après quatre siècles. Et que la plupart des porteurs sont sains, c’est-à-dire qu’ils l’ont mais n’en souffrent pas. Le pire c’est qu’ils peuvent le transmettre. Supposons que nous en sommes tous atteints : ceux qui subissent comme ceux qui infligent, et qu’il n’y a pas de guérison possible sans un effort collectif. Vous avez vu l’énergie et l’argent dépensés pour l’autre virus, et cela même sans espoir d’une éradication totale? Si nous mettons le même effort, même s’il faut bloquer un moment le système, pour éradiquer une fois pour toutes ce virus du corps humain. Juste un effort pour détruire le virus, sans le relier à une race, ou à un passé même sanglant, même injuste. Ce sera un très lent processus, mais si nous réussissons nous aurons l’impression d’être moins idiots.» (8)

Mohammed Ali et sa fameuse réplique 

Il y eut quelques défenseurs de la cause des Noirs. Nous nous souvenons tous de Martin Luther King avec son fameux «I have a dream» de Malcom X, assassinés. Angela Davis,  grande figure condamnée à mort en 1972 mais graciée après une mobilisation internationale. Mohammed Ali, à sa façon, lutta contre le racisme. Invité de Bernard Pivot dans l’émission «Apostrophes» en 1976 , à l’occasion de la sortie de son livre Le Plus Grand, il a vivement réagi aux propos d’un autre invité qui a qualifié ses discours de «fanfaronnades». :

«Le boxeur américain a répliqué avec force et panache. Un grand moment de télé qui résonne avec l’actualité.  ‘’Un Noir qui ouvre sa gueule pour dire qu’il est le plus grand, ça, ça vous gêne ! Cette fanfaronnade gêne les Blancs plus que les Noirs. Parce que, pour les Noirs, je peux vous assurer que ça leur donne le sentiment de confiance. Parce que n’oubliez pas que nous sommes les inférieurs. Et eux sont fiers de voir un de leurs frères dire aux gens ce qu’il a à leur dire. Les Noirs ont l’impression d’être traités comme des animaux. Alors c’est une revanche pour eux quand ils me voient. C’est une inspiration pour eux. Vous, vous n’aimez pas beaucoup ce genre de fanfaronnades. Parce que vous vous dites : ‘’Quel est ce Noir qui ouvre sa grande gueule ? Nous ne lui avons jamais appris à se comporter de la sorte ! Les gens comme ça, nous en avons fait des esclaves. Nous n’avons jamais appris à ces gens-là d’être fiers (…) Quel est ce Noir qui subitement se permet d’ouvrir sa grande gueule pour dire qu’il est le plus grand ?’’ Alors ça, ça vous gêne !’’.» (9) 

«Fin psychologue qui étudie bien l’adversaire avant de le mettre KO. Face à ce parterre de ‘’lumières’’ condescendantes, Mohammed Ali a fait mouche en disant la vérité. Cette vidéo mérite plusieurs lectures. Quelque part, elle rétablit l’équilibre du genre humain. C’est-à-dire l’égale dignité de la race humaine. Cette vidéo vient à point nommé pour déconstruire des stéréotypes. Ceux des races supérieures, de la destinée manifeste et autres ‘’certitudes’’ coloniales d’une doxa occidentale sur le déclin.»(10)

Les statues déboulonnées comme solde de tout compte ?

«Faut-il oui ou non déboulonner les statues des personnages historiques connus pour leur cruauté, leur racisme et leur violence ? Alors qu’ici et là, des bronzes sont jetés au sol par des manifestants antiracisme, le débat fait rage. Il divise non pas racistes d’un côté et non-racistes de l’autre, mais deux stratégies différentes. D’un côté, il y a ceux qui considèrent que la représentation de ces personnages doit disparaître du paysage commun. Histoire de ne pas perpétuer l’image du mal. Et, d’un autre côté, il y a ceux qui veulent les préserver pour que l’on puisse regarder notre histoire en face, la connaître, la juger… et éviter de la répéter. Conserver des monuments non plus pour honorer les personnes à qui ils sont dédiés mais pour ne pas oublier les crimes de l’histoire ? Pourquoi pas, à condition, comme le suggère l’écrivain belge Thomas Gunzig, de re-contextualiser ces monuments et de dire toute la vérité sur les personnages qu’ils représentent. Pourquoi cette position ? Il s’en est expliqué très clairement et avec beaucoup de panache : ‘’Non, il ne faut pas déboulonner les statues de Léopold II. ll ne faut pas parce que ce serait beaucoup trop gentil pour lui. Je ne veux plus le voir. Alors on enlève les statues. Alors je n’y pense plus. Alors j’oublie. Alors c’est comme si rien ne s’était passé. Et l’oubli, comme vous le savez, c’est l’autre nom du pardon.’’» https://positivr.fr/thomas-gunzig-deboulonner-statue-leopold-2-racisme/ 11 juin 2020

Conclusion

Le néocolonialisme est aussi brutal, mais, mondialisation oblige, on colonise à distance, on dépèce à distance, on tue même sans voir certaines fois, on décide du destin des hommes à partir d’une salle climatisée. La vigilance est de mise et le discours de Césaire n’a pas pris une ride. La prédation sous de nouveaux habits est toujours là. La mondialisation et le néolibéralisme qui laminent les faibles sont les nouvelles formes de colonisation, partis pour durer si on ne s’indigne pas constamment et ne déjouons pas les pièges multiples de la prédation du monde. Il ne peut pas y avoir un solde de tout compte envers un Occident, sûr de lui, dominateur.  L’ensauvagement de l’Occident est là ! 

Nous prendrons à notre compte cette tirade de Gilles D’Elia sur l’obscène discours de Dakar de Nicolas Sarkozy et qui n’a pas pris une ride : «On a beaucoup commenté la tirade sur ‘’l’Homme africain’’ de Nicolas Sarkozy. Comme si une ligne rouge avait été franchie. Il n’est pas certain que ce soit le cas, ce verbiage décomplexé ayant tout d’une stratégie d’officialisation d’un discours dominant déjà installé depuis fort longtemps. ‘’L’Europe est indéfendable’’ : ces trois mots, qui ouvrent le Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire, sont un poison dangereux pour les scribes du pouvoir. Car nous savons maintenant que le dernier moment de la colonisation consiste à coloniser l’histoire du colonialisme. Même lorsque les colons seront partis, tout restera à faire. Car la colonisation n’est pas un phénomène singulier, un accident regrettable de la noble histoire occidentale, elle est la conséquence d’un régime politique précis : le capitalisme. Et tant que ce régime sera debout, jamais il ne pourra raconter la véritable histoire du colonialisme, car il se condamnerait du même coup.» (11) 

Naturellement aussi, on invoquera l’esclavage pratiquée par les Arabes et les musulmans  et on passera naturellement sous silence l’esclavage dont s’étaient rendus coupables les négriers européens juifs.  Toutes ces pratiques honteuses sont condamnables. Cependant l’esclavage occidental  perdure d’une façon ou d’une autre sous la forme d’un racisme qui peut être primaire ou mondain avec  en toile de fond, l’impossibilité pour un allogène noir, arabe, musulman de prétendre au fameux triptyque Liberté, Egalité,  Fraternité, pour cause entre autres,  de plafond de verre.   Nous ajoutons que les repentances hypocrites, les déboulonnages de statues ne sont que la partie visible du malentendu initial, celui de croire appartenir à une race supérieure. Le racisme est consubstantiel  de la conviction de l’Homme blanc qu’il appartient à une race élue et qu’à ce titre Dieu lui a dit de gouverner le monde quitte à semer le chaos. Est-ce ainsi que les Hommes vivent ? disait Aragon. La question  reste posée.

Professeur  Chems Eddine Chitour

École polytechnique, Alger

Notes :

1. Nathalie Funès     https:// www .nouvelobs. com/histoire/ 20190204.OBS9565/comment-la-france-a-aboli-une-premiere-fois-l-esclavage.html

2. Catherine Coquery-Vidrovitch https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/05/06/en-occident-l-heritage-de-la-longue-histoire-de-l-esclavage-c-est-le-racisme-anti-noirs-et-l-importance-de-la-couleur-de-la-peau_5294996_3232.html Interview par Anne Chemin

3.http://.blogs.nouvelobs.com/adieu-cesaire-ceux-qui-te-pleurent-te-saluent.html/ 2008/04/17

4. Écrits de Césaire dans C. E. Chitour http://www.alterinfo.net/Aime-Cesaire-Son-combat-pour-la-dignite-humaine-vaut-mieux-que-mille-titre-d-academicien_a19069.html

5. http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/aime-cesaire-le-plus-grand-137897

6.       http://www.liberation.fr/contre-journal/ 010179178-sarkozy-l-anti-cesaire 21 avril 2008

7. Nathalie Funes  https://www.nouvelobs.com/monde/afrique/20181128.OBS6158/pendant-150-ans-des-hommes-ont-exhibe-d-autres-hommes-dans-des-zoos.html

8. Dany Laferrière https://www.nouvelobs.com/bibliobs/20200610.OBS29913/le-racisme-est-un-virus-par-dany-laferriere.html

9. Axel Leclercq https://positivr.fr/mohamed-ali-apostrophes-1976-fierte-noirs/? 16 juin 2020 

10. www.facebook.com/watch/?v=335407247450945

11. https://www.liberation.fr/contre-journal/2008/04/21/sarkozy-l-anti-cesaire_70091

Article de référence https://www.lesoirdalgerie.com/contribution/le-racisme-et-le-mythe-des-races-superieures-loccident-en-questionnement-44040

 

 

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Cela s’est passé un 22 février 2019, la vague joyeuse qui a tout emporté

Publié le par S. Sellami

Cela s'est passé un 22 février 2019, la vague joyeuse qui a tout ...

Le 22 février n’est pas né le 22 février mais avant le 22 février, ce qui fait beaucoup de 22 février dans cette phrase. Retour sur une date très symbolique qui n’a pas dit son dernier jour.

   Mais que s’est-il passé le 22 février ? Tout dépend de l’année, le 22 février 1997, la brebis Dolly était présentée aux médias, premier mammifère cloné de l’histoire à partir d’un noyau de cellule somatique adulte. Mais nous ne sommes pas des moutons, malgré les apparences, et nous sommes bien des adultes, avec ou sans noyau. Alors plus tôt, le 22 février 1900, naissait Luis Buñuel, cinéaste espagnol surréaliste, auteur du célèbre « Chien andalou », écrit conjointement avec Salvador Dali, où un homme et une femme pris dans un récit disloqué entre rêve et réalité, tentent d’être heureux, tantôt ensablés, tantôt entourés d’ânes morts posés sur un piano. Mais nous ne sommes pas des chiens non plus, malgré tout ce que l’on nous a fait subir, et même pas des ânes, surtout pas morts. En l’an 125 ap. J.-C., naissait Apulée de Madaure dans l’actuelle Mdaourouch à l’Est de l’Algérie, écrivain et philosophe connu localement comme Afulay et premier romancier algérien, voire du monde. Dans son chef d’œuvre « L’âne mort », il décrivait les pérégrinations d’un homme transformé en âne par une sorcière, pris ensuite par une bande de voleurs, et qui passe toute l’histoire à tenter de retrouver sa forme originelle. Avions-nous été envoûtés ?  Pris en otage par des voleurs ? Étions-nous à la recherche de notre forme humaine ? Alors, que s’est-il passé le 22 février ?

A CHEVAL SUR UN CHEVAL

   C’est dans ce cadre animalier qu’à la fin de l’année 2018, une réunion secrète de Rois, Princes régnants, vassaux et chefs féodaux de tribus est organisée pour décider de l’avenir du pays, la reconduction ayant été adoptée comme seule option consensuelle, pendant qu’à l’extérieur, on tentait de faire passer l’impassable : une scène historique est diffusée à la télévision officielle, un cheval offert au cadre du Président Bouteflika, devant une foule de personnalités, presse, chef de daïra, autorités civiles et militaires locales. Ébahis, les téléspectateurs algérien(ne)s regardent ce cheval, qui visiblement ne comprend pas pourquoi on le pousse vers un cadre en bois doré, se demandant qui est cet homme dedans. Il s’agit du Président, mort ou presque, en tous cas immobile, au regard fixe. Puis le cadre en train de prier à la mosquée entre le Premier ministre et d’autres personnalités, le cadre sur un cortège escorté par les services de sécurité en train de dévaler le boulevard Zighout Youcef. Puis le délire, le cadre en camping, le cadre au bureau, le cadre à la plage, scènes surréalistes que Dali et Buñuel n’auraient pas reniées. Dali est d’ailleurs une grande tribu algérienne, regroupant les Sedratas et Zouabis dans le pays chaoui, à l’Est de l’Algérie encore, et le patronyme Dali se retrouve partout dans les vieilles cités, Constantine, Bejaïa et Tlemcen. Et donc, que s’est-il passé partout le 22 février de l’année suivante ?

UN CHACAL AUSSI AIME SES ENFANTS

   Dans l’ensemble du Maghreb, on trouve une expression pour désigner l’arc en ciel, « tameghra b-oucchen » en Tamazight, « 3ars e-dib » en Arabe, ce qui veut dire la même chose : « la fête du chacal. » Le soleil et la pluie, arrivés en même temps, donnent ce phénomène météorologique avec des couleurs si belles que même le chacal en devient heureux. C’est peut-être ce qu’il s’est passé, la conjugaison de ces deux éléments à la sortie de l’hiver, début du Printemps. Le cadre toujours, 10 février 2019, un meeting à la coupole du 5 juillet est organisé par le FLN pour déclarer un soutien total à Bouteflika, candidat à sa propre succession pour un 5ème mandat. Mais où est-il ? On l’a dit, dans le cadre, que de nombreuses personnalités du régime portent avec une ferveur religieuse, tentent de l’embrasser, se bousculant pour être pris en photo avec la photo. Le meeting se termine avec une autre scène surréaliste, Moad Bouchareb, secrétaire général désigné du FLN, remet officiellement un cadre de Bouteflika au secrétaire général désigné de la présidence de la République, qui devait déjà en avoir une centaine chez lui dans son garage.

   Dans la foulée, la photo de famille est publiée le 11 février, allégeance des partis de l’Alliance, FLN, RND, TAJ et MPA, à la candidature de Bouteflika pour un 5ème mandat. Poignées de mains, sourires crispés, silences honteux, on ne parle pas la bouche pleine. Avec à la sortie, un Ouyahia, Premier ministre arrogant comme un chacal, le doigt levé en guise d’avertissement au moindre geste : « nous avons prouvé par le passé notre capacité à maîtriser la rue. » C’est justement ce qu’il ne va pas se passer le 22 février.

LA STRATÉGIE DU MILLE-PATTES

   Le lendemain de la photo de la honte, le 12, des jeunes sortent dans la rue à Chlef, chantant joyeusement « Bouteflika ya el maroki, makach 3ouhda khamsa », « pas de cinquième mandat pour Bouteflika le Marocain. » Le 13 à Bordj Bou Arriredj, une marche imposante contre le 5ème mandat réunit des citoyens en colère. Le 16 février, une immense manifestation a lieu à Kherrata, ville montagneuse symbolique des massacres commis par les Français le 8 mai 1945 contre des manifestants nationalistes, avec tirs d’automitrailleuses contre les foules, de canons par des navires de guerres sur les montagnes et bombardements aériens pour raser les villages. Mais c’est une autre histoire, 19 février 2019 à Khenchela, une foule se rassemble devant le siège de l’APC où une immense photo du Président est accrochée à côté d’un long drapeau du pays. Le nombre de manifestants est impressionnant, ils crient à un jeune qui escalade la façade de la mairie : « Enlève la photo, laisse le drapeau ! » La guerre de l’image vient de s’inverser et les amalgames dénoués, tout comme il a fallu séparer religion et politique, il faut maintenant séparer l’Etat et le régime, le second ayant pris en otage le premier, Bouteflika n’est pas l’Algérie et le drapeau n’a rien à voir avec ce vieux dirigeant malade. La photo du Président est décrochée et tombée à terre, les manifestants la piétinent. C’est la fin d’un règne de 20 ans, 7644 jours exactement, soit 4 fois plus que l’Emir Toumi, roi de la régence d’Alger de 1505 à 1515, ou 6 fois plus que Baba Arudj, Barberousse, roi de la même régence qui n’a régné que 3 ans sur le pays, de 1515 à 1518. Alors, il s’est passé quoi le 22 février ? Des millions de personnes dehors, partout, en même temps, entre espoir et peur, et surtout à Alger El Mahroussa, la bien-gardée, épicentre du pouvoir où les marches sont officiellement interdites depuis longtemps. Puis, chaque vendredi, la foule, rassurée par la silmiya, belle et unie, pacifique et résolue, connaissant parfaitement les pièges de la violence comme alibi à la contre-violence. Femmes, hommes, enfants, vieux, militants et simples citoyens sont dehors, une nouvelle Algérie naît, sortie du faux-filet de « la stabilité avant tout, quelque soit la nature des dirigeants. » Les slogans fusent, contre le 5ème mandat, « même si vous déployez toutes vos forces de sécurité », mais aussi contre l’oligarchie régnante : « Vous avez pillé le pays, bande de voleurs ! » Habillés en braqueurs de banques comme dans la série espagnole « Casa del papel », des groupes défilent, la rue devient un théâtre géant, une jeune femme exécute des pas de danse classique, un homme s’habille en couches pour se moquer du Président invalide, les drapeaux sont partout, y compris Amazigh, on voit même des slogans en Chinois et en Allemand que personne ne comprend. Les référents aux héros de la guerre d’indépendance sont nombreux, surtout que les Algérien(ne)s sont souvent sortis dans les grandes occasions, les marches de mai 1945, celles de 1962 pour arrêter la crise naissante entre deux factions du pouvoir à l’indépendance, en octobre 1988 pour contester le régime liberticide, contre le terrorisme, pour les libertés, pour la Palestine, ou contre les dictatures. Mais cette fois, c’est surtout avec humour, partout sous forme de banderoles : « Vous êtes malades, nous sommes le remède », « On ne conduit pas un pays en charrette », allusion au fauteuil roulant du président paralysé, jusqu’à « Toz, you can’t » en turco-anglais, toz désignant le sel en Turc, de l’époque où les Algériens, soumis aux impôts des Ottomans, déclaraient n’avoir que du sel, toz, non imposable, ce qui se traduit aujourd’hui par « laisse tomber, tu ne peux rien faire. » Le régime recule et tente de sacrifier quelques pions sur son échiquier de bois mort. Le 12 mars, Ouyahia, contrôleur de rues, est démis de ses fonctions, mais ça ne change rien.

   Alors qui a commencé le 22 février qui s’est finalement passé avant le 22 février ? Le débat sur la primeur du Hirak est toujours en cours, Kherrata pour les uns, Chlef, Khenchela ou Bordj pour les autres, on tente de tirer la couverture à soi alors qu’il fait chaud, pas besoin de se couvrir, surtout que cette formidable révolte pacifique est le fait de tout un pays qui s’est levé pratiquement en même temps. Sauf qu’en réalité, s’il fallait trouver une origine, ce serait les stades, où les supporters chantent depuis des années des slogans anti-pouvoir, le célèbre « La Casa d’El Mouradia » repris par tous les manifestants du 22 février date du Printemps 2018. Propriété exclusive des supporters de l’USMA, paradoxalement club propriété à cette époque de Ali Haddad. Finalement, que s’est-il passé le 22 février ?

MYTHOLOGIE DU FENNEC

   Animal craintif mais rusé, il a d’immenses oreilles qui lui servent plus à ventiler l’air dans les régions chaudes où il habite qu’à entendre les rumeurs de la ville. Le fennec vit dans un terrier, mange de tout, possède de longues moustaches, même la femelle, il est monogame, vit en couple toute sa vie et se reproduit en février. Enfin, c’est le plus petit des canidés sur Terre, famille qui comprend aussi le chien et le chacal. Le fennec est la mascotte de l’Algérie, appelé aussi zerdi en langage populaire, symbole de la ruse et la capacité à se faufiler partout. Est-ce vraiment cet animal qui représente le pays alors qu’il y a l’âne et le lion, animaux fétiches, l’aigle, maître des sommets, le dromadaire, roi du désert, la gazelle, peut-être pas assez masculine, le chardonneret, compagnon chanteur des vieilles villes qui parle trop ? C’est comme ça et on ne sait plus qui en a décidé ainsi, en tous les cas le fennec est protégé par la loi algérienne, il est strictement interdit de le chasser et tous les spécimens mis en cage sont saisis pour être libérés. Surtout, le fennec chasse les nuisibles, ce qui le rend indispensable à l’homme. Mais qui a fait le 22 février ? Un complot spontané ? Non, c’est antinomique, un complot ne peut être spontané, il est réfléchi, conçu et préparé à l’avance. Il y a bien eu des éléments du DRS, écartés par Bouteflika, qui ont soutenu le mouvement en ruminant leur vengeance mais ont tout perdu après, à l’image du Général Toufik, que personne ne pouvait imaginer en prison puisque c’était lui la prison. Les puissances étrangères, Soros ou les activistes sous-marins des révolutions colorées ne sont pas non plus responsables de quoi que ce soit, surpris eux-aussi par la rapidité du mouvement populaire. Alors que s’est-il passé le 22 février ? Un ras-le-bol, lentement alimenté, avec un 5ème  mandat, un cadre, du mépris, de l’ignorance et de l’arrogance, la goutte qui a fait déborder le gaz. Et les animaux dans tout ça ? Sacrifiés les premiers, comme toujours, lors des fêtes ou pour invoquer les puissances supérieures. Car c’était bien une fête, pour les Algériens, et un cauchemar, pour le régime, réduit à changer des têtes pour survivre.  On raconte une histoire, celle d’un riche propriétaire terrien dont le cheval s’est blessé. Ne le voyant pas se relever, il convoque un vétérinaire qui lui dit que c’est un cheval, à la patte cassée, et que s’il ne se relève pas dans trois jours, il faudra l’abattre. Un mouton ayant entendu la conversation va en parler au cheval, pour lui dire de se relever, sous peine de mort. Pendant deux jours, le cheval n’a pas réussi à se mettre debout. A l’aube du troisième jour, le mouton va voir le cheval pour lui indiquer que c’est sa dernière chance, il faut impérativement qu’il se relève. Au prix d’un effort surhumain, ce qui normalement ne s’applique pas à un animal, le cheval se relève. Quand le propriétaire arrive avec son fusil pour l’abattre, il le trouve debout. Surpris et heureux, il annonce joyeusement : « C’est un miracle, ce soir on fait un méchoui ! » D’après les invités venus dîner, le mouton était délicieux.

Chawki Amari

Image à la Une : protestants Algériens 21 février 2020 – REUTERS/Ramzi Boudina

Image intérieur : Midou Baba Ali

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Covid-19 : les réactions occidentales aux leaders africains révèlent la persistance du paternalisme colonial

Publié le par S. Sellami

Par Neil Clark
Paru sur RT sous le titre If black lives matter, then why are African leaders with a different take on Covid-19 being taunted?

Les critiques adressées aux présidents de la Tanzanie et de Madagascar, John Magufuli et Andry Rajoelina, pour avoir remis en cause le « consensus » sur le Covid montrent que, pour certains, « Black Lives Matter » (les vies noires comptent) uniquement si les voix noires en question disent ce « qu’il faut ».

YouTube affiche une bannière « Black Lives Matter ». Plutôt méritant, non ? Mais cela n’a pas empêché la plateforme internet de supprimer une vidéo réalisée par une militante canadienne surnommée « Amazing Polly », qui présentait des affirmations sur le Covid-19 et son traitement par les dirigeants de la Tanzanie et de Madagascar. Elle l’a ensuite restaurée, mais le fait qu’elle l’ait censurée en premier lieu, ainsi que les réactions hostiles et sarcastiques de certains à ce que les dirigeants africains ont affirmé, en disent long sur la politique à deux vitesses actuellement en vigueur.

Le grand crime de Magufuli a été de décider de tester les testeurs. Il a demandé aux services de sécurité de son pays d’envoyer aux laboratoires de tests du Covid-19 des échantillons prélevés sur une papaye, une chèvre, de l’huile de moteur et un type d’oiseau appelé kware, entre autres sources non humaines, et de leur attribuer des noms et des âges humains. L’échantillon de papaye a reçu le nom « Elizabeth Ane, 26 ans, sexe féminin ». Et devinez quoi ? L’échantillon est revenu positif au Covid-19. Tout comme ceux du kware et de la chèvre.

Les kits de dépistage avaient été importés. Il est clair que, comme l’a déclaré Magufuli – un docteur en chimie – quelque chose n’allait pas. « Quand vous remarquez quelque chose comme ça, vous comprenez qu’un sale jeu se joue avec ces tests », a-t-il dit.

(Tweet : « Nous avons prélevé des échantillons d’une papaye, nous l’avons appelé Elizabeth Ane, 26 ans, sexe féminin – les résultats de la papaye sont revenus positifs, elle a le coronavirus. »)

Il a conseillé à son peuple, en ce qui concerne la stratégie contre le Covid-19 de son gouvernement, « Faisons passer Dieu en premier. Nous ne devons pas avoir peur les uns des autres », dans un contraste frappant avec l’approche « La distanciation sociale est là pour rester » du « Projet Effroi » adopté ailleurs.

Magufuli a également assuré à son peuple qu’il enverrait un avion pour collecter un remède à base de plantes promu par le président de Madagascar Andry Rajoelina contre le Covid-19.

Dans sa vidéo, Amazing Polly n’inclut pas seulement des extraits de discours des dirigeants Magufuli et Rajoelina, elle se concentre également sur les critiques qu’ils ont reçues de l’establishment de la santé mondiale.

Le texte subliminal : Comment ces Africains prétentieux osent-ils contester ce que nous disons ! Comment osent-ils promouvoir leurs propres médicaments traditionnels (au lieu de ceux de Big Pharma) ou affirmer que les tests de dépistage des coronavirus donnent des faux positifs !

« Il faut faire attention à la désinformation, notamment sur les réseaux sociaux, sur l’efficacité de certains remèdes », a déclaré l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Mais faut-il vraiment être aussi prompts à écarter Magufuli et Rajoelina, et ce qu’ils ont à dire ? La question n’est pas de savoir si nous sommes d’accord ou non avec les approches tanzanienne et malgache, mais plutôt de savoir si, au moins, il doit y avoir un débat approprié entre adultes à ce sujet.

Au moment où nous écrivons ces lignes, Madagascar a fait état de 15 décès dus au Covid-19, tandis que Magufuli a déclaré la Tanzanie exempte de coronavirus au début du mois de juin, après un total de 21 décès. Vous pouvez contester ces chiffres, c’est votre prérogative, mais vous ne pouvez pas automatiquement présumer qu’ils sont inexacts.

« Je suis certain que de nombreux Tanzaniens croient que la maladie à coronavirus a été éliminée par Dieu », a déclaré Magufuli. [1] Mais il n’y a rien de plus susceptible de déclencher un « consensus » occidental « antiraciste » en matière de santé publique mondiale qu’un dirigeant noir africain défiant la « ligne du parti » sur le Covid et parlant de Dieu. Il suffit de regarder la couverture de la presse occidentale sur la position de Magufuli : « Le « bulldozer » africain rentre dans le Covid et prétend que Dieu est de son côté » a été le titre d’un article très hostile sur Bloomberg.com. [2]

Un autre journaliste a déclaré que Magufuli est « un concurrent sérieux pour la place de leader mondial le plus stupide sur le coronavirus ».

(Tweet : « Le président tanzanien John Magufuli – docteur en chimie – a encouragé les citoyens à aller à l’église parce que le coronavirus ne peuvent pas survivre dans le corps du Christ.
Un concurrent de taille pour la place de chef de file mondial le plus stupide de la crise du coronavirus. »)

Les articles de presse sur la Tanzanie affirment souvent qu’il y a eu dissimulation. Dès le 13 mai, l’ambassade des États-Unis en Tanzanie est entrée en lice, affirmant que le risque de contracter le Covid-19 à Dar es-Salaam était « extrêmement élevé ». L’insinuation était que le leader tanzanien ne pouvait pas dire la vérité sur le Covid. Mais cette hypothèse n’était-elle pas un peu, euh… raciste ?

Un autre dirigeant africain qui a contesté le « consensus » sur le Covid-19 était le Burundais Pierre Nkurunziza. Le Burundi, qui n’a pas imposé de confinement, a en fait expulsé du pays l’équipe de l’OMS en mai, en l’accusant d’ « ingérence inacceptable ». Le 8 juin, Nkurunziza est mort subitement, à l’âge de 55 ans. Là non plus, cette affaire n’a pas été très médiatisée, à l’exception de quelques articles en Occident affirmant qu’il était mort du coronavirus, alors que la cause officielle était une crise cardiaque. Les dirigeants africains peuvent être applaudis, mais seulement s’ils suivent la ligne politiquement correcte établie par les « antiracistes » autoproclamés en costume-cravates de l’Occident blanc, semble-t-il.

Et cette mentalité coloniale imprègne même le mouvement « anti-impérialiste ». Un de mes amis m’a dit qu’il avait participé à une manifestation contre l’agression de la Libye par l’OTAN en 2011. Certains Libyens présents portaient des banderoles du président de leur pays, Mouammar Kadhafi. Les organisateurs non libyens leur ont dit de les ranger. Authentique : Les Africains n’étaient pas autorisés à arborer des banderoles à l’effigie du dirigeant de leur pays lors d’une marche contre le bombardement de leur pays.

Rajoelina a mis le doigt sur le problème lorsqu’il a déclaré que la seule raison pour laquelle le reste du monde a refusé de traiter ce qu’il croit être le remède de son pays contre le coronavirus avec l’urgence et le respect qu’il mérite est que ce remède vient d’Afrique.

N’est-ce pas ironique qu’à l’heure où les dirigeants occidentaux tentent de nous montrer chaque jour à quel point ils sont formidablement « antiracistes », les voix noires étrangères aux États-Unis et à la Grande-Bretagne [et à la France, NdT] soient ignorées, voire ridiculisées ?

Pas plus tard que la semaine dernière, le Premier ministre britannique Boris Johnson a exprimé sa désapprobation quant au fait que la Grande-Bretagne ait accordé dix fois plus d’aide à la Tanzanie que « nous le faisons aux six pays des Balkans occidentaux, qui sont très vulnérables à l’ingérence russe ». Il est intéressant de voir que l’aide envoyée à la Tanzanie n’est remise en question que maintenant, alors que le pays n’a pas suivi le scénario du Covid-19 imposé par les puissances occidentales.

On peut se demander combien de célébrités, d’hommes politiques et d’experts exprimant publiquement leur soutien à Black Lives Matter aujourd’hui ont effectivement lu les travaux de grands dirigeants noirs africains tels que Kwame Nkrumah au Ghana et Julius Nyerere en Tanzanie, ou, en fait, en ont même entendu parler ? J’imagine que la réponse serait très peu, voire aucun.

Le rejet arrogant des voix africaines qui osent défier l’orthodoxie de l’élite occidentale, et l’incapacité à envisager la possibilité que les dirigeants africains aient raison et que leurs homologues occidentaux aient pu se tromper, est en soi une forme de néocolonialisme. Et, ne l’oublions pas, Nkrumah a décrit cela comme « la pire forme d’impérialisme ».

Si les vies des Noirs comptent, alors les opinions noires « politiquement incorrectes » doivent être écoutées avec respect, et non avec un air suffisant et supérieur avant d’être lentement balayées d’un revers de main, comme le ferait un enseignant avec un enfant désobéissant. Mais en cette époque de bêtise où beaucoup suivent sans réfléchir le récit mondialiste dominant, il est plus simple pour certains de « s’agenouiller » pour prendre un selfie et le poster sur les réseaux sociaux que de prendre un moment pour observer la situation dans son ensemble.

Neil Clark est un journaliste, écrivain et blogueur britannique. Son blog primé est disponible à l’adresse suivante : www.neilclark66.blogspot.com.

Traduction Corinne Autey-Roussel pour Entelekheia

Notes de la traduction :

[1] Le peuple africain, dans son ensemble – à quelque chose comme 100% – étant très pieux, il est normal qu’un leader africain se réfère à Dieu. Ce peuple est d’ailleurs également d’une remarquable tolérance religieuse, toutes les religions et cultes, des diverses formes du christianisme aux religions traditionnelles en passant par le bouddhisme ou l’islam, ayant droit de cité et étant « africanisés » de la même façon, c’est-à-dire qu’ils finissent tous par prendre des allures de religions traditionnelles africaines, avec tambours et percussions, chants en langues locales et danses collectives. Les églises du sud des USA où des Afro-américains chantent et dansent sur du Gospel et des Negro spirituals enthousiasmants en sont les héritières directes. Et le Blues et son dérivé le Rock, au fait, aussi.
La seule chose que le peuple africain ne comprenne pas est l’athéisme. La question est, au nom de quoi devrait-il changer ? Il est prêt au dialogue avec nous. Peut-on en dire autant de nous ? Notre narcissisme d’ancien pays colonial peut-il s’accommoder de sa différence et s’abstenir de tenter de le remodeler à notre image, ou sommes-nous nombrilistes au point de ne pas concevoir qu’ailleurs, les avis puissent diverger des nôtres et n’en être pas moins dignes de respect ? Le respect de l’intelligence de l’autre, même très étranger à notre façon de penser et de vivre, est pourtant l’un des socles de l’anti-colonialisme.

 

[2] On pourra noter – mais peut-être n’est-ce qu’une coïncidence – que Bloomberg, qui joue dans la même ligue que Bill Gates, est à la pointe du combat pour les intérêts de Big Pharma, notamment au sein de l’OMS.
Sur l’action de l’OMS-Big Pharma en Afrique, voir Pas assez chère ? L’Artemisia, mal aimée de la lutte contre la malaria

http://www.entelekheia.fr/2020/06/27/covid-19-les-reactions-occidentales-aux-leaders-africains-revelent-la-persistance-du-paternalisme-colonial/

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L'irresponsabilité des uns, la négligence des autres

Publié le par S. Sellami

L’image contient peut-être : une personne ou plus et texte

Ce n'est plus une question de moyens c'est une question de prise de mesures. Chacun de son poste, de sa position doit assumer ses responsabilités. Tout un chacun sait qui doit et peut faire quoi. Une compétence territoriale, une responsabilité personnelle.

Le rythme s'accélère à une vitesse où chaque jour, depuis peu l'on enregistre une hausse inquiétante. Ce regain de pandémie serait dû selon les spécialistes au relâchement des mesures de prévention suite aux différents déconfinement décidé tout récemment. Argument paraissant tenable. N'était-il pas prévu ce regain ?

A-t-on attiré à temps et opportunément avec la persistance qui se doit l'attention de la population qui, bloquée longtemps n'attendait que ce feu vert à la fatale fiesta ?

Dresser une carte géo-épidémiologique

Toutes les villes ne se valent pas. Chacune d'elles a ses propres caractéristiques. Il est donc inefficace d'imposer un unique protocole sanitaire et d'une façon identique à elles toutes. Le meilleur, pour la comite scientifique en charge du contre-virus est de dresser des critères de contagiosité ou de disposition à l'avoir en fonction de statistiques fiables et assurées. Mettre une carte géo-épidémiologique, un zonage de probabilités de contamination facilitera aux décideurs la prise de mesures qui se recommandent. Des horaires du couvre-feu, aux conditions de confinement.

Que faire par devant ces obstacles de manque de moyens, de difficultés à faire appliquer les règles de sécurité, d'impossibilité de dépister tout le monde, de mener sérieusement des enquêtes épidémiologiques ? Le reconfinement. Jusqu'à présent l'on n'a pas pu établir une délimitation géographique en termes de taux ou de propension de contamination. Quelles sont les régions, voire les villes à forte expansion ? Avec des critères statistiques nous aurons au moins, à titre illustratif à savoir les zones rouges, oranges ou vertes. A partir de là le confinement saura trouver ses motivations, ses conditions et ses modalités et les populations concernées sauront non seulement à quoi s'en tenir dorénavant, mais apporteront leur totale adhésion des frustrations économiques et d'autres soucis resurgiront sans doute. A prendre en considération que cette « zonification » n'a pas pour objectif de créer des « clubs des pins » pour les uns et accentuer les « zones d'ombre » pour les autres. Mais en assurer à chacune d'elles des traitements adéquats et en fonction des situations révélées, constatées et vécues.

Soigner la santé, rebâtir l'hôpital

Tout le monde, chez nous crie le défaut de prise en charge sanitaire. Quand les uns dénoncent l'absence totale d'infrastructures, les autres revendiquent plus de lits, plus d'équipements et plus de soins. La pandémie à démontré les limites, voire l'aveu de l'échec de la réforme sanitaire, vociférée sans honte par des ministres, que nous étions les meilleurs du monde. Que nous avions un système que n'ont pas les pays les plus développé. Pauvre Boudiaf, ministre du bla-bla sanitaire. Il y avait dans tous les programmes de gouvernements successifs du mensonge à ce propos. Ils n'ont jamais tenu parole. Les infrastructures en dur, en bâti existent mais en âme, en souffle, en passion professionnelle, en expertise, en humanisme, tout laisse à colmater, sinon à reconstruire. Pas de volonté vraiment budgétaire et administrative à vouloir améliorer tel qu'il se doit les choses. Il fallait investir dans la prévention, puis dans la santé. Le citoyen ne cherche que le facile accès aux soins, à savoir se faire prémunir de tout incident sanitaire fâcheux. La santé dans ce sens n'est pas celle d'augmenter l'addition des jours, mais de les agrémenter et les rendre plus heureux, plus doux, à moindre souffrance. Le bien-être, voire mourir en bonne santé.

L'hôpital ne doit pas se suffire à être l'antichambre de la mort. Sa vocation est de ragaillardir les santés fragiles, produire de la vie. C'est là où s'exercent les plus nobles métiers, où l'humanité exprime les dimensions de la même humanité avec sacrifice et des mains d'or. Il est nécessaire de revoir l'architecture de son âme et redonner à ses piliers, ses membres, ses soubassements les vertus d'être au service de ceux qui endurent le mal et la douleur. Un hôpital civique et social

A défaut de pouvoir confiner les personnes, confinez les voitures !

Face à l'inconscience collective des citoyens envers qui tous les soupçons de la contamination ne sont pas indemnes de les leur coller ; il est évident de chercher ailleurs la source, entre autres de cette hérésie, cette abstention négative. La mobilité est un facteur qui favorise le déplacement. Tous les marchés et lieux commerciaux à grand public reçoivent des centaines de personnes à grande majorité venues de si loin, d'ailleurs que de la proximité des dit-lieux. Sachant que toutes les cités abritent en leur sein des magasins à commerce multiples. Les superettes y foisonnent. Ce confinement qui se résume en l'interdiction aux voitures et motocycles de circuler durant une période à mettre à l'essai est de nature à empêcher les regroupements et les agglutinations dans les principaux points sensés être les plus attractifs. On le voit dans les chaines par-devant les entrées des agences postales où les gens, portant mal une bavette, croient se prémunir du virus sans pour autant avoir en main le respect d'un espacement, d'une distanciation.

On se lassera pas de répéter et de radoter que le confinement édicté spécialement pour les deux journées de l'aïd avait stimulé quand bien même une certaine quiétude, en provoquant une adhésion presque totale et sans faille. Ni voiture, ni moto. Seuls les corps peuvent rôder, faisant du sur-place. On avait constaté moins de monde et plus de sécurité sanitaire. Car chacun se trouvait auprès de chez lui. Dans sa géographie résidentielle. Cela avait démontré que c'était le moyen de transport qui faisait réunir les gens autour des souks et des marchés, dans les villes et les bourgades. A défaut de véhicules, toutes ces masses d'individus se verront drastiquement rétrécir. La ville était livrée à elle-même, ses périphéries, ses douars, ses agglomérations secondaires également. Pas de flux massif, ni de transbordement d'une contrée à une autre. Chacun avait évolué dans le périmètre que lui permettait sa force motrice naturelle. L'on ne peut venir à pied d'une commune à une autre ou d'une cité vers une autre sans locomotion. L'on aura à se contenter à faire ses emplettes chez soi, aux alentours de sa demeure. Maintenant que toutes les cités sont pourvues de magasins et de locaux commerciaux multi-activités ; essayons alors d'étendre cette interdiction au moins durant les journées du jeudi, vendredi et samedi et analysons ensuite le résultat. Sans conteste, cette disposition si elle venait à être prise aurait à fixer les citoyens sur leurs territoires et ne manquerait pas à l'évidence de provoquer encore des entorses au sens d'hypothétiques urgences et autres impératifs.

Sétif ; le confinement total s'impose, malgré ses gros inconvénients

Il y a un difficile choix à faire. Fermer tout ne va pas arranger tout le monde. Des gens vivent justement de p'tits commerces, de travaux d'œuvres minimes, occasionnels, de tâches journalières. Laisser la situation telle quelle ; la mort se pointe à l'horizon.

Eh bien, il y a bien une autorité locale qui a bien pignon sur gouvernement, une commission médicale de haut niveau dit-on est dépêchée d'Alger, alors qu'ils prennent la juste décision. Et c'est cela la responsabilité.

La propagation s'entrecroise allégrement avec une proximité, de surcroit lorsqu'elle se trouve dans une densité humaine. Elle est ainsi dans son idéal environnement. Elle brasse large et sans distinction. Sétif seconde agglomération populaire après Alger, carrefour cardinal, épicentre commercial, pôle industriel attractif , compte ses morts et la longue chaine qui ne s'arrête pas de ses contaminés. Toutes les familles ont été touchées. Sétif n'est pas uniquement le chef-lieu, ce sont les 60 communes qui la constituent qui sont en peine à ce maudit virus. A parcourir les posts des internautes, les chiffres effrayants ; la wilaya a tendance à souffrir le martyr. Tous les commentaires demandent instamment aux autorités d'imposer le confinement. Paradoxe des temps et des sorts , ce confinement est devenu un produit de luxe que l'on emballe dans un besoin pressant de sauvetage. Voyez-vous, la démocratie aussi à ses propres contradictions, ses propres priorités.

Une population qui exige son « emprisonnement » pour le salut de tous, malgré les contrariétés et les sérieux ennuis économiques que cela tend à provoquer. Confiner les véhicules entre autres ou classer des villes en zone rouge paraîtra à première vue, une impossibilité que l'on saura radoter tout aisément. Les besoins, les urgences, le commerce, le travail et bien d'autres motifs bien debout. Mais, encore mais, tentons le test, dans une ville, une commune et l'on verra. Encore mais, si l'on reste juste au bout des injonctions et de la sensibilisation , l'on sait que celles-ci n'ont rien donné.

La presse locale rapporte chaque jour des cris émanant de professeurs, de médecins, qui tous à l'unisson tirent la sonnette d'alarme. Leurs voix vont être certainement portées à la commission spéciale dépêchée sur les lieux.

En attendant ce que cela ne se fasse pas pour des considérations politiciennes « d'équilibre régional » , il est clair que Sétif, dépassera Blida et Alger dans le lugubre palmarès journalier de la comptabilité macabre. Que faire alors ? La réponse doit être chez le wali, plus au fait de la situation, des nombres, des projections et du moral populaire.

Et de dire...qu'on est tous responsables

En fait de responsabilité, l'on n'a que celle du simple citoyen. Conscient et consciencieux, qui respecte le port du masque, la distanciation si ce n'était l'irrespect des autres, lave ses mains, sensibilise ses proches, s'inquiète de l'évolution dramatique de la santé publique, essaye d'apporter ses propositions, tente de dissuader les décideurs qui le lisent, s'attriste à chaque mauvaise nouvelle - elles sont permanentes- nous ne lisons que la nécrologie, les disparitions et nous nous affligeons aux contaminations, hospitalisations, condoléances et enterrements.

L'on n'est ni spécialiste ni expert en virologie. On se force à comprendre cependant les causes, pour les éviter de ce mal dangereux qui nous fait peur, angoisse et nous déplore. Personne n'est responsable de la survenance de ce virus. Beaucoup le sont cependant pour sa propagation. Cette responsabilité est en évidence bien partagée. Une grosse partie revient à la charge de ceux qui sont aux affaires publiques, l'autre partie plus importante pèse sur une société négligente.

Il n'y a qu'à voir les agences postales où des chaines se forment à la première heure. La Sonelgaz, la Caisse d'assurances sociales, la Société des eaux, la vignette fiscale et autres guichets où le service public ne s'est pas interrompu sont prises d'attaque par des foules denses et rapprochées. Le virus prospère là où la bureaucratie excelle dans ses délais de paiements, ses dates unanimes de virement, ses factures échues. Réfléchir un peu, en dehors de la pandémie à rendre plus flexible toutes les administrations et décharger les administrés de quelques déplacements inutiles.

Le virtuel n'est pas uniquement valable pour la frime lors de réunions ou de séminaires en visioconférence. Il peut aussi servir au paiement à distance, à la régularisation à partir de son micro. Soit une administration à domicile, tout en investissant dans ce fameux « restez chez-vous » C'est le sens de la responsabilité qui doit prévaloir chez les insouciants, et l'insouciance qui doit se délester chez les responsables. Ainsi la vie continuera à bouger et l'espoir renaitra.

Je sais que certains lecteurs ne lisent plus ces « coronalités », trop rébarbatives, épuisantes. Elles donnent, je le consens de la déprime et à moi aussi. Je le fais, cœur serré, boule au ventre dans l'espoir d'être lu par ceux qui ont un quelconque pouvoir dans la gestion de cette crise. J'aurais bien voulu enfin, écrire sur d'autres crises, d'autres problèmes, le tout frais remaniement ministériel, les différentes façons d'aimer l'Algérie , le hasard politique, écrire sur un printemps raté et un été pourri. Enfin sur toutes les désillusions cumulées.

 

par El Yazid Dib                                                                                                  El Yazid Dib                                                                                                                                                                                                                                                                            http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5291106

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États-Unis : Surmonter la violence d’État pour rétablir le contrat social

Publié le par S. Sellami

Pour qui et pourquoi l’État garde t-il son territoire en sûreté ? La réponse est devenue difficile à dissimuler au fil du temps, écrit Jonathan Cook

Il y a une chose que je peux écrire avec un inhabituel degré de certitude et de confiance : l’officier de police Derek Chauvin n’aurait pas été inculpé du meurtre de Georges Floyd si les États-Unis ne se trouvaient sur le fil du rasoir d’une révolte générale.

Que les manifestants n’aient pas été aussi nombreux dans les rues refusant de rester chez eux par crainte des violences policières et le système judiciaire américain aurait simplement fermé les yeux sur l’acte de violence extrême de Derek Chavin, comme il l’a fait à de nombreuses reprises auparavant sur nombre d’actes similaires.

Sans les manifestations de masse, la capture sur vidéo du meurtre de Georges Floyd n’aurait fait aucune différence, ce qu’il avait lui même prédit dans son agonie aux cris de « je ne peux pas respirer » tandis que Chauvin pressait son genou contre sa nuque durant neuf minutes, la situation paraissant évidente pour les témoins de la scène alertant le policier pendant que Floyd perdait connaissance.

Sans cette actuelle rage dirigée vers la police et s’étendant à travers tout le pays, Chauvin se serait trouvé dédouané de ses responsabilités ou immunisé face à n’importe quelle poursuite comme beaucoup de policiers avant lui qui ont soit abattu soit lynché des citoyens noirs.

Au lieu de ça, il est le tout premier policier blanc de l’état du Minnesota à être inculpé du meurtre d’un Noir. Après avoir initialement argumenté sur les facteurs à considérer durant l’interpellation, les procureurs ont très vite changé de version en déclarant l’inculpation de Chauvin, inculpation la plus rapide qu’ils aient jamais opérée.

Confrontation, pas conciliation

Si l’acte d’accusation contre Chauvin – sur la base de la charge la moins grave qu’ils aient pu imposer, elle même basée sur la preuve irréfutable qu’ils n’auraient de toute manière pas pu se permettre de rejeter – équivaut à un succès, c’est alors seulement un peu moins déprimant qu’un échec.

Mais c’est toujours mauvais, malgré la constance des manifestants à rester non violents, beaucoup de policiers semblent bien plus disposés à la confrontation qu’à la conciliation durant les manifestations. Les violentes charges de la police sur des manifestants, incluant l’usage de véhicules fonçant dans la foule, suggèrent que c’est l’accusation de meurtre de Chauvin – et non pas le lent et barbare assassinat de Georges Floyd par l’un d’entre eux – qui a courroucé ses collègues officiers.

Oh mon Dieu, que font encore les flics de @NYPD ?

De façon similaire, le traitement indigne des journalistes des grandes chaînes par la police simplement pour avoir rapporté les derniers développements, depuis l’arrestation en direct d’une équipe de CNN à l’agression physique d’une autre équipe de la BBC, souligne le ressentiment arboré par beaucoup de policiers quand leur culture de la violence est exposée au vu et au su de tous. Ils ne se laissent pas abattre, il élargissent simplement leur cercle « d’ennemis. »

C’était avant le couvre-feu et notre cameraman @p_murt clairement identifié commme membre de la presse, à un pâté de maison de la Maison-Blanche ce soir…

Néanmoins, il est totalement faux de suggérer, comme l’éditorial New York times le fait, que l’impunité de la police peut être largement attribuée à des « syndicats puissants » qui protègent les officiers des enquêtes et des sanctions. Les directeurs éditoriaux doivent retourner en école de journalisme. Les questions actuellement sous les feux des projecteurs parlent du cœur de ce que les états modernes ont pour mission de réaliser – questions rarement discutées en dehors des cours de théorie politique.

Droit de possession d’arme à feu

Le succès de l’état moderne, comme les anciennes monarchies, repose sur le consentement du public, explicite ou non, à son monopole de la violence. En tant que citoyens, nous renonçons à ce qui était autrefois considéré comme un droit inhérent ou « naturel » de commettre nous-mêmes des actes de violence et nous le remplaçons par un contrat social dans lequel nos représentants édictent des lois supposément neutres et justes, en notre nom. L’état s’arroge le pouvoir de faire respecter ces lois grâce une police supposée être bienveillante et disciplinée – là pour « protéger et servir » – tandis qu’un système judiciaire impartial juge les contrevenants présumés à ces lois.

Ceci est la théorie en tout cas.

Pour le cas des États-Unis, le monopole de la violence de l’État a été brouillé par un constitutionnel « droit de porter des armes », bien que, bien sûr, le but historique de ce droit fût de s’assurer que les propriétaires de terres et d’esclaves puissent protéger leur « propriété. » Seuls les hommes blancs étaient supposés avoir le droit de porter des armes.

Aujourd’hui, les choses ont changé radicalement, comme cela devrait être évident si on considère ce qui aurait pu se passer si des hommes d’une milice noire avaient récemment protesté contre le confinement dû au Covid-19 en prenant d’assaut le capitole de l’État du Michigan, tout en criant leur indignation à la face des policiers blancs.

Manifestants armés contre le confinement du Covid-19 au capitole de l’état du Michigan, 1er mai 2020, (copie d’écran YouTube)

(En fait, la réaction des autorités américaines face au mouvement Black Panthers à la fin des années 60 et dans les années 70 est suffisante pour quiconque souhaitant comprendre la dangerosité pour un noir de porter une arme face à la violence des blancs.)

C’était avant le couvre-feu et notre cameraman @p_murt clairement identifié comme membre de la presse, à un pâté de maison de la Maison-Blanche ce soir…

Une violence brutale

Le monopole de la violence par l’état est justifié car la plupart d’entre nous y avons consenti soit-disant dans une tentative d’éviter un monde Hobbesien [Référence à Thomas Hobbes, NdT] de violence brutale où les individus, les familles et les tribus appliquent leurs propres versions, moins désintéressées, de la justice.

Mais bien sûr, l’État n’est pas aussi neutre ou impartial qu’il le prétend, ou comme la majorité d’entre nous le suppose. Jusqu’à ce que la lutte pour le suffrage universel aboutisse – une pratique qui peut être mesurée dans tous les États occidentaux en décennies et non en siècles – l’État était explicitement au service d’une riche élite, une classe de nobles propriétaires terriens et de nouveaux industriels émergeant, ainsi que d’une classe professionnelle qui a assuré le bon fonctionnement de la société au bénéfice de cette élite.

Ce qui a été concédé à la classe ouvrière était le le strict minimum pour l’empêcher de s’élever contre les privilèges dont jouissait le reste de la société.

C’est pourquoi, par exemple, la Grande Bretagne n’a pas eu de système de soins universel – le système de santé national – jusqu’après la seconde guerre mondiale, 30 ans après que les hommes obtiennent le droit de vote et 20 ans après que les femmes l’obtiennent également. Ce n’est qu’après la guerre que l’establishment britannique a commencé à craindre qu’une classe ouvrière nouvellement habilitée – composée de soldats de retour de la guerre sachant manier des armes, appuyés par des femmes libérées de leur foyer pour travailler dans les usines de munitions – pourrait ne plus accepter longtemps le manque de soins de santé de base pour eux-mêmes et leurs proches.

C’est dans cette atmosphère de montée en puissance en organisation et en pouvoir des mouvement ouvriers – renforcés par le besoin de concevoir des sociétés plus consuméristes au profit de nouvelles entreprises émergentes – que la social-démocratie européenne est née. (Paradoxalement, le plan Marshall d’après guerre américain a aidé à financer l’émergence des grandes sociales-démocraties d’Europe, incluant leurs systèmes de santé public, même si les même bénéfices ont été refusés aux ménages américains.)

Interprétations juridiques

Pour maintenir la légitimité du monopole de l’État sur la violence, l’establishment juridique a dû suivre le même exercice d’équilibre minimaliste que l’establishment politique.

Les tribunaux ne peuvent se contenter de rationaliser et de justifier le recours implicite et parfois explicite à la violence dans l’application de la loi sans tenir compte de l’opinion publique. Les lois sont modifiées, mais il est tout aussi important qu’elles soient interprétées de manière créative par les juges afin qu’elles correspondent aux modes et aux préjugés idéologiques et moraux du moment, pour que le public ait le sentiment que justice est faite.

Dans l’ensemble, nous, le public, avons une idée très conservatrice du bien et du mal, de la justice et de l’injustice, qui a été modélisée pour nous par des médias dominants qui simultanément créent ces modes et tendances et y répondent de façon à s’assurer que le système actuel ne soit pas perturbé, autorisant une accumulation de richesse toujours plus grande par une élite.

C’est pourquoi tant de gens parmi nous sont viscéralement consternés par les pillages dans les rues opérés par les pauvres, mais acceptent à contrecœur un plus gros pillage de nos impôts, de nos banques, de nos maisons par l’État pour renflouer une élite entrepreneuriale incapable de gérer l’économie qu’elle a créée.

Encore une fois, la soumission du public au système est entretenue pour s’assurer qu’il ne s’élève pas.

Des muscles dans la rue

Mais le système judiciaire n’a pas que l’esprit, il a les muscles aussi. Ses exécutants de première ligne, dehors dans les rues, décident qui est un criminel suspect, qui est dangereux ou subversif, qui nécessite une privation de liberté et qui va se voir infliger des violences. C’est la police qui au départ détermine qui passera du temps en cellule et qui comparait devant une cour. Et dans certains cas, comme Georges Floyd, c’est la police qui décide qui va être sommairement exécuté sans procès ni jury.

L’État préfèrerait, évidement, que les officiers de police ne tuent pas des citoyens désarmés dans la rue – et encore plus qu’elle ne commette pas de tels faits devant témoins et enregistrés sur vidéo, comme Chauvin l’a fait. Les objections de l’État ne sont pas éthiques au premier ordre. Les bureaucraties étatiques ne sont pas trop investies dans des questions qui dépassent la nécessité de maintenir la sécurité extérieure et intérieure : défendre les fontières des menaces extérieures, et s’assurer une légitimité intérieure à travers l’entretien du consentement des citoyens.

Mais la question de savoir pour qui et pour quoi l’État assure la sécurité de son territoire est devenue plus difficile à dissimuler au fil du temps. De nos jours, les processus politiques de l’État et ses structures ont été presque entièrement captés par les entreprises. Résultat, le maintien d’une sécurité interne et externe est moins d’avoir à assurer une existence stable et sûre pour les citoyens que de créer une plateforme territoriale stable pour un marché globalisé pour piller les ressources locales, exploiter les ouvriers locaux et générer de plus gros profits en transformant les travailleurs en consommateurs.

De plus en plus, l’État est devenu une coquille vide, un vassal à travers lequel les grandes entreprises conduisent leurs agendas économiques. La priorité des états est maintenant de se faire la compétition dans la bataille de l’affaissement de tous les obstacles à la maximisation des profits des multinationales sur leurs territoires. Le rôle de l’État est d’éviter d’entraver les entreprises lorsqu’elles extraient des ressources (déréglementation) ou, lorsque ce modèle capitaliste s’effondre régulièrement, de venir en aide aux entreprises grâce à des plans de sauvetage plus généreux que ceux des États rivaux.

Un meurtre peut être une étincelle

Ceci est le contexte politique pour comprendre pourquoi Chauvin est un très rare exemple d’un policier blanc faisant face à une accusation pour avoir tué un homme noir.

Le meurtre gratuit et incendiaire de Georges Floyd – vu par n’importe quel américain équipé d’un écran, et avec l’écho d’autant de récentes affaires de brutalités policières injustifiées contre des hommes, femmes et enfants noirs – est la dernière étincelle risquant de conduire à une conflagration.

Dans le calcul immoral et sans cœur de l’État, le timing de l’acte de barbarie de Chauvin n’aurait pas pu être pire. Il y avait déjà les grondements mécontents sur la gestion du nouveau virus par les autorités fédérales et étatiques ; les peurs sur les conséquences catastrophiques de l’économie U.S ; l’indignation face aux inégalités – encore une fois – des renflouements massifs de grandes entreprises comparés à l’aide dérisoire aux travailleurs ordinaires ; et la frustration sociale et personnelle du confinement.

Il y a également un sentiment grandissant que la classe politique, Républicains et Démocrates, est devenue sclérosée et sourde à la détresse des Américains ordinaires – impression que ne font que souligner les retombées de la pandémie de Covid-19.

Pour toutes ces raisons, et beaucoup d’autres, la population était prête à prendre la rue. Le meurtre de Floyd leur a donné l’impulsion.

Manifestations en hommage à Georges Floyd et contre les violences policières, Minneapolis, 28 mai 2020. (Fibonacci Blue, Flickr)

Besoin d’une police loyale

Dans ces circonstances, Chauvin devait être inculpé, même si c’est seulement dans l’espoir d’apaiser la colère, de fournir une soupape de sécurité libérant une partie du mécontentement.

Mais inculper Chauvin n’est pas simple par ailleurs. Pour assurer sa survie, l’État à besoin d’un monopole de la violence et de la sécurité intérieure, pour garantir son exclusive définition de ce qui constitue l’ordre, et pour maintenir un État, en tant qu’entité territoriale, sûr pour les affaires. L’alternative serait l’érosion de l’autorité de l’État-nation et la possibilité de son effondrement.

C’est ce qui a motivé le célèbre tweet de Donald Trump la semaine dernière – censuré par Twitter pour « apologie de la violence » – qui prévenait « Quand les pillages commencent, les tirs commencent ». Sans surprise, il citait les mots du chef raciste de la police de Miami, Weather Headley, qui menaçait de violence les afro-américains à la fin des années 60. A cette époque, Headley déclarait en plus « Il n’y a pas de communication avec eux sauf par la force. »

Trump rappelle peut-être l’affreuse période qu’on appelait autrefois « relations de race », mais ce sentiment repose au cœur de la mission de l’État.

L’État a besoin de sa police loyale et prête à utiliser la violence. Il ne peut se permettre de mécontentements dans les rangs, ou que des sections du corps de la police ne trouvent plus leur intérêt dans ceux de l’État. L’État n’ose pas s’aliéner les forces de police de peur qu’au moment où elles sont les plus utiles, dans des périodes d’extrême dissidence comme maintenant, elles ne répondraient pas présentes – ou pire, où elles rejoindraient les dissidents.

Comme indiqué, certains éléments de la police ont déjà démontré leur réprobation dans l’inculpation de Chauvin ainsi que leurs griefs envers les médias – encouragés par les assauts verbaux réguliers de Donald Trump sur les journalistes. Ce sentiment contribue à expliquer les attaques sans précédent de la police contre les grands médias qui ont couvert les manifestations.

La police du Minnesota arrête un reporter de CNN ainsi que son équipe durant la couverture des manifestations à Minneapolis

Idéologies jumelles

Ce besoin de maintenir la loyauté des forces de sécurité est la raison pour laquelle l’État favorise une certaine séparation entre la police et ces parties de la population qu’il définit comme étant une menace pour l’ordre, réunissant ainsi des segments plus privilégiés de la société dans la peur et l’hostilité.

L’État cultive dans la police et des sections du public une certaine idée que la violence policière est légitime par définition et qu’elle vise des individus ou des groupes qu’il dépeint comme menaçants ou subversifs. Il encourage l’idée que la police jouit d’une impunité a priori dans tel ou tel cas parce qu’elle est capable, seule, de décider ce qui constitue une menace pour la société (le tout façonné, bien sûr, par les discours populaires promus par l’état et les médias dominants).

La « menace » est définie par toute dissidence à l’ordre établi, que ce soit un Noir répondant et démontrant une « attitude », ou des manifestations de masse contre le système, y compris contre les violences policières. Par ce biais, la police et l’État ont des idéologies jumelles. L’État approuve tout ce que la police fait ; tandis que la police réprime tout ce que l’état définit comme une menace.

Jeter un os aux manifestants

Inculper Chauvin risque de faire capoter ce système, créer une ligne de faille entre l’État et sa police, l’une des agences les plus essentielles pour l’État. Ce qui en l’état fait de l’inculpation d’un officier de police dans ces circonstances un évènement tout à fait exceptionnel, et dicté par le déferlement de colère actuel.

Les procureurs essayent de trouver un délicat compromis entre deux demandes conflictuelles : entre le besoin de rassurer la police à propos de la violence toujours légitime (exercée « dans l’exercice de ses fonctions ») et le besoin d’endiguer la vague de colère de la population grossissant à un potentiel point de rupture de l’ordre existant. Dans ces circonstances, Chauvin doit être inculpé mais de charges les moins graves possibles – étant donné les preuves présentées en vidéo – dans l’espoir que, une fois la colère retombée, il puisse être déclaré non coupable ; ou s’il l’est, la condamnation soit clémente ; ou gracié si la condamnation est plus forte.

L’inculpation de Chauvin ressemble à un os à ronger jeté à un chien affamé, du point de vue des autorités. C’est un acte parcimonieux d’apaisement, destiné à endiguer la violence non étatique ou la menace d’une telle violence.

L’inculpation n’est pas là pour changer une certaine culture de la police – ou celle de l’establishment – qui présente les Noirs comme une menace inhérente à l’ordre. Elle ne perturbera pas le système politico-judiciaire qui est attaché à l’idée (blanche, conservatrice) que la police est en première ligne dans la défense des valeurs de la civilisation contre des « hors-la-loi » (noirs ou à gauche).

Un changement inévitable

Un État en bonne santé – attaché au contrat social – saurait trouver les moyen d’accommoder les foules avant que le mécontentement n’atteigne les niveaux d’une révolte populaire. Les scènes de manifestations se jouant à travers les États-Unis sont une preuve que les institutions d’État, accaparées par l’argent, sont de plus en plus incapables de répondre aux demandes de changement. La coquille vide de l’État ne représente pas ses citoyens, qui sont capables de compromis, mais les intérêts de forces globalisées du capital pour qui les évènements des rues du Minnesota ou de New York importent peu tant que les multinationales continuent d’accumuler pouvoir et richesses.

Pourquoi s’attendre à ce que ces forces globalisées soient sensibles aux agitations populaires aux U.S quand elles ont prouvé leur entière insensibilité aux signaux émergents de détresse de la planète, pendant que son écosystème se recalibre face à un tel pillage des ressources que nous allons devoir lutter pour survivre en tant qu’espèce ?

Pourquoi l’État ne bloquerait t-il pas la voie d’un changement pacifique, sachant qu’il excelle dans l’usage de la violence, quand il bloque les réformes qui pourraient réduire l’impact des assauts des multinationales sur l’environnement ?

Ces politiciens et fonctionnaires captifs – à « gauche » et à droite – continueront d’attiser les flammes, d’alimenter les feux, comme l’a fait cette semaine Susan Rice, ancienne conseillère à la sécurité nationale de Barack Obama. Elle a nié les preuves de la violence policière montrée sur YouTube et la détresse très réelle d’une classe marginale abandonnée par la classe politique lorsqu’elle a laissé entendre que les manifestations étaient dirigées depuis le Kremlin.

Apparemment Susan Rice vient de dire sur CNN que les Russes pourrait soutenir ou financer les manifestations de ces semaines aux US. Si c’est vrai et que quelqu’un dispose de la vidéo, merci de me l’envoyer.

Susan Rice sur les troubles et la violence lors des manifestations pour George Floyd : « C’est tout à fait dans les coutumes russes »

Ce type de déni de la réalité bipartisan ne fait que souligner la rapidité avec laquelle nous entrons dans une période de crises et de révoltes. Depuis les manifestations du G8, au mouvement Occupy, à Extinction et rébellion, au manifestations étudiantes, aux Gilets jaunes, à la fureur actuelle dans les rues américaines, il y a des preuves partout que le pouvoir lutte pour maintenir son emprise. Le projet impérial américain est surchargé, l’élite mondiale des entreprises est débordée, elle vit à crédit, les ressources s’épuisent, la planète se recalibre. Quelque chose devra céder.

Le défi pour les manifestants – ceux qui sont dans la rue maintenant ou ceux qui suivent dans leur sillage – est de savoir comment surmonter la violence de l’État et comment offrir une vision d’un avenir différent, plus prometteur, qui rétablisse le contrat social.

Les leçons seront apprises à travers les manifestations, la remise en cause et la désobéissance civile, pas dans une salle d’audience où un policier est jugé, quand tout un système politique et économique est autorisé à poursuivre ses crimes.

Jonathan Cook est un journaliste freelance basé à Nazareth.

Cet article provient du blog de Jonathan Cook.net.

Les opinions exprimées sont uniquement celles de l’auteur et peuvent ou non refléter celles de Consortium News.

Source : Consortium News, Jonathan Cook

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Le gouvernement US élargit l’acte d’accusation pour criminaliser l’assistance fournie par Wikileaks à Edward Snowden (Shadowproof)

Publié le par S. Sellami

Le gouvernement américain a élargi son acte d’accusation contre le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, pour criminaliser l’aide apportée par WikiLeaks au lanceur d’alerte de la NSA, Edward Snowden, lorsque son personnel l’a aidé à quitter Hong Kong.

Sarah Harrison, qui était rédactrice de section pour WikiLeaks, Daniel Domscheit-Berg, un ancien porte-parole, et Jacob Appelbaum, un militant cybernétique qui a représenté WikiLeaks lors de conférences, sont visés comme "co-conspirateurs" dans l’acte d’accusation [PDF], bien qu’aucun d’eux n’ait été inculpé.

Aucune charge n’a été ajoutée mais il élargit considérablement l’accusation de conspiration d’intrusion informatique et accuse Assange de conspiration avec des "hackers" affiliés à "Anonymous", "LulzSec", "AntiSec" et "Gnosis".

L’accusation de crime informatique n’est plus limitée à mars 2010. Elle couvre des activités qui auraient eu lieu entre 2009 et 2015.

Les procureurs s’appuient largement sur les déclarations et les journaux de chat de Sigurdur "Siggi" Thordarson et Hector Xavier Monsegur ("Sabu"), qui étaient tous deux des informateurs du FBI, afin d’élargir le champ des poursuites.

En mars dernier, le juge Anthony Trenga a révoqué le grand jury d’Alexandria, en Virginie, qui enquêtait sur WikiLeaks. La lanceuse d’alerte de l’armée américaine Chelsea Manning, qui avait refusé de témoigner devant le grand jury, fut libérée après avoir passé environ un an en détention pour "outrage". Elle a tout de même été condamnée à payer 256 000 dollars d’amende.

Le militant Jeremy Hammond, qui a été condamné à 10 ans de prison pour sa participation au piratage informatique contre la société de conseil en renseignement Stratfor, a également refusé de témoigner. Trenga a ordonné sa libération, et il a été remis à la garde du Bureau des prisons.

Les procureurs accusent Assange et d’autres membres du personnel de WikiLeaks de s’être engagés dans des "efforts pour recruter des administrateurs système" pour faire fuir des informations à leur organisation médiatique.

WikiLeaks a ouvertement affiché des "tentatives d’aider Snowden à échapper à l’arrestation".

"Afin d’encourager les fuites et les pirates à fournir à l’avenir à Wikileaks des documents volés, Assange et d’autres personnes de WikiLeaks ont ouvertement affiché leurs tentatives d’aider Snowden à se soustraire à l’arrestation", déclare l’acte d’accusation.

Il note que Harrison ("WLA-4") a voyagé avec Snowden à Moscou depuis Hong Kong, en omettant de mentionner la partie où le Département d’Etat a révoqué le passeport de Snowden et l’a piégé en Russie.

Lors d’une interview pour "Democracy Now !" en septembre 2016, Sarah Harrison a déclaré que WikiLeaks avait compris que Snowden se trouvait dans une "situation juridique et politique très complexe" et qu’il avait besoin "de l’aide de certaines personnes pour obtenir une expertise technique et opérationnelle en matière de sécurité".

"Je suis allée là-bas, sur le terrain à Hong Kong, pour l’aider, non seulement pour lui - parce qu’il avait clairement fait quelque chose de si courageux et méritait la protection, je le sentais - mais aussi avec l’objectif plus large d’essayer de montrer que malgré la guerre du président Barack Obama contre les lanceurs d’alerte, il y avait en fait une autre option".

Mme Harrison a ajouté : "A l’époque, l’administration Obama avait l’intention de mettre en prison la source présumée Chelsea Manning pour des décennies - comme elle l’est à présent, pour 35 ans - et nous voulions vraiment essayer de montrer au monde qu’il y a des gens qui se lèveront, des gens qui aideront. Le Guardian, par exemple, n’a pas apporté d’aide supplémentaire à Edward Snowden en tant que source, en tant que personne là-bas, et nous voulions montrer qu’il existait des éditeurs qui allaient aider dans de telles situations".

Les procureurs notent que WikiLeaks a réservé à Snowden des "vols vers l’Inde via Pékin" et l’Islande comme exemples de la façon dont Assange s’est engagé dans une conspiration présumée.

Lors de la conférence annuelle du Chaos Computer Club en Allemagne, le 31 décembre 2013, Assange, Appelbaum et Harrison ont participé à un débat d’experts intitulé "Sysadmins [administrateurs système] of the World, Unissez-vous ! Un appel à la résistance". (Assange est apparu en vidéo).

L’acte d’accusation criminalise le discours d’Assange en faveur de Snowden et de tout futur lanceur d’alerte et transforme ses paroles en un exemple parfait d’"encouragement" de WikiLeak au "vol d’informations" du gouvernement américain.

Les procureurs omettent même des mots précis pour faire paraître le message partagé par Assange plus funeste qu’une approbation de la transparence radicale.

Extrait de l’acte d’accusation :

...Assange a déclaré au public que "les fameuses fuites de WikiLeaks ou les récentes révélations d’Edward Snowden" ont montré qu’"il était désormais possible pour un seul administrateur de système, non seulement de détruire ou de désactiver des organisations, mais aussi de transférer des informations d’un système d’apartheid vers un patrimoine commun de connaissances...

Mais voici la citation complète :

...Et nous pouvons voir que dans les cas des fameuses fuites que WikiLeaks a faites ou des récentes révélations d’Edward Snowden, qu’il est possible maintenant pour un seul administrateur de système d’apporter un changement très important au - ou plutôt, appliquer une contrainte très importante, une contrainte constructive, au comportement de ces organisations, et pas seulement les démolir ou les mettre hors service, ni même faire grève pour changer la politique, mais plutôt de faire passer l’information d’un système d’apartheid de l’information, que est en train de se développer, de ceux qui ont un pouvoir extraordinaire et des informations extraordinaires, vers un patrimoine commun de connaissances, où elle peut être utilisée - non seulement comme force de discipline, mais aussi pour construire et comprendre le nouveau monde dans lequel nous entrons. »

M. Assange a encouragé les jeunes : "Rejoinez la CIA. Allez-y. Entrez dans le stade, attrapez la balle et faites-la sortir - avec la compréhension, la paranoïa, que toutes ces organisations seront infiltrées par cette génération, par une idéologie qui se répand sur Internet. Et chaque jeune sait ce qu’est Internet".

"Il n’y aura personne qui n’aura pas été exposé à cette idéologie de transparence et de compréhension de vouloir garder l’Internet, avec lequel nous sommes nés, libre. C’est la dernière génération libre", a ajouté M. Assange.

Le gouvernement présente ce message comme la preuve que WikiLeaks sollicite des employés du gouvernement pour voler des informations classifiées. Cependant, ce que M. Assange a fait, c’est appeler les jeunes à aider le public à faire face à une crise de corruption au sein du gouvernement en forçant la transparence à un moment où le gouvernement abuse du système d’informations classifiées pour dissimuler le gaspillage, la fraude, les abus et d’autres actions illégales.

Appelbaum est pointé du doigt pour avoir dit que Harrison "a pris des mesures" pour protéger Snowden, et "si nous pouvons réussir à sauver la vie d’Edward Snowden et à le maintenir en liberté, alors le prochain Edward Snowden s’en souviendra. Et si nous regardons aussi ce qui est arrivé à Chelsea Manning, nous voyons en outre que Snowden a clairement appris".

C’est une observation assez anodine que de nombreuses personnes dans les médias, y compris cet auteur, ont partagée. Cela signifie que si les lanceurs d’alerte ne croient pas qu’ils seront punis par des dizaines d’années de prison ou forcés de fuir leur pays d’origine, alors nous aurons plus de lanceurs d’alerte car ils ne croiront pas qu’il est si dangereux de se manifester.

A aucun moment, le ministère de la justice ne tente de relier le prétendu "recrutement" de "pirates informatiques" ou de "fuites" à un individu réel, qui a entendu ces mots et les a mis en pratique.

Bien entendu, le ministère de la Justice refuse d’accepter le bénéfice public qui a découlé des révélations de Snowden. Celui-ci est toujours accusé d’avoir prétendument violé la loi sur l’espionnage. C’est pourquoi il reste en Russie, où il a obtenu l’asile en 2013.

L’acte d’accusation allègue que le 6 mai 2014, Harrison "a cherché à recruter ceux qui avaient ou pouvaient obtenir un accès autorisé à des informations classifiées et des pirates informatiques pour rechercher et envoyer les informations classifiées ou autrement volées à WikiLeaks en expliquant que "depuis le début, notre mission a été de rendre publiques des informations classifiées, ou de toute autre manière, censurées qui sont d’importance politique, historique"".

C’est l’une des indications les plus claires que l’accusation de "conspiration" est un effort pas très subtil pour criminaliser le journalisme d’une organisation de médias antagoniste que les États-Unis ont passé la dernière décennie à s’efforcer de détruire. À aucun moment dans cette déclaration, Harrison ne demande à des personnes précises de voler des informations.

Si ce que Harrison a fait - et par association, Assange a soutenu - est un crime, alors il existe d’innombrables organisations de médias qui se targuent de publier des documents qu’elles obtiennent de sources sensibles et qui doivent craindre de s’exposer à des poursuites si elles se vantent de leur travail dans un cadre public.

L’accusation de conspiration repose sur des déclarations d’informateurs rémunérés du FBI

La section de l’acte d’accusation sur le rôle présumé d’Assange dans la "conspiration" avec les "hackers" mentionne un « adolescent, qu’Assange a rencontré en Islande. » Cet individu est Sigurdur "Siggi" Thordarson.

Comme l’a rapporté le magazine Wired, "Lorsqu’une révolte du personnel en septembre 2010 a laissé l’organisation à court de personnel, Assange a mis Thordarson en charge du forum de discussion WikiLeaks, faisant de Thordarson le premier point de contact pour les nouveaux bénévoles, les journalistes, les sources potentielles et les groupes extérieurs qui réclamaient à cor et à cri de s’associer à WikiLeaks au sommet de sa notoriété".

Thordarson a été licencié de WikiLeaks en novembre 2011 après que l’organisation ait découvert qu’il avait détourné environ 50 000 dollars.

Après que le FBI ait demandé à lui parler en personne après son licenciement, Thordarson a "supplié le FBI de lui donner de l’argent". Les agents ont d’abord ignoré ses demandes, mais ont fini par lui verser 5 000 dollars pour "le travail qu’il a manqué en rencontrant les agents" à Alexandria, en Virginie, où l’enquête du grand jury avait été ouverte.

En 2013, WikiLeaks a déclaré : "En raison de demandes de personnes proches de lui et de son jeune âge, [Thordarson] s’est vu offrir la possibilité de rembourser les fonds volés, qui s’élevaient à environ 50 000 dollars. Lorsqu’il est devenu évident qu’il ne respecterait pas l’accord, l’affaire a été signalée à la police islandaise".

Thordarson a apparemment détourné des fonds de plusieurs autres organisations en Islande qui n’étaient pas liées à WikiLeaks. Les autorités islandaises traitent des accusations de détournement de fonds.

"Il s’est avéré que l’individu s’est livré à des déclarations grossièrement inexactes de différents types pour obtenir des avantages de diverses parties", a ajouté WikiLeaks. "Nous ne l’identifierons pas par son nom à la lumière d’informations selon lesquelles il a récemment reçu un traitement médical dans une institution".

"Compte tenu de la persécution incessante des autorités américaines contre WikiLeaks, il n’est pas surprenant que le FBI tente d’abuser de ce jeune homme perturbé et de l’impliquer d’une manière ou d’une autre dans la tentative de poursuivre le personnel de WikiLeaks. C’est une indication des efforts que ces entités sont prêtes à fournir pour ne pas respecter la souveraineté des autres nations dans cette entreprise. Il y a de fortes indications que le FBI a utilisé une combinaison de coercition et de paiements pour faire pression sur le jeune homme afin qu’il coopère", a soutenu WikiLeaks.

Hammond a été la cible d’une opération du FBI. Comme Dell Cameron l’a précédemment rapporté pour le Daily Dot, les journaux de chat, les photos de surveillance et les documents gouvernementaux ont montré que c’est Monsegur qui a présenté Hammond à un hacker nommé Hyrriya, qui "a fourni des liens de téléchargement vers la base de données complète des cartes de crédit ainsi que le point d’accès initial de vulnérabilité aux systèmes de Stratfor".

Selon Hammond, il n’avait jamais entendu parler de Stratfor avant que que Monsegur n’attire son attention sur la société. Monsegur a transmis les détails d’au moins deux cartes de crédit volées.

En décembre 2011, Monsegur a donné à "AntiSec" ou au groupe de hackers ciblant Stratfor, l’accès aux systèmes de la société de renseignement privée. Il a poussé Hammond et d’autres personnes à "transférer sans le savoir "plusieurs gigaoctets de données confidentielles" vers l’un des serveurs du FBI". Cela comprenait environ 60 000 numéros de cartes de crédit et des données de clients de Stratfor que Hammond a finalement été accusé d’avoir volés", selon le Daily Dot.

L’anthropologue Gabriella Coleman a écrit dans son livre, Hacker, Hoaxer, Whistleblower, Spy : The Many Faces of Anonymous, que l’AntiSec s’est rendu sur le serveur de chat du relais Internet WikiLeaks. Monsegur n’était pas du tout au courant. Un accord a été conclu pour fournir des fichiers de Stratfor à WikiLeaks.

"En parlant à WikiLeaks", m’a raconté Hammond, "ils m’ont d’abord demandé d’authentifier la fuite en leur fournissant des échantillons, ce que j’ai fait, [mais] ils n’ont pas demandé qui j’étais ni même comment j’y avais eu accès, mais je leur ai dit volontairement que je travaillais avec AntiSec et que j’avais piraté Stratfor". Peu de temps après, il a organisé le transfert. Quand Sabu l’a appris, il a insisté pour traiter directement avec Assange en personne. Après tout, a-t-il dit à Hammond, il était déjà en contact avec l’assistant de confiance d’Assange, "Q".

"Q" était Thordarson.

Selon Hammond, Monsegur a tenté de piéger WikiLeaks en suggérant à l’organisation de le payer "en liquide pour les fuites". Mais WikiLeaks avait déjà les documents qu’ils prévoyaient de publier.

Le gouvernement américain avait une date limite en juin 2019 pour soumettre une demande d’extradition. Il semble inapproprié d’ajouter ces détails substantiels à la demande, d’autant plus qu’une audience qui a duré une semaine a déjà eu lieu.

Même si l’accusation de complot comprend des allégations sensationnelles de collaboration avec des pirates informatiques, il ne s’agit que d’une accusation politique de plus à l’instar des dix-sept infractions dont Assange est accusé pour avoir publié des informations.

Ces accusations supplémentaires constituent une tentative de donner un vernis de criminalité aux poursuites illégitimes contre Assange. Malheureusement, il suffit de gratter un peu pour exposer le mépris pour la liberté de la presse qui se cache toujours derrière cette poursuite vindicative.

Kevin Gosztola

Traduction "l’extraterritorialité à son comble... ce n’est pas faute d’avoir tiré les sonnettes d’alarme" par VD pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.

»» https://shadowproof.com/2020/06/25/assange-indictment-wikileaks-staff-...
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« HIRAK » EN ALGERIE : ENTRE REALITE ET MANIPULATIONS !

Publié le par S. Sellami

L’ « Observatoire Géostratégique » basé en Suisse, a publie dans le dernier numéro de son bulletin Proche & Moyen Orient N°245 du 26 Aout 2019 une contribution importante de Mehdi Taje, géopoliticien et prospectiviste, directeur de « Global Prospect Intelligence » sur Le Hirak Algérien et ses enjeux pour les grandes puissances, Dont voici l’intégralité 

Les événements en cours en Algérie, inédits du fait de leur ampleur, sont appelés à dessiner les contours de l’Algérie de demain et à reconfigurer les scènes maghrébine, méditerranéenne et sahélienne. Une fine compréhension des dynamiques à l’œuvre s’impose afin de ne pas se laisser abuser par l’intensité du flux d’informations et l’accélération continue des évènements révélant une véritable rupture dans le cours de l’histoire de l’Algérie et de la région. Nul doute qu’il y aura un avant et un après le 22 février 2019. Les contours de cet après s’esquissent progressivement sous nos yeux avec leur part d’ombre et de lumière, de réalité et de manipulation, de jeu complexe des acteurs internes et externes, etc. La forte volatilité et l’incertitude croissante déroutent analystes et stratégistes, y compris les plus aguerris. Néanmoins, un regard géopolitique permettant de prendre de la hauteur et de remettre en perspective les événements et les enjeux s’impose plus que jamais.

Contexte Géopolitique en effervescence et retour des logiques de puissance : l’Algérie n’y échappe pas !

Le monde d’aujourd’hui est caractérisé par une nouvelle fluidité bousculant l’ensemble des repères traditionnels. Loin de la fin de l’Histoire prônée par Fukuyama, nous assistons à une accélération de l’histoire. Ce monde en transition est marqué par une instabilité et une imprévisibilité accrue générant des risques de conflits et d’escalade élevés1. La mondialisation, de plus en plus contestée, a fait voler en éclat les « amortisseurs de chocs » qui permettaient une certaine régulation du monde. Nous subissons de plein fouet une évolution stratégique majeure : le dérèglement du système international avec l’apparition d’ordres ou de désordres alternatifs.Dans ce contexte, nous assistons à un retour des logiques de puissance avec exacerbation des rivalités entre les puissances occidentales visant à maintenir les Etats-Unis en tant que moteur de la transformation du monde à leur image suivant le concept de « destinée manifeste » et les forces émergentes œuvrant à l’avènement d’un monde multipolaire (Chine, Russie, Inde, Iran, Venezuela, etc.). La future structuration des forces au sein du triangle stratégique composé par les Etats-Unis, la Chine et la Russie dessinera le monde de demain encore en gestation.L’Algérie et d’autres pays à l’instar du Venezuela se retrouve au cœur de cette lutte de puissance. Les risques de conflits sont de plus en plus importants, nous le voyons un peu partout le long des lignes de friction entre ces pôles : Afrique, plus précisément Sahel et Maghreb, Ukraine, Moyen-Orient, Asie du Sud-Est, péninsule coréenne, mer de Chine du sud, etc. De nouvelles puissances de rang international et des puissances dites de second rang ou régionales s’affirment de manière décomplexée et aspirent à retrouver leur place, leur influence et à relativiser l’empreinte géopolitique américaine et plus globalement occidentale.

Parallèlement, le Brexit, l’élection du Président Donald Trump aux Etats-Unis, la montée des extrêmes droites, notamment en Europe, etc. révèlent une nouvelle tectonique des plaques et une remise en cause du modèle dominant : la mondialisation. L’individu, dilué et ayant perdu ses repères, aspire à retrouver les fondements de son identité. Le rejet de « l’Autre » n’est que la manifestation de la résurgence de cette quête et du retour en force de l’identitaire. Dans ce contexte, la globalisation, bousculée et remise en cause, se grippe et piétine. « La fin de l’histoire » fait place à un retour en force de l’histoire, de la géographie, de l’Homme, bref de la géopolitique du local.Ainsi, le système-monde, notamment l’universalisme occidental, est confronté à une crise de la démocratie avec une révolte des peuples profonds contre les systèmes profonds.

Cette globalisation a en effet suscité un système profond propre, hors sol, déterritorialisé, transversal, puissant qui s’est affranchi des règles et des projets collectifs, nationaux pour promouvoir ce qui unit entre eux de multiples acteurs transversaux, le pouvoir et l’argent. Ce système, du fait de sa structure et de sa finalité n’a pas hésité à composer avec les systèmes mafieux et les organisations criminelles.En réaction, les peuples exercent une pression sur leurs gouvernants afin que leur soit accordée une priorité croissante dans la conduite des affaires de la « cité ». Les dirigeants se retrouventsommés de prendre parti pour les peuples profonds contre les systèmes qui transgressaient leurs intérêts. Cette dynamique géopolitique de fond participe à l’explication du phénomène des « gilets jaunes » en France et à la révolte du peuple algérien réclamant non plus simplement le départ du président Bouteflika mais le démantèlement de l’ensemble du système algérien hérité de la guerre de libération et l’avènement d’une seconde République.Ainsi, s’ils ne sont pas associés au processus décisionnel, les peuples profonds sont disposés à « renverser la table » et à déclencher ce que certains analystes ont qualifié de « guerre civile mondiale ».

Dans ce « monde rétréci », une secousse, même lointaine, ne peut plus être ignorée par les autorités tunisiennes. Que dire d’un tremblement de terre à l’instar d’une déstabilisation de l’Algérie à notre frontière Ouest conjuguée au chaos libyen à notre frontière Est ? Partons d’un postulat : la stabilité de la Tunisie et la pérennité du processus démocratique tunisien sont étroitement corrélés à la stabilité de l’Algérie : « les événements en cours en Algérie représentent une question de vie ou de mort non pas simplement pour le peuple algérien frère et l’Algérie mais pour le peuple tunisien et la Tunisie plus globalement ».

La bataille est engagée….

Les Etats-Unis ont opéré un redéploiement géopolitique sur l’espace eurasiatique et se heurtent de plein fouet aux puissances continentales russe et chinoise qui, pour leur part, renforcent significativement l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), l’Union Eurasiatique et le projet titanesque des nouvelles routes de la Soie chinoises, dit BRI (Belt and Road Initiative). Le renforcement de la présence militaire américaine en Afghanistan rompant avec une promesse de campagne du président américain Trump et la doctrine Obama témoigne de la volonté de peser sur les périphéries russes et chinoises en reprenant pied au cœur de l’Eurasie. Elle révèle également le poids des inerties américaines portées par des Think Tanks et l’establishment washingtonien auquel s’est heurté le président américain. Il en est de même quant au rapprochement avec la Russie initialement érigé en pilier lors de sa campagne. S’appuyant sur les réflexions d’Henry Kissinger, la manœuvre subtile consistait à entraver le rapprochement entre Pékin et Moscou en orientant le balancier russe vers l’Europe. Menacé d’impeachment, le président Trump a dû se résigner à demeurer dans la logique d’une double antagonisation. Par voie de conséquence, en dépit d’une méfiance réciproque prenant racine dans le temps long de l’histoire, l’arrogance occidentale a précipité le balancier stratégique russe vers Pékin. Apaisement aux frontières, renforcement de la coopération militaire avec multiplication de manœuvres militaires communes, notamment en mer Méditerranée et en mer Baltique, signature d’accords économiques (principalement dans le domaine énergétique), imbrication plus nette de leurs projets régionaux (routes de la soie, Union Eurasiatique, projets de train à grande vitesse reliant Pékin à Moscou, etc.) constituent autant de marqueurs du tropisme de Moscou pour Pékin : le basculement de la Russie vers l’Est est amorcé.

Aujourd’hui, conscients de la véritable menace, les Etats-Unis mettent en place une stratégie destinée à contenir, voire briser la montée en puissance de la Chine, jugée l’adversaire prioritaire à l’horizon de deux ou trois décennies.Lors du XIXème congrès du PCC, Xi Jinping rompt avec la prudence coutumière chinoise, trace des lignes rouges et fixe une orientation : la Chine doit se hisser au premier rang mondial à l’horizon 2049, année du centenaire de la RPC.C’est une gouvernance alternative à l’universalisme occidental que la Chine entend développer et proposer au monde.

Or, selon les stratèges américains, si la Chine se hisse au tout premier rang des puissances, par la combinaison de sa croissance économique et de son indépendance géopolitique et militaire, tout en conservant son modèle confucéen à l’abri des manœuvres subversives occidentales, alors la suprématie des Etats-Unis sera décisivement affaiblie. Dans ce contexte, la guerre humanitaire (ingérence humanitaire puis responsabilité de protéger), les futures pressions environnementales et la guerre contre le terrorisme islamiste constituent les nouveaux axes d’intervention servant à masquer les buts réels de la grande guerre eurasiatique : « la Chine comme cible, la Russie comme condition pour emporter la bataille ». En effet, suivant la logique d’un billard à trois bandes, la Chine comme cible car elle seule est en mesure de dépasser l’Amérique dans l’ordre de la puissance matérielle (économique et militaire) à l’horizon de trente ans. La Russie comme condition car de son orientation stratégique découlera largement l’organisation du monde de demain : unipolaire ou multipolaire.

La montée des tensions en Europe de l’Est, au Moyen-Orient, en Asie Centrale, en Asie du Sud-Est et en Afrique, c’est-à-dire le long des lignes de frictions séparant les sphères d’influence de ces trois pôles de puissance, révèle que la bataille est engagée. Plus précisément, cette rivalité de puissance a pour objet le contrôle de ce que le célèbre géopoliticien américain John Spykman avait qualifié de Rimland, c’est-à-dire les rivages du continent eurasiatique. La thèse formulée dans l’ouvrage « The Geography of the Peace » en 1944 est résumée par la formule suivante : « qui contrôle le Rimland domine l’Eurasie. Qui domine l’Eurasie contrôle les destinées du monde ».

Suivant la pensée développée conjointement avec M. Kais Daly, ce Rimland pourrait être subdivisé en deux espaces : l’Inner Rimland classique : Europe, Asie centrale et Chine et un Outer Rimland allant du Maroc aux Philippines permettant la prise à revers de l’Inner Rimland. Dans la même optique du jeu de Go s’inscrivant dans le temps long, Pékin, en renforçant sa présence via le projet BRI au Maroc, en Algérie, en Egypte (donc en Afrique du Nord et au Maghreb) et en Afrique de l’Est, aspirerait à consolider son influence sur l’Outer Rimland.

Ainsi, la bataille est engagée non seulement le long du Rimland classique mais également au sein de l’Outer Rimland reliant l’Afrique du Nord, le Sahel africain, l’Afrique de l’Est aux Philippines. Le renforcement significatif des positions chinoises et russes au sein de ces espaces exacerbent la nervosité des Etats-Unis et de certaines puissances occidentales aspirant à entraver cette manœuvre stratégique. A leur tour, ces puissances entament des manœuvres classiques d’influence, d’encerclement et de contre-encerclement afin de contrer les manœuvres de ces puissances rivales, voire les évincer de ces espaces hautement stratégiques. Sur cet échiquier, l’Algérie constitue une pièce maîtresse.

En effet, Moscou et Pékin pourraient amorcer une manœuvre stratégique d’ordre tactique obéissant à une répartition des rôles combinant investissements économiques, infrastructures et bases militaires constituant un bloc Afrique de l’Est (base de Djibouti, Chine ; Somaliland Russie), RCA, Tchad, Soudan du Nord (Russie), Egypte (bases russes) et Cyrénaïque en Libye s’étendant au Burkina Faso opposé à un bloc sous influence occidentale à l’ouest (Mauritanie, Mali, Niger, Tripolitaine libyenne, Burkina Faso, etc.). La partition de la Libye serait actée. Dès lors, l’Algérie constituel’enjeu de taille à la charnière de ces deux blocs brisant en deux l’Afrique du Nord et balkanisant le Sahel africain.

Le paradigme dominant de la géopolitique mondiale : la fragmentation d’Etats pivots

Thomas Barnett, disciple de l’Amiral Arthur Cebrowski, affirmait dès 2003 que pour maintenir leur hégémonie sur le monde, les États-Unis devaient « faire leur part du feu », c’est-à-dire le diviser en deux. D’un côté, des États stables ou « integrated states »(les membres du G8 et leurs alliés) et de l’autre le reste du monde considéré comme un simple réservoir de ressources naturelles. À la différence de ses prédécesseurs, il ne considérait plus l’accès à ces ressources comme vital pour Washington, mais prétendait qu’elles ne seraient accessibles aux États stables et rivaux qu’en passant par les services des armées états-uniennes. Dès lors, il convenait de détruire systématiquement toutes les structures étatiques dans ce réservoir de ressources, de sorte que personne ne puisse un jour ni s’opposer à la volonté de Washington, ni traiter directement avec des États stables.

C’est un bouleversement profond de la pensée stratégique américaine trouvant son application et sa mise en œuvre depuis la Somalie, l’Afghanistan en 2001 en passant par l’Irak, la Libye, la Syrie, le Yémen et le Venezuela aujourd’hui. Il semble que l’opération s’étend désormais à l’Algérie en dépit de la tentative de rapprochement opérée par les autorités algériennes avec les Majors américaines et autres.Probablement trop tardivement, l’Algérie sauvegardant une indépendance et autonomie stratégique lui étant préjudiciable au regard de ces centres de décision principalement américains : rapprochement notable avec la Russie, la Chine dans le cadre du projet BRI, l’Iran, condamnation de l’opération visant à démanteler l’Etat syrien, refus d’intégrer la coalition contre le Yémen et l’Alliance Stratégique au Moyen-Orient tournée contre l’Iran (OTAN arabe) , position à l’égard du dossier palestinien et l’enjeu de Jérusalem, réimplantation d’Israël sur son flanc sud, notamment au Tchad et au Mali, etc. Autant de postures diplomatiques et militaires traduisant une autonomie stratégique inconciliable avec les objectifs poursuivis par les tenants de la théorie de Barnett. Dès lors, il convient de briser les structures étatiques algériennes afin d’en prendre le contrôle et d’opérer à terme des deals avec les puissances rivales, notamment russe et chinoise.En effet, suivant la pensée de Barnett, il convient de se resituer dans une néo conférence de Berlin avec des deals et des partages entre grandes puissances de zones abritant des ressources stratégiques dans le cadre d’émiettement et de fragmentation d’Etats et de régions.A l’échelle du Maghreb, la Libye illustre parfaitement depuis huit ans cet état de fait.

C’est dans ce contexte stratégique complexe, volatile et en constante évolution qu’il convient d’analyser les événements en cours en Algérie appelés à marquer une rupture majeure dans le cours de l’histoire de ce pays, pivot du Maghreb central et de son flanc sud sahélien. Il convient d’ajouter à cette analyse géopolitique des enjeux énergétiques avec prise de contrôle de ressources stratégiques aux dépens de la puissance rivale.Certes, l’Algérie, selon les projections de l’AIE, voit ses réserves pétrolières et gazières diminuer mais c’est sans tenir compte des considérables réserves en gaz et pétrole de schiste l’érigeant, à ce stade des prospections, au troisième rang mondial derrière la Chine et l’Argentine. La carte ci-dessous en constitue une illustration flagrante révélant l’ampleur des roches mères en Libye et en Algérie.

D’ores et déjà, ExxonMobil, BP et d’autres Majors tentent, via une révision de la loi et des négociations avec la Sonatrach, de se positionner sur la scène algérienne et de peser sur les futures orientations algériennes en matière d’exploitation de ces ressources face à un retour en force de la Russie en Méditerranée et en Algérie et surtout face à l’ancrage de la puissance chinoise. En effet, la manœuvre initiée au Moyen-Orient visant, via la guerre des oléoducs et gazoducs, à contourner les pipelines russes quant à l’approvisionnement de l’Europe s’étend au Maghreb. Ce fut le cas avec la Libye et il semble que la manœuvre englobe désormais l’Algérie afin d’entraver tout rapprochement avec la Russie et la Chine et mieux contrôler l’approvisionnement en gaz de l’Europe depuis son flanc sud en court-circuitant la Russie.

D’ores et déjà, ExxonMobil, BP et d’autres Majors tentent, via une révision de la loi et des négociations avec la Sonatrach, de se positionner sur la scène algérienne et de peser sur les futures orientations algériennes en matière d’exploitation de ces ressources face à un retour en force de la Russie en Méditerranée et en Algérie et surtout face à l’ancrage de la puissance chinoise. En effet, la manœuvre initiée au Moyen-Orient visant, via la guerre des oléoducs et gazoducs, à contourner les pipelines russes quant à l’approvisionnement de l’Europe s’étend au Maghreb. Ce fut le cas avec la Libye et il semble que la manœuvre englobe désormais l’Algérie afin d’entraver tout rapprochement avec la Russie et la Chine et mieux contrôler l’approvisionnement en gaz de l’Europe depuis son flanc sud en court-circuitant la Russie.

Pistes de compréhension de l’effervescence en cours en Algérie

Le Hirak initié le 22 février 2019 marquera certainement l’histoire contemporaine de l’Algérie. Rupture dans le cours de l’histoire algérienne post-indépendance, des millions d’Algériens défilent pacifiquement et en symbiose depuis six semaines dans la capitale et les grandes villes de l’ensemble du pays pour initialement réclamer le retrait de la candidature du président Bouteflika pour un cinquième mandat, puis le refus de la feuille de route proposée par ce dernier le 11 mars 2019 et complétée par une lettre le 18 mars 2019. De plus en plus nombreux dans les rues,les Algériens ne cèdent pas et ne se laissent pas abuser par les manœuvres d’un système aux abois aspirant à assurer sa survie face à un mouvement de contestation qu’il a sous-estimé, voire pas vu venir. La demande scandée via différents slogans est sans aucune ambiguïté : le système dans son ensemble doit partir et non simplement le président Bouteflika.Nous basculons ainsi dans une situation où le système algérien hérité de la lutte d’indépendance et ayant durant des décennies détourné la rente pétrolière et gazière du pays tout en achetant la paix sociale se retrouve confronté à un sursaut massif du peuple profond exigeant son départ.

Dans le cadre d’un article écrit en novembre 2017 dans les colonnes de Businessnews, l’auteur de ces lignes soulignaient : « À l’intérieur de l’État algérien existent des centres de décision aux stratégies divergentes qui mènent une lutte interne pour le pouvoir, le contrôle des richesses nationales et des trafics illégaux. A la mort du président Boumediene en décembre 1978, un groupe d’officiers attachés à fixer le centre réel du pouvoir algérien en retrait du gouvernement officiel, s’est attelé à mettre en place une hiérarchie parallèle, donnant naissance à une junte dont les excès ont engendré pour un temps une faillite économique, sociale et politique du pays. « Le champ des manœuvres est d’autant plus ouvert et complexe que, contrairement à une idée répandue, le Haut Commandement de l’armée algérienne n’est pas monolithique. Il existe une multitude de clans rivaux en fonction de l’origine régionale, des écoles de formation, de leurs connivences extérieures et des secteurs de l’économie qu’ils contrôlent. Et tout cela constitue une espèce de société féodale où le pouvoir de chacun est évalué à l’aune de sa capacité à protéger et enrichir les siens ainsi qu’à diminuer le pouvoir et la richesse des autres. Il est évident que, pour certains, tous les coups sont permis »3 (….) « L’Algérie se sait visée4, à moins d’écarter l’Occident du sillage des islamistes politiques et de le recentrer sur la guerre contre le terrorisme international. C’est chose faite. A travers son implication croissante dans les négociations régionales, notamment les crises maliennes et libyennes et sa volonté de sécuriser ses frontières, notamment avec la Libye et la Tunisie, l’Algérie se positionne à nouveau en puissance régionale incontournable dans la lutte contre le terrorisme et l’insécurité régionale s’immunisant momentanément d’une déstabilisation s’inscrivant dans la logique des printemps arabes.Néanmoins, cette tactique algérienne consistant à se poser en allié des puissances occidentales dans la lutte contre le terrorisme est précaire : elle ne saurait prémunir durablement Alger des visées occidentales (…) De nombreux Algériens soutiennent avec insistance la thèse du ciblage du régime algérien en se prévalant de l’expansion irrésistible des révolutions du « printemps arabe » et des pressions qui l’assaillent de toute part : à l’Est, les révolutions tunisienne et libyenne (risque terroriste et criminel aux frontières) ; à l’ouest la pression marocaine du fait du conflit saharien et au sud le conflit malien induisant une militarisation croissante impliquant les puissances occidentales. La lecture d’une carte révélant les bases militaires françaises et américaines au Sahel révèle l’ampleur de l’encerclement militaire de l’Algérie sur fond de retour de la présence militaire allemande et italienne au Niger et plus globalement le long de la bande sahélo-saharienne et le poids croissant de l’influence militaire marocaine (…) Dans ce contexte, l’Algérie est sur un volcan. Fragilisée, confrontée à des difficultés économiques et sociales inédites dans son histoire, citadelle assiégée, elle aspire à reprendre la main sur l’ensemble de ces problématiques. Elle déploie des dispositifs militaires (course à l’armement), diplomatiques et secrets en vue de se positionner, à terme, en puissance régionale hégémonique (…) Confrontée aux évolutions restructurant la scène maghrébine, l’Algérie préserve apparemment le statu quo prétendu démocratique.Alger aspire à une évolution à la chinoise matérialisée par une ouverture maîtrisée et graduelle sauvegardant un pouvoir central fort en mesure d’écraser militairement toute contestation intérieure et de s’opposer à toute convoitise extérieure sur les ressources nationales ».

L’enjeu consistait donc pour le système algérien à assurer sa perpétuation en maîtrisant le processus de succession du président Bouteflika. Les variables non prises en compte furent la mésentente au sein du système, ce dernier ne parvenant pas à désigner un personnage consensuel assurant l’équilibre des forces entre les différents clans et l’exaspération du peuple algérien atteint dans sa dignité par la candidature du président Bouteflika pour le cinquième mandat. Cette manœuvre a échoué face au sursaut massif de la rue algérienne. En réalité, comme souligné plus haut, les mêmes causes ayant provoqué les révolutions tunisienne, égyptienne et libyenne se retrouvent aujourd’hui en Algérie : l’aspiration à la démocratie et à l’Etat de droit, l’impératif de transparence inspiré par l’opacité du système politique, le changement générationnel en cours marqué par « la disparition progressive de la vieille garde issue de la guerre pour l’indépendance », le chômage et la précarité d’une jeunesse désœuvrée mais connectée et donc ouverte sur le monde et la révolution numérique et digitale, les déséquilibres économiques et sociaux en dépit des ressources considérables de l’Etat, l’affaiblissement de l’armée et des services secrets initié par le président Bouteflika au profit de la montée en puissance d’une caste d’oligarques et de certains islamistes du FIS amnistiés, etc. L’ensemble de ces facteurs justifient la révolte légitime du peuple algérien contre le système profond, révolte forçant l’admiration à l’échelle régionale et internationale par son pacifisme, sa constance et sa détermination.

En réalité, le Hirak, de semaine en semaine, monte en puissance et rejette les manœuvres du système les unes après les autres. Le 26 mars 2019, le chef d’état-major de l’armée et vice-ministre de la défense scelle la rupture avec le clan Bouteflika et demande la mise en œuvre de l’article 102 de la constitution algérienne visant à faire constater par le Conseil Constitutionnel l’inaptitude du président Bouteflika à l’exercice du pouvoir ou sa démission. Gaid Salah espère ainsi, via cette demande ou injonction, gagner du temps, épuiser et diviser la rue, neutraliser ses adversaires, replacer l’Etat-major de l’armée au centre du jeu politique, en position d’arbitre proche du peuple et maîtriser ainsi le processus de transition, masquer les fractures divisant de plus en plus l’armée, une jeune garde de colonels n’aspirant pas à être « emportée » par la colère de la rue dans le sillage des anciens caciques de l’armée et du régime, etc. En définitive, en sacrifiant le président Bouteflika et probablement d’autres personnalités symbolisant le système, Gaid Salah aspire à la sauvegarde de ce même système, un système mutant mais faisant preuve d’une résilience certaine.

L’enjeu est la sauvegarde du pouvoir réel sous d’autres formes en évitant de voir évoluer les manifestations vers un processus révolutionnaire incontrôlable.Dans le cadre d’une stratégie de désamorçage, l’armée pourrait se positionner en arrière, dans l’ombre d’un conseil des sages, tout en gardant les leviers réels du pouvoir. Il s’agit de « sacrifier des têtes, répondre à certaines aspirations du peuple sans changer le système ». En effet, il convient de garder en mémoire que l’armée constitue l’ossature, la colonne vertébrale de l’Etat algérien : «  l’Armée de libération nationale a créé l’Etat algérien, un acte fondateur source d’une tutelle dont le pays ne s’est jamais vraiment affranchi ». Le sacrifice du président Bouteflika et de son clan s’inscrit dans cette logique. Gaid Salah s’est opposé constamment à un scénario à la cubaine avec une prise de pouvoir par un des frères du président Bouteflika ou à la proclamation de l’Etat d’urgence. Le remplacement du Général Tartag à la tête du DSS (Direction des Services de Sécurité),éternel rival de Gaid Salah, témoigne de la montée en puissance de ce dernier au détriment du clan Bouteflika de plus en plus morcelé. En l’occurrence, ce clan perd progressivement de nombreux soutiens, y compris au sein de l’Alliance présidentielle, notamment au sein du FLN et du RND.

La réponse de la rue ne tarda guère. Lors de la marche du 29 mars 2019, les manifestants étaient unanimes : refus de la proposition de Gaid Salah, refus que le système avec ses hommes se charge d’assurer l’organisation de la transition, l’éviction ou la démission du président Bouteflika étant jugées insuffisantes et inacceptables : « les Algériens voient dans cette solution un piège qui permettra au pouvoir de rester en place en changeant de nom et de visage. Or c’est le départ du système entier, du régime que la population réclame. « Nous ne sommes pas dupes », répètent les protestataires. Les activistes critiquent également l’intrusion de l’armée dans les affaires politiques ce qui envenime la situation, selon eux ». Les slogans véhiculés par la foule illustrent cet état de fait : « Bouteflika tu partiras, emmène Gaïd Salah avec toi », « FLN dégage », « Le peuple veut l’application de l’article 7 instaurant la volonté du peuple, c’est le peuple qui décide de son avenir », « Voleurs, vous avez pillé le pays », etc.La rupture est nette, le fossé se creusant de jours en jours entre un système profond de plus en plus divisé et le peuple. Ainsi, tout le système est visé, toute démission du président Bouteflika ne pouvant apaiser la rue et sauver le régime se drapant d’un autre visage.En effet, depuis l’éviction des Généraux à l’été 2018 dans le sillage officiellement de l’affaire de la cocaïne saisie à Oran à l’arrestation de certains chefs de région en novembre 2018 (puis leur llibération), les luttes intestines au sein du système sont apparues au grand jour témoignant de l’exacerbation des rivalités entre les différents clans. Ce qui par le passé était réglé dans l’opacité et l’ombre apparaissait aux yeux de tous. C’est dans ce cadre qu’il convient d’interpréter la dernière intervention médiatisée via un communiqué virulent du Général Gaid Salah en date du 30 mars 2019 : « le communiqué réaffirme que la seule solution à la crise est celle proposée par Ahmed Gaïd Salah, le chef d’état-major, en début de semaine, à savoir le recours à une destitution constitutionnelle du président Bouteflika, via l’article 102. Mais l’ANP menace aussi tous ceux qui auraient l’intention de lui porter atteinte et dit avoir eu connaissance d’une réunion suspecte tenue le samedi 30 mars 2019 impliquant des parties malintentionnées, notamment l’ancien chef du DRS, le Général Taoufik Médiène, rival de Gaid Salah et démis de ses fonctions par le président Bouteflika en 2015.Des « parties malintentionnées » préparent « un plan visant à porter atteinte à la crédibilité » de l’armée, a-t-il déclaré, assurant qu’il s’agissait là d’une « ligne rouge ».Ahmed Gaïd Salah rappelle également, à la suite d’une réunion sur « l’étude des développements de la situation politique prévalant dans notre pays », que la solution de la crise ne peut toujours selon l’armée « être envisagée qu’à travers l’activation des articles 7, 8 et 102 » de la Constitution algérienne.Les articles 7 et 8, adjoints cette fois au 102, stipulent notamment que « le pouvoir constituant appartient au peuple » et que « le peuple se donne des institutions ayant pour (…) la protection des libertés fondamentales du citoyen et l’épanouissement social et culturel de la Nation ».

Gaid Salah aspire ainsi à se positionner en protecteur de la volonté du peuple contre des acteurs malveillants visant à l’en déposséder. A ce stade, dans un climat pré-révolutionnaire, nous assistons à une lutte féroce au sein du système exacerbée par les craintes d’ingérences étrangères aspirant à exploiter ou à provoquer une déstabilisation de l’Algérie au service d’intérêts géopolitiques et géoéconomiques largement développés ci-dessus. Gaid Salah incarne une ligne souverainiste, empreinte de méfiance à l’égard de l’étranger, notamment des puissances occidentales, dont la France, au bénéfice d’unecoopération plus soutenue avec Moscou et Pékin. Il n’est pas inconcevable que le rapprochement de circonstance et tactique entre le clan Bouteflika et l’adversaire d’hier, le Général Taoufik Médiène et ses réseaux encore actifs, soit tourné contre Gaid Salah afin de limiter son ascendant. Derrière l’ancien DRS, dans l’ombre, certaines puissances occidentales pourraient être en embuscade, aspirant à un « regime change » évinçant un Gaid Salah tout puissant, incarnant un possible scénario à l’égyptienne à l’image du Maréchal Al Sissi, scénario jugé trop favorable à la Russie, à la Chine, aux Emirats Arabes Unis, etc. Il apparait clair que le système algérien est pris de vitesse par la rue traduisant l’existence d’un centre agissant contre l’Etat-major de l’armée. Certaines sources algériennes n’hésitent pas à évoquer une possible instrumentalisation de la rue par d’anciens éléments du DRS dissous en 2015 et rival de toujours du général Gaid Salah.

La face immergée de l’iceberg

Dans le cadre d’une restructuration des rapports de puissance à l’échelle planétaire, l’Algérie, convoitée pour ses ressources stratégiques, constitue un enjeu au Maghreb, au Sahel et sur le flanc sud méditerranéen de l’OTAN.Dans ce contexte géopolitique et géoéconomique sur fond de prise de contrôle de ressources énergétiques et d’évincement de puissances rivales conformément à la doctrine « Barnett » largement développée dans la première partie de cette étude, divers indices tendent à témoigner d’une implication, derrière le Hirak, de puissances aspirant à déstabiliser l’Algérie et à en briser les structures étatiques suivant une logique de fragmentation des Etats.Il ne s’agit absolument pas de nier la légitimité du sursaut admirable du peuple algérien, de sa capacité de discernement et de son aversion envers toute forme d’ingérence étrangère mais le caractère trop lisse de l’ensemble de ces millions d’Algériens défilant de manière pacifique sans le moindre débordement doit intriguer tout chercheur objectif. Il s’agit de mettre en perspective divers éléments que nous allons énumérer et les structures encadrant les mouvements populaires conjuguées aux appels anonymes via les réseaux sociaux, non les mouvements en eux-mêmes manifestant dignement pour l’avènement d’un Etat démocratique en Algérie et la mise à l’écart d’un système jugé prédateur. Dans l’ombre, sans en saisir pleinement la mesure tant les manœuvres sont subtiles et masquées, un peuple peut être manipulé par des acteurs internes et externes surfant sur une vague de protestation légitime pour la détourner de ses objectifs initiaux et provoquer une déstabilisation du pays ou un « regime change ».

Les indices ou signaux faibles visant une déstabilisation de l’Algérie

Ces indices sont multiples et la liste développée ci-dessous n’est nullement exhaustive :

Au nom de la lutte contre le terrorisme, la militarisation croissante de l’espace sahélien flanc sud de l’Algérie. Le positionnement des bases de puissances occidentales, notamment des Etats-Unis, du dispositif Barkhane français avec une base à Tessalit à proximité de la frontière algérienne, de l’Allemagne et de l’Italie au Niger s’ajoutant aux bases françaises et américaines, témoignent d’un véritable maillage de la ceinture de sécurité du sud de l’Algérie et de sa sphère d’influence traditionnelle. Le retour de l’influence israélienne au Tchad et au Mali n’est également pas innocent.Les révélations de The Intercept en date du 3 décembre 2018 conformément au Freedom of Information Act révèle d’une part la présence militaire américaine croissante en Afrique suivant la logique du Nénuphar avec 34 bases militaires dont 14 sites importants et 20 souples et « l’encerclement de l’Algérie via trois pays : La Libye (3 sites légers), la Tunisie et le Niger (Niger Air Base à Agadez) ».Dans un entretien accordé le 4 décembre 2018 à l’AFP, le général Roger Cloutier, le commandant des forces de l’armée de terre américaine en Afrique (USARAF) a confirmé les conclusions de l’enquête de The Intercept : « non, nous ne nous désengageons pas. Nous sommes plus engagés que jamais, et nous cherchons de nouvelles occasions de nous impliquer encore davantage ».

Une déstabilisation de l’Algérie pourrait constituer cette occasion ;

Le retour téléguidé d’éléments terroristes de Daesh du théâtre syrien vers la Libye et surtout le flanc sud sahélien traduit une volonté de ciblage et de déstabilisation de l’Algérie en instrumentalisant l’islamisme radical et le terrorisme. M. Hassan Kacimi, Directeur d’étude au ministère algérien de l’intérieur en charge du dossier des migrations soulignait le 2 janvier 2019 : « le danger est là. Sournois, mais bien réel. Il est aux frontières sud de l’Algérie. Un danger, fomenté dans les officines de pays étrangers, qui tentent, sans relâche, d’ébrécher le mur sécuritaire pour déstabiliser l’Algérie : il s’agit là d’un énorme complot (…) On cherche à faciliter l’arrivée en masse de terroristes de la région d’Alep en Syrie (membres de l’Armée Syrienne Libre) vers l’Algérie via la Libye, le Niger et le Mali. Ces derniers détiennent de faux passeports soudanais. En traversant divers pays identifiées, ils empruntent les routes migratoires tout en étant encadrés par des groupes armés : Turquie –Soudan (faux passeports) – Mauritanie ou Egypte – Mali et Niger pour remonter en se mêlant aux migrants vers l’Algérie ».

De multiples arrestations ont eu lieu depuis l’été 2018. Cette manœuvre consistant à infiltrer des éléments terroristes syriens aguerris au combat asymétrique visait probablement à tester les capacités de défense du régime et de l’armée algérienne et à pré-positionner des éléments devant semer le chaos depuis l’intérieur du pays le moment venu. En réponse, l’armée algérienne menait le 7 janvier 2019 l’exercice militaire Borkhane 2019 lors duquel le Général Gaid Salah déclarait : « la stabilité de l’Algérie dérange certains » ;

Multiples découvertes récentes dans le sud algérien le long des routes migratoires d’armes antichars et antiaériennes et disparition en Libye de plus de 45 millions5 de cartouches selon la presse algérienne ;

Les méthodes d’ingérence démocratique et de désobéissance civile conceptualisées initialement par Gene Sharp dans ses divers manuels semblent à l’œuvre en Algérie. En 2003, la « révolution des roses » poussait Edouard CHEVARDNADZE à la démission. Quatre ans plus tôt, les étudiants du mouvement OTPOR réussissaient à faire chuter Slobodan MILOSEVIC en mobilisant l’ensemble de la société dans des actions non-violentes. Après la Géorgie et la Serbie, le basculement de l’Ukraine en 2004 par les urnes marque le moment le plus significatif de la reconquête occidentale de l’ancien monde soviétique.Cette stratégie s’est étendue par la suite au monde arabe.Des mouvements tels qu’OTPOR et CANVAS ont largement contribué à former de nombreux activistes mobilisant et encadrant les foules et la rue arabe.Une même méthode révolutionnaire, inspirée des travaux de Gene SHARP, théoricien de l’action non violente, est à la base de ces soulèvements populaires contre des gouvernements jugés oligarchiques et non démocratiques. Dans son ouvrage de référence, « La Guerre civilisée », ce spécialiste américain explique comment « dans toute société politique, le niveau de liberté ou de tyrannie dépend largement de la détermination des sujets à être libres et de leur capacité à s’organiser pour vivre librement ».Dès lors, pour s’affranchir d’un pouvoir autoritaire et permettre l’émergence d’une ouverture démocratique, la société civile doit s’organiser à l’avance pour s’imposer en adoptant une stratégie de l’intelligence et de « l’action civile » reposant sur des techniques non-violentes de désobéissance civile (technique d’action politique, voire militaire) et de « marketing politique », conjuguées à un soutien massif à la fois logistique, médiatique et d’observation des élections. L’ensemble est dopé par une exploitation optimale des réseaux sociaux et de l’ensemble des outils offerts par la révolution numérique et digitale en plein développement. En dépit du caractère légitime de la révolte de la population algérienne, il semble que des structures d’encadrement et de mobilisation suivant les modèles éprouvés par le passé et toujours améliorés (feed back) soient à l’œuvre en Algérie.

En effet, dans un article de grande qualité rédigé par le Général français Delawarde, ancien chef « situation renseignement-guerre électronique » à l’Etat-major interarmées, intitulé « Algérie : révolte spontanée ou déstabilisation préméditée et organisée ? »6, ce haut spécialiste du renseignement souligne : « la crise algérienne s’inscrit dans un contexte géopolitique qui dépasse largement ses frontières (…)Les indices ne manquent pas dans la crise algérienne qui font furieusement penser à une opération de « Regime Change » (changement de régime), dont les occidentaux sont particulièrement friands (révolutions colorées, Ukraine, Libye, Printemps arabes, Syrie, Venezuela, Brésil, etc.), qu’ils réussissent parfois (Maïdan, Libye, Brésil) et dont ils gardent jalousement «les secrets de fabrication » (…) Il y a, encore, la lecture des journaux du quarteron d’États dirigeant « la coalition occidentale ». L’ampleur, la teneur et le ton des réactions médiatiques sur ce qui devient, peu à peu, la «crise algérienne» et qui pourrait être baptisé dans quelques jours: «le printemps algérien», sont particulièrement révélateurs. La lecture du New York Time et du Washington Post aux USA, du journal Le Monde et des reportages de BFMTV en France, des journaux israéliens, Haaretz et Jérusalem post, est édifiante et facile à décrypter pour un bon spécialiste du renseignement.Enfin, il y a la méthode, les techniques et les moyens utilisées pour organiser un chaos de plus ou moins grande ampleur, préalable indispensable à l’avènement d’un nouveau régime. Ils constituent également de précieux indices (…) Facebook et Twitter, outils sous contrôle occidental, sont utilisés au maximum pour manipuler et chauffer les foules et pour organiser très rapidement de grands rassemblementsprotestataires. Là encore, il s’agit de méthodes expérimentées avec succès par Cambridge Analytica dans un passé récent, notamment en Amérique du Sud.Ceux qui contrôlent ces opérations «numériques» ne résident pas toujours dans le pays objet de l’ingérence. L’opération peut être contrôlée à partir du territoire d’un pays occidental (généralement les USA). Il suffit de disposer d’un groupe d’individus de bon niveau maîtrisant parfaitement la langue du pays objet de l’ingérence. Ces individus existent évidemment en grand nombre dans la diaspora algérienne mais aussi dans la diaspora séfarade. De telles actions contrôlées à partir de l’étranger ont déjà été observées dans les cas tunisien, libyen et égyptien (…) Il s’agit d’organiser d’abord le lâchage du régime en place et dans un deuxième temps le soutien du candidat à promouvoir : encore une méthode éprouvée de « Cambridge Analytica ». Elle nécessite beaucoup d’argent, mais l’État qui imprime le papier «dollar» n’en manque pas.L’argent et les promesses de positions avantageuses dans le nouveau régime viennent généralement à bout des plus coriaces (…) En conclusion, vous l’aurez compris, je ne crois pas à la spontanéité de tous les événements qui agitent aujourd’hui la rue algérienne.Aucun des deux grands camps qui s’opposent aujourd’hui dans le monde ne peut être indifférent à ce qui se passe en Algérie. L’ingérence étrangère y est donc plus que probable. Le contraire serait surprenant (…) Ceux qui s’ingèrent sont ceux qui y ont un intérêt et qui en ont les moyens. Ils s’appuient très habilement sur la triple opportunité qui leur est offerte : l’usure du pouvoir en place et de son chef, l’indéniable crise économique et sociale imputée à la gouvernance Bouteflika et l’échéance électorale prévue par la Constitution. Ils s’appuient également sur les moyens techniques (réseaux sociaux) et les moyens financiers et humains dont ils disposent ».

A l’appui de cette thèse, divers autres faits peuvent être évoqués (liste non exhaustive) :

En date du jeudi 14 mars 2019, le Washington Post américain met en garde la population algérienne contre le risque de réédition du scénario égyptien en Algérie. En ce sens, il recommande, afin de surmonter ce risque, deux stratégies : « insister et persévérer quant aux véritables réformes de fond et ne pas accepter de trêve avant l’éviction des décideurs ou la chute du pouvoir » ; « ne jamais abandonner la rue avant d’avoir obtenu satisfaction quant à l’ensemble des revendications ». Le journal américain établit ainsi de nombreuses similitudes entre les manœuvres du régime algérien et les événements en Egypte en 2011 ;

Selon Sputniknews en date du 15 janvier 2019, « l’activité soutenue et surmédiatisée de l’ambassadeur des Etats-Unis en Algérie, notamment dans le sud du pays, « susciterait de vifs soupçons quant à ses intentions réelles (…) des sources citées par le site d’information Algérie Patriotique ont affirmé que les gesticulations de l’ambassadeur américain cachent bien des desseins inavoués (…) selon ces sources, les Etats-Unis multiplient les appels de pieds à l’adresse de jeunes algériens invités à « subir » une formation sur la démocratie, autrement dit sur les moyens de mener des actions subversives, ceci sur fond de confusion politique totale et d’incertitudes concernant la tenue de la prochaine élection présidentielle ».

Dans une note publiée le 11 mars 2019, l’AEI (American Entreprise Institute) proche des milieux néoconservateurs américains et de la NED (National Endowment for Democracy), soulignait que l’Algérie, pôle de stabilité dans un Maghreb tourmenté, « faisait également partie du problème » (…) la solution ne consiste pas à préserver ou à rétablir un dictateur en Algérie. Si les régimes répressifs peuvent limiter l’extrémisme un certain temps, voire des décennies, ils ont inévitablement une date d’expiration (…) les Etats-Unis doivent plutôt être prêts à offrir leur aide dans la transition démocratique en Algérie »;

Début janvier 2019, les autorités algériennes saisissaient du matériel sophistiqué pouvant être utilisé à des fins d’espionnage en provenance du Qatar : « Pour la deuxième fois, l’Algérie saisit du matériel sensible pouvant être utilisé à des fins d’espionnage, en provenance du Qatar.Selon le site France-Algérie, 500 objets ont été saisis, la semaine passée, par les services de douanes de l’aéroport Houari-Boumediene d’Alger, sur le vol QR 566, en provenance du Qatar. Ce matériel, qui consiste en des caméras miniatures, haute résolution, et des drones, est utilisé, généralement, par les services secrets israéliens et américains, dans des opérations d’espionnage, indique le site. D’après les aveux des prévenus, il semble que ce matériel sensible était destiné à des personnes des wilayas d’Alger, de Sétif et du Sud algérien, où se trouvent de nombreuses bases pétrolières (…) Et de s’interroger si ce matériel n’a pas été envoyé, intentionnellement, par une intelligence ennemie à un réseau d’espionnage national dormant, pour nuire à l’Algérie, dans sa sécurité, et celle des personnes, dans leur vie privée » .

Le Site Algérie patriotique révélait dans son édition du 13 mars 2019 en s’appuyant sur des développements au sein du journal Al-Binaa relayant des sources de renseignement dont la crédibilité reste à vérifier que : « dans un centre de coordination installé à Rabat, un certain nombre d’agents étatsuniens, marocains et de spécialistes d’Otpor (l’agence initialement serbe financée par Soros pour les « révolutions de couleur ») travailleraient depuis déjà un an à la planification, au financement et au ravitaillement de mouvements activistes en Algérie, et des cadres algériens auraient suivi là six mois de formation intensive. Deux douzaines d’officiers étatsuniens, marocains, serbes et français (et quelques Algériens félons), seraient déjà à pied d’œuvre dans deux états-majors de conduite opérationnelle déployés à Oujda et Errachidia (Maroc) et des dizaines d’autres formeraient déjà un millier de futurs miliciens dans trois camps d’entraînement (dont un en Mauritanie), tandis que deux bases de soutien logistique auraient été installées en Tunisie ». Ces informations ont été strictement démenties par les autorités marocaines ;

En comparaison avec le mouvement des « gilets jaunes » en France dont le nombre est très inférieur aux millions d’Algériens défilant pacifiquement et sans le moindre dérapage dans les rues des plus grandes villes du pays dont Alger, les incidents se sont multipliés en France, notamment à Paris avec incendie de nombreuses boutiques tout le long de l’avenue des Champs-Elysées. Ce caractère trop lisse et fluide, en dépit de la sagesse du peuple algérien, laisse entrevoir l’existence de puissantes structures d’encadrement et de manipulation des foules conformément au « process » des révolutions de couleurs : « la sincérité et l’authenticité de l’élan populaire qui a déversé dans la rue algérienne des millions de personnes ne sauraient être mises en doute. Il n’en demeure pas moins que le mouvement a paru dès sa naissance particulièrement bien encadré et outillé de techniques qui sont trop professionnelles pour relever de l’improvisation. Il a tout de suite trouvé ses marques dans des consignes d’action pacifique et de civisme qui sont, il faut bien l’admettre, suspectes. Le plus déroutant reste cependant toutes ces touches d’enchantement dont le « Hirak » semble avoir découvert le secret et qui sont incontestablement le fait d’un parrainage médiatique d’une haute compétence qui a su produire et diffuser une iconographie digne de cette « révolution du sourire » .

Les vives réactions de la Russie et dans une moindre mesure de la Chine appelant au respect de la souveraineté algérienne et à la non-ingérence dans les affaires intérieures de ce pays sont révélatrices d’une nervosité de ces acteurs pesant lourdement sur la géopolitique du Maghreb et ayant des enjeux hautement stratégiques en Algérie. En effet, Serguei Lavrov, ministre des affaires étrangères russe, soulignait le 20 mars 2019 lors de la conférence de presse conjointe avec Ramtane Lamamra : « il est particulièrement important que tous les autres pays respectent de façon sacrée les dispositions de l’ONU et s’abstiennent de toute ingérence dans les affaires intérieures de l’Algérie ». Il a également mis en garde contre toute tentative de déstabilisation de l’Algérie tout en rappelant que seul le peuple algérien devait décider de son avenir et de son destin ;

Selon des informations révélées le 29 mars 2019 par le site d’information électronique Wikistrike, l’Algérie, afin de contrer les manœuvres de déstabilisation internes et externes via les réseaux sociaux et le contrôle et la manipulation des foules, aurait activé « des capacités de cyberguerre dans une situation de conflit réel ». Il précise : « l’Armée Nationale Populaire (ANP), appellation officielle de l’Armée algérienne vient d’activer ses capacités de cyberguerre dans un contexte de conflit réel aux contours forts flous après avoir constaté l’entrée en jeu de nouveaux acteurs dans la crise politique secouant l’Algérie depuis un mois. La riposte est pour l’instant timide mais ordonnée et graduée.Fait nouveau, l’état-major militaire fait face à deux fronts : le premier, interne, est constitué par les anciens réseaux de l’ex-DRS (Direction du Renseignement et de la Sécurité), l’ancien nom de la police politique qui a manipulé la rue algérienne avant que le mouvement ne lui échappe partiellement. Ces derniers ne sont pas seuls et seraient soutenus par les services spéciaux US. Le second front, plus difficile à identifier commence à prendre forme et il annonce une sorte de guerre hybride d’une nature totalement nouvelle (…) Très peu d’Algériens semblent vraiment conscients du formidable piège qui va se refermer sur leur pays ».

A la croisée des chemins

L’Algérie est à la croisée des chemins, sur un volcan en ébullition et, en dépit de l’annonce de la future démission du président Bouteflika et de la constitution du nouveau gouvernement, les deux principaux acteurs, à savoir le peuple algérien et le système, ne semblent pas prêts à céder. La scène algérienne est caractérisée par une forte singularité relevant de la sociologie politique algérienne héritée de la guerre de libération nationale. Pour les autorités tunisiennes, une veille stratégique rigoureuse et quotidienne s’impose afin de plonger dans la complexité et l’opacité algériennes et anticiper les futures évolutions via la mise en place d’un tableau de bord de veille et d’anticipation de situations que nous pourrions qualifier de « seuil d’alerte sécuritaire » pour la Tunisie. Tunis doit se préparer à tous les scénarios afin de ne pas subir une éventuelle déstabilisation de l’Algérie qui placerait le pays, compte tenu de la situation en Libye, dans une situation à la libanaise hypothéquant la consolidation de son processus de transition démocratique. Des mesures de réassurance à l’égard des autorités algériennes participeraient à protéger la Tunisie de tout effet retord toujours possible.

Tunis, le 2 avril 2019
1 Voir La revue stratégique de défense et de sécurité nationale française rendue publique le 13 octobre 2017 visant à actualiser le Livre Blanc de 2013.

2 Cours de géopolitique de M. Taje, année 2018-2019.

3 Alain Chouet,  Au cœur des services spéciaux : la menace islamiste : fausses pistes et vrais dangers. Paris, La Découverte, 2011, p.231.

4 En février 2014, un rapport du CombattingTerrorism Center, proche du Pentagone et de l’Administration Obama, établit pour la première fois un lien direct entre les tensions sociales (notamment à Ghardaïa dans la vallée du Mzab) et le terrorisme dans la région menaçant les intérêts stratégiques américains, notamment énergétiques. Ce rapport fut dénoncé par les autorités algériennes. Ce rapport est consultable au lien suivant : https://www.ctc.usma.edu/posts/africa-special-issue.

5 Ce chiffre reste à vérifier.

6 Cet article est consultable au lien suivant : https://www.breizh-info.com/2019/03/22/114808/algerie-revolte-spontanee-ou-destabilisation-premeditee-et-organisee-lagora

7 Pour de plus amples détails sur les étapes du processus de déstabilisation et de manipulation des foules, lire l’article complet au lien suivant : https://www.breizh-info.com/2019/03/22/114808/algerie-revolte-spontanee-ou-destabilisation-premeditee-et-organisee-lagora

8 « Un média algérien se demande que complote l’ambassadeur des Etats-Unis à Alger ? », Kamal Louadj, Sputniknews, 15 janvier 2019, consultable au lien suivant : https://fr.sputniknews.com/international/201901151039644286-algerie-complot-ambassadeur-usa/

9 « Un Think Tank américain craint une déstabilisation de l’Algérie, appelle les USA à être prêts à offrir leur aide dans la transition démocratique », Yacine Babouche, TSA Algérie, 18 mars 2019, consultable au lien suivant : https://www.tsa-algerie.com/un-think-tank-americain-craint-une-destabilisation-de-lalgerie-appelle-les-usa-a-etre-prets-a-offrir-leur-aide-dans-la-transition-democratique/

10 « LA DÉSTABILISATION DU MAGHREB SE POURSUIT : LE QATAR INTRODUIT DU MATÉRIEL D’ESPIONNAGE EN ALGÉRIE », Geopolitica.ru, janvier 2019, consultable au lien suivant : https://www.geopolitica.ru/fr/news/la-destabilisation-du-maghreb-se-poursuit-le-qatar-introduit-du-materiel-despionnage-en-algerie

11 L’article est consultable au lien suivant : www.algeriepatriotique.com/2019/03/13/un-plan-de-destruction-de-lalgerie-est-entre-en-action-a-partir-du-maroc/

12 « Volonté populaire et incarnation sociale: Quelques questionnements sur le « Hirak » algérien », Khaled Satour, AlgeriaWatch, 23 mars 2019, consultable au lien suivant : https://algeria-watch.org/?p=71629

13 « Algérie : activation des capacités de cyberguerre dans une situation de conflit réel », Wikistrike, 29 mars 2019, consultable au lien suivant : http://www.wikistrike.com/2019/03/algerie-activation-des-capacites-de-cyberguerre-dans-une-situation-de-conflit-reel.html

http://atlas-times.com/index.php/en/op-ed/1795-hirak-en-algerie-entre-realite-et-manipulations

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Procès Karachi : prison ferme pour les anciens proches d'Edouard Balladur

Publié le par S. Sellami

Procès Karachi : prison ferme pour les anciens proches d'Edouard Balladur Pierrot Patrice/Avenir Pictures/ABACA

Le tribunal correctionnel de Paris a sanctionné des hommes politiques et des industriels proches de l'ancien premier ministre Édouard Balladur, dans le cadre du volet financier de l'affaire Karachi. En cause, des pots-de-vin versés à des intermédiaires pour des contrats d'armement signés en 1994 avec l'Arabie Saoudite et le Pakistan.

La justice française a condamné lundi à des peines de deux à cinq ans de prison ferme six prévenus dans le volet financier de l'affaire Karachi, concernant des commissions occultes sur des contrats d'armements signés en 1994 avec l'Arabie Saoudite et le Pakistan. Le tribunal correctionnel de Paris a durement sanctionné les anciens proches de l'ex-Premier ministre Edouard Balladur, dont certains ne pouvaient ignorer "l'origine douteuse" des fonds versés sur le compte de la campagne présidentielle de 1995 et issus de rétrocommissions illégales.

Ce premier jugement sonne comme un avertissement pour l'ancien Premier ministre et son ministre de la Défense François Léotard, dont le procès aura lieu dans les prochains mois devant la Cour de justice de la République (CJR), seule habilitée à juger les ministres pour des infractions commises au cours de leur mandat. La justice a sanctionné "une atteinte d'une exceptionnelle gravité à l'ordre public économique et en la confiance dans le fonctionnement de la vie publique", a fortiori de la part de hauts fonctionnaires et personnalités proches du gouvernement, desquels sont attendus une probité "exemplaire".

Pots-de-vin pour des contrats d'armement

En cause, les pots-de-vin, alors légaux, versés à des intermédiaires pour des contrats d'armement signés en 1994 avec l'Arabie Saoudite (Sawari II) et le Pakistan (Agosta) et ayant donné lieu à des rétrocommissions illégales: une petite partie de ces rétrocommissions ont, selon le tribunal, non seulement enrichi les prévenus mais aussi contribué à financer la campagne présidentielle malheureuse d'Edouard Balladur.

Les juges ont affirmé que l'imposition d'un réseau d'intermédiaires, dit "réseau K", était inutile au plan commercial et avait en outre donné lieu au versement de "commissions exorbitantes", au détriment de la branche internationale de la Direction des constructions navales (DCNI) et de la Sofresa, deux entités détenues par l'Etat qui vendaient sous-marins et frégates.

5 ans de prison pour Ziad Takieddine

La plus lourde peine, 5 ans de prison, a été infligée aux intermédiaires du "réseau K", l'homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine et son ancien associé Abdul Rahman Al Assir. Tous deux étaient absents au délibéré et des mandats d'arrêt ont été émis à leur encontre. Nicolas Bazire, ancien directeur de cabinet et chef de campagne d'Edouard Balladur, et Renaud Donnedieu de Vabres, alors proche collaborateur du ministre de la Défense François Léotard, ont été condamnés à cinq ans de prison dont deux avec sursis et à de lourdes amendes.

Le premier avait une "parfaite connaissance" de l'arrivée de 10,25 millions de francs sur le compte de campagne, et le second pour avoir imposé le "réseau K". Thierry Gaubert, alors au ministère du Budget et impliqué dans la campagne, a été condamné à quatre ans dont deux avec sursis, et à une amende. Enfin, Dominique Castellan, alors patron de la DCNI, a été condamné à trois ans dont un avec sursis.

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Affaire Karachi : six proches d’Edouard Balladur condamnés à de la prison ferme

Publié le par S. Sellami

Résultat d’images pour Affaire Karachi : six proches d’Edouard Balladur condamnés à de la prison ferme

Voici les principales étapes de la tentaculaire affaire Karachi :

Source : France24

Le tribunal correctionnel de Paris a condamné à des peines de deux à cinq ans de prison ferme six prévenus dans le volet financier de l’affaire Karachi, concernant des commissions occultes sur des contrats d’armements signés en 1994 avec l’Arabie Saoudite et le Pakistan :

Source : France24


Procès Karachi : prison ferme pour les anciens proches d’Edouard Balladur

Lire l’article complet sur Capital

La justice française a condamné lundi à des peines de deux à cinq ans de prison ferme six prévenus dans le volet financier de l’affaire Karachi.

En cause, les pots-de-vin, alors légaux, versés à des intermédiaires pour des contrats d’armement signés en 1994 avec l’Arabie Saoudite (Sawari II) et le Pakistan (Agosta) et ayant donné lieu à des rétrocommissions illégales : une petite partie de ces rétrocommissions ont, selon le tribunal, non seulement enrichi les prévenus mais aussi contribué à financer la campagne présidentielle malheureuse d’Edouard Balladur.

Les juges ont affirmé que l’imposition d’un réseau d’intermédiaires, dit « réseau K », était inutile au plan commercial et avait en outre donné lieu au versement de « commissions exorbitantes », au détriment de la branche internationale de la Direction des constructions navales (DCNI) et de la Sofresa, deux entités détenues par l’Etat qui vendaient sous-marins et frégates.

La plus lourde peine, 5 ans de prison, a été infligée aux intermédiaires du « réseau K », l’homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine et son ancien associé Abdul Rahman Al Assir. Tous deux étaient absents au délibéré et des mandats d’arrêt ont été émis à leur encontre. Nicolas Bazire, ancien directeur de cabinet et chef de campagne d’Edouard Balladur, et Renaud Donnedieu de Vabres, alors proche collaborateur du ministre de la Défense François Léotard, ont été condamnés à cinq ans de prison dont deux avec sursis et à de lourdes amendes.

Le premier avait une « parfaite connaissance » de l’arrivée de 10,25 millions de francs sur le compte de campagne, et le second pour avoir imposé le « réseau K ». Thierry Gaubert, alors au ministère du Budget et impliqué dans la campagne, a été condamné à quatre ans dont deux avec sursis, et à une amende. Enfin, Dominique Castellan, alors patron de la DCNI, a été condamné à trois ans dont un avec sursis.


Jugement Karachi : les médias LVMH oublient le condamné LVMH

Source : Arrêt sur Images

Si la plupart des médias ont rapporté le jugement de l’affaire Karachi, et les condamnations de l’entourage d’Édouard Balladur à l’époque, tous n’ont pas jugé utile d’indiquer que l’un des condamnés, Nicolas Bazire, est aujourd’hui un haut cadre dirigeant de LVMH, propriété de Bernard Arnault. Notamment les médias dont Bernard Arnault est le propriétaire.

Avec le jugement de l’affaire Karachi, pour la première fois, la justice condamne en première instance certains responsables du financement d’une campagne électorale présidentielle, celle d’Édouard Balladur en 1995, via des rétrocommissions issues de ventes d’armes.

L’ex-ministre de la Défense François Léotard et l’ancien premier ministre Balladur seront jugés plus tard par la Cour de justice de la République, mais lundi 15 juin, six proches ont été condamnés à des peines de 2 à 5 ans de prison ferme – ils ont annoncé faire appel.

Nombre de médias rapportent ce jugement dont la portée est « historique », sauf certaines chaînes d’info comme BFMTV ou CNews qui s’abstiennent d’évoquer ce qui, selon les juges, a constitué « une atteinte d’une exceptionnelle gravité à l’ordre public économique et en la confiance dans le fonctionnement de la vie publique« .

Lire la suite de l’article sur : Arrêt sur Images

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Les États-Unis vont pousser les pays à aimer leurs Juifs plus, dit le moniteur de l’antisémitisme

Publié le par S. Sellami

Elan Carr in Jerusalem. (photo credit: COURTESY ISRAEL EMBASSY)Elan Carr à Jérusalem(Crédit photo: COURTESY ISRAEL EMBASSY)

« Le contraire de l’antisémitisme n’est pas la tolérance », a déclaré M. Carr. « Le contraire de l’antisémitisme est le philo-sémitisme, l’appréciation, le respect et l’affection pour les valeurs juives et la communauté juive. »

WASHINGTON - Elan Carr, le moniteur de l’antisémitisme du département d’État, veut amener les gens dans d’autres pays à aimer leurs Juifs plus comme un moyen de lutter contre l’antisémitisme.

 
Dans un appel à la presse lundi pour marquer le Mois du patrimoine juif américain, Carr a décrit les mesures prises par les États-Unis dans le monde entier pour défendre les Juifs comme des pics d’antisémitisme violents, y compris des mesures de sécurité, poursuivre les crimes haineux et condamner les discours antisémites.
« En plus de toutes ces mesures de défense importantes, nous sommes également déterminés à travailler avec nos alliés à développer et à conduire des récits philo-sémites pour leur pays, dans l’espoir que nous pourrons atteindre le jour où chaque société se consacre, comme l’ont fait les États-Unis, à embrasser et à chérir sa communauté juive », a-t-il déclaré.
 
Il n’a pas précisé quelle forme prendraient les récits philo-sémites, ni comment le département d’État les conduirait.
« Le contraire de l’antisémitisme n’est pas la tolérance », a déclaré M. Carr. « Le contraire de l’antisémitisme est le philo-sémitisme, l’appréciation, le respect et l’affection pour les valeurs juives et la communauté juive. Le Mois du patrimoine juif américain est un véhicule important pour conduire ce récit philosophique critique.
 
Carr a énuméré des sommités juives américaines qui méritent d’être promues, y compris les compositeurs Irving Berlin et Leonard Bernstein, les scientifiques Jonas Salk et Albert Einstein, et les juges de la Cour suprême Louis Brandeis et Benjamin Cardozo.
 
Carr a également abordé le pic dans les récits antisémites qui blâment les Juifs pour la pandémie de coronavirus.
 
« Nous avons en fait réuni diverses autorités qui travaillent dans ce domaine, dans les gouvernements, les nôtres et d’autres, et dans le secteur privé ou à but lucratif, mais aussi les ONG qui s’attaquent spécifiquement aux discours haineux sur Internet », a-t-il dit. « Et nous réunissons ces autorités spécifiquement dans le but de produire un cadre pour y remédier. »

Article traduit de l'Anglais

Par RON KAMPEAS/JTA                                                                                                                                                                                                                                                             https://m.jpost.com/diaspora/antisemitism/us-will-push-countries-to-love-their-jews-more-antisemitism-monitor-says-626936/amp?__

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