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France: Requiem en Ré mineur pour une liberté défunte. 2ème Partie

Publié le par S. Sellami

A partir des attentats de 2015, nous allions donc voir une avalanche de mesures liberticides tomber sur la France volontairement placée en état de choc, de « sidération » qui laissait les mains libres au Pouvoir.

Le 13 novembre 2015, « L’état d’urgence » était décrété au niveau national. 

Le 16 novembre 2015, François Hollande proposait une révision de la Constitution française dans une précipitation inexplicable si l’on ne se reporte pas à ce contexte. 

Le 17 novembre 2015, Manuel Valls annonçait que cette réforme de la Constitution se ferait sans consultation du peuple par referendum.

Le 18 novembre 2015, les manifestations à l’occasion de la Cop21 seraient interdites et des perquisitions seraient commanditées aux domiciles de responsables syndicaux. 

Le 19 novembre 2015, sans le moindre débat, ni au Parlement ni ailleurs, la prolongation de « l’état d’urgence » était adoptée à l’unanimité, pour trois autres mois. Le 19 novembre 2015, le Parlement déposait un amendement qui avait pour but celui de contrôler les medias dans leur ensemble. 

Le 19 novembre 2015, le Gouvernement était autorisé à censurer tout service de communication, comme Internet, sans le moindre délais ni l’autorisation d’un juge. (Cf. http://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/3237/an/57.asp)

Le 19 novembre 2015, à la suite des perquisitions « sauvages » accomplies sans autorisation d’un juge, les cow-boys du RAID lançaient un assaut hollywoodien chez un habitant du Gard en manquant d’abattre sa fille! 

Le 20 novembre 2015, le premier Ministre, Manuel Valls, contestait le Conseil Constitutionnel qui voulait se saisir de l’affaire des prolongements injustifiés de « l’état d’urgence ».

Le 20 novembre 2015, les cow-boys du RAID se trompaient de logement où ils allaient intervenir en blessant gravement une fillette de 6 ans à Saint-Denis. 

Le 21 novembre 2015, un Couvre-feu était décrété dans la ville de Sens.

Le 23 novembre 2015, 58 citoyens bravaient l’interdiction de manifestation décrétée par « l’état d’urgence ». Ils étaient interpellés, leur identité était livrée au Parquet et ils étaient condamnés à 6 mois de prison avec 7500 euros d’amende.

Le 23 novembre 2015, pour lutter « contre le terrorisme », la ville de Paris mettait en place une restriction de la circulation d’argent liquide! (CF., http://www.letemps.ch/economie/2015/11/23)

Le 23 novembre 2015, le régime totalitaire instauré en France déclenchait 26 perquisitions administratives en Dordogne avec comme résultat la saisie d’une arme de chasse! (Cf., http://www.sudouest.fr/2015/11/23)

Le 24 novembre 2015, les quelques députés socialistes frondeurs qui avaient voté contre la prolongation de « l’état d’urgence » seront convoqués au siège du Parti et menacés d’être rayés des listes du PS.

Le 26 novembre 2015, le Conseil Européen aménageait des « dérogations » à la Convention des Droits de l’Homme, sous prétexte de « lutte contre le terrorisme »!

Le 28 novembre 2015, vingt quatre militants écologistes de gauche étaient assignés à résidence juste avant la tenue de la COP21.

Le 28 novembre 2015, l’État faisait interdire à la vente tout produit qui serait inflammable sur toute l’agglomération parisienne en vue de la COP21. 

Le 30 novembre 2015, on relevait 289 interpellations musclées à Paris, suite à des manifestations interdites par « l’état d’urgence », à l’occasion de la COP21.

Le 1er décembre 2015, le Gouvernement allait encore prolonger « l’état d’urgence » pour une période indéterminée. 

Le 1er décembre 2015, le directeur du DLPAI du Ministère de l’Intérieur, déclarait à FranceTVInfo, que les décrets votés dans le cadre de « l’état d’urgence », avaient été rédigés en l’espace de deux heures, le soir même des attentats et avant que ne soit décrété « l’état d’urgence » et encore avant l’assaut des cow boys du RAID au Bataclan (intervention qui continue de poser de graves questions non résolues.) 

Le 3 décembre 2015, François Hollande parlait de reconduire « l’état d’urgence » à 6 mois.
Le 3 décembre 2015, la toute première loi de surveillance généralisée des Français avait montré sa totale inefficacité à protéger les citoyens du terrorisme, (étant donné que ce terrorisme entre dans une pratique d’un management de la terreur, faisant partie de la manipulation collective). Nonobstant, le Gouvernement se saisissait de l’occasion du choc du Bataclan pour proposer de nouvelles lois liberticides généralisant encore plus la surveillance des Français. 

Le 3 décembre 2015, BFMTV faisait des révélations sur l’assaut des cow boys du RAID, le 18 novembre à Saint Denis. Nous apprenions alors que de nombreux éléments contredisaient la version du Ministère de l’Intérieur qui s’avérait fausse et destinée à couvrir des bavures et irrégularités importantes dans les perquisitions réalisées à Saint Denis sous « état d’urgence ». 

Le 3 décembre 2015, le Parlement refusait la constitution d’une Commission d’enquête sur la participation de la France au financement des terroristes de DAECH, dont les membres « faisaient du bon boulot en Syrie » (dixit Laurent Fabius)!

Le 4 décembre 2015, le Gouvernement fasciste de la France, décidait que la réforme de la Constitution, sans l’avis du peuple français, ne préciserait pas de durée à « l’état d’urgence » qui deviendrait donc ipso facto perpétuel: une sorte de dictature à la française ! 

Le 4 décembre 2015, deux militants écologistes manifestant pacifiquement contre la COP21, allaient être condamnés à la prison ferme !

Le 9 décembre 2015, selon la nouvelle dictature fasciste mise en place en France, le Gouvernement prévoyait de pouvoir placer en détention des citoyens, sans procès, à partir d’une simple suspicion de « terrorisme »! 

Le 16 décembre 2015, des médias nous apprenaient qu’à la suite du vote favorable du Parlement pour une loi luttant contre l’évasion fiscale, le Gouvernement « socialiste » au service du fascisme ultra libéral, ordonnait, dans ce qui est devenu sa tradition dictatoriale, que le Parlement revote le soir même en faveur d’une abolition de cette loi… Ainsi, les plus grands délinquants fiscaux (ceux qui détournent des dizaines de milliards d’euros de l’impôt) seraient efficacement protégés pendant que les braves citoyens honnêtes seraient encore plus abusivement harcelés par une armée de 90.000 inspecteurs du fisc n’ayant rien d’autre à faire que d’infernaliser l’existence difficile des plus humbles qui sont contraints à la survie… 

Le 17 décembre 2015, les États-Unis sous l’influence déclarée du lobby sioniste, s’opposait de toutes ses forces à l’enquête de la justice française et au travail du juge anti-terroriste, sur les attentats du Bataclan. Le Gouvernement Hollandien faisait donc la promotion d’un attentat « islamique », qui n’avait rien à voir avec l’islam, et en profitait pour faire une déclaration de guerre contre la Syrie sous le prétexte de lutter contre « le terrorisme » !

Le 20 décembre 2015, un nouveau décret de la dictature française autorisait la police politique à surveiller en direct les conversations des citoyens sur Skype, sous prétexte de lutte « contre le terrorisme ». 

Le 22 décembre 2015, la ministre de la justice proposait de maintenir les perquisitions de nuit permises par « l’état d’urgence ».

Le 22 décembre 2015, le Conseil Constitutionnel était amené à valider les assignations à résidence des écologistes sanctionnés par les décisions du Pouvoir grâce à « l’état d’urgence ». 

Le 04 janvier 2016, Cambadélis, le patron du PS, voulait élargir la déchéance de nationalité à l’ensemble des Français !

Le 19 janvier 2016, le ministre de l’Intérieur Cazeneuve décidait que les Préfets de police puissent faire appel à des forces d’interventions dont le nombre permettrait de les trouver à moins de 20 minutes de n’importe quel point du territoire national. 

Le 28 janvier 2016, une loi donnait désormais à la police politique le droit de procéder à une saisie de matériel informatique, sans autorisation d’un juge, grâce à « l’état d’urgence » perpétuel prévu par la nouvelle « Constitution » réformée sans l’avis du peuple français. 

Le 2 février 2016, le premier ministre déclarait à l’Assemblée que la déchéance de nationalité s’appliquerait, comme le voulait Cambadélis, à tous les Français en ajoutant que le problème insoluble des apatrides n’était pas le sien !

Le 2 février 2016, le Sénat acceptait et autorisait l’utilisation de « chevaux de Troie », sans autorisation d’un juge, pour faciliter la surveillance totalitaire informatique des citoyens sans distinction. 

Le 2 février 2016, le Sénat confirmait que la simple visite d’un site web à caractère jugé « non conventionnel » (donc terroriste) serait passible d’une condamnation pénale !

Le 9 février 2016, « l’état d’urgence » était inscrit dans la Constitution à perpétuité : 103 députés votaient pour et 26 voix contre en précisant qu’il y avait 441 parlementaires absents ! 

Le 30 mars 2016, un projet de loi pour lutter contre les « fake news » allait être proposé au sénat, par la sénatrice Nathalie Goulet, s’inspirant du « Décodex », du « CrossCheck » et du « PropOrNot »… La loi prévoyait 1 an de prison et 15.000 euros d’amende pour toute personne qui aurait diffusé de fausses informations ! Seuls, des médias inféodés (comme Le Monde) pourraient diffuser en permanence des « Fake News » sans être inquiétés et même publier un « decodex » qui identifierait ceux qui seraient considérés comme des contrevenants au système de manipulation de l’information…

Le lundi 8 mai 2017, nous avions le résultat final des fausses élections présidentielles françaises. Macron lui-même aurait plus tard ce mot : « Je suis entré à l’Elysée par effraction ! »

Le 6 novembre 2018, la loi pour la lutte contre les « fake news » a été rejetée par le Sénat, faute de pouvoir définir clairement la « factualité », pas plus que « l’objectivité », ni la liberté d’opinion qui ne peut pas être « fondée sur des faits » ! 

Mais, dès le 20 novembre 2018, le Sénat revenait sur sa décision en adoptant les volontés totalitaires de Macron.

Ce même jour, mardi 20 novembre 2018, Christophe Castaner, le ministre de l’Intérieur, accusait les « Gilets jaunes » de complicité de terrorisme. Ainsi, il allait pouvoir justifier les violences policières contre le mouvement social en fonction de cette déclaration ! 

Jean-Yves Jézéquel

(à suivre)

Partie 1 : France: requiem en re mineur pour une liberté défunte, le 29 mai 2020.

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France: Requiem en Ré mineur pour une liberté défunte

Publié le par S. Sellami

Nous n’avions rien vu venir. Nous étions dans l’insouciance et dans l’inconscience… Tout, autour de nous, mourait en silence comme nos « libertés chéries » sont mortes en silence !

1 – Lorsque les Français ont voté «non» à 55% le 29 mai 2005, (auxquels il faut ajouter les 30,26% d’abstentions) à la formule ultra libérale de la Constitution Européenne, les «élites» ont dit «oui» en faisant ce coup d’État, par le biais du Congrès réuni à Versailles, qui brisait le contrat social, le 4 février 2008. 85% des Français ne voulaient pas entendre parler de ce traité européen et pourtant les « gouvernants » n’ont pas hésité à l’imposer à tout le pays ! 

2 – Les Français anesthésiés ou sous hypnose politique votaient en 2007 pour un Sarkozy qui allait livrer la France à l’OTAN! Cette expérience de l’ultra libéralisme de droite n’allait pas empêcher les Français de «remettre le couvert» en plébiscitant cette fois l’ultra libéralisme de gauche, par le vote en 2012 en faveur du socialiste libéral François Hollande qui allait délibérément enfoncer le clou du cercueil de la France totalement vassalisée et devenue la servante zélée de l’atlantisme sectaire. Puis, toujours endormis, des Français allaient à nouveau voter, en 2017, pour un ultra libéralisme mondialiste pendant que d’autres Français allaient s’abstenir en masse de voter Macron. 

3   A la suite de « l’affaire Mérah », toujours non élucidée par une enquête de justice digne de ce nom, nous avions eu le droit à une nouvelle loi parfaitement inutile, mais qui entamait un processus liberticide volontaire de la part de l’oligarchie au pouvoir.

Dans cette loi dont l’origine remontait à 2006, la surveillance des connexions Internet, la géolocalisation, l’examen détaillé des factures de téléphone, étaient déjà possibles, mais ce droit devait être périodiquement renouvelé. A l’époque, le groupe socialiste s’était abstenu pour le vote de ces dispositions. En 2012, c’est lui qui les rendait pérennes ! Toutes ces propositions d’aménagement de la loi de 2006, faites par Sarkozy, sévèrement critiquées en 2007 par le groupe socialiste, étaient unanimement adoptées par la totalité de l’Assemblée nationale, mis à part le groupe du Front de Gauche ! 

4 – La Loi LOPPSI 2, adoptée le 8 février 2011, sous le règne de Sarkozy, allait jusqu’à autoriser la police à s’introduire clandestinement chez n’importe quel citoyen Français pour y placer des « mouchards » informatiques capables de surveiller tout individu dont le « comportement serait jugé non conventionnel », précisait le texte de la nouvelle loi Valls, sous le règne de Hollande, adoptée précipitamment par l’Assemblée nationale, le 12 décembre 2012. 

Cette nouvelle loi était donc nécessaire, non pas pour y ajouter quelque chose d’essentiel en soi, mais pour y ajouter cette « simple » assertion : « tout individu dont le comportement serait jugé non conventionnel » et non plus seulement : « tout individu se livrant à des actes qualifiés de terroristes », ces actes étant précisés et énumérés par le texte de la loi LOPPSI 2 ! Cette nouvelle loi ne pouvait pas mieux proclamer l’obligation de la pensée unique, l’obligation de se soumettre au « politiquement correct » à un « comportement conventionnel », c’est-à-dire nivelé, ajusté à la norme qui définit ce qui est « normal » et ce qui ne l’est pas ! 

5 – Nous avons eu le droit à de nouvelles mesures à travers la Loi « Terrorisme » qui a été adoptée après Charlie. Je renvoie le lecteur au texte et aux aménagements de textes qui ont été globalement adoptés par le Parlement, en se reportant directement au site.

La marche républicaine, à la suite des attentats des 7,8 et 9 janvier 2015, a été qualifiée de protestation contre ceux qui ont « voulu toucher à la liberté d’expression ». Or, la loi venant s’ajouter à toutes les autres lois déjà excessives, attaquait directement et précisément la liberté d’expression, elle visait Internet comme moyen de communication et tout citoyen qui veut s’informer. C’est comme si l’on disait aux Français: « Pour mieux protéger votre liberté d’expression, nous allons vous bâillonner, vous bander les yeux et vous attacher les mains! » 

6 – Les lois sécuritaires excessives de décembre 2012, comme chacun le sait, n’ont absolument pas empêché le drame de janvier 2015 et pas plus celui du 13 novembre 2015, à Paris, ni celui du 14 juillet à Nice.

En 2017, sous le règne de Macron qui voulait dresser les journalistes, la résistance des animateurs de la parole sur les médias allait commencer. En 2018, on verrait les Frédéric Taddeï, les Natacha Polony, les Éric Zémour, les Michel Onfray se faire virer des TV ou des Radios de France et de Navarre. D’autres journalistes avaient déjà été radicalement censurés, comme Jean-Loup Izambert sur la Syrie en 2015 ou Paul Moreira sur l’Ukraine en 2016… 

Le Pouvoir et ses élites oligarchiques voulaient bâillonner le peuple en se donnant la possibilité de pratiquer les « perquisitions administratives » dans une dérive totale de dictature au nom d’un « état d’urgence » que les attentats allaient tout naturellement justifier. 

Depuis juin 2015, la Loi sur le Renseignement, théoriquement faite pour qu’un nouveau Charlie Hebdo ne soit plus possible en France, a autorisé l’installation de « boîtes noires » chez les fournisseurs d’accès Internet. Cette Loi permettait la pose de micros, de balises de localisation, l’installation de caméras et de logiciels espions. 

7 – Avec l’inversement du calendrier électoral, la majorité parlementaire étant subordonnée à l’élection du Président de la République, le parlement n’a pas les moyens de faire les lois. C’est pourquoi, 90% des lois viennent directement de l’exécutif et non pas d’un Parlement censé représenter la « volonté du peuple » sur la vie collective de la nation ! Le droit d’amendement lui aussi est un pur simulacre. Malgré la « réforme » de 2008, l’ordre du jour des assemblées est totalement sous le contrôle du Gouvernement. Lorsqu’on voit la souveraineté parlementaire réduite à néant en France et lorsqu’il faut encore ajouter à cela le transfert massif de souveraineté aux instances supra nationales européennes non élues par le peuple, on ne doit plus s’étonner de constater l’abstentionnisme aggravé dans l’hémicycle et la tentation du cumul des mandats. 

8 – La monarchie absolue présidentielle n’hésite plus dans sa pratique de la dictature : elle utilise couramment l’article 49-3 de la « Constitution » de 1958 pour imposer sa loi en réduisant au silence, lui aussi absolu, les « représentants du peuple ». Cela a été le cas pour la loi dite Macron sous Hollande. En 2017 ce fut la même chose avec la loi El Khomri imposée de force par l’usage du 49-3, alors que la majorité parlementaire et toutes les classes sociales de la nation ne voulaient pas en entendre parler ! Encore une fois, le Sénat aggravait le contenu de la loi El Khomri, manifestant par là son mépris incompréhensible pour les revendications et manifestations des mouvements citoyens partout en France. De son côté, et là encore, Hollande avec son Gouvernement étaient aux ordres de la Troïka (BCE, FMI, Commission Européenne) qui dictait sa loi sans qu’aucune de ces instances, ci-avant nommées, ne soit élue par les peuples européens ! 

9 – La Déclaration du Conseil National de la Résistance avait proclamé que les médias devaient être libérés des forces de l’argent, car sans la possibilité de se forger librement une opinion électorale, la « libre expression d’une opinion électorale n’aurait aucun sens ». La libre formation de l’opinion électorale est un préalable aux élections et à l’existence d’une démocratie… Nous en sommes très loin aujourd’hui. Les faux sondages sont légions et ils étaient à l’œuvre en France pour les élections de 2017.

Jean-Yves Jézéquel

Deuxième partie : France: Requiem en Ré mineur pour une liberté défunte

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Covid-19 : Réflexions d’un virologue contaminé – par Peter Piot, co-découvreur d’Ebola

Publié le par S. Sellami

Résultat d’images pour Peter Piot,

Le virologue Peter Piot, directeur de la London School of Hygiene & Tropical Medicine, est tombé malade du Covid-19 à la mi-mars. Il a passé une semaine à l’hôpital et se rétablit depuis chez lui à Londres. La montée des escaliers le laisse toujours essoufflé.

Peter Piot, qui a grandi en Belgique, a été l’un des découvreurs du virus Ebola en 1976 et a passé sa carrière à combattre les maladies infectieuses. Il a dirigé le programme commun des Nations unies sur le VIH/Sida entre 1995 et 2008, et est actuellement conseiller en matière de coronavirus auprès de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Aujourd’hui, Piot affirme que l’expérience de sa confrontation personnelle avec le nouveau coronavirus a changé sa vie.

Cet entretien a eu lieu le 2 mai.

Le 19 mars, j’ai soudain eu une forte fièvre et un mal de tête lancinant. Mon crâne et mes cheveux étaient très douloureux, ce qui était bizarre. Même si je ne toussais pas à ce moment-là, mon premier réflexe a été de dire : « C’est bon. Je l’ai ». J’ai continué à travailler – je suis un bourreau de travail – mais depuis chez moi. Nous avons fait beaucoup d’efforts pour le télétravail à la London School of Hygiene & Tropical Medicine l’année dernière, afin de ne pas avoir à voyager autant. Cet investissement, réalisé dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, est évidemment très utile dans le contexte actuel.

J’ai été testé positif au Covid-19, comme je le soupçonnais. Je me suis mis en isolement dans la chambre d’amis de ma maison. Mais la fièvre n’a pas disparu. Je n’avais jamais été gravement malade et je n’ai pas pris un seul jour de congé maladie au cours des dix dernières années. Je mène une vie assez saine et je marche régulièrement. Le seul facteur de risque de corona est mon âge – j’ai 71 ans. Je suis un optimiste, alors j’ai pensé que ça passerait. Mais le 1er avril, un ami médecin m’a conseillé de passer un examen approfondi car la fièvre et surtout l’épuisement s’aggravaient de plus en plus.

Il s’est avéré que je souffrais d’un grave manque d’oxygène, même si je n’étais pas encore essoufflée. Les images pulmonaires ont montré que j’avais une pneumonie grave, typique du Covid-19, ainsi qu’une pneumonie bactérienne. Je me sentais constamment épuisée, alors que normalement je suis toujours bouillonnant d’énergie. Ce n’était pas seulement de la fatigue, mais un épuisement complet ; je n’oublierai jamais cette sensation. J’ai dû être hospitalisé, bien que le test de dépistage du virus ait été négatif entre-temps. C’est également typique du Covid-19 : le virus disparaît, mais ses conséquences durent des semaines.

Je craignais d’être mis sous respirateur immédiatement car j’avais vu des publications montrant que cela augmentait les risques de décès. J’avais assez peur, mais heureusement, ils m’ont d’abord donné un masque à oxygène et cela a fonctionné. J’ai donc fini dans une chambre d’isolement dans l’antichambre du service de soins intensifs.

Vous êtes fatigué, donc vous êtes résigné à votre sort. Vous vous abandonnez complètement au personnel soignant. Vous vivez dans une routine, de la seringue à la perfusion, et vous espérez y arriver. D’habitude, je suis assez proactif dans ma façon d’opérer, mais ici, j’ai été patient à 100%.

J’ai partagé une chambre avec un sans-abri, un nettoyeur colombien et un homme du Bangladesh – tous trois diabétiques, soit dit en passant, ce qui correspond à l’image connue de la maladie. Les jours et les nuits étaient solitaires car personne n’avait l’énergie de parler. Pendant des semaines, je ne pouvais que chuchoter ; encore aujourd’hui, ma voix perd de sa puissance le soir. Mais j’avais toujours cette question dans ma tête : Dans quel état serai-je une fois sorti de cette situation ?

Après avoir combattu des virus dans le monde entier pendant plus de 40 ans, je suis devenu un expert en matière d’infections. Je suis heureux d’avoir eu le corona plutôt que le virus Ebola, même si j’ai lu hier une étude scientifique dont les conclusions affirmaient qu’un patient Covid-19 avait 30% de chance de mourir dès lors qu’il se retrouvait hospitalisé en Grande-Bretagne.

C’est à peu près le même taux de mortalité global que pour le virus Ebola en 2014 en Afrique de l’Ouest. Cela vous fait parfois perdre votre sens scientifique et vous vous abandonnez à des réflexions émotionnelles. A certains moments, elles ont pu prendre le dessus. J’ai consacré ma vie à lutter contre les virus et finalement, ils se vengent. Pendant une semaine, je me suis balancé entre Ciel et Terre, au bord de ce qui aurait pu être la fin.

Après une longue semaine, j’ai pu sortir de l’hôpital. Je suis rentré chez moi en utilisant les transports publics. Je voulais voir la ville, avec ses rues vides, ses bars fermés, et son air étonnamment frais. Il n’y avait personne dans la rue – une expérience étrange. Je ne pouvais pas marcher correctement parce que mes muscles étaient affaiblis par le fait d’avoir été allongé et par le manque de mouvement, ce qui n’est pas une bonne chose quand on traite une affection pulmonaire.

À la maison, j’ai pleuré pendant longtemps. J’ai mal dormi pendant un certain temps. Le risque que quelque chose puisse encore mal tourner ne cesse de vous trotter dans la tête. Vous êtes à nouveau enfermé, mais il faut relativiser ce genre de choses. J’admire maintenant Nelson Mandela encore plus qu’avant. Il a été enfermé en prison pendant 27 ans, mais il en est ressorti comme un grand réconciliateur.

J’ai toujours eu un grand respect pour les virus, et cela n’a pas diminué. J’ai consacré une grande partie de ma vie à la lutte contre le virus du sida. C’est une chose tellement intelligente ; il échappe à tout ce que nous faisons pour le bloquer. Maintenant que j’ai moi-même ressenti la présence irrésistible d’un virus dans mon corps, je regarde les virus différemment. Je me rends compte que celui-ci va changer ma vie, malgré les confrontations que j’ai déjà eues avec des virus. Je me sens plus vulnérable.

Une semaine après ma sortie de l’hôpital, je suis devenu de plus en plus essoufflé. J’ai dû retourner à l’hôpital, mais heureusement, j’ai pu être soigné en ambulatoire. Il s’est avéré que j’étais atteint d’une maladie pulmonaire induite par la pneumonie, provoquée par une tempête de cytokines. C’est le résultat d’une surcharge de vos défenses immunitaires.

De nombreuses personnes ne meurent pas des lésions tissulaires causées par le virus, mais de la réaction exagérée de leur système immunitaire, qui ne sait pas quoi faire avec le virus. Je suis toujours sous traitement pour cela, avec des doses élevées de corticostéroïdes qui ralentissent le système immunitaire. Si j’avais eu cette tempête en même temps que les symptômes de l’épidémie virale dans mon corps, je n’aurais pas survécu.

J’ai eu une fibrillation auriculaire, avec un rythme cardiaque allant jusqu’à 170 battements par minute ; cela doit également être contrôlé par la thérapie, en particulier pour prévenir les événements de coagulation du sang, y compris les accidents vasculaires cérébraux. C’est une capacité sous-estimée du virus : Il peut probablement affecter tous les organes de notre corps.

Beaucoup de gens pensent que le Covid-19 tue 1 % des patients, et que les autres s’en tirent avec quelques symptômes grippaux. Mais l’histoire se complique. De nombreuses personnes vont se retrouver avec des problèmes chroniques de rein et de cœur. Même leur système neural est perturbé.

Il y aura des centaines de milliers de personnes dans le monde, peut-être plus, qui auront besoin de traitements tels que la dialyse rénale pour le reste de leur vie. Plus nous en apprenons sur le coronavirus, plus les questions se multiplient. Nous apprenons tout en naviguant. C’est pour cette raison que je suis si agacé par les nombreux commentateurs qui, sans grande perspicacité, critiquent les scientifiques et les décideurs politiques qui s’efforcent de maîtriser l’épidémie. C’est très injuste.

Aujourd’hui, après 7 semaines, je me sens plus ou moins en forme pour la première fois. J’ai mangé des asperges blanches, que je commande chez un marchand de fruits et légumes turc au coin de la rue. Je suis originaire de Keerbergen, en Belgique, une communauté de producteurs d’asperges. Mes images pulmonaires sont enfin plus belles. J’ai ouvert une bonne bouteille de vin pour fêter ça, la première depuis longtemps. Je veux reprendre le travail, même si mon activité sera limitée pendant un certain temps. La première chose que j’ai reprise, c’est mon travail de conseiller spécial de von der Leyen pour la R&D autour du Covid-19.

La Commission s’est fermement engagée à soutenir le développement d’un vaccin. Soyons clairs : sans un vaccin contre les coronavirus, nous ne pourrons plus jamais vivre normalement. La seule véritable stratégie de sortie de cette crise est un vaccin qui peut être déployé dans le monde entier. Cela signifie qu’il faut en produire des milliards de doses, ce qui, en soi, représente un énorme défi en termes de logistique de fabrication. Et malgré les efforts déployés, il n’est même pas encore certain que le développement d’un vaccin Covid-19 soit possible.

Aujourd’hui, il y a aussi le paradoxe que certaines personnes qui doivent leur vie à des vaccins ne veulent plus que leurs enfants soient vaccinés. Cela pourrait devenir un problème si nous voulons mettre en place un vaccin contre le coronavirus, car si trop de gens refusent de s’y joindre, nous ne parviendrons jamais à maîtriser la pandémie.

J’espère que cette crise atténuera les tensions politiques dans un certain nombre de domaines. C’est peut-être une illusion, mais nous avons vu par le passé que les campagnes de vaccination contre la polio ont conduit à des trêves. De même, j’espère que l’Organisation mondiale de la santé [OMS], qui fait un excellent travail dans la lutte contre le Covid-19, pourra être réformée pour la rendre moins bureaucratique et moins dépendante de comités consultatifs dans lesquels les pays défendent avant tout leurs propres intérêts. L’OMS devient trop souvent un terrain de jeu politique.

Quoi qu’il en soit, je reste un optimiste né. Et maintenant que j’ai fait face à la mort, mes niveaux de tolérance pour les absurdités et les conneries ont encore plus baissé qu’auparavant. Je continue donc avec calme et enthousiasme, bien que de manière plus sélective qu’avant ma maladie.

Peter Piot

Source : ScienceMag
Traduit par l’équipe Les-Crises

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Une colère de masse éclate à travers les États-Unis pour protester contre le meurtre de George Floyd par la police

Publié le par S. Sellami

Trump menace de mobiliser l’armée pour tirer sur les manifestants

Mise à jour: 18h00 (Heure avancée de l’Est)

Le document qui accuse le policier Derek Chauvin de meurtre au troisième degré et d’homicide involontaire dans la mort de George Floyd révèle que Chauvin a cloué le cou de Floyd au sol avec son genou pendant près de neuf minutes, dont trois minutes après que Floyd soit devenu inconscient. Pendant cette même période, deux autres policiers, Thomas Lane et J. A. Keung, aidaient Chauvin à maintenir Floyd cloué au sol, l’un sur son dos et l’autre sur sa jambe. Un quatrième policier, Tou Thoa, s’occupait de retenir les passants qui plaidaient pour la vie de Floyd. Les quatre policiers ont été renvoyés, mais seul Chauvin a été arrêté.

Mise à jour: 14h00 (Heure avancée de l’Est)

Le policier qui a tué George Floyd a été mis en détention par les enquêteurs, a annoncé le commissaire à la sécurité publique du Minnesota, John Harrington, en fin de matinée vendredi. Derek Chauvin a été licencié après que la vidéo le montrant en train d’enfoncer son genou dans le cou de Floyd jusqu’à ce que celui-ci perde connaissance et meure a été publiée sur Internet et visionnée par des millions de personnes dans le monde, ce qui a provoqué des manifestations à Minneapolis et dans d’autres villes américaines. Les trois policiers qui ont aidé Chauvin dans le meurtre ont également été licenciés, mais ils n’ont pas été arrêtés jusqu’à présent.

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Des manifestations ont éclaté partout aux États-Unis en réaction explosive au meurtre de George Floyd par la police à Minneapolis, dans le Minnesota.

À Minneapolis, des milliers de personnes se sont rassemblées dans le quartier où Floyd s’est fait tuer et ont défilé jusqu’au bâtiment du troisième commissariat de police de Minneapolis. De nombreux incendies ont éclaté jeudi, y compris au Troisième commissariat de police (Third Police Precinct), qui est toujours en feu au moment où nous écrivons ces lignes. La Garde nationale du Minnesota a annoncé tard jeudi soir que 500 soldats ont été mobilisés et se préparaient à être déployés.

Jeudi soir également, le président américain Donald Trump a menacé de déployer l’armée contre les manifestants et de tirer sur eux. «Je ne peux pas rester en arrière et regarder cela arriver dans une grande ville américaine, Minneapolis», a tweeté Trump. «Soit le très faible maire de la gauche radicale, Jacob Frey, se ressaisit et met la ville sous contrôle, soit j’envoie la Garde nationale et je fais le travail correctement».

La police se déplace dans une zone pendant les manifestations du jeudi 28 mai 2020 à Saint Paul, Minnesota. (AP Photo/Julio Cortez)

Trump a appelé les manifestants «DES VOYOUS» et a dit qu’il «vient de parler au gouverneur [du Minnesota] Tim Walz et lui a dit que l’armée est avec lui tout le temps. En cas de difficulté, nous prendrons le contrôle, mais quand les pillages commencent, les tirs commencent».

Des manifestations ont également eu lieu à New York, où 33 manifestants ont été arrêtés après une mêlée avec la police. Des centaines de personnes ont également participé à des manifestations à Columbus (Ohio), Albuquerque (Nouveau-Mexique), Pensacola (Floride), Louisville (Kentucky) et Los Angeles (Californie). À Columbus, les manifestants ont tenté de s’introduire dans le parlement (Statehouse) de l’Ohio.

Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées dans le centre-ville de Louisville et ont défilé dans les rues pour demander l’arrestation des policiers qui ont tué Breonna Taylor en mars. À Denver, dans le Colorado, un manifestant s’est fait renverser par une voiture qui a foncé sur la foule.

Floyd a été assassiné lundi après avoir été saisi par quatre flics de Minneapolis qui répondaient à une prétendue «contrefaçon en cours». Jeudi, aucun des flics impliqués dans le meurtre n’avait été arrêté ou inculpé.

Floyd a crié à plusieurs reprises à l’aide, criant «Je ne peux pas respirer» et «Je vais mourir» alors que Derek Chauvin s’agenouillait sur son cou et que Tou Thao aidait à empêcher la foule d’intervenir.

Lors d’une conférence de presse tenue le jeudi après-midi, le maire démocrate Jacob Frey a tenté d’apaiser les manifestants et les a suppliés d’«être meilleurs que nous ne l’avons été». Le chef de la police de Minneapolis, Medaria Arrodondo, s’est joint à l’appel pour rétablir l’ordre dans la ville. «Je sais qu’actuellement un déficit d’espoir existe dans notre ville… Mais je ne permettrai à personne de continuer à augmenter ce déficit en traumatisant à nouveau les gens dans notre communauté.»

La colère populaire a encore été alimentée jeudi par les commentaires du procureur qui a compétence sur l’affaire, le procureur du comté de Hennepin, Mike Freeman. Il a déclaré aux journalistes que nous avons «d’autres preuves qui ne soutiennent pas une accusation pénale… Je ne précipiterai pas le cours de la justice».

Freeman est responsable de la décision de ne pas porter d’accusations contre l’officier qui a tué Jamar Clark en 2016. Cela a suscité des jours de manifestations. Il était aussi responsable d’un retard de plus de six mois dans la décision d’inculper et d’arrêter l’officier qui a abattu Justine Damond en 2017.

L’explosion de colère ne concerne pas seulement le meurtre de George Floyd. Ce n’est que le dernier d’une série ininterrompue de meurtres et de brutalités. Chaque année, la police américaine tue 1.000 personnes dans les villes et les États du pays, peu importe qu’ils soient dirigés par des démocrates ou des républicains.

À l’indignation suscitée par la violence policière s’ajoute la situation explosive créée par la réaction de la classe dirigeante à la pandémie de coronavirus. Des billions (1000 milliards) de dollars ont été distribués aux riches, tandis que des dizaines de millions de travailleurs sont sans emploi et n’auront pas de travail à retrouver.

Le gouvernement Trump cherche à utiliser la détresse sociale de masse pour forcer un retour au travail qui entraînera une forte augmentation du nombre de cas et de décès. Déjà, plus de 100.000 personnes sont mortes du coronavirus.

Les représentants de l’élite au pouvoir ont fait les déclarations hypocrites habituelles qui suivent chaque horrible assassinat de policiers. Le candidat démocrate à la présidence Joe Biden a déclaré que le meurtre de Floyd «fait partie d’un cycle d’injustice systémique bien ancré qui existe toujours dans ce pays». Le département de la justice d’Obama a blanchi à plusieurs reprises les meurtres de la police, refusant de porter des accusations fédérales contre des flics tueurs.

Cela s’ajoute aux efforts de personnalités du Parti démocrate comme Al Sharpton et Jesse Jackson pour présenter la violence policière comme le produit d’un conflit racial. Ils l’ont fait de nouveau dans leurs discours lors de la manifestation de Minneapolis jeudi.

Il ne fait aucun doute que le racisme était impliqué dans le meurtre de Floyd et d’autres incidents horribles de violence policière. On recrute délibérément dans la police les éléments les plus arriérés et les plus fascisants. Le gouvernement Trump, en particulier, a encouragé en toute impunité la violence policière sans retenue.

Cependant, la police est fondamentalement un instrument de l’oppression de classe. Alors que les tensions sociales atteignent un point de rupture aux États-Unis, la classe dirigeante se tourne de plus en plus directement vers la mobilisation de son appareil de répression.

Anthony Bertolt

 

Article paru en anglais, WSWS, le 29 mai 2020

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Minneapolis (USA) : Émeutes en réponse à l’énième assassinat policier

Publié le par S. Sellami

Montréal Contre-Information / vendredi 29 mai 2020

Au cours des deux derniers jours, les émeutes, les pillages et les affrontements avec la police se sont intensifiés à Minneapolis, à la suite du meurtre de George Lloyd par la police lundi dernier. Mercredi, un manifestant a été tué par balle. Jeudi après-midi, les procureurs du comté ont déclaré qu’ils ne poursuivraient pas l’inculpation des officiers impliqués dans sa mort pour le moment, ce qui ne fait qu’ajouter à la colère croissante dans les rues.

Les émeutes et les pillages ont continué à se répandre comme la veille – dans des quartiers éloignés de l’épicentre initial, puis dans le quartier voisin de Saint-Paul. Jeudi, alors que la fumée s’élevait encore des magasins brûlés de la société Target, des milliers de personnes sont descendues dans les rues du centre-ville de Minneapolis en solidarité avec George Floyd, alors que de nouveaux affrontements ont éclaté avec la police et que d’autres magasins ont été pillés. Des messages sur les médias sociaux montrent également que des marchandises libérées ont été distribuées dans le parking de Target, près du 3e commissariat de police, qui est devenu de facto l’épicentre des émeutes.

Au cours de l’après-midi, les gens se sont rassemblés à l’extérieur du commissariat, tandis que les affrontements avec la police se poursuivaient. Ces batailles de rue se sont intensifiées lorsque des émeutiers ont fait irruption dans le bâtiment, forçant finalement la police à s’enfuir dans leurs véhicules. Une fois le bâtiment vide, les gens ont commencé à le piller puis à y mettre le feu. Il s’en est suivi une atmosphère de fête pendant plusieurs heures alors que le quartier brûlait.

Cette victoire sur la police, remportée par des milliers de personnes qui mènent quotidiennement une action soutenue face aux violences policières massives, principalement des jeunes zoomers et des milléniaux, représente un moment historique. Comme l’expriment les heures d’entrevues menées par Unicorn Riot sur le terrain en plein soulèvement, la révolte ne vient pas de la gauche militante, ni des “progressistes” ou des “libéraux”, mais plutôt de la base locale de la jeunesse prolétarienne de Minneapolis. Bien que le soulèvement ait eu un caractère très multiracial, il est généralement admis que l’ensemble du système de capitalisme racialisé anti-noir doit être détruit.

Au fur et à mesure que la nuit avançait, des manifestations de solidarité ont été lancées à travers les soi-disant États-Unis. Les anarchistes ont organisé des manifestations et des marches de solidarité à Portland et Olympia, tandis que les étudiants d’Oakland bloquaient l’entrée d’une autoroute. À Sacramento, des marches de rue ont eu lieu, tandis que des émeutes ont éclaté à Fontana, où les fenêtres de l’hôtel de ville ont été brisées. Pendant ce temps, à Los Angeles, deux jours de manifestations ont été organisés. Mercredi, des personnes ont bloqué l’autoroute 101, brisant les vitres d’une voiture de police qui a tenté de foncer sur les manifestants. Enfin, à Phoenix, les marches de rue bruyantes ont fait place à des émeutes, les gens lançant des pierres sur le département de police de Phoenix.

D’autres émeutes et affrontements avec la police ont continué à Denver, où les gens se sont battus avec la police et ont bloqué une autoroute, tandis qu’à Columbus, les émeutes dans la rue ont rapidement conduit à un vandalisme de masse du Statehouse. Des combats de rue ont également eu lieu à Louisville, au Kentucky, tandis qu’à New York, des affrontements avec la police ont donné lieu à de multiples arrestations. Dans la soirée, Trump s’est servi de Twitter pour traiter les manifestants de “voyous” et a annoncé l’arrivée de plusieurs centaines de soldats de la Garde nationale dans les rues de Minneapolis, qui, selon lui, pourraient ouvrir le feu sur des pillards.

[traduit par MTL Contreinfo, depuis It’s Going Down]

Posted on  by Attaque

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La fabrique politique de la violence policière A propos des attaques contre Camélia Jordana

Publié le par S. Sellami

Résultat d’images pour Camélia Jordana

La scène politique et médiatique française vient de vivre un nouvel accès de fièvre idéologique pour imposer le point de vue des dominants et  de frénésie collective pour silencier une parole critique. Cette fois-ci le déclencheur est une déclaration de la chanteuse Camélia Jordana sur les violences policières lors de l’émission « On n’est pas couché » de France 2 du 23 mai 2020 : «  il y a des hommes et des femmes qui se font massacrer quotidiennement en France, tous les jours, pour nulle autre raison que leur couleur de peau […] Il y a des milliers de personnes qui ne se sentent pas en sécurité face à un flic, et j’en fait partie. Aujourd’hui j’ai les cheveux défrisés. Quand j’ai les cheveux frisés je ne me sens pas en sécurité face à un flic en France[i]. » Depuis les déclarations fustigeant la chanteuse se sont multipliées, les « chroniqueurs » et pseudo spécialistes s’en sont donnés à cœur joie, l’extrême-droite a été invitée sur tous les plateaux pour exprimer son indignation, un syndicat de police a porté plainte, etc., et bien sûr nous avons eu droit à une condamnation officielle du gouvernement par la bouche de son ministre de l’intérieur. Ce même gouvernement n’avait pas trouvé nécessaire de dire le moindre mot pour réagir à l’incendie criminel d’un campement Rom le 19 mai ou aux tags islamophobes sur les murs de la mosquée de Cholet deux jours plus tard. Quelle réalité cette fièvre médiatique et politique tente-t-elle d’invisibiliser ?

           Les symptômes d’un cancer politiquement fabriqué

La réalité dénoncée par la chanteuse n’est ni nouvelle, ni exagérée. Elle est désormais documentée par de nombreuses recherches et par autant de rapports d’enquêtes d’associations de défense des droits humains. Elle a été à l’origine de multiples révoltes collectives des quartiers populaires depuis la fin de la décennie 70 avec comme summum les révoltes de novembre 2005 qui voient 400 quartiers populaires de l’hexagone devenir le théâtre d’affrontements entre des jeunes et la police pendant 21 jours. Ces révoltes étaient inédites en France comme en Europe tant du fait de leur intensité que de leur durée. Les sociologues Marwan Mohammed et Laurent Mucchielli écrivaient déjà à leur propos : « Quotidiennes, les interactions conflictuelles entre policiers et jeunes de ces quartiers représentent pour ces derniers un condensé et un résumé de la violence sociale et politique qu’ils ressentent[ii]. » Analysant ces révoltes sur la ville de Saint-Denis une enquête publiée en 2006 converge vers ce constat «  d’expériences « douloureuses » avec la police : « Les rapports conflictuels avec la police sont très présents dans les récits qu’ils peuvent faire de leur quotidien. Les récits des contrôles répétés et des humiliations subies à cette occasion sont omniprésents dans chacune de nos conversations. Cette tension entre les jeunes et la police apparaît très vite centrale dans le rapport de ces jeunes à la société[iii]. » Un rapport d’Amnesty International publié en 2005 qui se penche sur trente exemples  de violences policières porte le titre éloquent suivant : « France : Pour une véritable justice. Mettre fin à l’impunité de fait des agents de la force publique dans des cas de coups de feu, de morts en garde à vue, de torture et autres mauvais traitements[iv]. »

Enfin des initiatives militantes se sont attachées à quantifier le nombre de victimes de ces violences policières inscrites dans la longue durée. Le magazine « Bastamag » recense ainsi 676 morts en 43 ans « à la suite d’interventions policières ou du fait d’un agent des forces de l’ordre[v] ». Enfin ces violences policières ne touchent pas indifféremment tous les citoyens. La couleur de la peau, le lieu de résidence et l’âge spécifient les victimes. Un rapport de l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture) portant sur la période 2005/2015 résume le profil des victimes comme suit : « D’après les données recueillies par l’ACAT, les membres de minorités visibles représentent toujours une part importante des personnes victimes. C’est particulièrement le cas concernant les décès. Sur les 26 décès survenus dans le cadre d’opérations de police ou de gendarmerie et examinés par l’ACAT, au moins 22 concernaient des personnes issues de minorités visibles[vi]. » Le même rapport indique que 38 % des victimes ont moins de 25 ans et 75 % moins de 35 ans. Si la violence subie par les Gilets Jaunes a permis de visibiliser l’existence de ces pratiques scandaleuses, elle ne constitue que l’extension de pratiques banalisées que subissent les jeunes des quartiers populaires en général et les Noirs et les Arabes en particulier. Tant sur le plan quantitatif que sur celui de la spécificité des victimes Camélia Jordana n’a fait que rappeler une réalité avérée.

A ces violences policières directes, il convient d’ajouter d’autres pratiques destructrices  « indirectes » c’est-à-dire ne se traduisant pas par l’usage de la force physique. Du tutoiement au contrôle au faciès à répétition en passant par l’amende abusive, du harcèlement à l’humiliation en passant par l’injure raciste et/ou sexiste, cette violence atmosphérique est une des dimensions de la socialisation des jeunes des quartiers populaires. Elle caractérise leur quotidienneté. Elle marque durablement leur rapport au monde et à la société. Elle s’intègre dans leur subjectivité. Elle détermine leurs réactions. Elle produit un sentiment d’insécurité lors des interactions [et même lors du simple croisement] avec les représentants des « forces de l’ordre ». Ces pratiques sont, tout autant documentées que les violences policières directes. Comme le souligne le sociologue Didier Lapeyronnie cette expérience particulière du rapport à la police est décrite massivement dans de nombreuses enquêtes :

 La police et plus généralement les institutions répressives exercent une forte pression sur leur existence quotidienne, non pour les protéger, mais pour réprimer leur mode de vie, ou les tenir enfermés dans le ghetto. Comme un peu partout dans les cités de banlieue en France, les contrôles d’identité répétitifs et arbitraires créent une forte tension. Le tutoiement systématique, les insultes et les menaces parfois, l’attitude générale des policiers, les contrôles au faciès, les descentes brutales en grand nombre et en force engendrent une tension quasi permanente. L’ensemble des jeunes du quartier, qu’ils soient ou non impliqués dans la délinquance, a une image extrêmement négative de la police, si ce n’est violemment hostile. La police incarne un pouvoir arbitraire, brutal et cynique. Dans tous les témoignages aussi, les policiers sont accusés de tenir des propos racistes.[vii]

Cette « atmosphère » qui fait partie de la quotidienneté des quartiers populaires est largement sous-estimée par ceux qui n’y habitent pas [ou qui n’y ont jamais habité]  et en conséquence ne l’ont pas subie dans leur chair et dans leur âme. Il s’agit bien de « chair » [c’est-à-dire d’atteinte au corps] et d’ « âme » [c’est—à-dire d’atteinte à l’image de soi]. Le tutoiement [sans assentiment bien sûr] par exemple que l’on ne peut, bien entendu, pas réduire à une dimension linguistique est perçu pour ce qu’il est réellement : un processus d’infériorisation et de rappel d’une place assignée. Le sociologue Alex Albert qui a travaillé sur les fonctions du tutoiement dans les relations de travail à partir du concept de « domination rapprochée[viii] » rappelle sur cet aspect l’état des recherches : « Les enquêtes ethnographiques soulignent que les policiers et les gendarmes font du tutoiement le marqueur d’un rapport de forces leur étant favorable, et l’utilisent notamment en interrogatoire comme outil de pression et symbole de « domination » (Jobard, 2002 ; Gauthier, 2010)[ix]. » La palpation dite de « sécurité » est pour sa part une atteinte au corps et à la dignité des personnes. Constatant la banalisation et la généralisation de cette pratique le défenseur des droits souligne : « Le Défenseur des droits rappelle que la palpation de sécurité pratiquée de façon systématique au cours d’un contrôle d’identité […] constitue une atteinte à la dignité humaine disproportionnée par rapport au but à atteindre[x]. »

Nous sommes bien devant une pression signifiant une volonté d’imposer une emprise physique et psychique par la force. Nous pourrions ajouter d’autres dimensions signifiant cette « violence atmosphérique[xi] » : équipements de guerre lors des patrouilles de certains corps de police dans les quartiers populaires, opérations « coup de poing » sur le modèle du raid militaire d’occupation d’un territoire, etc. Cette pression est récurrente et on ne peut pas y échapper.  Un seul exemple quantitatif suffit à illustrer l’ampleur de cette violence atmosphérique : Les jeunes hommes « perçus comme noirs ou arabes » ont « une probabilité 20 fois plus élevée que les autres d’être contrôlés[xii] » démontre une étude du défenseur des droits publiée en 2016. Aucune compréhension des attitudes et comportements des jeunes héritiers de l’immigration des quartiers populaires  [Fuite sans raison à l’approche de la police, attitudes réactives de défi pour signifier le refus de la place assignée, tutoiement de la police pour rétablir symboliquement une relation égalitaire, etc.] n’est possible si l’on occulte cette « atmosphère ». Ces attitudes et comportements sont à la fois des fuites d’un risque et d’un danger réel [dont témoigne le nombre de crimes policiers de ces dernières décennies] et une résistance à l’humiliation ou une réaffirmation de la dignité menacée. A juste titre l’association Human Rights Watch titre un de ses rapports sur les contrôles au faciès en France : « La base de l’humiliation[xiii] ». L’image choquante de lycéens contraints par la police de s’agenouiller les mains sur la tête en décembre 2018 a, à juste titre, suscité une indignation publique importante. Une telle situation n’a été possible que parce que l’habitude d’humilier est déjà ancienne et multiforme dans les quartiers populaires.

Camélia Jordana n’a fait que rappeler une réalité indéniable, documentée et dénoncée depuis longtemps. L’ampleur du déni de cette réalité constitue une violence supplémentaire. Il participe de la fabrique politique de la violence policière.

La fabrique politique de la violence policière 

Le constat étant posé, les symptômes étant relevés, il reste à poser un diagnostic. Sans être exhaustif plusieurs dimensions méritent d’être soulignées en raison de leur convergence vers la production et la reproduction d’un système. Nous ne sommes pas en présence d’un projet délibéré machiavélique des gouvernements de ces dernières décennies mais d’une fabrique historique et pragmatique [dans laquelle interviennent des héritages de culture institutionnelle liés à l’histoire longue de l’institution policière, des stratégies d’acteurs spécifiques comme l’extrême-droite et sa stratégie d’infiltration de la police, des choix électoralistes pour flatter une « demande sécuritaire » issue de la massification de la paupérisation et de la précarisation, etc.] d’un système de violences policières tellement ancré et banalisé qu’il dispose désormais d’une certaine autonomie y compris vis-à-vis du pouvoir politique comme plus globalement du champ politique [Comme en témoigne par exemple le pouvoir de pression des syndicats de policiers].

Un héritage du temps long

A l’occasion des commémorations de la victoire contre le nazisme, le ministre de l’intérieur Christophe Castaner rend hommage à la police comme suit : «Partout en France, des policiers ont pris le maquis. Partout en France, des policiers ont guetté l’ennemi, traqué la haine, combattu l’oppression. Partout en France, des policiers ont fait le choix de la résistance. » Une telle présentation de la réalité historique est partielle et partiale. Elle occulte la collaboration massive de l’institution policière à la répression pétainiste et nazie, ainsi que la collaboration à la déportation. « Si des policiers se sont engagés dans la Résistance, c’est en désobéissant à leur hiérarchie et à la politique du gouvernement. […] Ce que l’on peut dire, c’est qu’une minorité de policiers s’est engagée dans la Résistance, comme dans l’ensemble de la population. Mais cette minorité de policiers s’est aussi heurtée à une culture professionnelle qui est celle de l’obéissance[xiv] » corrige l’historien Christian Chevandier.

Récemment décédé Raymond Gurême, un des acteurs de la résistance Tsigane rappelle dès les premières lignes de l’avant-propos de son livre de mémoire que « ce sont des fonctionnaires français qui encadraient les camps d’internement pour « nomades », aucun Allemand n’était en vue » et explique sa volonté de témoigner comme suit : « Soixante-dix ans après les évènements, je parle ici, pour saluer la mémoire de ceux que la France a broyés et oubliés[xv]. » Maurice Rajsfus, lui aussi témoin de l’époque confirme les mêmes pratiques pour la déportation des Juifs comme en témoigne les titres sans ambiguïté de deux de ses livres[xvi]. Une telle participation massive n’a débouchée que sur des mesures minoritaires de sanction à la Libération. L’historien Jean-Marc Berlière donne les indications quantitatives suivantes pour la préfecture de Paris [celle dont les agents ont exécutés les rafles sinistres] : 20 % d’agents sanctionnés soit 3939 policiers et seulement 770 révocations[xvii]. L’institution policière sort globalement identique de la période. Les habitudes, les représentations, les routines, les pratiques, etc., peuvent aisément se reproduire sur cette base matérielle et humaine en s’adaptant au nouveau rapport de forces idéologique.

Un tel héritage sera constitutif d’une prédisposition à obéir pendant la guerre d’Algérie c’est-à-dire pendant une séquence institutionnelle qui banalise la surveillance et le contrôle au faciès d’une part et la torture et la répression à grande échelle d’autre part.  Le politologue Emmanuel Blanchard[xviii] a restitué dans son excellent ouvrage le rapport particulier entre la police et les « Français Musulmans d’Algérie » (FMA) : recréation de structures policières spécifiques en août 1953 [elles avaient été dissoutes à la libération] c’est-à-dire d’une police d’exception dénommée « Brigades des Agressions et Violences » [BAV], pratique régulière de rafles et de bouclages des territoires où résident les FMA , fichage spécifique, arrestations préventives, contrôles au faciès, couvre-feux réservé uniquement aux FMA en 1958 puis en 1961, etc. Décrivant ces pratiques policières, l’historien Jean-Marc Berlière rappelle : « Tandis que les Compagnies d’intervention, dites « de district » accomplissaient leurs missions de maintien de l’ordre avec une « brutalité erratique » et une violence qui présentent une constante des policiers de la Préfecture de police […] la Police municipale dans la tradition de l’Occupation, met en œuvre tout un travail de police « préventive »[xix]. » Si on ne peut, bien sûr, confondre la situation de l’époque et celle d’aujourd’hui, force est de constater l’existence de similitudes importantes.

Ces éléments de continuité des pratiques policières de l’époque coloniale à aujourd’hui s’expliquent par la continuité de la structure institutionnelle qui n’a pas été remise en cause au moment des indépendances. Ils s’expliquent également par la continuité des personnels. En effet la fin de la guerre d’Algérie signifie également le retour dans l’hexagone des policiers et CRS d’Algérie. Plus globalement des milliers d’agents ont été affectés dans la colonie pour des durées variables pendant l’ensemble de la guerre. Soulignons également qu’à partir de la décennie 50 l’institution policière est le lieu d’une hausse importante du recrutement liée aux départs à la retraite. De nombreux appelés de retour d’Algérie se reconvertiront ainsi dans la police. Enfin même les agents n’ayant jamais mis les pieds en Algérie ont été confrontés à la guerre qui s’est, on l’oublie trop souvent, également déroulée dans l’hexagone. « A cette époque, explique la sociologue Françoise de Barros, une part importante des nouveaux gardiens de la paix parisiens, eux-mêmes en nette augmentation, sont susceptibles d’avoir une expérience non pas tant de l’Algérie que de la guerre d’indépendance et donc de ses violences extrêmes[xx] ». La longévité professionnelle d’un Papon indique que la continuité est identique pour la hiérarchie. La continuité des pratiques a une base matérielle, structurelle et culturelle qui irrigue l’ensemble de l’institution, certes de manière différenciée selon les régions mais de manière prégnante dans les grandes agglomérations. La « culture » professionnelles, le rapport à certaines populations, les habitus, la conception du métier et des objectifs de la profession, les contenus de formation, etc., ne peuvent pas ne pas être influencés par cette « mémoire incorporée » c’est-à-dire, explique le sociologue et anthropologue Didier Fassin, par l’inscription « de l’histoire […] dans les interstices de la vie quotidienne, dans les discours et les actes, dans les représentations et les pratiques[xxi] ».

Contrôler les « classes dangereuses »

Un tel héritage ne peut cependant pas perdurer aussi longtemps sous le seul effet de la reproduction institutionnelle systémique. C’est aussi le lien avec le contexte politique global qui explique qu’un héritage perdure ou s’amenuise, se reproduit ou mute, s’inscrit dans la durée ou s’amenuise avec le temps. A l’héritage raciste fondé pendant la colonisation, exacerbé pendant la guerre d’Algérie et concrétisé par une socialisation guerrière des agents, se sont greffé les politiques sécuritaires contemporaines en direction des quartiers populaires. Celles-ci sont historiquement repérables dans l’émergence du thème de l’ « insécurité » dans le débat politique électoral à partir du milieu de la décennie 70 c’est-à-dire au moment où la demande d’égalité des héritiers français de l’immigration postcoloniale émerge. Jusque-là invisibles et invisibilisés comme leurs parents, cette nouvelle génération entre en révolte contre les discriminations racistes qu’ils découvrent en sortant de l’enfance sur les différents marchés des biens rares (logement, travail, formation, etc.). Par l’art, la contestation pacifique [qui aura comme summum la marche pour l’égalité de 1983] mais aussi la révolte sociale [Individuelle par les attitudes et comportements revendicatifs par rapports aux institutions, de groupes sous la forme des « rodéos » de la décennie 80 ou collective sous la forme des révolte de quartiers avec comme point d’orgue la révolte de novembre 2005] ces français exigent un traitement égalitaire.

Les choix économiques néolibéraux qui s’enclenchent à partir de 1983 ferment la porte à toute réponse politique structurelle à ces inégalités et discriminations massives. Le cycle des politiques sécuritaires en direction des quartiers populaires se déploie à droite bien sûr mais également dans une partie non négligeable de la « gauche » qui considère désormais qu’il ne faut plus parler de « causes sociales » et qu’il faut cesser d’ « accorder aux délinquants des excuses absolutoires pour cause de pauvreté ou d’immigration [xxii] » selon les mots de Chevènement. Il ne reste dès lors qu’une orientation possible résumée par le titre du livre coordonnée par Laurent Mucchielli en 2008 : « La frénésie sécuritaire: Retour à l’ordre et nouveau contrôle social[xxiii]. » La logique dominante discursive et pratique se traduira sous la forme de cinq tendances que cet auteur nomme : dramatisation, criminalisation, déshumanisation, disciplinarisation et désocialisation. Concernant les missions de la police dans les quartiers populaires le modèle assumé devient de manière grandissante celui de la « guerre intérieure ». Le sociologue Mathieu Rigouste résume comme suit cette logique de guerre enclenchée depuis le début de la décennie 90 :

La répression des révoltes de l’automne 2005 a déterminé de la même manière l’intensification et la diversification de mécanismes amorcés et expérimentés depuis déjà une décennie. Les quartiers populaires ségrégués servaient de territoire d’expérimentation pour l’importation de la guerre urbaine et du contrôle des foules dans le maintien de l’ordre, depuis les émeutes de Villeurbanne au début des années 1990. Leur traitement médiatico-politique aura permis de légitimer l’émulation d’un processus de fusion des techniques policières et militaires dans le quadrillage des territoires d’exception. Cette dynamique s’inscrivait déjà dans la redéfinition et le redéploiement de la gendarmerie – structure de statut militaire – et une superposition des maillages de sécurité et de défense sur les zones grises[xxiv].

A l’ancien modèle de sur-surveillance de certaines populations conduisant déjà au contrôle au faciès à répétition et aux violences policières se cumule désormais un modèle de « conquête territoriale » conduisant logiquement à une hausse de ces mêmes violences. Car une telle volonté de contrôle d’une population et de ses territoires d’habitation suppose des missions nouvelles pour les agents des forces de l’ordre. Le reste en découle : création de nouvelles unités spécialisées (Brigades Régionales d’Enquêtes et de coordination- BREC, Brigade anti-criminalité – BAC), multiplication des contrôles d’identité, surarmement, militarisation de l’armement policier, opérations coup de poing, banalisation des fouilles et palpations, etc. On comprend mieux dès lors comment l’héritage policier lié à l‘époque coloniale a pu perdurer en dépit du temps qui passe.

L’infiltration de l’extrême-droite

Si la centralité du thème de l’insécurité ne peut pas se résumer à l’action de l’extrême-droite, celle-ci a cependant occupée une place non négligeable dans son installation. Portée par les choix sécuritaires des différents gouvernements depuis de nombreuses décennies, l’extrême-droite développe une stratégie autonome d’enracinement dans la police qui est, selon nous, un troisième facteur du caractère devenu systémique des violences policières qui se surajoute aux deux précédemment cités. L’impact idéologique et organisationnel grandissant de celle-ci dans l’institution policière est repérable à la fois dans l’évolution des votes aux différentes élections politiques, dans ceux des scrutins syndicaux et dans d’autres expressions publiques inquiétantes. Une enquête du Cevipof de 2016 précise que 51.5 %  des policiers et militaires déclare avoir voté Front National aux régionales de 2015 [contre 30 % à la présidentielle de 2012][xxv].

Concernant le poids syndical seule la Fédération professionnelle indépendante de la police (FPIP) est classiquement classée à l’extrême-droite ce qui, compte-tenu de ses scores [1.2 % aux élections professionnelles de 2018], semble attester d’une faible influence syndicale. Une telle conclusion sous-estime la réalité de l’influence de l’extrême-droite. « Le taux de syndicalisation étant très élevé au sein de la police et sachant que les syndicats jouent un grand rôle dans les promotions […] de nombreux policiers ouvertement d’extrême droite se sont syndiqués auprès d’une grande centrale plutôt qu’un syndicat minoritaire d’extrême droite » explique un article du site « Quartiers Libres » consacré à la « radicalisation policière[xxvi] ». Les syndicats Alliance et Synergie-Officiers, habituellement classés à droite recueillent les voix de ces agents d’extrême –droite comme en témoigne leurs déclarations publiques et prises de position[xxvii].

Mais se sont d’autres facteurs, moins quantifiables, qui permettent de mesurer l’infiltration de l’extrême-droite dans la police. Le premier est la pratique de rassemblements publics comme celui de mai 2016 où Marion Maréchal Le Pen et Gilbert Collard prennent la parole, puis celle de manifestations de rue « sauvages » comme celles d’octobre 2016 où des policiers défilent cagoulés et armés. Enfin les manifestations des Gilets Jaunes et celles contre la réforme des retraites ont vu se multiplier le port de symboles d’extrême-droite sur des uniformes (écussons, insignes, autocollants, etc.). « Des nazis dans la police » titrait déjà en 2014 le journaliste Aziz Zemouri en rappelant qu’ « à plusieurs reprises, des fonctionnaires de police ont signalé à leur hiérarchie que des collègues arboraient des signes de ralliement au nazisme. En vain[xxviii]. »  Ces pratiques nouvelles sont certes minoritaires mais elle souligne l’existence d’une extrême-droite policière s’estimant suffisamment solide pour oser une visibilité politique.

Héritage colonial, choix politiques sécuritaires comme seules réponses aux exigences d’égalité des habitants des quartiers populaires, stratégie de contrôle des « classes dangereuses » et de leurs territoires d’habitation sur le modèle d’une « guerre intérieure », impunités policières, discours politiques et médiatiques stigmatisant les quartiers populaires, infiltration de l’extrême-droite, etc., l’ensemble de ces ingrédients ont finis avec le temps par se cumuler et interagir pour se renforcer l’un l’autre c’est-à-dire par faire système. Camélia Jordana n’a fait que mettre des mots sur une réalité : les violences policières sont logiques et prévisibles ; elles sont le résultat d’un  système construit historiquement et politiquement. Rendre visible cette réalité est le premier pas pour la faire cesser. Situer la lutte contre les violences policières en haut de l’agenda militant et politique en est un second tout aussi urgent. Il ne s’agit pas d’une question secondaire mais d’une condition incontournable pour que la « convergence » que beaucoup appellent de leurs vœux cesse d’être un discours abstrait et non crédible.
[i] Louis-Valentin Lopez, Violences policières : voici ce qu’a dit exactement Camélia Jordana, https://www.franceinter.fr/societe/violences-policieres-voici-ce-qu-a-dit-exactement-camelia-jordana, consulté le 26 mai 2020 à 9 h 00.
[ii] Marwan Mohammed et Laurent Mucchielli, La police dans les quartiers populaires : un vrai problème !, Mouvements, N° 44, mars – avril 2006, p. 58.
[iii] Michel Kokoreff, Pierre Barron, Odile Steinauer, Enquête sur les violences urbaines. Comprendre les émeutes de novembre 2005. L’exemple de Saint-Denis, Rapport Final, novembre 2006, p. 12.
[iv] Amnesty International, France : Pour une véritable justice. Mettre fin à l’impunité de fait des agents de la force publique dans des cas de coups de feu, de morts en garde à vue, de torture et autres mauvais traitements, Londres, 6 avril 2005.
[v] Ivan du Roy et Ludo Simbille, 676 morts en 43 ans, https://bastamag.net/webdocs/police/, consulté le 26 mai 2020 à 11 h00.
[vi] Action des chrétiens pour l’abolition de la torture, L’ordre et la force. Enquête sur l’usage de la force par les représentants de la loi en France, Rapport d’enquête, 2015, p. 16.
[vii] Didier Lapeyronnie, Ghetto urbain. Ségrégation, violence, pauvreté en France aujourd’hui, Paris, Robert Laffont, Paris, 2008, p. 262.
[viii] Elaboré initialement par la  sociologue Dominique Memmi pour rendre compte des relations de domination au sein de l’espace domestique (aides à domicile, domestiques, relations au sein d’un couple, etc.), le concept de « domination rapprochée » s’est rapidement élargi à l’étude d’autres relations sociales caractérisées par une relation hiérarchique. Cf : Dominique Memmi,  Mai 68 ou la crise de la domination rapprochée, in Dominique Damamme, Boris Gobille, Frédérique Matonti, Bernard Pudal (dir.), Mai-juin 68, Éditions de l’Atelier, Paris, 2008.
[ix] Alex Albert, Tutoyer son chef. Entre rapports sociaux et logiques managériales, Sociologie du travail, volume 61, n° 1, janvier-mars 2019, p. 3.
[x] Décision MDS-2010-34 du 4 janvier 2012 relative aux circonstances d’une verbalisation par des fonctionnaires de la brigade des réseaux ferrés, consultable sur le site du défenseur des droits
[xii] Défenseur des droits, Relations police/population : le cas des contrôle d’identité, Paris, 2016, p. 17.
[xiii] Human Rights Watch, La base de l’humiliation. Les contrôles d’identité abusifs en France, janvier 2012.
[xiv] Interview de Christian Chevandier, Un historien nuance les propos de Christophe Castaner, https://www.francetvinfo.fr/culture/patrimoine/histoire/partout-en-france-des-policiers-ont-fait-le-choix-de-la-resistance-un-historien-nuance-les-propos-de-christophe-castaner_3435681.html, consulté le 27 mai 2020 à 11 h 20.
[xv] Raymond Gurême, Interdit aux nomades, Calmann Levy, Paris, 2011, Avant-propos.
[xvi] Maurice Rajsfus, La Police de Vichy, Les forces de l’ordre françaises au service de la Gestapo 1940-1944, Le Cherche midi, Paris, 1995 et Drancy, un camp de concentration très ordinaire, 1941-1944, Le Cherche midi, Paris, 2005.
[xvii] Jean-Marc Berlière, L’épuration de la police parisienne en 1944 -1945, Vingtième siècle, n° 49, 1996, p. 66.
[xviii] Emmanuel Blanchard, La police parisienne et les algériens, 1944 -1962, Nouveau-Monde, Paris, 2011.
[xix] Jean-Marc Berlière, Policiers et pouvoir politique en période de crise : L’exemple de la Guerre d’Algérie (1958-1962), in Jean-Marc Berlière (dir.), Métiers de police: être policier en Europe, XVIII-XXe siècle, Presses Universitaires de Rennes, 2008, p. 534.
[xx] Françoise de Barros, La police et les Algériens : continuités coloniales et poids de la guerre d’indépendance, https://www.metropolitiques.eu/La-police-et-les-Algeriens.html, consulté le 28 mai 2020 à 8 h 20.
[xxi] Didier Fassin, Quand les corps se souviennent: expériences et politiques du sida en Afrique du Sud, La Découverte, Paris, 2006, p. 332.
[xxii] Jean-Pierre Chevènement, Discours de Vincennes du 9 septembre 2001, brochure du Comité de soutien « Chevènement 2002 ».
[xxiii] Laurent Mucchielli (dir.), La frénésie sécuritaire: Retour à l’ordre et nouveau contrôle social, La Découverte, Paris, 2008.
[xxiv] Mathieu Rigouste, L’ennemi intérieur, de la guerre coloniale au contrôle sécuritaire, Cultures et Conflits, n° 67, automne 2007, p. 169.
[xxv] Luc Rouban,  Les fonctionnaires et le Front national, L’enquête électorale française : comprendre 2017, note n° 3, CEVIPOF, Paris,  Décembre 2015, p. 3.
[xxvi] Radicalisation policière : le poids de l’extrême-droite dans les forces de l’ordre, Quartiers Libres, 26 juin 2017.
[xxvii] Voir sur cet aspect les exemples donnés par le magazine Bastamag, Les syndicats de police, combien de division,  https://www.bastamag.net/policiers-marce-de-la-colere-suicides-heures-supplementaires-maintien-de-l-ordre-CRS-BAC-violences-repression-blesses-LBD, consulté le 28 mai 2020 à 15 h.
[xxviii] Aziz Zemouri, Des nazis dans la police, Le Point DU 28 novembre 2014.

Le blog de Saïd Bouamama                                                                                                                                                                                                              https://bouamamas.wordpress.com/2020/05/28/la-fabrique-politique-de-la-violence-policiere-a-propos-des-attaques-contre-camelia-jordana/

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Homicide de George Floyd à Minneapolis : la vidéo intégrale de l’arrestation (VOSTFR, avec transcription)

Publié le par S. Sellami

  • Les raisons de la présence des policiers, expliquées par la personne qui les a appelés
  • L’arrestation initiale de George Floyd devant le magasin Cup Foods, où il aurait payé un repas avec un faux billet de 20 dollars
  • Le meurtre de George Floyd, intégralement sous-titré
  • Quand Trump encourageait les policiers à la violence lors des interpellations
Les raisons de la présence des policiers, expliquées par la personne qui les a appelés
L’arrestation initiale de George Floyd devant le magasin Cup Foods, où il aurait payé un repas avec un faux billet de 20 dollars
Le meurtre de George Floyd, intégralement sous-titré

Attention, vidéo bouleversante.

Transcription :

George Floyd, menotté au sol, immobilisé par deux ou trois policiers, dont l’un écrase sa nuque avec son genou : [Gémissant d’une voix rauque et pleurant] Je vous en prie… Je vous en prie ! Je vous en prie ! Je vous en prie, je ne peux pas respirer ! Je vous en prie, je vous en prie ! [Pleurs et cris] Je vous en prie, je ne peux pas respirer !

Passant : Vous l’avez immobilisé au sol, laissez-le respirer !

George Floyd : Je ne peux pas respirer ! [Hurlements rauques]

[Inaudible]

George Floyd : Qu’est-ce que vous voulez dire ?

Policier : Détendez-vous !

George Floyd : Je ne peux pas respirer ! Mon visage ! [Respiration difficile]

Passant : Il est en train de le tuer !

Policier : Qu’est-ce que vous voulez ?

George Floyd : Je ne peux pas respirer ! Je vous en prie… Son genou m’écrase la nuque. Je ne peux pas du tout respirer ! [Voix rauque étouffée]

Policier : Alors lève-toi et monte dans la voiture !

George Floyd : Je vais le faire !

Policier : Lève-toi et monte dans la voiture !

George Floyd : [Toujours écrasé au sol par les policiers] Je ne peux pas bouger !

Policier  : Pourquoi tu te plains ! Lève-toi et montre dans la voiture !

George Floyd : [Hurlements rauques] Maman !

Policier : Lève-toi, et monte dans la voiture (tant que tu es) vivant ! [Inaudible]

George Floyd : Maman ! Je ne peux pas ! Mon genou ! Ma nuque !

Policier : Tu ne peux pas gagner, mon gars.

George Floyd : Je le ferai ! Je ferai (ce que vous voulez) !

Policier : […] tu n’as pas écouté !

George Floyd : [Inaudible]… [Voix rauque étouffée] J’ai mal à l’estomac. J’ai mal à la nuque. J’ai mal partout. [Inaudible] de l’eau… Je vous en prie. Je vous en prie. [Gémissements] Je ne peux pas respirer ! [Hurlements rauques] [Inaudible] Je ne peux pas respirer ! Ecoutez-moi !

Passant : Ne le tue pas, frère, enlève-toi (de sa nuque) !

Passante : Il saigne beaucoup du nez, allez !

Passant : Vous avez le pied sur sa nuque !

Passante : Regardez son nez !

Passant : Votre genou écrase sa nuque !

Passant : Vous avez le pied en plein sur sa nuque !

George Floyd : [Gémissements étouffés] Je ne peux pas respirer.

Passant : Il ne résiste même pas à l’arrestation !

George Floyd : [Voix rauque] Je ne peux pas respirer. [Hurlements]

Passant (au policier) : T’es un vrai bonhomme, toi. T’es un dur. T’es un dur, hein ? C’est un dur ! (Le suspect) ne résiste même pas à l’arrestation !

Passante : Son nez…

Passant : Pourquoi il est dans cette position ? Il ne fait rien ! Mettez-le dans la voiture !

George Floyd : [Voix rauque terrorisée, yeux exorbités, grimaçant de douleur] Je ne peux pas respirer. [Gémissements et cris rauques de plus en plus faibles]

Passante : Combien de temps vous allez le maintenir au sol ?

Policier : C’est grâce à nous que vous n’êtes pas drogués, les enfants !

Passant : Qui parle de drogue ? C’est un être humain !

Passante : Son nez !

Passant : Vous n’avez qu’à le mettre dans la voiture !

Policier : On a essayé pendant 10 minutes !

Passant : [Inaudible]… avec votre genou sur sa nuque. Il n’est pas en train de pleurnicher. Vous écrasez sa respiration avec un mouvement de jiu-jitsu, là !

Policier (ironique) : Ok.

Passant : Vous ne pensez pas que c’est le cas ? Vous ne voyez pas que tout le monde le voit bien ? Je m’entraîne en club, c’est des conneries ! C’est des conneries. C’est des conneries.

George Floyd : [A peine audible, grimaçant et agonisant, finissant par ne plus bouger vers 4 minutes —sa nuque était écrasée dès le début de la vidéo, depuis un temps indéterminé— après des mouvements spasmodiques] Je vous en prie… Je ne peux pas respirer.

Passant : Vous l’empêchez de respirer !

Passant : Remettez-le debout, vous vous comportez comme un voyou, là, remettez-le debout !  Vous pouvez le mettre debout (sans risque), vous êtes un voyou ! Ça lui fait plaisir ! Il prend plaisir à faire cette merde ! Il y prend plaisir ! T’es qu’un minable, mon gars. Il prend plaisir à cette merde, frère. Tu aurais pu l’avoir mis dans ta voiture depuis longtemps, il ne présente aucune résistance ni quoi que ce soit. Tu y prends plaisir, hein ? Regarde-toi, ton langage corporel jubile, sale type !

Passante : Lève-toi de lui, putain ! C’est ça les Blancs, ils adorent…

Passant : Ils savent très bien ce qu’ils font, je m’entraîne avec eux en club. Tu sais que tu n’as aucune justification, et tu ne peux même pas me regarder comme un homme, parce que t’es une fiotte. Il ne résiste pas du tout à son arrestation.

Passante : Il saigne du nez.

L’image contient peut-être : 1 personne
– Je ne peux pas respir… / – Il va bien !

Passant : Tu l’empêches de respirer, putain, tu trouves ça cool ? Tu trouves ça cool, hein ? Où est ton numéro de badge ? Tu trouves ça cool là, hein ? Tu trouves ça cool là, hein ? T’es une merde. T’es une merde de faire ça. T’es une merde de faire ça. C’est de la folie, de l’empêcher de respirer comme ça.

[Cris et propos indignés de passants. Première réaction du policier qui écrase George Floyd, il sort un pepper spray et en asperge les spectateurs]

Passante : Regardez-le ! Putain, il a du Mace (gaz poivré) ! Il a du Mace !

Passant : Il ne peut pas respirer ! Vous devriez vérifier qu’il va bien, il ne bouge plus ! Il ne réagit plus ! Il ne réagit plus ! Il n’a plus aucune réaction ! Il n’a plus aucune réaction ! Regardez-le, il n’a plus aucune réaction !

[Le policier interposé repousse une femme qui essayait de s’approcher de la victime et demandait à ce que son pouls soit vérifié, mais il refuse d’engager la conversation avec elle]

Passant : Frère, t’es sérieux, tu vas continuer à lui écraser la nuque ? Est-ce qu’il respire encore là ? Vérifiez son pouls ! Vérifiez son pouls ! Vérifiez son pouls immédiatement ! Vérifiez son pouls ! Vérifiez son pouls ! Vérifiez son pouls ! Vous lui avez cassé le nez ! Vous lui avez cassé le nez !

Police : Ne vous droguez pas, les gars !

Passant : Pourquoi tu parles de drogue ? Pourquoi vous lui faites ça ? Vous trouvez ça normal ? Vous trouvez ça normal ?

Policier : Reculez

Passant : Vous trouvez ça normal ?

Policier,  : Vous êtes pompier ?

Passante : Oui, je suis de la brigade de pompiers de Minneapolis ! Vérifiez son pouls !

Passant : Vérifiez son pouls ! Vérifiez son pouls !

Policier : Reculez

Passant : Le gars ne bouge plus, il ne bouge plus ! T’es une merde, t’es une merde, t’es vraiment une merde !

Passante (pompier) : Dites-moi quel est son pouls ! Dites-le moi tout de suite !

Passant : Vérifiez son pouls ! Il ne fait plus le moindre mouvement depuis un moment ! (A une autre personne qui vient d’intervenir) Retourne dans ton magasin, tu ne comprends pas. [Inaudible] Ok, c’est cool, retourne dans ton magasin, frère, retourne dans ton magasin. Il ne bouge plus, putain !

Employé du magasin : Je vois ça, je vois, j’essaie d’aider.

Passant : Je n’ai pas besoin de ton aide, je connais tes parents, je connais tous ceux qui travaillent dans le magasin, pas besoin de ta putain d’aide, frère. Il ne bouge plus, putain.

Employé du magasin : Je viens de voir ça.

Passant : Il bougeait encore quand je suis arrivé. C’est vous qui l’avez mis dans cet état.

Employé du magasin : C’est eux qui lui ont fait ça.

Passant : Retourne là-bas.

Employé du magasin : J’ai tout vu sur la caméra de vidéosurveillance.

Passant : Il ne bouge plus, putain !

Passante : Ils l’ont tué, putain !

Passant : [Inaudible] T’es une merde. La première chose que tu veux sortir, c’est ton Mace (gaz poivré), parce que t’as peur.

Passante : Levez-vous de sa nuque, putain, vous faites quoi ?

Passant : Ça fait 3 minutes qu’il ne bouge plus du tout ! Il ne bouge plus, putain, enlève-toi de son cou ! Enlève-toi de sa nuque !

[L’ambulance, ou véhicule policier médicalisé, est arrivée, une personne vérifie le pouls de Georges Floyd qui est manifestement déjà mort, sans que le policier retire son genou de sa nuque]

Passante : Vous êtes sur lui !

Policier : Je compte jusqu’à trois…

Passant : Vous êtes sérieux ? T’es sérieux ? [Voix bouleversée] Tu vas garder ton genou sur sa nuque ? Ah oui, salopard ! Ne me touche pas comme ça ou je te jure que je vais [Inaudible] ! [Hurlements des passants] Il va garder son genou sur sa nuque ? T’es un salopard. Tu vas rester à l’écraser comme ça ? Tu vas laisser tuer cet homme sous tes yeux, hein ? Il ne bouge même plus putain ! Il ne bouge même plus !

[Les ambulanciers apportent un brancard]

Passante : … ils s’en moquent.

Passant : Tu vas rester comme ça avec ton genou sur sa nuque ? T’es un vrai bonhomme, toi ! T’es un vrai bonhomme…

Passante (pompier) : Vous devriez vérifier son pouls et faire des pressions sur sa cage thoracique (respiration artificielle) ! J’ai relevé le nom sur votre badge, salopard !

[A 8 minutes, les ambulanciers mettent George Floyd sur le brancard sans ménagement après que le policier ait enfin retiré son genou de sa nuque, son corps est complètement flasque et inanimé. Le policier interposé essaie de saisir un passant.]

Passant : Ne le touche pas. Ne le touche pas.

Passante 2 : J’ai tout filmé.

Policier : Ne me touche pas !

Passante 2 : C’est toi qui l’as touché, c’est toi qui est venu à lui, alors ferme-la !

Passant : Il est mort, putain ! C’est un vrai bonhomme, ma parole ! C’est complètement fou !

[Le policier assassin revient en direction de la caméra, plein de morgue.]

Passant : Eh, (matricule) 987, vous venez juste de tuer ce nègre, frère, vous venez de le tuer ! Vous venez de tuer cet homme ! Vous venez de tuer cet homme ! Vous venez de tuer cet homme ! Vous venez de tuer cet homme ! […] C’est pour ça que tu n’as rien à dire maintenant. T’es un vrai bonhomme de l’avoir étouffé. [Inaudible]

[Les policiers s’en vont.]

***

http://www.facebook.com/watch/live/?v=255350472474043

Colère populaire à Minneapolis

Minneapolis Police Death
Maison du policier responsable de la mort de George Floyd, Derek Chauvin, taguée au sol de l’inscription ‘Assassin’ (entre autres). Sur la pancarte de gauche, on peut lire ‘Le mal se cache derrière ce badge’, et sur celle de droite, ‘Je ne peux pas respirer’.

***

Traduction : lecridespeuples.fr                                                                                                                                                                                                      https://lecridespeuples.fr/2020/05/28/homicide-de-georges-floyd-a-minneapolis-la-video-integrale-de-larrestation-vostfr/  

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Documentaire sur le Hirak: La presse nationale dénonce une campagne haineuse contre l'Etat algérien et ses institutions

Publié le par S. Sellami

Des titres de la presse nationale, parus jeudi, ont dénoncé une campagne haineuse et violente contre l'Algérie et ses institutions, suite à la diffusion mardi par des chaînes de télévision publiques françaises d'un documentaire sur le Hirak, ce mouvement populaire pour une nouvelle République.

Plusieurs quotidiens ont consacré des espaces importants à des articles, commentaires et réactions de professionnels de médias algériens à ce documentaire diffusé par France 5 et LCP, et qui a suscité l'indignation et la colère des lgériens.

"Le voile commence à se lever sur le néo-hirak de la déstabilisation programmée et des ingérences étrangères jamais démenties et fondamentalement rejetées par le mouvement pacifique originel", a écrit le quotidien El-Moudjahid dans son éditorial, estimant que "la présence de parlementaires français pendant les marches populaires et la montée au créneau du Parlement européen, au moment où l'Algérie s'apprêtait à se rendre aux urnes du retour à la stabilité et à la légitimité démocratique, montrent clairement la volonté d'instrumentalisation du Hirak, pour promouvoir un agenda du chaos dramatique vécu par les victimes du +printemps arabe+ des dérives sanglantes".

Le journal a souligné que "la campagne haineuse et violente, amplifiée en temps de Covid-19, cible les institutions nationales, particulièrement l'ANP, mobilisée dans le rôle majeur d'accompagnement et de protection du mouvement citoyen, de restauration de la légitimité populaire et constitutionnelle, et de règlement de la crise sanitaire".

"Vive polémique sur les réseaux sociaux", a écrit le quotidien francophone El Watan, qui a relevé que les commentaires des Algériens étaient "hostiles" après la diffusion du film réalisé par Mustapha Kessous, journaliste au Monde.

Il a relevé que l'angle choisi par son réalisateur pour raconter une séquence exceptionnelle de l'Algérie a fortement déplu, notant l'existence de "trop de clichés qui ne rendent pas compte des revendications fondamentales des Algériens sortis le 22 février 2019".

Sur son site internet, le quotidien Le Jeune Indépendant a écrit qu'"aujourd’hui, la plupart des médias dans la métropole ne veulent voir de l’arabe que cette image d’être tourmenté par sa libido même s’il s’ingénie à afficher une tête moderne, un discours sain et une vision de changement au service des hommes et de l’humanité".

Pour lui, la chaîne de télévision France 5 participe justement au maintien de cette "posture devenue une litanie creuse à travers un reportage qui renferme l’Algérien dans des errements pulsionnels".

"Les laudateurs du modèle civilisationnel judéo-chrétien, quelle que soit l'obédience, savent fourguer à la plèbe occidentale, souvent sur commande, livres, chroniques ou reportages qui entretiennent cette vision étriquée et forcement dégradante de la réalité de l’arabe d’aujourd’hui", a-t-il écrit.

Il a ajouté que l’image que les médias européens renvoient aujourd’hui avec des complicités manipulées ou consentantes, n’est rien d’autre que "le reflet pitoyable de cet état d’esprit étroit et raciste jadis nourris par les cerveaux troubles du second empire", avant de conclure que "ce qui compte aujourd’hui est le regard que nous portons sur nous-mêmes, celui qui constitue le fondement de ce que nous sommes actuellement et de ce que nous aspirons à devenir.

C'est cette vision qui doit jalonner notre effort collectif de reconstruction du pays, de sa renaissance, de son essor vers cet Etat rassembleur et juste", a écrit le Jeune Indépendant, précisant qu'"il s’agit d’un projet ardemment souhaité par un peuple éprouvé par des crises successives et engagé à l’unisson sur ce chemin de l’instauration de sa propre vision sans se soucier de la cécité ou du paternalisme des hobereaux des plateaux de télévisions à Paris ou ailleurs.".

Le quotidien El-Khabar arabophone a ,quant à lui, mis en avant "la vive colère" des Algériens "choqués et outrés" par ce qui a été diffusé par la chaîne publique France 5, comportant de "graves dépassements" contre la Révolution du peuple algérien et de la majorité écrasante des Algériens.

El-Khabar a souligné qu'après la diffusion du reportage beaucoup se sont interrogés: "comment une chaine qui se respecte accepte de diffuser ces mensonges et fumisteries?", qualifiant cela de "nouveau dérapage des médias français".

De son côté, le quotidien Echourouk (arabophone) a mis en exergue la réaction des Algériens à travers les réseaux sociaux au dit reportage, mettant en relief les différents appels et initiatives pour répondre à cette tentative de dénigrement.

A ce sujet, les Algériens, rapporte le quotidien, ont lancé un compte sur les réseaux sociaux "Hirak France 5 ne me représente pas", appelant les Français à réaliser des reportages sur les gilets jaunes.

Il a également rapporté les propos de "facebookers" qui estiment que les jeunes interviewés dans ce documentaire sont loin de représenter société algérienne et encore moins les aspirations des Algériens.

"La montagne a accouché d'une souris", a écrit pour sa part, le quotidien arabophone Echaab dans son éditorial qui a relevé que la réaction des Algériens à ce documentaire est tout à fait le contraire de ce qu'attendaient les planificateurs derrière ces chaînes France 5, LCP (chaîne parlementaire) et France 24.

Il a estimé que malgré la campagne qui a duré deux semaines, à travers les médias lourds, écrits et réseaux sociaux, pour attirer les téléspectateurs afin d'arriver au but escompté, sauf que celle-ci n'a apporté que la colère et l'indignation des Algériens qui estiment que ce documentaire vise le hirak et son Etat.

D.R

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Le dernier homme

Publié le par S. Sellami

Genèse et finalités de la pandémie

Cette réflexion ne se propose pas d’établir si la pandémie a été artificiellement créée par les nouveaux patrons du monde, ou si elle émerge spontanément du chaos de la dévastation criminelle de la nature. Quoi qu’il en soit, l’accusé numéro un est le capitalisme, que ce soit sous la forme néo-libérale occidentale, ou sous la forme étatiste chinoise. Quoi qu’il en soit, la pandémie est la nouvelle technique « miraculeuse » pour faire en sorte que l’esclave intériorise les ordres du seigneur.

Même s’il était vrai, mais nul ne peut le dire avec certitude, que le virus a été modifié dans un secteur du laboratoire OMS installé à Wuhan, contrôlé par les Anglais et les Étasuniens, reste le fait que la Chine garde le silence et est donc complice, co-responsable du crime.

La complicité entre néo-libéraux et étatistes se vérifie tout autant si nous supposons que la pandémie est une fausse pandémie, utile aux deux capitalismes pour perfectionner et mettre à l’épreuve de nouveaux dispositifs visant la discipline sociale. Mais elle se vérifie aussi si nous supposons, au contraire, que le virus est réellement présent, dévastateur et, comme l’affirment les écologistes les plus vigilants, expression du Réchauffement Global, de la déforestation qui réduit l’espace de nombreux animaux porteurs du virus, et qui annule la distanciation naturelle entre eux et l’homme.

Dans tous les cas, et dit en termes marxiens, la pandémie place, sans discussion, sur le banc des accusés, le mode de production capitaliste, c’est-à-dire un modèle économique et social prédateur et envahissant, ennemi de la santé publique, arrivé par auto-combustion à sa phase terminale et suicidaire.

Il y a deux laboratoires où l’on peut analyser la pandémie, celui de la médecine, et celui du politico-social. N’étant pas virologue, je ne peux m’engager que dans le deuxième domaine.

Un vieil adage dit : « l’enfer est pavé de bonnes intentions ». Traduit aujourd’hui, il veut dire : ils veulent nous faire croire qu’ils se soucient de notre santé et notre sécurité, mais en réalité ils ne font que tester de nouveaux dispositifs de domination, de nouvelles formes orwelliennes de contrôle et d’assujettissement total de l’homme. Un Panopticon benthamien des temps modernes.

Ils laissent mourir de faim six millions d’enfants par an, qui pourraient être sauvés à peu de frais par un vaccin qui s’appelle nourriture, en renonçant seulement à 0,00000001% de leurs vertigineux revenus d’escrocs, et vous croyez que des génies du Business comme Bill Gates protègent notre santé ? Rien que l’idée en serait ridicule ! Malheureusement, des millions sinon des milliards d’hommes y croient, et cette croyance est une forme de collaborationnisme. Il ne pourrait pas y avoir 1000 psychopathes super-milliardaires au sommet de la gouvernance mondiale sans des milliards de collaborationnistes plus ou moins conscients, plus ou moins volontaires, plus ou moins passifs.

Nous vivons dans le roman le plus dystopique jamais écrit. Les élites dominantes, les nouveaux patrons universels savent bien que leur système est au bord de l’effondrement économique, politique, financier, écologique, éthique et culturel. Ils savent bien qu’il n’est plus promesse d’un avenir meilleur pour des milliards d’hommes, et qu’il est devenu une menace pour les fondements écologiques mêmes de l’existence humaine. C’est pourquoi ils se hâtent de réaliser des expériences socio-orwelliennes pour réduire les populations, saccager les droits, prévenir des révolutions, distancier les corps, les soumettre à des tests d’obéissance totale, non par d’inconvenantes dictatures militaires comme au siècle dernier, mais sous le fouet des Pandémies – artificiellement créées ou non, l’Histoire nous le dira.

L’huile de ricin a cédé la place dans l’après-guerre à la société du spectacle, dont Debord nous a donné une description magistrale. Aujourd’hui, elle arrive à son vertigineux apogée, la pandémie spectacularisée. Ce plan diabolique semble marcher. Le temps nous dira jusqu’à quel point. Mais, en attendant, même l’observateur le plus distrait ne peut rester aveugle à un fait d’une inquiétante portée historique : des millions de personnes qui, à la fin de l’année 2019, au Chili, en Equateur, en France, en Colombie, etc, se soulevaient contre le néo-libéralisme et occupaient les rues de leurs capitales, ont reflué chez elles, sans coup férir. Elles ont eu plus peur du virus que de la répression, la prison et la torture.

Nous avons assisté à des événements bien programmés que même la fantaisie des auteurs de romans dystopiques les plus célèbres ne pouvait imaginer : JT transformés en bulletins de guerre, panique alimentée et répandue, tous médias confondus, nombre des morts gonflé à dessein, processions de cercueils exhibés en guise d’avertissement, quarantaines, distanciation des corps, masques, psychopolice, microchips, délations, policiers municipaux transformés en SS, enterrements interdits, cadavres brûlés sans l’autorisation des familles. Si, il y a quatre mois, quelqu’un avait prédit ces événements, on l’aurait pris pour un fou. Mais ce qui est folie chez les humains peut devenir normalité. Cet étrange bipède qu’est l’homo sapiens s’habitue à tout.

Une chose est sûre. Les mesures prises par les gouvernements pour faire face à la contagion nous donnent la mesure parfaite, sur le plan symbolique, de la place réservée au dernier homme dans le capitalisme absolu : une pure et simple unité statistique, un simulacre bio-politique, un sujet sans références, distancié, dés-identifié, qui n’a pour seule fonction que d’assister passivement au spectacle macabre et avilissant du nouveau Léviathan. Un zombi qui circule au milieu de longues files, patient, docile et muet, pour acheter des marchandises et payer des factures. Un paria qui se méfie de son semblable. Le capitalisme de la Pandémie se révèle dans sa véritable essence, celle de la vie nue. Il apparaît sans fanfreluches ni médiations comme un système qui fait du sujet son propre ersatz, de l’homme un consommateur passif et solitaire d’images et bobards télévisuels. Nous sommes arrivés à l’apothéose de l’homme néo-libéral, de l’individu absolu, seul, en concurrence avec tous, méfiant, terrifié, barricadé dans son cocon égotiste.

Premier acte de la tragi-comédie : le masque

Décryptons la quarantaine sur le plan symbolique. Effectuons une traduction linguistique de la nouvelle anthropologie noire dans laquelle on nous a précipités et à laquelle on veut nous habituer. Partons du masque, véritable objet du culte du nouveau catéchisme spectral. Est-il utile ? ne l’est-il pas ? Les avis scientifiques sont discordants. Mais le petit peuple n’y connaît rien, en sciences. Il écoute et obéit au verbe du prêtre télévisuel. Nous sommes arrivés, en quelques jours de propagande obsédante, au point que quiconque ne le portait pas était regardé par son semblable comme un fou, un pestiféré, un réprouvé. Le porter était une obligation sociale, comme pour la burqa en Afghanistan. On voyait même des couples masqués dans leur voiture. Mais que symbolise le masque, du côté des nouveaux rapports sociaux ? Quel est son message subliminal ? L’homme masqué est l’homme quelconque, parfaitement désidentifié, l’homme sans visage, c’est le sujet indistinct, donc pur objet spectral, métaphore parfaite du consommateur-distributeur automatique, de l’homme réduit à la simple dimension de marchandise, de valeur d’échange. Si l’argent sans visage, parfaitement numéraire, est le nouveau Dieu, comment voulez-vous que son disciple en ait un ? Comment pouvez-vous croire que l’individu soit un sujet libre, exclusif et irremplaçable dans son genre, quand il admire un Dieu indifférencié ? Mais il y a un autre revers anthropologique du masque : la difficulté à se reconnaître, les regards sombres et de travers qu’on se lance de loin que j’ai remarqués chez les passants, ou les gens qui font la queue au supermarché. Donc, pas seulement désidentification, mais aussi méfiance. Ne trouvez-vous pas que c’est le binôme parfait des rapports sociaux dans lesquels la communauté est dissoute, et la concurrence célébrée comme un dogme constituant ?

Deuxième acte : la distanciation sociale

Passons au deuxième acte du tragi-comique confinement, la distanciation sociale et son corollaire, l’interdiction de rassemblement. Posons-nous la question : si le masque suffit pour éviter la contagion, pourquoi imposer aussi la distanciation ? De deux choses l’une, ou le masque ne sert à rien, ou la distanciation est un rituel qui sert d’autres fins. Quant à moi, je pense que les deux thèses sont vraisemblables à la fois. La distanciation est le vrai symbole de la quarantaine, l’essence des nouveaux rapports que visent les patrons universels pour renforcer les chaînes du conditionnement social et de l’obéissance. Des corps distanciés sont des corps qui ne peuvent pas établir de relations, et, sans relations physiques entre les sujets, adieu révoltes, soulèvements et révolutions. Le pouvoir chante victoire, il jubile avant même la bataille évitée. Des hommes seuls, méfiants et distanciés (et toujours endettés), des hommes sans qualités, selon l’expression de Musil, qui, comme des zombis, se présentent aux urnes tous les cinq ans, pour décider qui va les commander. C’est là, peut-être, le dernier mirage halluciné et dystopique des Elites ?

Troisième acte : la psychopolice

Ici, George Orwell et Aldous Huxley seraient à la fête et érigeraient de nouveaux monuments littéraires à la dystopie. L’ennemi invisible une fois invoqué a déchaîné le « tous contre tous ». Le ministère néo-gœbbelsien de la propagande et de la vérité a vu s’ouvrir devant lui des autoroutes, et il a suffi de quelques heures pour happer tout le monde dans la spirale guerrière de l’ami ennemi, ou plutôt de l’ennemi-ennemi. Il a suffi de la terreur d’un virus transmise tous médias confondus à échelle mondiale non seulement pour créer des frontières d’un palier à l’autre, pour rendre l’homme étranger à l’autre homme, mais même pour en faire le délateur de son voisin, de l’autre que lui. Visages méfiants, regards obliques, habitants d’un même immeuble transformés en délateurs et flics, voilà le portrait obscène du capitalisme absolu dans sa phase pandémique terminale. Voilà l’homme transformé en psychopathe, devenu l’ombre de lui-même, sous les coups de la propagande et de la peur. J’ai vu des choses que les humains ne pouvaient imaginer même sous les pires dictatures : des policiers municipaux qui fouillaient les sacs à provisions et mettaient des amendes à des petites vieilles qui avaient acheté des choses « non nécessaires ». J’ai vu des membres des forces de l’ordre, épaulés par des médecins complaisants, et avec l’autorisation du Maire, anesthésier en pleine rue un homme qui exprimait à travers un mégaphone son désaccord avec les fermetures, pour ce qu’il considérait comme une fausse pandémie – et faire de plus usage du TSO (traitement sanitaire obligatoire).

Quatrième acte : l’obéissance absolue

Il a suffi d’instiller des coefficients toujours croissants de peur, de gonfler le chiffre des morts, de montrer des camions militaires transportant des cercueils anonymes, pour abattre les résistances résiduelles, et obtenir du « dernier homme » une obéissance absolue et volontaire, l’auto-réclusion souhaitée et requise – qu’on a même célébrée avec tous ces bals sur les balcons,ces briquets allumés et des banderoles « tout ira bien » fièrement arborées. Ce n’était pas assez d’être des crétins, il fallait aussi l’exhiber, il fallait même applaudir avec des petits sourires d’approbation pour le geôlier. Les chaînes de la pré-pandémie ne suffisaient pas, il fallait réclamer qu’on les serre plus étroitement. Personne ne s’est rendu compte qu’on avait perdu l’Etat de droit. Personne n’a eu le courage de bouger un cil face à la Constitution violée et violentée. On revient en pensée aux sombres décennies du XXe siècle, quand des foules humaines, un an seulement avant pacifiques, solidaires et internationalistes, se métamorphosèrent tout à coup en hordes furieuses, aveuglées par la haine de l’ennemi du moment. L’analogie vaut aussi pour le côté gauche de la gauche. Si, en 1914, il a voté les crédits de guerre, enterrant le rêve de l’Internationale, aujourd’hui il réclame la prolongation de l’état d’exception et du confinement. N’était-il pas, il y a seulement quatre mois, le champion des ports ouverts et d’un monde sans frontières ? Oxymores, paradoxes et ironies de l’imprévisible histoire humaine.

Cinquième acte : suspension de la raison

Pour obtenir l’obéissance absolue, le pouvoir doit compter sur une dynamique typique des foules dans les phases d’urgence : la suspension de la raison, la désactivation de l’incrédulité, le sommeil de la conscience. Pour se sentir faire partie d’un troupeau en danger de mort, et d’une narration qui le veut responsable et protecteur à l’égard des siens, l’homo sapiens active cette suspension qui finit par le pousser à donner crédit même aux bobards les plus invraisemblables, s’ils sont propagés par le sauveur du moment. Il se passe ce qui est caractéristique de l’enfant quand il écoute une histoire de bourreaux et victimes, d’ogres et de sorcières, ou quand il regarde un film d’horreur racontant une histoire démoniaque. On finit par y croire, suspendre notre jugement critique, faire partie du récit en cours ; autrement, on interromprait toute écoute et tout visionnement.

Sixième acte : le contrôle universel

Nous arrivons ici à la quadrature du cercle ; au but ultime de ceux qui ont mis en marche cette infernale machine orwellienne de la Pandémie, d’un bout à l’autre du globe, de la Chine aux Etats-Unis : pucer tout individu dès sa naissance, comme les chiens, pour contrôler et tracer chaque mouvement, et même chaque désir, passion et comportement. On ne le sait pas toujours, mais le Bengladesh est le premier Etat du monde à s’être offert comme cobaye pour tester le puçage électronique dès la naissance de tous ses habitants, comme l’a prescrit l’OMS. Le puçage, prélude au nouveau règne spectral du transhumain, servira non seulement à tracer et contrôler les sujets, mais aussi à leur attribuer un crédit social, immédiatement scannérisable. Ils veulent tracer chaque comportement individuel en lui donnant une note de façon à imposer le style de vie voulu par les patrons du monde. Plus on sera conforme aux règles du pouvoir, plus on aura de crédit. Plus on aura de crédit, plus on vous concédera de chances de travail et de survie. On passe au feu rouge, ou on ne paie pas la mensualité de son crédit ? Des points en moins. On fait l’espion pour la police et on fait arrêter un petit délinquant ? Des points en plus. Dans le système de la marchandisation universelle, la marchandise humaine ne sera pas seulement évaluée en fonction de la prestation de sa force de travail, mais aussi en fonction de sa fiabilité psychopolitique, immédiatement enregistrable... Nous pouvons écrire en paraphrasant Marx : un spectre hante le monde, ce n’est pas le communisme mais le transhumain.

Septième et dernier acte : la technoscience comme nouvelle religion

A qui devons-nous obéissance absolue ? A des gouvernements qui, dans l’état d’exception devenu statut normal et permanent, ont abdiqué leurs prérogatives au profit d’équipes de « savants » sur le registre du personnel des patrons universels. La médecine est la nouvelle théologie, les virologues sont ses prêtres, la thérapie le nouveau culte sacré. Et ils ne nous disent pas qu’il faut soigner la maladie par une prévention attentive, par un style de vie sain et équilibré, impossible dans un système centré sur le profit. Ce serait hérétique et désacralisant. Comme les prêtres de jadis qui nous invitaient seulement à prier, ils ne s’occupent que de thérapies. La thérapie est le nouvel évangile.Le virus le nouveau démon à combattre en suivant les préceptes du clergé scientocratique. Qui répand des informations alternatives est l’hérétique à bâillonner (jadis on utilisait les bûchers).Nous verrons toujours plus de philosophes et de savants non alignés réduits au silence par les religieux. Nous verrons toujours plus de super-menteurs instaurer des saintes Inquisitions contre les « fake news » de savants alternatifs. Voilà l’avenir qui nous attend !

Conclusions

La quarantaine qu’on nous a imposée est une répétition, un apéritif, une préfiguration de l’homme du futur auquel les patrons universels travaillent de façon maniaque. Un homme que nous pouvons synthétiser en deux mots : code-barres. Un individu absolu, simple nombre, totalement privé de références, désidentifié et désocialisé, dont la seule fonction est de rester enfermé à la maison pour simuler la vie, peut-être organiser, assis et en pantoufles, des meetings ou des fêtes, oubliant sa frustration en faisant des achats compulsifs on line, tissant des « amitiés » qu’il ne voit ni ne connaît. Un onaniste du plaisir performant, obsessionnellement voué à son clavier, dont la vie sera enfermée dans un portable, dans la consommation avide d’images, vidéo-jeux, cinéma trash, pornographie. On voit déjà se diffuser en Occident le style de vie déjà établi au Japon qu’on connaît sous le nom de Hikikomori : des milliers de jeunes qui ne sortent plus de leur chambre depuis des années et ne vivent qu’à travers le web.

La plus haute aspiration du dernier homme réduit à un mot de passe sera de posséder une automobile, peut-être sans pilote, depuis laquelle il pourra donner des ordres dans sa cuisine, régler la température du four, ouvrir le frigidaire, ou activer la plaque à induction. Le réel aliéné du capitalisme industriel laisse place à l’obscène surréel du capitalisme absolu et virtuel.

Humains, réveillez-vous, sortez de la caverne, avant qu’il soit trop tard ! La cloche de l’homme cyborg a déjà sonné dans le confinement planétaire. Nous serons tous pucés, tracés, surveillés, épiés même dans nos désirs et intentions. En l’espace de vingt ans, nous vivrons tous dans la Matrice universelle, où le fait de se sentir humain ne sera qu’un vieux souvenir, étouffé dans le cauchemar des survivants. Qui se révoltera ? Qui fera des révolutions, parmi les humains réduits à des codes-barres ? Où trouverons-nous l’élan pour la construction d’une communauté d’hommes libres quand nous nous trouverons encerclés de partout par des transhumains, étrangers l’un à l’autre, méfiants envers nous-même et envers tous, êtres égotistes au regard fixé sur nos portables, sur notre éphémère prestation onaniste et virtuelle ? Quelle solidarité pourrons-nous tisser entre humanoïdes dé-socialisés ?

Mauro PASQUINELLI                                                                                                                                                                                                                    

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Algérie... avec ou sans Amour

Publié le par S. Sellami

De quoi a souffert l’Algérie ? Ce pays qui ne ressemble à aucun autre pays… C’est le nôtre sans être le nôtre, le vôtre sans être le vôtre, le leur sans être le leur… c’est comme une promesse de bonheur… c’est comme un rêve éveillé ! L’Algérie a souffert mais elle n’a pas fini de souffrir… - One : du colonialisme : on lui dit que chez elle, elle n’est pas chez elle, que la mariée était trop belle pour elle… et on la torture si elle se rebelle. - Two : du terrorisme : on lui dit qu’elle doit se vider d’elle-même pour recevoir le ciel et se plier à la volonté de celui qui prétend entendre la voix de Dieu et qui t’impose sa voix comme unique source de tes droits. - Three : du totalitarisme : on lui dit et on lui dira encore que pour qu’elle ne soit pas de guerre lasse, il faut qu’on fasse tout à sa place, que pour garder la main, elle ne doit pas bouger le petit doigt, sinon on l’efface. L’Algérie a souffert et ne cesse de souffrir d’être ou d’avoir été toujours une belle proie, convoitée à l’intérieur comme à l’extérieur par tous les oiseaux de proie. Fort bien située pour la géostratégie. Fort bien servie en matière d’énergie, du sous-sol jusqu’à ceux qui vivent et meurent sur son sol. Donc un pays qui a du bol et auquel on ne cesse de lui retirer son bol. J’ai vu comme vous, « Algérie mon amour » sur la 5… et je vous l’avoue, je n’étais pas, comme on dit, fort aise… J’ai ressenti un certain malaise… de voir le mal figé par les acteurs de ce cinédrame, par leurs tristes présupposés, leurs sinistres hypothèses… comme s’il n’y avait aucune issue…. Aucun Salut. Aucune porte de secours ! Ce qui est sous-entendu c’est que ce pays va mal à cause de la corruption et à cause de la corruption, il n’a aucune chance d’aller bien… C’est fort de café… c’est acide et non pas lucide. La jeunesse d’aujourd’hui me semble déjà sur le chemin de tenir toutes les promesses de son pays qui tiennent en trois mots : unité, paix et prospérité.

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