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RDC: le jour où un simple « kadogo » a tué Laurent Désiré Kabila

Publié le par S. Sellami

Une statue du Mzee, Laurent-Désiré Kabila, à Kinshasa, en mai 2005. © SCHALK VAN ZUYDAM/AP/SIPA

Le 16 janvier 2001, un « kadogo » du nom de Rachidi, un simple soldat, se dirige vers Laurent-Désiré Kabila, dégaine et tire. Revivez la mort du « Mzee » dans un article de Francis Kpatindé, publié dans Jeune Afrique l’intelligent n° 2089, daté du 23 au 29 janvier 2001.

Mardi 16 janvier, aux environs de 13 heures. Laurent-Désiré Kabila travaille dans son bureau, au palais de Marbre, situé dans le quartier huppé de Binza, sur les hauteurs de Kinshasa. Dans la  matinée, le président congolais a accordé quelques audiences. « La routine », assure un collaborateur. Des hommes d’affaires, quelques politiciens. Rien de plus. À l’heure du déjeuner, il reçoit son conseiller économique, Mota, qui doit normalement l’accompagner le lendemain à Yaoundé, où le président prévoit de retrouver ses pairs africains et français pour le XXIe sommet Afrique-France.

Parvenu au pouvoir en mai 1997, après avoir délogé le maréchal Mobutu, Kabila a travaillé, dans un premier temps, au palais de la Nation, à proximité du fleuve qui sert de frontière naturelle entre l’ex-Zaïre et le Congo-Brazzaville. Puis, craignant de faire les frais d’un éventuel obus tiré à partir de l’autre rive, l’ancien maquisard a déménagé à la Cité de l’OUA. Mais, obligé de traverser tous les jours, lors de ses déplacements, une caserne (le camp Tshashi, naguère réputé pour avoir abrité la garde prétorienne de Mobutu), il choisira finalement de s’installer au palais de Marbre, l’ancienne résidence des hôtes de marque, où, pensait-il, sa sécurité serait mieux assurée.

Panique générale

Rien d’anormal donc, en ce mardi 16 janvier. Devant la porte du bureau présidentiel, quelques militaires devisent tranquillement avec un fonctionnaire du protocole. Peu avant 14 heures, un jeune soldat de la garde – selon nos informations, un caporal du nom de Rachidi – arrive et demande à aller « présenter ses civilités » au président. En d’autres termes, il veut aller saluer Kabila. Ailleurs, pareille chose est peut-être impensable. Ici, comme dans beaucoup d’autres pays africains, n’importe quel quidam peut pénétrer dans le bureau présidentiel, pour peu qu’il compte des amis ou des parents au sein de la garde ou du protocole. « C’était un vrai foutoir autour de Kabila, raconte ainsi Jean-Claude Vuemba, qui préside le Mouvement du peuple congolais, un parti d’opposition. On y entre et on en sort comme on veut. Les conseillers, les ministres, voire de simples plantons, entrent à leur guise, interrompent de manière tonitruante les audiences pour faire parapher des documents, pour annoncer un autre visiteur ou, simplement, pour saluer le maître des lieux. »

Selon une indiscrétion, ce jeune soldat semble avoir mal vécu l’exécution pour «  indiscipline », quelques jours plus tôt, d’un de ses meilleurs amis, kadogo comme lui

Les soldats de faction devant le bureau présidentiel laissent donc Rachidi, un kadogo, un simple soldat de base, pénétrer dans le saint des saints. Il se dirige calmement vers Kabila, en pleine conversation avec son conseiller, dégaine son arme et lui tire dessus. Le chef de l’État s’écroule, atteint au cou et au bas-ventre. Mota se met à hurler pour rameuter la garde. L’aide de camp (qui est, en même temps, le chef d’état-major particulier du président), le colonel Eddy Kapend, un « Katangais » formé en Angola, et quelques soldats font irruption dans le bureau. Ils découvrent le président allongé par terre, « en plein délire » et se vidant de son sang. À ses côtés, accroupi, le conseiller économique essaie de le soulager par un massage. Le caporal Rachidi tente de s’enfuir. Il est aussitôt abattu par la garde. Selon une indiscrétion, ce jeune soldat semble avoir mal vécu l’exécution pour «  indiscipline », quelques jours plus tôt, d’un de ses meilleurs amis, kadogo comme lui. « C’est un soldat originaire du Kivu [flanc oriental du pays occupé par les troupes rwandaises et ougandaises] qui a tiré sur le président », explique pour sa part au téléphone le ministre de la Communication, Dominique Sakombi, en affirmant tout ignorer de la personnalité et des motivations de l’auteur de l’attentat.

Les militaires bouclent aussitôt le périmètre autour du palais de Marbre. Dans une atmosphère de panique générale, ils font venir un hélicoptère de l’aéroport de Ndjili pour transporter le blessé à la clinique Ngaliema (ex-clinique Reine-Elisabeth), située dans le quartier résidentiel de la Combe, où les médecins lui prodiguent les premiers soins. Pendant ce temps, au palais, les politiques essaient de reprendre la situation en main. Arrivé au pouvoir par les armes, Laurent-Désiré Kabila avait été investi président en vertu d’un simple décret-loi pris pour les besoins de la cause et qui ne prévoyait pas – on comprendra aisément pourquoi – de vacance du pouvoir exécutif. En présence de ce vide juridique, Gaëtan Kakudji, le ministre d’État chargé des Affaires intérieures, prend les opérations en main. Dans l’ordre protocolaire, ce cousin et proche parmi les proches de Kabila est, en effet, le numéro deux du régime.

« Nous sommes en guerre »

Il organise donc, selon nos informations, une « réunion de crise» à laquelle prendront part le colonel Eddy Kapend, le ministre d’État Pierre Victor Mpoyo (l’homme de Luanda auprès de Kabila), l’ambassadeur angolais en République démocratique du Congo (ROC), ainsi que les chefs des détachements militaires angolais et zimbabwéens. « Le président est en train de mourir et nous sommes en guerre, explique d’emblée Kakudji à l’assemblée. Il sera difficile, dans ces conditions, à un civil de faire face à la situation et de maintenir la continuité de l’État. »

Le représentant de l’Angola suggère alors au colonel Eddy Kapend de « prendre ses responsabilités ». L’intéressé décline l’offre, craignant, semble-t-il, de passer aux yeux de l’opinion, dans la confusion ambiante, pour l’inspirateur du régicide. Tout au plus consent-il à aller, après la réunion, lancer un appel au calme à la télévision et à la radio. Il s’y rendra d’ailleurs, encadré par des soldats angolais, pour annoncer la fermeture des frontières terrestres et de l’aéroport de Kinshasa, l’instauration d’un couvre-feu et la mise en état d’alerte des forces armées.

Après la renonciation de Kakudji et le « niet » du colonel Kapend, un des participants à la réunion de crise évoque alors, comme possible « président intérimaire », le général Denis Kalume Numbi, ministre du Plan et de la Reconstruction nationale. Mais, après une longue discussion, Pierre Victor Mpoyo sortira de son chapeau le nom du général-major Joseph Kabila, resté, lui, aux côtés de son père à la clinique Ngaliema. Outre qu’il porte le même patronyme que ce dernier, il présente l’avantage d’être un militaire et d’incarner une certaine continuité.

Kabila fils n’est pas vraiment un officier, du moins au sens classique de la fonction. Par la volonté de son père, qui l’a récupéré peu avant le début de la marche triomphale sur Kinshasa de l’AFDL, en 1996, il a commencé sa carrière comme « commandant ». Envoyé par la suite en formation en Chine, il a été bombardé, à son retour, général, nommé chef d’état-major adjoint des Forces armées congolaises (FAC), puis, devant la multiplication des mouvements de rébellion armée, responsable des forces terrestres.

« Sa mort est sûre à 101 % »

En cet après-midi du 16 janvier, les nouvelles qui parviennent de la clinique Ngaliema sont contradictoires. Selon la rumeur, qui court les rues désertées de la capitale, le président serait mort, de même que son fils, le général-major Joseph Kabila, qui tentait de le protéger. De Tripoli, où il est en visite officielle, le ministre délégué à la Défense, Godfroid Tchamlesso, croit même savoir que Kabila serait mort « deux heures après avoir été blessé par l’un de ses gardes du corps ». Il ne fournit pas pour autant de détails sur les circonstances du drame. Pour sa part, le ministre de la Communication, Dominique Sakombi, indique qu’il a été blessé mais reste en vie. Son collègue, le ministre d’État Gaëtan Kakudji, y va de son couplet en affirmant, sans rire, sur les ondes que c’est Kabila lui-même qui, peu après l’agression, a décrété le couvre-feu et mis les troupes en état d’alerte.

La première indication sérieuse de la « mort » du Mzee (le « Vieux ») congolais viendra d’une capitale ennemie, plus précisément de Kampala.

Les services secrets de Museveni, l’ancien parrain de Kabila, annoncent aux agences de presse, dans l’après-midi même du mardi 16 janvier, sa mort « sûre à 101 % ». Les Ougandais prennent ainsi de vitesse le ministre belge des Affaires étrangères, Louis Michel, qui confirmera plus tard, dans la soirée, la disparition du président congolais. « Il est mort, abattu par l’un de ses gardes qui, semble-t-il, a tiré deux balles en présence de généraux que le président venait de limoger. » Bruxelles, on le sait, est généralement bien informé des affaires de son ancienne colonie, jadis considérée comme une propriété personnelle du roi des Belges. Le département d’État américain, ajoutant à la confusion, ne confirme pas le décès, du moins dans un premier temps, tout en le tenant « pour probable ».

Évacué vers un « pays voisin »

Kinshasa, de son côté, persiste et signe. Le président est blessé mais bel et bien vivant. Le lendemain du drame, Sakombi admettra néanmoins qu’il a été évacué, avec plusieurs membres de sa famille, dans la nuit du 16 au 17 janvier, vers «  un pays voisin », en fait le Zimbabwe, qui entretient un important corps expéditionnaire en RDC. Il annonce, dans la foulée, la réunion d’un Conseil « extraordinaire » des ministres à la Cité de l’OUA, pour confirmer dans ses nouvelles fonctions le général-major Joseph Kabila. Ce dernier devient le coordonnateur de l’action gouvernementale et le patron du haut commandement de l’armée, autrement dit le président par intérim. L’annonce de cet  ensemble de mesures contribue à accentuer le malaise.

Apprenant la nouvelle, le président zimbabwéen, Robert Mugabe, quitte précipitamment le sommet Afrique-France de Yaoundé et rentre au pays

L’ambassadeur de RDC à Harare, Kikaya Bin Karubi, interviendra à la télévision pour « confirmer » que Kabila était effectivement soigné à la base aérienne de Manyame, située près de l’aéroport de Harare, où il était arrivé à bord de l’avion présidentiel congolais avec une partie de sa famille : « Il se trouve dans un état critique, mais n’est pas encore décédé. » Apprenant la nouvelle, le président zimbabwéen, Robert Mugabe, quitte précipitamment le sommet Afrique-France de Yaoundé et rentre au pays. Pendant ce temps, les Kinois semblent avoir définitivement refermé la parenthèse Kabila Ier, qu’ils surnomment déjà, dans les quartiers, le « mort-vivant» ou « le président-fantôme ».

À Yaoundé, surprise ! Dans la matinée du jeudi 18 janvier, et sans attendre le feu vert de Kinshasa, le président togolais Gnassingbé Eyadéma demande une minute de silence à la mémoire de son « frère et ami Kabila ». Comme un seul bloc, toutes les délégations se lèvent, y compris celle de la RDC. La confirmation officielle, tant attendue, interviendra quelques heures plus tard par la voix de l’inénarrable Sakombi, ex-chantre du mobutisme rallié à Kabila : « Le Congo est en deuil, dira-t-il d’une voix solennelle, et le Gouvernement de salut public a la profonde douleur et le douloureux devoir d’annoncer la mort du président Laurent-Désiré Kabila, ce jeudi 18 janvier à 10 heures. » Il annonce trente jours de deuil national.

Des funérailles grandioses devaient se tenir à Kinshasa, ce 23 janvier. Les Congolais ont perdu Kabila Ier. Tout indique qu’ils ne sont pas pour autant sortis de l’ornière …

Jeuneafrique.com par Francis Kpatindé

https://n3k6.wordpress.com/2018/01/16/rdc-le-jour-ou-un-simple-kadogo-a-tue-laurent-desire-kabila-2/
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80% de l’argent volé en France est parti en Israël par une bande franco-israéliens

Publié le par S. Sellami

Arnaque du siècle selon la Cour des comptes! HaHaHa!

80% de l’argent volé en France est parti en Israël :
L’essentiel des gigantesques sommes entre 1,7 et 3 milliards d’euros volées au contribuable français par une bande d’escrocs franco-israéliens a pris le chemin d’Israël, et l’Etat français n’a guère manifesté à ce jour sa volonté de les récupérer.

Dans un nouvel article consacré à cette « mafia du CO2 » dont une partie des membres sont actuellement jugés à Paris, le correspondant en France du quotidien HaaretzDov Alfon, annonce tout de même que la justice française va se montrer un peu plus dynamique à l’avenir.

 

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L’Occident célèbre Malala, et ignore Ahed. Pourquoi ? (Al Jazeera)

Publié le par S. Sellami

Ahed Tamimi, une jeune Palestinienne de 16 ans, a récemment été arrêtée au milieu de la nuit, pendant une descente de l’armée israélienne dans sa maison. Les autorités israéliennes l’accusent d’avoir « agressé » un soldat et un officier israélien. La veille, elle avait tenu tête à des soldats israéliens qui étaient entrés dans le jardin de sa famille. Peu de temps avant cette intrusion, un soldat avait tiré une balle en caoutchouc dans la tête de son cousin de 14 ans et brisé les fenêtres de sa maison pour y lancer des cartouches de gaz lacrymogène.

Sa mère et sa cousine ont ensuite également été arrêtées. Toutes les trois sont toujours en détention.

On a observé un curieux manque de soutien de la part des groupes féministes occidentaux, des défenseurs des droits humains et des officiels étatiques qui se présentent habituellement comme de grands défenseurs des droits humains et des champions de l’émancipation féminine.

On ne compte plus les campagnes en faveur de l’émancipation des femmes de l’hémisphère sud : Girl Up, Girl Rising, le Sommet G (irls)20, Parce que je suis une femme, Laissez les filles étudier, Déclaration des femmes.

Lorsque Malala Yousafzai, une militante pakistanaise de 15 ans, a été atteinte à la tête et à l’épaule par les balles d’un membre de Tehrik-e-Taliban, la réaction a été radicalement différente. Gordon Brown, l’ancien Premier ministre du Royaume-Uni, a lancé une pétition intitulée « Je suis Malala. » L’UNESCO a lancé « Stand Up For Malala ».

Malala a été invitée à rencontrer le président Barack Obama, ainsi que le secrétaire général des Nations unies de l’époque, Ban Ki-moon, et elle s’est adressé à l’Assemblée générale des Nations unies. Elle a été partout à l’honneur après avoir été comptée dans les 100 personnes les plus influentes par Time magazine, choisie comme femme de l’année par Glamour magazine, et nominée pour le prix Nobel de la paix en 2013, et de nouveau en 2014 où elle l’a finalement obtenu.

Des représentants de l’État aussi importants qu’Hillary Clinton et Julia Gillard, ainsi que d’éminents journalistes comme Nicholas Kristof, l’ont soutenue. On lui a même dédié une journée, le Malala Day !

Mais aujourd’hui nulle campagne #IamAhed ou #StandUpForAhed ne fait la Une des journaux. Aucun des groupes féministes, des groupes de défense des droits ou des personnalités politiques habituels n’a publié de déclarations pour soutenir la jeune fille ou critiquer l’État israélien. Personne n’a institué de Ahed day. En fait, les États-Unis lui ont même autrefois refusé un visa pour une tournée de conférences.

Ahed a, comme Malala, passé toute sa vie à lutter contre les injustices. Elle n’a cessé de protester contre le vol de terres et d’eau par les colons israéliens. Elle a subi de lourdes pertes personnelles, l’occupation lui a pris un oncle et un cousin. Ses parents et son frère ont été arrêtés à maintes reprises. Sa mère a reçu une balle dans la jambe. Il y a deux ans, une autre vidéo d’elle a fait le buzz - cette fois-là, elle essayait de protéger son petit frère qu’un soldat voulait emmener.

Pourquoi n’y a-t-il pas pour Ahed le même tollé international que pour Malala ? Pourquoi la réaction aux tribulations d’Ahed est-elle si insignifiante ?

Il y a plusieurs raisons à ce silence assourdissant. La première est le fait que la violence d’État est globalement reconnue comme légitime. Alors que les actions hostiles d’acteurs non étatiques tels que les talibans ou les combattants du Boko Haram sont considérées comme illégales, une agression équivalente de la part d’un État est souvent jugée appropriée.

Cela comprend non seulement les formes visibles de violence telles que les attaques de drones, les arrestations illégales et la brutalité policière, mais aussi les agressions moins apparentes telles que l’appropriation de ressources comme la terre et l’eau. L’État justifie ses violences en présentant les victimes de ses injustices comme une menace au bon fonctionnement de l’État.

Une fois considéré comme une menace, l’individu perd tous ses droits politiques. Le philosophe italien Giorgio Agamben dit* que l’Etat est considéré comme un pouvoir souverain qui peut suspendre les lois dans un lieu ou une période donnés ; il peut déployer toute sa violence contre n’importe quel individu considéré comme une menace. Les terroristes entrent évidemment dans cette catégorie. Ainsi, l’exécution de terroristes présumés par des drones, hors de toute procédure judiciaire régulière, ne suscite pas beaucoup de remous dans la population.

La police israélienne a déployé une stratégie similaire. La raison invoquée pour prolonger la détention d’Ahed est qu’elle « constitue un danger » pour les soldats (qui représentent l’Etat) et qu’elle pourrait entraver le fonctionnement de l’Etat (l’enquête).

Il est inimaginable de faire passer des Palestiniens désarmés comme Ahed - qui exerçait simplement son droit légitime de protéger sa famille avec les moyens d’une jeune fille de 16 ans – pour des terroristes. Cette qualification ouvre la porte à des abus et des tortures sans limites. Le ministre israélien de l’éducation Naftali Bennett, par exemple, veut qu’Ahed et sa famille « finissent leur vie en prison ».

Les souffrances d’Ahed mettent également en lumière l’humanitarisme sélectif de l’Occident, où seules certaines personnes et certaines causes sont jugées dignes d’intervention.

Selon l’anthropologue Miriam Ticktin, les organisations humanitaires prétendent que des critères moraux président à leurs efforts pour soulager les souffrances humaines, mais il est clair que certaines souffrances sont considérées comme dignes d’être prises en compte et d’autres non, même s’il s’agit de la souffrance d’une femme violée ou malade.

Certaines souffrances sont normalisées et même « disqualifiées du fait qu’elles ne sont plus l’exception, mais la règle ».

On ne considère pas habituellement que le chômage, la faim, la violence, les brutalités policières et la dévalorisation des cultures méritent une intervention humanitaire. Ces formes de souffrance sont considérées comme normales et même inévitables. Ahed, par conséquent, n’a pas le profil de la victime idéale pour une campagne internationale.

Par ailleurs, des jeunes filles comme Ahed qui critiquent le colonialisme et défendent leur nation ne sont pas le genre de femmes émancipées qui plaît à l’Occident. Elle se bat pour la justice contre l’oppression, au lieu de se battre pour une émancipation qui ne profite qu’à elle-même.

Son féminisme est politique, plutôt que centré sur les avantages matériels et le sexe. La manière dont elle utilise sa force, en tant que femme, révèle l’horrible visage du colonialisme et de ses colons, elle est donc qualifiée de « dangereuse ». Son courage et son intrépidité jettent une lumière trop crue sur l’horreur de l’occupation.

Le martyr d’Ahed devrait nous inciter à nous interroger sur notre humanitarisme sélectif. Les personnes qui sont victimes de la violence d’État, dont l’activité militante révèle la brutalité du pouvoir, ou qui défendent des droits d’intérêt général, méritent d’être inclues dans notre vision de la justice.

Même si nous ne lançons pas de campagne pour Ahed, nous ne pouvons pas ignorer son appel à prendre la mesure de la répression, des transferts de population et de la dépossession que subit son peuple. Comme Nelson Mandela l’a dit, « Nous savons très bien que notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens. »

Shenila Khoja-Moolji

Note :

*Etat d’exception d’Agamben : https://nouvellesdufront.jimdo.com/social-et-du-reste/nouvelles-du-front-de-81-%C3%A0-90/etat-d-exception-d-agamben/

Traduction : Dominique Muselet

»» http://chroniquepalestine.com/occident-celebre-malala-ignore-ahed/
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L’incroyable mauvaise foi de RT, qui inverse carrément les propos d’Emmanuel Macron

Publié le par S. Sellami

L’incroyable mauvaise foi de RT, qui inverse carrément les propos d’Emmanuel Macron Les locaux de RT France   © Gonzalo Fuentes Source: Reuters   

Rédacteur en chef du mensuel Ruptures, Pierre Lévy réagit avec ironie aux vœux à la presse prononcés le 3 janvier par le président français                                                                                                                 

La soirée s’annonçait sous les meilleurs auspices. L’ambiance était chaleureuse et détendue, les petits fours, délicats et exquis, le président, urbain et charmeur comme à son habitude. Renouant avec la coutume des vœux à la presse, le maître de l’Elysée rencontrait, ce 3 janvier, l’élite des confrères.

Et il n’a pas déçu, se livrant à un remarquable plaidoyer pour la liberté des médias et exaltant l’intelligence des lecteurs et des internautes                                                                    Au titre du premier thème, il n’a pas hésité à s’insurger contre l’emprise de quelques mastodontes privés sur les plus grands titres de la presse française, dénonçant sans trembler les Drahi, Bouygues, Dassault, Niel et autres oligarques : ceux-là symbolisent à ses yeux une concentration médiatique menaçant l’information libre et indépendante. Et il a promis un train de mesures visant à favoriser et renforcer le pluralisme de la presse, l’expression de toutes les sensibilités, bref, le libre débat.                                                                                                                                                                                                                               

Quant à son second plaidoyer, il a marqué les journalistes présents par sa hauteur de vue. Prenant implicitement ses distances avec ceux professant un contrôle étroit des médias (tout particulièrement avec un texte publié récemment appelant à suspendre la chaîne RT, ont noté les plus attentifs), il a au contraire fait valoir que le peuple français était un peuple adulte, et que les femmes et les hommes de ce pays savaient parfaitement distinguer l’information honnête des «fake news».

Ceux qui s’adonnent à la diffusion de fausses nouvelles se discréditeront eux-mêmes, a martelé en substance l’hôte des lieux. Rappelant que lui-même était issu de la génération internet – une discrète pierre jetée dans le jardin de ses prédécesseurs – il a insisté : «Je ne serai pas celui qui enserrera la liberté numérique et télévisuelle dans le carcan des surveillances et des réglementations.»

C’est sans doute cette ode au pluralisme, à la démocratie et à la conscience des citoyens que n’a pu supporter la chaîne RT. Avec une incroyable impudence, celle-ci a immédiatement retransmis des propos déformés, ou plutôt carrément inversés. Probablement sur requête personnelle de Vladimir Poutine, les scribouillards du Kremlin ont osé affirmer que le président s’apprêtait à intervenir afin que l’Etat puisse contrôler la façon dont les informations sont produites, et prétendu qu’il aurait menacé : «En cas de propagation de fausse nouvelle, il sera possible de saisir le juge afin de supprimer le contenu mis en cause, de dé-référencer le site, de fermer le compte utilisateur concerné, voire de bloquer l'accès au site internet.»                                                                                                                                                                                                                     

Totalement parano, RT a honteusement affirmé qu’Emmanuel Macron prévoyait de «repenser les pouvoirs du régulateur pour lutter contre toute tentative de déstabilisation par des services de télévision contrôlés ou influencés par des Etats étrangers». Le CSA, toujours selon les sbires moscovites, serait à l’avenir autorisé à suspendre ou annuler toute convention de diffusion «en cas d'agissements de nature à affecter l'issue du scrutin que cela soit en période pré-électorale ou électorale».

Une telle propagation de citations totalement inventées atteint décidément des sommets. On se demande d’ailleurs comment les dirigeants de RT peuvent espérer conserver un minimum de crédibilité après avoir propagé de telles horreurs, aussi grotesques qu’absurdes.

Du reste, si de tels propos avaient réellement été tenus – hypothèse d’école, évidemment – il est certain que de nombreux journalistes présents auraient manifesté leur réprobation, voire leur indignation, tant le ton et les menaces brandies ressemblent aux propos que le président ne manque pas de mettre lui-même dans la bouche des dirigeants «illibéraux», qu’ils soient nord-coréens ou iraniens, chinois ou russes.

En outre, le chef de l’Etat n’aurait certainement pas pris le risque de se mettre en porte-à-faux avec Bruxelles, qui fait la chasse aux pays membres de l’UE soupçonnés de mettre en péril l’indépendance de la presse. Le très européen président français ne pouvait évidemment songer un instant à placer notre pays dans le collimateur de la si sympathique Commission européenne.

Bref, ces billevesées et coquecigrues inventées par RT n’auront trompé personne.

On attend du reste d’un instant à l’autre le démenti de l’Elysée.

https://francais.rt.com/opinions/47022-incroyable-mauvaise-foi-rt-qui-inverse-propos-macron
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« Les crimes atroces contre le peuple libyen » (mémorandum du Dr. Saïf al-Islam Kadhafi)

Publié le par S. Sellami

« Les crimes atroces contre le peuple libyen » (mémorandum du Dr. Saïf al-Islam Kadhafi)

Mi-novembre un rapport de CNN avait provoqué un tollé. Selon la chaîne de télévision américaine, en Libye des réfugiés sont vendus aux enchères comme esclaves. De manière récurrente les principaux médias occidentaux rapportent des conditions catastrophiques pour les réfugiés en Libye. Mais on n’évoque quasiment jamais comment on en est venu à ces situations catastrophiques et chaotiques en Libye.

En octobre 2017 le Dr. Saïf al-Islam Kadhafi, fils de Mouammar al-Kadhafi, a écrit un mémorandum pour le Herland Report. Vous trouverez plus d’informations sur Saïf Kadhafi dans les émissions qui s’affichent [www.kla.tv/11375, www.kla.tv/11613].

Le Herland Report est un portail politique sur Internet, qui a été fondé par la Norvégienne Hanne Nabintu Herland, écrivain et historienne des religions. Le portail internet compte environ un million de visiteurs par mois

Le mémorandum de Saïf al-Kadhafi a été publié en différentes langues dans le monde entier. Son but est de clarifier certains faits et de décrire les crimes terribles commis contre le peuple libyen. L’introduction du mémorandum indique que ces crimes ont été commis au nom d’une intervention militaire humanitaire. Il a été dit que les civils devaient être protégés, la démocratie et la prospérité introduites. Les États membres de l’OTAN ont attaqué la Libye avec toutes les armes à leur disposition et avec l’aide de certains États arabes et de certains Libyens. La justification était aussi fausse que celle de l’intervention militaire en Irak en 2003, car il s’agissait en réalité de la destruction systématique d’un État souverain et d’une nation pacifique. Le mémorandum vise à faire connaître les crimes commis par la communauté internationale, les organisations de défense des droits de l’homme et d’autres organisations non gouvernementales (ONG). La Libye et son peuple dans leurs efforts inlassables doivent être aidés pour reconstruire ce petit pays. Voilà pour la présentation du mémorandum.

Saïf Kadhafi raconte comment le soulèvement prétendument pacifique a commencé début 2011 dans le cadre du printemps arabe et comment une machine de propagande contre Mouammar al-Kadhafi a dans le même temps été mise en marche. Les crimes cruels perpétrés par les manifestants dits pacifiques sont répertoriés avec leurs sources.

La deuxième partie décrit comment la Cour pénale internationale (CPI) a appliqué deux poids, deux mesures dans la guerre civile libyenne et dans l’intervention de l’OTAN. Alors que les politiciens libyens étaient associés à des crimes fictifs, le meurtre barbare de Kadhafi et de son fils al-Moutassim par des milices soutenues par l’OTAN a été ignoré et non condamné.

Dans une troisième partie, sont répertoriées les violations des droits de l’homme commises par les milices libyennes et leurs dirigeants. Les milices ont également pratiqué la purification ethnique, le trafic d’organes de prisonniers, etc. En outre, les milices et leurs dirigeants ont détruit des infrastructures libyennes vitales, comme l’aéroport de Tripoli et la flotte aérienne, en juillet 2014. Tous ces crimes ont été ignorés par la communauté internationale et les organismes des Nations Unies.

Enfin, la quatrième partie du mémorandum énumère les atrocités commises par l’OTAN contre la population civile. De nombreux civils ont été tués par les opérations aériennes de l’OTAN. Après que l’OTAN eut aidé les milices à gouverner la Libye, des crimes terroristes encore plus terribles ont été commis contre les Libyens et les étrangers. Human Rights Watch avait signalé toutes ces victimes et, dans certains cas, l’OTAN a admis qu’elle était responsable de la mort de ces personnes innocentes. Néanmoins, la Cour pénale internationale n’a émis aucun mandat d’arrêt contre les chefs de milice ou les forces de l’OTAN.

Si le mémorandum de Saïf Kadhafi est vrai, la Cour Pénale Internationale s’avérerait être un étrier des Nations Unies et de l’OTAN, un instrument politique pour la justification ultérieure des crimes de guerre. Les violations des droits de l’homme ne sont pas dénoncées parce que les droits de l’homme seraient violés, mais seulement en vue d’obtenir des avantages en termes de politique du pouvoir. L’affaire libyenne avait pour but de se débarrasser d’un dirigeant désagréable, Mouammar al-Kadhafi, malgré les conséquences désastreuses pour le pays.

Nous publions à la suite le mémorandum rédigé par M. Saïf al-Islam al-Kadhafi, qui fait appel à de nombreuses sources. La traduction de l’arabe au français a été vérifiée par Klagemauer.TV.

voir le memorandum: https://www.kla.tv/index.php?a=showlanguage&lang=fr

http://reseauinternational.net/les-crimes-atroces-contre-le-peuple-libyen-memorandum-du-dr-saif-al-islam-kadhafi/

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Quand Jean-Luc Mélenchon refuse qu'on le fouille à la manifestation pro-kurde à Paris (VIDEO)

Publié le par S. Sellami

Quand Jean-Luc Mélenchon refuse qu'on le fouille à la manifestation pro-kurde à Paris (VIDEO)© LUDOVIC MARIN Source: AFP
Jean-Luc Mélenchon (image d'illustration

Présent à la manifestation en hommage aux trois militantes kurdes assassinées à Paris en 2013, le leader de La France insoumise a refusé de se faire fouiller, rembarrant sans ménagement le service de sécurité.

Le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, est à l'image de son parti : insoumis. Venu soutenir la cause kurde le 6 janvier à l'occasion de la manifestation en hommage aux trois militantes assassinées à Paris ce même jour en 2013, le député n'a pas dérogé à sa réputation.

Lorsqu'un homme appartenant visiblement au service de sécurité des organisateurs de la manifestation entreprend de le fouiller, le sang du député ne fait qu'un tour. «Quoi ? Personne ne me fouille», lance-t-il, avant de repousser les mains de l'homme, comme en témoignent des images diffusées sur Twitter par le journaliste Clément Lanot. D'après ce dernier, le «service d'ordre» n'avait pas reconnu le responsable politique.

La suite de la scène est visible sur une autre vidéo, postée sur YouTube par une chaîne intitulée Where the Claim is. On y voit Jean-Luc Mélenchon poursuivre son chemin l'air contrarié, puis glisser à une personne de son entourage : «Et tu t'arranges pour que personne ne me fouille.»

Auteur: Where the Claim is

4 700 personnes ont participé à la mobilisation kurde à Paris d'après la préfecture de Paris, 15 000 selon les organisateurs.

Cette manifestation s'est tenue cinq ans après l'assassinat de Sakine Cansiz, 54 ans, l'une des fondatrices du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), de Fidan Dogan, 28 ans, et de Leyla Saylemez, 24 ans, tuées le 9 janvier 2013 de plusieurs balles dans la tête au siège du Centre d'information du Kurdistan, dans le Xe arrondissement de Paris.

Dans cette affaire, le seul suspect, le Turc Omer Güney, est mort fin 2016 en prison avant de comparaître devant le tribunal. Les enquêteurs français avaient pointé «l'implication» de membres des services secrets turcs, le MIT, dans ce triple assassinat, sans désigner de commanditaires. Des médias turcs avaient pour leur part diffusé un document présenté comme un «ordre de mission» du MIT pour Omer Güney. En janvier 2014, le MIT a officiellement démenti toute implication de sa part dans ce triple assassinat. 

https://francais.rt.com/france/47076-quand-melenchon-refuse-vertement-qu-on-fouille-manifestation-pro-kurde-paris-video

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L’histoire derrière la gifle d’Ahed Tamimi : la tête de son cousin fracassée par la balle d’un soldat israélien une heure auparavant

Publié le par S. Sellami

Juste avant que l’adolescente palestinienne Ahed Tamimi gifle l’un des soldats qui avaient envahi la cour de sa maison, elle avait appris que son cousin Mohammed, âgé de 15 ans, avait reçu une balle dans la tête à bout portant.

Le côté gauche de son visage est tordu, enflé, fragmenté, zébré de cicatrices; il a du sang figé dans le nez, des points de suture sur tout le visage; un œil qu’il ne peut plus ouvrir, une ligne de couture s’étire sur tout son cuir chevelu.

Le visage de ce garçon est transformé en une cicatrice. Certains os de son crâne ont été enlevés par les chirurgiens et ne seront pas remis en place avant six mois.

C’est cela la vie sous l’occupation israélienne à Nabi Saleh, où la population est en lutte. Environ une heure après que Mohammed ait reçu une balle tirée à courte distance par un soldat des Forces de défense israéliennes 1 (ou d’un agent de la police des frontières), sa cousine, Ahed Tamimi, s’est rendue dans la cour de sa maison et a essayé d’en expulser deux soldats qui avaient envahi la propriété familiale, tandis qu’une caméra les filmait. Il est raisonnable de supposer qu’elle a ainsi tenté d’exprimer sa colère contre les soldats en partie à cause de ce qui était arrivé à son cousin une heure plus tôt.

Quelques dizaines de mètres seulement séparent la maison où se trouvait Ahed de l’endroit où les soldats ont tiré sur Mohammed ; seulement une heure séparait les deux événements. Les gens de sa famille racontent qu’Ahed, âgée de 16 ans, a fondu en larmes quand elle a appris que son cousin avait été blessé par balle et qu’il était dans un état grave. De la fenêtre de sa maison au bord de Nabi Saleh, un petit village près de Ramallah, vous pouvez voir le mur de pierre qui entoure le luxueux bâtiment en construction que Mohammed a escaladé pour avoir une vue des soldats qui étaient encore à l’intérieur. À ce moment-là, il a reçu une balle dans la tête, tirée d’une distance de quelques mètres, et il est tombé en sang sur le sol d’une hauteur de trois mètres.

Maintenant, Ahed est en détention et Mohammed se remet de sa blessure à la tête. Cette semaine, Mohammed n’était toujours pas au courant de l’arrestation de sa cousine, devenue une icône. Compte tenu de son état de santé, sa famille ne le lui a pas dit.

Nous le rencontrons dans la maison de son oncle, qui est adjacente à sa propre maison. Il parle doucement, passe de temps en temps la main sur les cicatrices de sa tête, se couche un moment sur le canapé pour se reposer. Il est en 10ème année à l’école mixte du village, où Ahed est aussi étudiante, un an avant lui. Son père, Fadel, est chauffeur de taxi. Sa mère, Imtisal, une femme au foyer.

L’année dernière, il a passé trois mois dans une prison israélienne.

À 2 heures du matin, le 24 avril 2017, des soldats ont pénétré par effraction dans leur maison, sont entrés dans la chambre des enfants, ont arraché Mohammed de son lit, l’ont menotté et l’ont emmené en détention. Il voulait s’habiller avant d’être emmené en prison. Les soldats ont d’abord refusé mais ont ensuite accepté, dit-il.

Tamimi était soupçonné d’avoir jeté des pierres sur une jeep de l’armée, à côté de la station-service à l’entrée du village, quelques jours plus tôt. Il a été emmené au centre de police d’Etzion pour un interrogatoire qui s’est déroulé sans la présence d’un avocat, comme le prévoit la loi. Après tout, qu’est-ce que la loi a à voir avec l’interrogatoire d’un garçon palestinien qui avait à l’époque 14 ans ? Personne ne lui a non plus dit qu’il avait le droit de garder le silence. À un certain moment, les interrogateurs voulaient aussi lui faire signer un formulaire écrit en hébreu. Comme il ne connaît pas la langue, il a refusé. Il dit qu’il n’a pas eu peur pendant l’interrogatoire.

Après trois mois d’interrogatoires et d’auditions, Mohammed a été condamné à trois mois de prison 2 et à une amende de 3.000 shekels (environ 725 Euros). L’accusation avait demandé une peine d’emprisonnement d’un an et une amende de 15.000 shekels. Tamimi a été libéré deux jours plus tard, puisqu’il était déjà incarcéré depuis trois mois. Pendant toute sa période de détention, ses parents n’ont pas été autorisés à rendre visite à leur fils une seule fois. Ils l’ont seulement vu dans la salle d’audience, de loin, mais n’avaient pas le droit de lui parler, ni même de demander comment il se sentait. Procédure de routine.

Mohammed a été libéré le 19 juillet. Qu’avez-vous trouvé le plus dur en prison ?, lui demandons-nous. Le plus dur pour lui, dit-il, était d’être tenu éveillé des nuits entières par son inquiétude pour sa famille.

Les troupes des FDI et de la police des frontières attaquent Nabi Saleh presque tous les jours et toutes les nuits, et Tamimi s’inquiètait à propos de ses parents et de son frère, Sharef, âgé de 24 ans.

Sharef et leur père ont également été arrêtés assez souvent et également blessés. En 2015, par exemple, quelques personnes qui se faisaient passer pour des employés de la “Electric Corporation” sont arrivées chez elles. C’était pendant la journée. Il s’est avéré qu’ils s’agissait en fait de mista’arvim, des soldats infiltrés sous camouflage. Ils ont enfermé tout le monde dans une pièce de la maison. Mohammed a réussi à s’échapper dans la maison voisine de son oncle, et à alerter la famille que des étrangers avaient envahi la maison.

Son cousin, qui s’appelle également Mohammed Tamimi – il y a apparemment une centaine de personnes à Nabi Saleh portant ce nom – dit qu’au début, eux aussi ne savaient pas qui étaient les intrus. Ils étaient venus arrêter Sharef, qui n’était pas à la maison. Les soldats l’ont attendu. Sharef a été condamné à deux mois de prison. Cette situation de l’enlèvement de son frère fait également partie des souvenirs d’enfance de Mohammed

Après la libération de Mohammed, il est retourné participer aux manifestations régulières du village – «parce qu’ils ont pris nos terres», explique-t-il. La plupart des terres de Nabi Saleh ont effectivement été pillées afin de construire la colonie de Halamish, de l’autre côté de la route, ou rendues tout simplement inaccessibles en raison de la présence de la colonie.

A plusieurs reprises les Palestiniens de Nabi Saleh ont forcé le passage bloqué par une barrière installée par l’armée d’occupation à l’entrée du village, sur la route vers Ramallah.

Au cours des trois derniers mois, la main des forces de sécurité israéliennes est deve­nue encore plus lourde dans le village. Selon Iyad Hadad, cher­cheur de terrain pour l’organisation israé­lienne de défense des droits de l’homme B’Tselem, l’armée israélienne et la police des frontières ont attaqué Nabi Saleh  à 70 ou 80 reprises au cours des trois derniers mois. Parfois, les soldats ferment l’accès du village par une barrière métallique jaune, de sorte que les habitants sont incapables d’atteindre la route principale. Cela se passe le plus souvent au petit matin, lorsque les travailleurs se rendent à leur travail, les patients vont à l’hôpital pour recevoir un traitement et les étudiants se rendent à l’école. Le village attribue cette politique au nouveau commandant de l’armée dans la région, qu’ils connaissent simplement comme ‘Eyal’.

Le vendredi 15 décembre fut une journée agitée de plus à Nabi Saleh. C’était une semaine après la déclaration du président américain Trump à propos de Jérusalem. Comme chaque vendredi, une marche de protestation devait avoir lieu. Tamimiraconte qu’il est allé ce matin-là avec un groupe de ses camarades pour voir s’il y avait des soldats en embuscade, en avant de la marche, qui se dirige toujours vers la tour de guet fortifiée de l’armée israélienne à l’entrée du village. Il y avait cinq ou six jeunes. Peu de temps après, ils ont vu une douzaine de soldats qui venaient du sud et essayaient de se cacher en embuscade. Mohammed et un ami leur ont crié : “On vous voit !” Les soldats leur ont lancé des grenades lacrymogènes. Pendant ce temps, les marcheurs se rapprochaient.

Les militaires se sont positionnés dans la «villa», une construction en pierre splendide mais pas encore termi­née, construite à la limite de Nabi Saleh par un riche exilé Palestinien qui vit en Espagne. Ce bâtiment est supposé devenir une clinique de santé alternative, mais son ouverture a été retardée en raison de la situation. Des dizaines de villageois entouraient la “villa”, sachant qu’il y avait des soldats à l’intérieur.

Mohammed Tamimi s’est approché du mur du bâtiment, puis l’a escaladé. Il voulait vérifier s’il y avait encore des soldats à l’intérieur, à la suite d’une rumeur selon laquelle ils étaient partis. Mais à l’instant où il est apparu au-dessus du mur, il a reçu une balle de métal enrobée de caoutchouc, tirée d’une distance de quelques mètres. Tamimi a eu juste le temps de voir le soldat braquer son fusil sur lui, se souvient-il, mais c’est tout ce dont il se souvient. Il est tombé au sol et les autres jeunes se sont précipités vers lui.

   Mohammed Tamimi se blottit à côté de son père, qui est revenu du travail. Le garçon s’endort bientôt

Tamimi était inconscient quand il a été embarqué dans une voiture privée et conduit à la clinique dans le village de Beit Rima. Son cousin Mohammed Tamimi, un étudiant d’une vingtaine d’années, était avec lui. Le cousin raconte que son homonyme a reçu les premiers soins à la clinique, où le personnel a suggéré qu’il soit emmené à la clinique dans la ville de Salfit. Le cousin a refusé, pensant qu’en raison de la gravité de la blessure, la clinique ne serait pas en mesure de le traiter correctement. Le conducteur de l’ambulance palestinienne a averti que s’ils rencon­traient un point de contrôle de l’armée israélienne, les soldats risquaient d’arrêter l’adolescent blessé.

Les soldats au poste de contrôle à la sortie de Nabi Saleh ont ordonné à l’ambulance de s’arrêter. Tamimi le cousin se souvient que les soldats étaient agressifs et extrêmement nerveux, et ont braqué leurs armes sur lui. Ils ont vu la l’état du garçon. Le cousin leur dit: «Vous avez 30 secondes pour décider : soit vous l’emmenez dans un hôpital israélien, soit vous nous laissez passer».

Tamimi rapporte qu’une ambulance militaire était garée à côté du poste de contrôle. Un des soldats a consulté quelqu’un par radio, puis a ordonné à l’ambulance de se diriger vers Ramallah, refusant d’autoriser le blessé à entrer en Israël pour y recevoir un traitement médical. “Dégage”,  a répondu le soldat, quand Tamimi essaya de le persuader de permettre à son cousin d’être transféré dans un hôpital en Israël.

L’ambulance a accéléré vers l’hôpital Istishari, une nouvelle institution privée à Ramallah. Les parents de Mohammed, qui étaient entre-temps allés au poste de contrôle de Nabi Saleh dans un état de panique, ont été refoulés par les soldats sous la menace d’une arme, même après avoir essayé d’expliquer que leur fils avait été grièvement blessé. Ils ont dû prendre une route détournée vers l’hôpital.

L’état de Tamimi semblait sérieux; il souffrait d’hémorragies intracrâniennes. Tant son cousin que son père disent maintenant qu’ils étaient certains qu’il ne survivrait pas. Des spécialistes ont été convoqués et ils ont décidé d’opérer. Personne ne savait alors combien de lésions cérébrales il avait subies. Un appel aux dons de sang lancé via Facebook a fait affluer beaucoup de gens à l’hôpital. L’opération chirurgicale a duré six heures, toute la nuit. Des photos du garçon couché inconscient à l’hôpital, raccordé à de multiples tubes, ont été diffusées sur les réseaux sociaux le lendemain. Environ 24 heures plus tard, Tamimi a commencé à reprendre conscience et bientôt il fut capable d’identifier ceux qui l’entouraient. Maintenant tout le monde appelle cela un miracle.

Mohammed Tamimi a été renvoyé chez lui environ une semaine plus tard. Pour autant qu’on le sache, il n’a subi aucun dommage moteur ou cognitif.

Le bureau du porte-parole de l’armée israélienne a déclaré cette semaine à Haaretz : «Le vendredi 15 décembre, des troubles ont éclaté, impliquant quelque 200 Palestiniens qui ont mis le feu à des pneus et lancé des pierres sur les forces de Tsahal près du village de Nabi Saleh. Les troupes ont utilisé des moyens de dispersion de la foule pour disperser le rassemblement. Nous sommes au courant de la plainte du bureau de coordination et de liaison du district selon laquelle un Palestinien a été blessé et évacué pour recevoir des soins médicaux dans le village».

Tamimi se blottit à côté de son père, qui est revenu du travail et se moque de son fils. Le garçon s’endort bientôt. La maison voisine sur la colline, la maison d’Ahed Tamimi, est déserte. Ahed et sa mère, Nariman, sont en détention. Le père, Bassem, est avec eux au tribunal, pour leur remonter le moral pendant que l’acte d’accusation 3 contre eux est lu.

Gideon Levy  

http://www.pourlapalestine.be/lhistoire-derriere-la-gifle-dahed-tamimi-la-tete-de-son-cousin-fracassee-par-la-balle-dun-soldat/

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Ahed Tamimi, jeune figure familière de la résistance palestinienne .

Publié le par S. Sellami

La détention de la militante palestinienne de 16 ans pourrait se terminer ce lundi mais son père ne se fait guère d’illusions quant à sa libération.
Ahed Tamimi, 16 ans, à la prison d’Ofer près de Ramallah, en Cisjordanie, le 28 décembre 2017.                  Ahed Tamimi, 16 ans, à la prison d’Ofer près de Ramallah, en Cisjordanie, le 28 décembre 2017. AMMAR AWAD / REUTERS
 

Sa chambre est restée intacte. Comme si Ahed Tamimi allait bientôt rentrer à la maison. La pile de livres entassés sur le bureau, les vêtements sur une chaise, un poster de footballeur collé au mur… rien n’a changé depuis son arrestation, dans la nuit du 18 au 19 décembre, par l’armée israélienne.

Le visage fatigué de la jeune Palestinienne, arrêtée et placée en garde à vue au tribunal militaire israélien d’Ofer, en Cisjordanie occupée, a fait le tour de la Toile. Tout autant que la vidéo publiée quelques jours auparavant, et dans laquelle elle provoque, avec sa cousine Nour Naji Tamimi, deux soldats israéliens qui voulaient s’introduire dans la cour de leur maison à Nabi Saleh, au nord de Ramallah. A la suite de cet épisode, Ahed Tamimi, sa cousine puis sa mère, qui apparaît sur la vidéo, ont donc été arrêtées.

La détention des trois Palestiniennes dans la prison de Hasharon, en Israël, devrait se terminer lundi 1er janvier. Rien n’est moins sûr pour Ahed Tamimi. Les juges du tribunal militaire ont accusé l’adolescente de 16 ans d’avoir giflé un des soldats, nui à la sécurité dans le secteur et incité à la haine. Mais la police israélienne prétend l’avoir fait arrêter pour des motifs antérieurs à l’épisode du 15 décembre.

Enfant militante

L’enquête devrait donc se poursuivre. D’ailleurs, son père, Bassem Tamimi, ne se fait guère d’illusion quant à sa libération : « D’après mon expérience, elle risque encore six à huit mois de prison », estime ce militant de longue date. Il voit dans sa fille une de celle et ceux qui poursuivront « la lutte pour la libération du peuple palestinien ».

« Ahed n’a jamais voulu être une icône, mais la situation l’a amenée à le devenir. La résistance n’est pas un choix, c’est une responsabilité. »

Née en 2001 et seule fille d’une fratrie de quatre enfants, Ahed Tamimi fait partie d’une génération qui n’a rien connu d’autre que l’occupation israélienne. A Nabi Saleh, c’est une réalité quotidienne : la route qui traverse ce village de 600 habitants pour rejoindre Ramallah dessert aussi la colonie israélienne de Halamish (1 328 habitants), établie en 1977 sur des terres palestiniennes privées. D’une colline à l’autre, Nabi Saleh et Halamish se font face.

Pendant l’été 2008, le captage de sources d’eau au profit de la colonie provoque la colère des villageois palestiniens spoliés. A partir de 2009, une marche pacifique est instaurée tous les vendredis, le jour de congé, par les familles de Nabi Saleh, pour dénoncer l’occupation. La confrontation hebdomadaire avec l’armée israélienne tourne souvent à la violence : des manifestants sont arrêtés, d’autres blessés.

Les heurts des jeunes, placés en tête de cortège, avec l’armée israélienne sont systématiquement filmés par certains villageois. « La caméra fait partie de notre lutte, elle rétablit la vérité, explique Bassem Tamimi. La diffusion de nos films sur les réseaux sociaux permet de contrer les médias conventionnels qui fournissent une image biaisée de la situation. » Très vite, son épouse, Nariman, filme leur fille, souvent meneuse parmi les plus jeunes. Les images de l’enfant militante diffusées sur Internet, par l’agence de presse de son oncle, font mouche.

 

Provocations face à des soldats israéliens Ahed Tamimi à 11 ans, en 2012, faisant face à un soldat israélien.            Ahed Tamimi à 11 ans, en 2012, faisant face à un soldat israélien. ABBAS MOMAN                                                                                                                                                                                        En 2012, Ahed Tamimi est prise en vidéo brandissant le poing sous le nez de soldats israéliens : la scène fait le tour du monde et lui vaut d’être reçue par Recep Tayyip Erdogan, alors premier ministre turc. Trois ans plus tard, en 2015, elle apparaît sur des clichés également remarqués, parmi des femmes qui tentent de faire lâcher prise à un soldat plaquant contre un rocher un enfant au bras dans le plâtre, son petit frère Salam. Ahed Tamimi est ainsi devenue une figure familière de la résistance palestinienne à Nabi Saleh. Ahed Tamimi (à gauche) s’oppose, avec d’autres Palestiniens, à l’arrestation d’un enfant, en 2015,.

  Ahed Tamimi (à gauche) s’oppose, avec d’autres Palestiniens, à l’arrestation d’un enfant, en 2015,. ABBAS MOMANI / AFP                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                     Ses faits d’armes relèvent surtout de provocations face à des soldats israéliens, qui demeurent parfois impassibles. Sa jeunesse, sa liberté et sa fierté interpellent ; les médias israéliens dénoncent d’ailleurs une manipulation de la jeune fille par ses proches, ainsi que son jeu forcé, face aux caméras, pour pousser les soldats à bout. Le public palestinien, quant à lui, admire son courage et s’identifie à elle.

« Beaucoup de Palestiniens se sentent humiliés par les Israéliens sans jamais pouvoir leur répondre. Lorsque Ahed Tamimi gifle ou interpelle un soldat, elle est vue comme une héroïne, parce qu’elle fait ce que beaucoup aimeraient mais n’osent pas faire », explique Dr Samah Jabr, psychiatre et psychothérapeute palestinienne, souvent confrontée à la problématique de la résistance nationale chez ses patients.

A une échelle plus internationale, l’intérêt pour la jeune fille, et la mobilisation virale suscitée pour sa libération s’expliquent notamment par son physique atypique, loin des idées préconçues : une Palestinienne aux yeux bleus, à la peau claire et aux boucles blondes.

Pour Samah, Jabr :

« Si Ahed avait été brune et voilée, elle n’aurait pas reçu la même empathie de la part des médias internationaux. Un tel profil [brune et voilée] est plus facilement associé à l’islamisme et donc au terrorisme. Son attitude aurait alors été aussitôt liée à de la violence plus qu’à de l’héroïsme, comme c’est le cas aujourd’hui. »

Par 
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