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♦ La lutte pour la libération d’Assange est la lutte contre la guerre !

Publié le par S. Sellami

Julian Assange [Photo by David G. Silvers, Cancillería del Ecuador / CC BY-SA 2.0]

Mardi et mercredi, le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, demandera l’autorisation d’introduire son dernier recours devant la Haute Cour de justice britannique afin d’obtenir le droit de s’opposer à son extradition vers les États-Unis pour des faits relevant de la loi sur l’espionnage (Espionage Act) et passibles d’une peine de prison à perpétuité. Un rejet ne lui laisserait aucune autre option dans le cadre du système juridique britannique et pourrait le placer dans un avion pour les États-Unis le jour même.

La libération d’Assange doit être exigée par les travailleurs et les jeunes en Grande-Bretagne, aux États-Unis, dans son pays natal, l’Australie, et dans le monde entier.

Cela fait 14 ans qu'il est traqué par les agences de renseignement des puissances impérialistes pour avoir dénoncé des crimes de guerre, des violations des droits de l'homme à grande échelle et des intrigues antidémocratiques. Pendant près de cinq ans, il a été détenu dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, au Royaume-Uni, dans des conditions qui mettent sa vie en danger, et s'est vu refuser ses droits fondamentaux, y compris la liberté sous caution.

Le cas d’Assange incarne la lutte contre la guerre impérialiste, les mesures autoritaires utilisées pour réprimer le sentiment antiguerre et les mensonges de propagande utilisés pour justifier tout cela.

Il a été pris pour cible par Washington et Londres pour avoir publié des fuites de documents détaillant les crimes du gouvernement américain et de ses alliés en Afghanistan et en Irak, ainsi que leurs conspirations avec les dictatures du monde entier. Assange a cherché à avertir la population de la brutalité dont la classe dirigeante était capable. Il a décrit WikiLeaks comme «l’agence de renseignement du peuple».

Ces avertissements sont aujourd’hui confirmés quotidiennement et de manière horrible par la guerre entre l’OTAN et la Russie en Ukraine, où des centaines de milliers de personnes ont probablement perdu la vie, et par le génocide israélien à Gaza, déjà responsable d’au moins 30.000 morts, principalement des femmes et des enfants. Tous deux sont ancrés dans la campagne des puissances impérialistes d’opérer un nouveau partage de la planète, de ses peuples et de ses ressources, qui marque la descente toujours plus profonde vers une troisième guerre mondiale.

La persécution d’Assange, qui comprend un complot d’assassinat de la CIA et qui a ravagé sa santé et lui a déjà volé plus d’une décennie de sa vie, a été le fer de lance d’une répression de l’opposition à la guerre, en préparation de l’éruption de violence militaire actuellement en cours. L’objectif était de créer un précédent effrayant selon lequel toute personne s’opposant aux plans de guerre des puissances impérialistes serait réduite au silence et détruite.

La tentative de réduire brutalement les journalistes au silence, qui a commencé avec Assange, a maintenant débouché sur une politique d’assassinat de masse. Près de 100 professionnels des médias et de nombreux membres de leur famille ont été tués par les forces de défense israéliennes en l’espace de quatre mois seulement, dans le cadre d’une campagne d’assassinats ciblés visant à empêcher que la vérité sur le génocide soit rapportée. En Israël, en Grande-Bretagne, aux États-Unis, en Europe et dans le monde entier, des lois draconiennes sont utilisées pour criminaliser les manifestations contre le génocide, et des milliers de personnes sont arrêtées.

«Si les guerres peuvent être déclenchées par des mensonges [...] la paix peut être déclenchée par la vérité», a déclaré Assange lors d’un rassemblement contre l’occupation de l’Afghanistan à Trafalgar Square, à Londres, en 2011. Depuis, les guerres et les mensonges n’ont pas manqué.

En Ukraine, les puissances de l’OTAN prétendent défendre la «souveraineté» et la «démocratie» en collaborant avec des forces fascistes pour entraîner la population dans une lutte jusqu’au dernier homme destiné à affaiblir et à déstabiliser la Russie.

À Gaza, ils soutiennent l’invocation cynique par le Premier ministre Netanyahou du «droit à l’autodéfense» d'Israël pour justifier le nettoyage ethnique des Palestiniens.

Le sort d’Assange, la lutte pour sa liberté, dépend du développement d’un mouvement antiguerre de masse contre les pyromanes impérialistes responsables de ces catastrophes.

Ce mouvement a déjà commencé, des manifestations de masse de millions de personnes ayant pris place à travers le monde pour exiger la fin du génocide israélien à Gaza, qui n’est que la première étape d’une guerre au Moyen-Orient, menée par les États-Unis et leurs satellites contre l’Iran et ses alliés au Yémen, en Syrie et au Liban, afin d’assurer l’hégémonie américaine sur cette région riche en pétrole.

Ce mouvement de masse doit placer la demande de libération d’Assange au centre de la lutte contre le génocide et la guerre.

Dans ces conditions, l’affaire Assange prendra une dimension politique explosive dans sa prochaine étape, que ce soit sous la forme d’un appel devant la Haute Cour britannique ou d’une défense aux États-Unis. Ses bourreaux à Washington peuvent penser qu’ils peuvent agir en toute impunité. Mais c’est sans compter l’énorme sympathie populaire pour Assange et WikiLeaks.

La classe ouvrière et les jeunes se trouvent au début d’une année électorale au cours de laquelle les deux principaux partis qui leur sont présentés – républicains et démocrates aux États-Unis, conservateurs et travaillistes en Grande-Bretagne – sont méprisés. La classe dirigeante de ces deux pays n’est pas en position de force pour organiser une extradition et des poursuites judiciaires sans précédent et juridiquement obscènes.

Il n’échappera à personne que pendant qu’ils persécutent Assange, les États-Unis et leurs alliés ont proclamé en chœur la mort en détention d’Alexei Navalny comme la preuve ultime du caractère criminel du régime de Poutine, versant un océan de larmes sur cet escroc raciste. Et des millions de personnes n’accepteront pas que l’élite dirigeante ait le droit de punir quelqu’un qui a révélé des crimes de guerre antérieurs, alors qu’elles se mobilisent semaine après semaine contre les nouveaux crimes sanctionnés à Gaza par «Joe le génocidaire» Biden et Rishi Sunak.

Après plus d’une décennie de persécution acharnée de Julian Assange par les puissances impérialistes, il est temps pour les travailleurs et les jeunes de tirer les leçons de la lutte pour sa libération. En ce moment critique, il est urgent d’unir la lutte contre la guerre à la lutte pour la libération de Julian Assange.

Comme toutes les grandes campagnes de défense du passé, la lutte pour la libération de Julian Assange ne peut réussir que dans la mesure où elle mobilise la classe ouvrière, en liant la lutte pour la libération d’Assange à la lutte contre la guerre et à la lutte de millions de travailleurs dans le monde entier contre les attaques brutales sur les emplois, les salaires, les services essentiels et les droits démocratiques fondamentaux.

Cela implique un rejet conscient de toutes les forces politiques, du Parti travailliste au Royaume-Uni au Parti démocrate aux États-Unis, qui mènent à la fois le génocide dans la bande de Gaza et la persécution d’Assange.

Le World Socialist Web Site, le Comité international de la Quatrième Internationale et ses partis de l’égalité socialiste affiliés continueront à mener une lutte inébranlable et déterminée pour rallier la classe ouvrière à ce combat.

(Article paru en anglais le 20 février 2024)

Thomas Scripps                                                               La lutte pour la libération d’Assange est la lutte contre la guerre! - World Socialist Web Site (wsws.org)

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♦ Nous sommes tous responsables de ce qui se passe à Rafah

Publié le par S. Sellami

Nous devons tous nous considérer responsables des atrocités commises à Rafah. Et nous mobiliser sans attendre, car ce qui se produit là-bas nous concerne tous et constitue une épreuve décisive pour notre capacité d’agir humainement dans le monde.

Déclaration de Jacques Cheminade, président de Solidarité & Progrès
Paris, le 15 février 2024

Nous devons tous nous considérer responsables des atrocités commises à Rafah. Et nous mobiliser sans attendre, car ce qui se produit là-bas nous concerne tous et constitue une épreuve décisive pour notre capacité d’agir humainement dans le monde.

Le gouvernement israélien a entrepris un nettoyage ethnique et des actes « pouvant être qualifiés de génocide ». Il doit se justifier devant la Cour internationale de Justice (CIJ) à partir du 19 février et rendre compte des mesures qu’il aurait dû prendre pour assurer qu’ils ne soient pas commis. Il continue pourtant aujourd’hui à s’en rendre coupable, avec un cynisme terrifiant de marchand de mort. C’est pourquoi le gouvernement sud-africain a déposé un nouveau recours devant la CIJ, en raison « des éléments nouveaux qui interviennent à Rafah » depuis sa requête du 26 janvier.

Non seulement plus de 30 000 habitants de Gaza, pour la plupart des enfants et des femmes, ont été tués par des bombardements, mais le blocage de l’aide humanitaire et de l’approvisionnement alimentaire, le tarissement des ressources en eau potable et les émanations toxiques des bombes ont créé les conditions d’une sous-alimentation chronique et du développement d’épidémies qui ne peuvent être soignées. Dans des hôpitaux détruits ou sans électricité, les blessés ne peuvent être opérés et sauvés. Un peuple désespéré erre dans les ruines du ghetto où il a été cantonné depuis plus de 70 ans. Aujourd’hui, comble du cynisme, il est bombardé à Rafah, là où il lui a été ordonné de se réfugier. Les médecins militaires qui ont parcouru les champs de bataille du monde y voient une situation sans précédent. Ils la comparent aux images du ghetto de Varsovie en 1942. Car il est pire que de tuer des êtres humains, c’est de les déshumaniser en le faisant.

Les faits sont là et il ne sert à rien d’épiloguer sur les intentions. Les coupables devront être jugés. Nous sommes cependant tous responsables. Et d’abord les gouvernements qui fournissent toujours des armes, des bombes et des moyens financiers au gouvernement israélien. Il suffirait ainsi que le gouvernement américain cesse son assistance intéressée pour que MM. Netanyahou, Ben Gvir et Smotrich n’aient plus les moyens d’agir. Il est donc complice, notamment lorsqu’il oppose son veto aux décisions du Conseil de sécurité des Nations unies imposant un cessez-le-feu et une aide humanitaire digne de ce nom.

Responsables aussi les chefs d’Etat des pays européens, paralysés par leur allégeance à l’OTAN.

Nous aussi, en tant que citoyens, qui ne nous engageons pas, ou pas assez, face à de telles atrocités, avons notre part de responsabilité. Particulièrement nous autres, Européens, qui aurions pu agir depuis 1947 et le pouvons encore aujourd’hui. Nous aurions dû, pour que justice soit faite au peuple palestinien et pour la sécurité du peuple israélien, mieux soutenir la solution à deux Etats sur laquelle tout le monde verse maintenant des larmes de crocodile, après avoir si peu fait pour la rendre possible. Aujourd’hui, nous devrions massivement manifester pour la paix ou, au moins, pour un cessez-le-feu. En luttant pour donner une réelle substance à la paix, celle d’un développement mutuel, créant un Etat palestinien viable, territorialement et économiquement, bénéficiant des moyens financiers et de la reconnaissance internationale lui permettant d’exister.
C’est l’objet du Plan Oasis, que l’on trouve sur le site de l’Institut Schiller, reposant sur un partage des ressources en eau dans toute la région, que les gouvernements israéliens se sont, eux, efforcés d’accaparer, et sur une plate-forme régionale d’infrastructures de nature à désenclaver les différentes régions de cette partie du monde et à faire reverdir le désert. Accomplissant ainsi ce que Paul VI appela « le développement économique, nouveau nom de la paix », et s’inscrivant dans le cadre de cette « Alliance globale contre la faim et la pauvreté » que le président brésilien Lula proposera au sommet africain d’Addis-Abeba.
Pour instaurer la confiance entre les deux peuples, les prisonniers palestiniens détenus en Israël devraient être libérés, à commencer par Marwan Barghouti, de même, bien entendu, que les otages israéliens. La paix exige toujours un pardon réciproque.

Utopie ? Oui, pour qui pense petit et sans principes. Non, pour qui mesure les terribles conséquences de ce qui se passe à Rafah et sait que laisser aller le monde dans la direction qu’il a prise conduit à un désastre pour tous. L’esprit du judaïsme devrait nous rappeler qu’il revient à nous tous de « recevoir tout homme avec un beau visage » et que, cela ne valant pas seulement pour Israël, « le juste des nations vaut le juste d’Israël ».

»» https://www.facebook.com/JCheminade
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♦ John Mearsheimer : « Le lobby israélien est plus puissant que jamais »

Publié le par S. Sellami

Chicago, IL – Sept 20th, 2023 – John J. Mearsheimer. Crédit photo: New Statesman à Chicago par Lyndon French


Le spécialiste américain des relations internationales s’exprime sur les guerres à Gaza et en Ukraine, et sur la concurrence entre les puissances au Moyen-Orient.

Entretien réalisé par Gavin Jacobson le 10 février 2024 

Gavin Jacobson : Commençons par l’Ukraine. Que pensez-vous de l’aide de 50 milliards d’euros accordée par l’Union européenne à Kiev ? Cela fera-t-il une différence matérielle dans la guerre contre la Russie ?

John Mearsheimer : Non, je pense que cet argent est essentiellement destiné à maintenir le gouvernement ukrainien à flot. Ce dont les Ukrainiens ont besoin, ce sont des armes, et l’argent de l’UE n’est pas destiné à les aider à acheter des armes. L’argent n’est pas vraiment le problème pour ce qui est de ce qui se passe sur le champ de bataille. Ce dont les Ukrainiens ont besoin, c’est de beaucoup d’armes – artillerie, chars, obus – et l’Occident n’a tout simplement pas assez d’armes à donner aux Ukrainiens pour leur permettre de faire face à tout le matériel que les Russes construisent et fournissent à leurs troupes. Il y a toujours eu un déséquilibre en matière d’armement entre l’Ukraine et la Russie, notamment en ce qui concerne l’artillerie, qui joue un rôle important dans une guerre d’usure. Mais ce déséquilibre s’accentue avec le temps. Le fond du problème n’est pas l’argent, mais le fait que l’Occident ne dispose pas de l’armement nécessaire pour le donner aux Ukrainiens maintenant, ou à tout moment à court terme, ou dans les années à venir.

GJ : Pouvez-vous commenter les dissensions au sommet du gouvernement ukrainien ? Vu de loin, pensez-vous que Volodymyr Zelensky sera en mesure de maintenir l’ordre ?

JM : Il ne fait aucun doute que Zelensky a été gravement affaibli. Et pour poursuivre le combat sur le front, il n’est pas inutile d’avoir cette lutte titanesque entre le leader politique et le commandant en chef Valery Zaluzhny. Il est difficile de dire comment cela sera résolu. Je pense que Zelensky en a beaucoup souffert et que Zaluzhny a également été blessé par ce conflit. Mais pour susciter la confiance de l’Occident dans la capacité de l’Ukraine à tenir bon, pour fournir une bonne raison de continuer à soutenir l’Ukraine, cela n’aide certainement pas. Cela n’aide pas non plus les troupes en première ligne. Elles veulent croire que les dirigeants politico-militaires de Kiev sont unis et font tout ce qu’ils peuvent pour faciliter la victoire sur le champ de bataille. Mais Zelensky et Zaluzhny semblent plus intéressés à gagner la guerre l’un contre l’autre qu’à gagner la guerre contre la Russie.

GJ : Que pensez-vous du report des élections présidentielles par le gouvernement ukrainien ?
New Statesman

JM : Dans ce cas précis, il est logique de ne pas organiser d’élections. La meilleure situation possible serait que Zelensky et Zaluzhny s’entendent, que Zelensky reste au pouvoir et que les dirigeants politiques et militaires ukrainiens travaillent ensemble pour maximiser les chances de repousser les Russes sur le champ de bataille. Si des élections ont lieu, elles seront controversées, il y aura un grand combat entre Zelensky et son adversaire, quel qu’il soit. Pouvez-vous imaginer un combat entre Zelensky et Zaluzhny, ou quelqu’un associé à Zaluzhny comme l’ex-président de l’Ukraine Petro Poroshenko ? L’atmosphère empoisonnée qui entourerait cette élection serait préjudiciable à ce qui se passerait sur le champ de bataille. Tout bien considéré, il serait préférable que l’Ukraine n’organise pas d’élections. On l’a vu aux États-Unis lors de la Première et de la Seconde Guerre mondiale : les principes démocratiques ont tendance à être écrasés dans les grandes guerres parce que le gouvernement opère dans une situation d’extrême urgence, et dans une situation d’extrême urgence, on prend des mesures qui vont à l’encontre de la démocratie. C’est regrettable, mais c’est nécessaire, dans la plupart des cas, pour gagner la guerre. Du point de vue de l’Ukraine, il serait préférable de ne pas organiser d’élections.

GJ : Que pensez-vous du fait que la Russie a connu une croissance plus rapide que toutes les économies du G7 l’année dernière et que le Fonds monétaire international prévoit qu’il en sera de même en 2024 ? Cela ne suggère-t-il pas que les sanctions occidentales imposées à la Russie ont été totalement inefficaces ?

JM : Je suis étonné de voir à quel point les sanctions ont été inefficaces. Lorsque la guerre a éclaté, je pensais que les sanctions auraient un effet négatif significatif sur l’économie russe. Presque tout le monde en Occident le croyait. C’est pourquoi les dirigeants occidentaux pensaient que l’Ukraine pouvait vaincre la Russie. Les Ukrainiens se sont bien comportés sur le champ de bataille en 2022, et la plupart des dirigeants occidentaux pensaient que cela, combiné à des sanctions dévastatrices sur l’économie russe, conduirait à une victoire ukrainienne. Mais les sanctions se sont plutôt retournées contre eux et ont causé plus de dégâts aux économies européennes qu’à l’économie russe. Et je ne pense pas que même les élites russes pensaient qu’elles se retrouveraient en si bonne position une fois les sanctions imposées. L’inefficacité des sanctions, en plus du fait que l’équilibre des forces a changé sur le champ de bataille depuis 2022, est la raison pour laquelle les Russes l’emportent et qu’il semble qu’ils remporteront une victoire peu glorieuse.

GJ : En ce qui concerne le Moyen-Orient, comment interprétez-vous l’utilisation de la force américaine en mer Rouge contre les Houthis et d’autres mandataires iraniens ?

JM : C’est futile. Les Houthis, les milices soutenues par l’Iran et le Hezbollah frappent tous des cibles américaines et israéliennes pour soutenir le Hamas. Les Etats-Unis ont réagi en recourant à la force militaire, mais pas contre le Hezbollah, car ils laissent cette tâche aux Israéliens. La question est de savoir qui va gagner. Pas les États-Unis. Presque tout le monde a dit depuis le début que l’utilisation de la force militaire contre les Houthis ne les empêcherait pas d’attaquer les navires en mer Rouge, et ils n’ont pas arrêté, et menacent même de couper des câbles maritimes d’une importance cruciale. Et il y a des limites réelles à ce que la puissance américaine peut faire contre les Houthis, qui s’avèreront être une force de combat coriace. Il ne fait aucun doute que les États-Unis jouissent d’un avantage considérable en termes de puissance militaire brute. Mais comme nous l’avons appris au Viêt Nam et en Afghanistan, cette prépondérance militaire ne garantit pas toujours la victoire. Elle ne garantira certainement pas la victoire dans ce cas-ci. Ainsi, les actions américaines en mer Rouge s’apparentent à une entreprise futile.

GJ : Pourquoi les États-Unis sont-ils incapables d’abandonner l’idée que la force écrasante est un moyen efficace d’imposer leur volonté au monde ? Et pourquoi ne parviennent-ils pas à s’extraire du Moyen-Orient, pourquoi se retrouvent-ils continuellement ramenés dans la région ?

JM : Je n’ai pas d’explication sur le fait que les dirigeants américains ne peuvent pas comprendre les limites de ce que l’on peut faire avec la force militaire. En bon réaliste, je comprends qu’un État veuille disposer de la force militaire la plus puissante de la planète. Mais en même temps, il est important de savoir qu’il y a des limites réelles à ce que l’on peut faire avec cette force militaire. Dans certaines circonstances, des armées supérieures peuvent remporter des victoires rapides et décisives, comme lors de la première guerre du Golfe en 1991, où les États-Unis ont facilement mis en déroute l’armée irakienne sur les plaines du désert. Mais si vous envoyez l’armée américaine dans un endroit comme l’Afghanistan pour combattre les talibans, vous allez échouer avec le temps, même avec toutes les armes dont vous disposez. De même, lorsque vous combattez les Houthis ou les milices en Irak et en Syrie, les États-Unis ne pourront pas utiliser leur formidable puissance militaire pour les vaincre et mettre fin au combat. L’ennemi continuera à se battre un jour de plus. Et chaque fois que vous les frapperez, ils vous répondront. Israël se trouve dans une situation similaire à Gaza. En termes d’équilibre militaire brut, les FDI sont bien plus puissantes que le Hamas. Mais l’idée qu’elle va éliminer le Hamas et le problème du terrorisme une fois pour toutes relève du fantasme. J’étais dans l’armée américaine pendant la guerre du Viêt Nam et il ne fait aucun doute que l’armée américaine était bien plus puissante que l’armée nord-vietnamienne, plus le Viêt-Cong, mais nous avons quand même perdu. Il arrive que des États puissants perdent la guerre contre des adversaires beaucoup moins puissants. Il est très difficile de comprendre pourquoi les responsables de la politique étrangère américaine ne comprennent pas cela.

Si nous sommes si profondément impliqués au Moyen-Orient, c’est parce que les États-Unis et Israël sont liés par la hanche. Les États-Unis n’ont pas d’engagement militaire formel à protéger Israël. Mais pour des raisons de politique intérieure, il est impossible que Washington ne soit pas profondément impliqué dans cette partie du monde. La deuxième raison est le pétrole, dont l’abondance a rendu le Moyen-Orient si important pendant la guerre froide, lorsque les Soviétiques et les Américains rivalisaient pour l’influence, et que les uns et les autres avaient des troupes sur place et se livraient même des guerres par procuration. Mais lorsque la guerre froide a pris fin, nous sommes restés, et si nous sommes restés, c’est à cause d’Israël.

Il est essentiel de comprendre que la Chine et la Russie sont désormais profondément impliquées au Moyen-Orient. La Russie, bien sûr, est déjà présente en Syrie, tandis que la Chine construit une marine de haute mer pour projeter sa puissance dans la région. Nous allons assister à une compétition en matière de sécurité au Moyen-Orient entre les Chinois et les Russes d’un côté, et les Américains de l’autre. Les États-Unis s’intéresseront de plus en plus au Moyen-Orient, non seulement en raison de leur engagement envers Israël, mais aussi parce que la politique des grandes puissances se jouera dans cette partie du monde. Les Russes, les Chinois et les Iraniens vont organiser un exercice naval majeur au Moyen-Orient en mars.

En ce qui concerne Israël et Gaza, le scénario cauchemardesque est celui d’une escalade vers une guerre avec l’Iran, où Téhéran est soutenu par Pékin et Moscou. Je pense que nous en sommes encore loin. Mais à mesure que les Chinois et les Russes s’impliquent davantage au Moyen-Orient et que des relations étroites se développent entre eux et l’Iran, on court le risque d’une escalade. Ce serait catastrophique.

GJ : Vous avez écrit Le lobby israélien avec Stephen Walt en 2007. Est-ce que quelque chose a changé votre évaluation de ce que vous avez soutenu dans cet ouvrage en ce qui concerne la relation entre le lobby israélien et la politique étrangère américaine ?

JM : Non, je pense que nous avons vu juste. Le lobby est plus puissant que jamais. La grande différence entre le moment où nous avons écrit le livre et aujourd’hui, c’est que les activités du lobby sont aujourd’hui révélées au grand jour, ce qui n’était pas le cas en 2007. Je pense que peu de gens connaissaient le lobby à l’époque. Et très peu de gens connaissaient l’influence du lobby sur la politique étrangère américaine, en particulier en ce qui concerne le Moyen-Orient. Je pense que nous avons contribué à mettre cela en lumière et que davantage de personnes comprennent désormais ce qui se passe. Le lobby est désormais contraint d’opérer beaucoup plus ouvertement. Du point de vue d’un lobby, il est préférable qu’il puisse opérer à huis clos et exercer une influence significative que le public ne voit pas. Mais le lobby israélien ne peut plus agir de la sorte. Depuis le 7 octobre, il y a eu une abondance de preuves que le lobby joue les durs avec les politiciens et les personnalités publiques qui critiquent Israël ; on le voit également sur les campus universitaires, où les lobbyistes se donnent beaucoup de mal pour discipliner et punir toute personne qui ose critiquer Israël.

GJ : L’Iran est-il dangereux ?

JM : Il n’est pas du tout dangereux en soi. Si vous regardez ce qui se passe aujourd’hui, ce sont les Américains qui affrontent les Houthis et d’autres milices soutenues par l’Iran en Irak et en Syrie. Les Israéliens affrontent le Hezbollah et le Hamas. Où est l’Iran dans cette histoire ? Il se tient à l’écart. Les États-Unis ont clairement fait savoir qu’ils n’avaient pas l’intention d’attaquer l’Iran, ce qui mécontente Israël. Mais la dernière chose que Joe Biden veut faire est d’attaquer l’Iran. L’Iran, et les Iraniens, ont clairement fait savoir qu’ils n’avaient aucun intérêt à entrer en conflit avec les États-Unis. Les Iraniens regardent donc les Américains s’enfoncer dans un nouveau bourbier. Téhéran doit être ravi. Le fait que les Etats-Unis ne semblent pas avoir de stratégie de sortie plausible, que ce soit sur le plan diplomatique ou militaire, alors que l’Iran n’a pas du tout souffert de ce conflit depuis le 7 octobre.

GJ : Que pensez-vous du rôle de la Grande-Bretagne aux côtés des Etats-Unis en mer Rouge ?

JM : Les Britanniques font presque tout ce que les Américains veulent qu’ils fassent. Les Américains constatent souvent que leurs alliés ne sont pas toujours d’accord avec leurs différents projets. Mais il y a une exception : la Grande-Bretagne. Ce n’était pas le cas auparavant. Les Américains voulaient désespérément que les Britanniques se joignent à la lutte au Viêt Nam, mais ces derniers ont refusé. Mais je pense que si nous devions avoir une guerre du Viêt Nam aujourd’hui et que le gouvernement américain demandait aux Britanniques de s’impliquer, ils s’engageraient avec enthousiasme dans le combat. Une telle loyauté n’a pas de sens stratégique. Surtout si l’on considère le déclin de l’armée britannique. Ce n’est pas comme si la puissance militaire britannique augmentait ; elle semble aller dans la direction opposée. Dans cette situation, on pourrait s’attendre à ce que les Britanniques réduisent leurs engagements dans les diverses escapades dans lesquelles les Américains les impliquent. Mais ce n’est pas le cas. Bien au contraire.

GJ : De quelle manière, le cas échéant, une présidence Trump modifierait-elle la politique étrangère américaine au Moyen-Orient ?

JM : J’ai du mal à croire que l’approche de Trump au Moyen-Orient serait différente de celle de Biden, en tout cas en ce qui concerne les relations entre les États-Unis et Israël. Trump est rhétoriquement plus dur que Biden sur l’Iran, mais pas tant que ça, et Trump n’est pas assez fou pour déclencher une guerre contre l’Iran. Trump n’est pas un va-t-en-guerre. Il se vante d’être le seul président de l’histoire récente à ne pas avoir déclenché de guerre sous son mandat, et c’est vrai. Je pense que le seul endroit où il pourrait y avoir un changement significatif dans la politique étrangère américaine est l’Europe. Je pense que Trump aimerait se retirer de l’Europe, il aimerait mettre fin à l’OTAN. Et il aimerait certainement travailler plus étroitement avec Poutine pour mettre fin à la guerre en Ukraine. Il voulait changer la politique américaine dans la région au cours de son premier mandat entre 2017 et 2021. Je pense que s’il l’avait voulu, il se serait retiré de l’Europe et l’aurait intégrée à l’OTAN. Mais l’establishment de la politique étrangère, ce qu’on appelle le « blob », l’a battu en brèche.

S’il gagne à nouveau, Trump sera déterminé à vaincre le « blob » cette fois-ci. Il pense qu’il dispose désormais d’une équipe de politique étrangère qu’il peut mettre en place et qui l’aidera à atteindre ses objectifs d’une manière qui était impossible la première fois.

En ce qui concerne l’Asie de l’Est, je ne pense pas que vous verrez un changement significatif de la part de Biden. Lorsqu’il est entré en fonction en 2021, Biden a suivi les traces de Trump en ce qui concerne l’Asie. Trump a fondamentalement changé la politique américaine en Asie de l’Est – il a abandonné l’engagement avec la Chine et a poursuivi une politique d’endiguement. M. Biden a durci cette politique et, à certains égards, s’est montré plus sévère à l’égard de la Chine que ne l’a été M. Trump au début de son mandat. Cela a changé car l’administration Biden tente de réduire les tensions entre Pékin et Washington afin de s’assurer que les Etats-Unis ne finissent pas par se battre en Asie de l’Est, alors qu’ils sont coincés en Ukraine et au Moyen-Orient.

GJ : La mémoire de Joe Biden vous inquiète-t-elle ?

JM : Il y a évidemment de bonnes raisons de se demander si Joe Biden a aujourd’hui les facultés mentales requises pour occuper le poste le plus exigeant et le plus important au monde. J’ai 76 ans et je pense constamment à cette question parce qu’il est impossible de ne pas perdre un peu de vitesse lorsque l’on atteint la fin des années 70. Ma mémoire, qui était fantastique, s’est érodée dans une certaine mesure et je ne suis tout simplement plus aussi vif qu’avant. Je pense en fait que Donald Trump, qui a un an de plus que moi, a perdu un peu de vitesse dans sa balle rapide, mais comparé à Biden, il fonctionne essentiellement à plein régime. Ce dont il est question ici, c’est de la santé de Joe Biden au cours des cinq prochaines années, car s’il remporte les élections en novembre – et je pense qu’elles seront serrées – son deuxième mandat commencera en janvier 2025 et se terminera en 2029, et il est très difficile d’imaginer qu’il puisse exercer ses fonctions aussi longtemps. Le problème est qu’il sera le candidat démocrate et je ne pense pas que quoi que ce soit puisse changer cela.

GJ : Êtes-vous d’accord avec le ministre britannique de la défense, Grant Shapps, pour dire que nous passons « d’un monde d’après-guerre à un monde d’avant-guerre » ? Quelle est la probabilité d’un conflit à grande échelle ?

JM : Je pense que ces commentaires sont faits dans le contexte d’une guerre possible entre la Russie et l’Occident, et la principale hypothèse qui sous-tend cet argument est que Poutine est en marche et qu’il est prêt à conquérir toute l’Ukraine, puis à attaquer les pays d’Europe de l’Est et finalement à menacer l’Europe de l’Ouest, ce qui nous conduirait à une troisième guerre mondiale. L’argument est qu’il vaut mieux soutenir l’Ukraine à fond maintenant et empêcher Poutine de gagner en Ukraine, car cela l’empêchera finalement de conquérir l’Europe.

Cet argument est ridicule. Poutine a clairement indiqué qu’il n’avait pas l’intention de conquérir toute l’Ukraine, et il n’a jamais indiqué qu’il était intéressé par la conquête d’un autre pays d’Europe de l’Est, et encore moins d’Europe de l’Ouest. Il n’a pas non plus la capacité militaire de conquérir l’Europe de l’Est – l’armée russe n’est pas le second avatar de la Wehrmacht. Même si, en Ukraine, l’équilibre des forces a évolué en faveur de la Russie depuis 2022, les Russes ont du mal à faire reculer les Ukrainiens. L’idée que la Russie va conquérir davantage de territoires n’a aucun sens.

La raison pour laquelle Shapps et d’autres avancent cet argument, projettent un scénario de troisième guerre mondiale, est qu’ils veulent maintenir leur soutien à l’Ukraine. Il s’agit d’une bonne vieille méthode d’inflation de la menace, à laquelle les États-Unis et la Grande-Bretagne ont toujours été très habiles. En gonflant la menace russe, vous pouvez encourager les différents corps politiques de l’Occident à soutenir les Ukrainiens à fond.


Propos recueillis par Gavin Jacobson 

Article original en anglais publié le 10 février 2024 dans The New States Man

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♦ Le génocide israélien à Gaza comprend une campagne visant à effacer l’identité palestinienne …

Publié le par S. Sellami

Chris Hedges s’entretient avec le Dr. Ahmed Alhussaina, vice-président de l’université Israa à Gaza, sur la démolition par Israël de toutes les universités, ainsi que de centaines d’écoles et de centres culturels, à Gaza.

Une Palestinienne assise devant ce qui reste de l’entrée de l’université Al-Aqsa à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 26 janvier 2024. (Atia Mohammed/Flash90)

Le génocide israélien à Gaza comprend une campagne visant à effacer l’identité palestinienne et les institutions qui soutiennent et alimentent cette identité

L’entretien entre Chris Hedges et le Dr Ahmed Alhussaina, vice-président de l’université Israa à Gaza, sur la démolition par Israël de toutes les universités, ainsi que de centaines d’écoles et de centres culturels, à Gaza, est accessible ci-dessous:

https://open.substack.com/pub/chrishedges/p/the-chris-hedges-report-with-dr-ahmed?utm_campaign=post&utm_medium=web

Les attaques israéliennes contre Gaza ont inclus des attaques systématiques contre les institutions culturelles et éducatives de Gaza. Israël a endommagé ou détruit les 12 universités de Gaza. Quelque 280 écoles publiques et 65 écoles gérées par l’UNRWA ont également été détruites ou endommagées, faisant souvent des dizaines de morts. Environ 133 écoles restantes servent d’abri aux personnes déplacées par l’assaut. Plus de 85 pour cent des 2,3 millions d’habitants de Gaza ont été chassés de leurs foyers au milieu de la poursuite de l’offensive terrestre et aérienne israélienne qui a tué plus de 25 000 personnes, dont 10 000 enfants.

L’Observatoire indépendant des droits de l’homme Euro-Med, basé à Genève, a déclaré qu’Israël avait détruit les 12 universités de Gaza par étapes. La première étape comprenait le bombardement des universités islamiques et d’Al-Azhar. Le 17 janvier , l’armée israélienne a fait exploser 315 mines pour transformer en ruines la dernière université encore debout de Gaza, l’Université Al-Israa, au sud de la ville de Gaza. Les Israéliens avaient occupé l’université pendant 70 jours et l’avaient utilisée comme base militaire, notamment en plaçant des tireurs d’élite à l’intérieur de ses bâtiments, ainsi qu’en la transformant en centre de détention et d’interrogatoire. L’université abritait un musée abritant 3 000 objets archéologiques datant de l’occupation romaine. Les autorités universitaires ont accusé les soldats israéliens d’avoir pillé le musée et de l’avoir fait exploser.

L’Université Al-Israa abritait le seul hôpital universitaire de la bande de Gaza – l’un des deux seuls dans les territoires palestiniens occupés – ainsi que des bâtiments abritant des laboratoires de médecine et d’ingénierie, des laboratoires de soins infirmiers, des studios de formation aux médias, la salle d’audience de la faculté de droit et salles de remise des diplômes.

Les attaques israéliennes ont tué 94 professeurs d’université. Il s’agit notamment du professeur Sufian Tayeh, président de l’Université islamique de Gaza – physicien primé et titulaire de la chaire UNESCO d’astronomie, d’astrophysique et de sciences spatiales en Palestine – qui est mort, aux côtés de sa famille, dans une frappe aérienne. Le Dr Ahmed Hamdi Abo Absa, doyen du département de génie logiciel de l’Université de Palestine, aurait été abattu par des soldats israéliens alors qu’il s’éloignait, après avoir été libéré après trois jours de disparition forcée. Professeur Muhammad Eid Shabir, professeur d’immunologie et de virologie et ancien président de l’Université islamique de Gaza. Le professeur Refaat Alareer, poète et professeur de littérature comparée et d’écriture créative à l’Université islamique de Gaza, tué avec des membres de sa famille. Quelque 4 327 étudiants ont été tués et 7 819 autres ont été blessés. 231 enseignants et administrateurs ont également été tués.

Les Palestiniens, qui ont l’un des taux de pauvreté les plus élevés de la planète, chérissent l’éducation. Ils ont l’un des taux d’alphabétisation les plus élevés au monde et les diplômés palestiniens excellent en médecine, en mathématiques et en ingénierie. Israël semble déterminé à anéantir les biens culturels, éducatifs et historiques palestiniens, dans le cadre de son plan d’effacement du peuple palestinien. Des images de soldats israéliens applaudissant alors que des écoles explosent sont apparues sur les réseaux sociaux, notamment une vidéo montrant la démolition d’une école bleue distinctive de l’ONU dans le nord de Gaza.

Ahmed Alhussaina, vice-président de l’université Al Israa, me rejoint du Caire pour discuter de la destruction massive par Israël des institutions éducatives et culturelles de Gaza. Le bloc d’habitation du Dr Alhussaina à Gaza a été bombardé par Israël, entraînant la mort de 102 membres de sa famille.

Chris Hedges

Article original en anglais publié le 12 février 2024 sur le blog de l’auteur: TheChrisHedgesReport

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♦ Tiré de La Revue de Presse Alternative du Saker Francophone

Publié le par S. Sellami

Puisque nous parlons de « guerre des narratifs », nous finirons par cet article de Caitlin Johnstone qui, en se basant sur l’interview de Poutine, nous explique les subtilités de la propagande occidentale pour imposer son récit : dans la guerre de propagande, il est très difficile de vaincre les États-Unis. Par Caitlin Johnstone – Le 11 février 2024

Un moment peu remarqué de la récente interview de Vladimir Poutine par Tucker Carlson fut quand Poutine a laissé entendre que les puissances de l’OTAN étaient à l’origine du sabotage du pipeline Nord Stream, en 2022. Carlson a répondu en demandant pourquoi Poutine ne présenterait pas de preuves de cela au monde, afin de « remporter une victoire dans la guerre de propagande ».

« Dans la guerre de propagande, il est très difficile de vaincre les États-Unis, car les États-Unis contrôlent tous les médias du monde et de nombreux médias européens », a répondu Poutine, ajoutant : « Les bénéficiaires ultimes des plus grands médias européens sont les institutions financières américaines. »

Je ne connais pas la nature spécifique de ses insinuations à propos du Nord Stream, mais Poutine a tout à fait raison quant à la force de la machine de propagande étasunienne. De tous les fronts sur lesquels on pourrait choisir de défier les États-Unis, la propagande est sûrement le moins favorable. L’Empire possède de loin la machine de propagande la plus sophistiquée et la plus efficace qui ait jamais existé, fonctionnant avec une telle complexité que la plupart des gens ignorent même son existence.

Dans un article de « fact-checking » intitulé « 5 mensonges et 1 vérité tirés de l’interview de Poutine avec Tucker Carlson », Politico Europe qualifie cette affirmation de mensonge, au motif que la Russie possède des médias publics alors que les médias américains sont privés.

« Les plus grandes sociétés de médias d’information sont privées et opèrent sans contrôle direct du gouvernement, contrairement au paysage médiatique contrôlé par l’État en Russie », écrit Sergueï Goryachko de Politico. “La télévision d’État russe et les principales agences de presse sont la propriété du gouvernement, et le Kremlin contrôle les autres médias ou détruit ceux qui ne veulent pas collaborer.”

Au bas de l’article se trouve une ligne qui se lit comme suit : « Sergey Goryashko est hébergé à POLITICO dans le cadre du programme de résidence EU4FreeMedia financé par l’UE. »

EU4FreeMedia est une opération de gestion narrative de l’Union européenne créée pour aider à intégrer les « journalistes russes en exil » dans les principales publications européennes, c’est-à-dire pour fournir une amplification médiatique maximale aux expatriés russes qui ont une dent contre le gouvernement actuel de Moscou. Il est géré avec la participation de Radio Free Europe/Radio Liberty, une opération médiatique financée par le gouvernement des EU sous l’égide des services de propagande étasuniens USAGM.

Je n’aurais vraiment pas pu trouver une illustration plus parfaite de ce dont je parle ici que le gouvernement des EU et ses laquais européens qui mènent un projet complexe et élaboré visant à orienter davantage les médias européens contre la Fédération de Russie, ce qui se manifeste par un article de Politico qualifiant Poutine de menteur et affirmant que la propagande n’existe pas en Occident.

Il existe une vieille blague disant ceci :

Un Soviétique et un Américain sont dans un avion, assis l’un à côté de l’autre.

« Pourquoi volez-vous vers les États-Unis ? » demande l’Américain.

« Pour étudier la propagande américaine », répond le Soviétique.

« Quelle propagande américaine ? » demande l’Américain.

« Et bien voilà », répond le Soviétique.

En réalité, la nature de l’empire centralisé étasunien lui permet de mener une campagne de propagande internationale massive et continue à travers des plateformes médiatiques qui sont pour la plupart privées. Un réseau diversifié de facteurs alimente cette dynamique que j’ai détaillée dans mon article inhabituellement long intitulé “ 15 raisons pour lesquelles les employés des médias de masse agissent comme des propagandistes ”, mais l’essentiel est que quiconque est suffisamment riche pour contrôler une plate-forme médiatique grand public va avoir un intérêt direct à préserver le statu quo sur lequel repose leur richesse, et ils coopéreront de diverses manières avec les structures de pouvoir de l’establishment à cette fin.

Le fait que ces médias semblent indépendants mais fonctionnent comme des organes de propagande pour l’empire étasunien permet à leur propagande de s’implanter dans l’esprit des gens sans déclencher le moindre réflexe de pensée critique ou de scepticisme, ce qui ne serait pas le cas si les gens savaient que ces médias étaient faits pour les nourrir de propagande. La propagande n’a vraiment de pouvoir de persuasion que si vous ne savez pas que vous la subissez.

L’invisibilité de la propagande EU est encore renforcée par les méthodes subtiles par lesquelles elle est administrée, dont nous avons un magnifique exemple avec la couverture des atrocités de masse en cours à Gaza, soutenues par les États-Unis.

Dans un article intitulé “ La couverture de la guerre à Gaza dans le New York Times et d’autres grands journaux ont fortement favorisé Israël, selon une analyse ”, The Intercept rapporte qu’une analyse de 1 000 articles du New York Times, du Washington Post et du Los Angeles Times sur la guerre d’Israël contre Gaza a révélé que les médias utilisaient systématiquement des choix de mots qui servaient les intérêts israéliens en matière d’information.

« Des termes très émouvants pour le meurtre de civils comme « massacre », « tuerie » et « horrible » étaient réservés presque exclusivement aux Israéliens qui ont été tués par des Palestiniens, plutôt que l’inverse », rapportent Adam Johnson et Othman Ali de The Intercept. « Le terme « massacre » a été utilisé par les rédacteurs et les journalistes pour décrire le meurtre d’Israéliens et de Palestiniens dans un rapport de 60 contre 1, et « massacre » a été utilisé pour décrire le meurtre d’Israéliens et de Palestiniens dans un rapport de 125 contre deux. « Horrible » a été utilisé pour décrire le meurtre d’Israéliens contre Palestiniens à 36 contre 4. »

C’est le genre de manipulation qu’un consommateur d’information occasionnel ne remarque pas. À moins que vous ne soyez à l’affût des préjugés et que vous gardiez une trace des mots qui sont ou ne sont pas utilisés et à quel endroit, vous ne remarquerez probablement pas l’absence de mots chargés d’émotion lorsque vous faites un reportage sur les Palestiniens tués par les Israéliens.

Ce type d’opinion se manifeste de toutes sortes de manières, comme dans les gros titres d’aujourd’hui sur le meurtre par Tsahal d’une petite Palestinienne de six ans nommée Hind Rajab et de sa famille. Des organes de propagande étasuniens comme CNN, le New York Times et la BBC ont respectivement titré “ Une fillette palestinienne de cinq ans retrouvée morte après avoir été coincée dans une voiture sous le feu israélien ”, “ Une fillette de 6 ans portée disparues ”, “ Une équipe de secours retrouvée morte à Gaza, selon le groupe d’aide ” et “ Hind Rajab, 6 ans, retrouvée morte à Gaza quelques jours après des appels téléphoniques à l’aide ”. En revanche, Al Jazeera rapporte la même histoire avec le titre “ Le corps d’une fillette de 6 ans tuée dans des tirs israéliens « délibérés » retrouvé après 12 jours ”, et Middle East Eye titre “ Hind Rajab : une jeune Palestinienne retrouvée morte après avoir été coincée sous le feu israélien pendant des jours ”.

Il est facile de remarquer la différence lorsqu’ils sont placés les uns à côté des autres comme je viens de le faire, mais à moins que vous n’y prêtiez vraiment attention et que vous n’ayez une bonne idée de ce qui se passe ici, vous risquez de manquer ce qui se passe. Si vous êtes comme la plupart des gens et ne lisez pas au-delà du titre, vous ne saurez jamais, d’après les gros titres des médias impériaux, que l’enfant a été tuée par Israël, et vous ne saurez certainement rien de son appel téléphonique terrifié alors qu’elle était piégée par les tirs des FDI et entourée des corps de ses proches décédés. Si vous regardez les médias traditionnels et leurs itérations en ligne renforcées par des algorithmes pour obtenir des informations sur le monde, vous aurez une journée de plus avec une perspective déformée de ce qui se passe à Gaza.

La presse occidentale écrit constamment des titres comme celui-ci lorsqu’elle tente de minimiser l’impact de la mort d’une personne aux mains d’un parti avec lequel elle sympathise, en particulier en ce qui concerne les Palestiniens. Le mois dernier, la BBC a publié un article intitulé “ Un nombre record de civils blessés par des explosions en 2023 ”, comme si des gens manipulaient mal des feux d’artifice ou quelque chose du genre au lieu d’être effectivement tués par les bombes israéliennes. La BBC a ensuite révisé son titre atroce, mais l’a révisé dans la direction opposée, en remplaçant « Nombre record » par « Nombre élevé » pour minimiser encore davantage l’impact.

Comparez cela avec les gros titres de la BBC lorsqu’elle parle des Ukrainiens tués par les frappes aériennes russes  – il y en a un récent intitulé « Guerre d’Ukraine : les frappes aériennes russes font cinq morts à Kiev et à Mykolaïv ».

Vous avez compris ? En Ukraine, des gens meurent à cause des bombes parce que la Russie a lancé des frappes aériennes russes et les a tués de manière très russe, tandis qu’à Gaza, les gens sont blessés par des explosions parce qu’ils se sont trop rapprochés d’un type de matériau explosif.

La semaine dernière, le Washington Post publiait un article d’opinion intitulé « L’Amérique est-elle complice de la guerre sanglante d’Israël à Gaza ? » Mais cela a été considéré trop lourd par les rédacteurs du Post, qui ont rebaptisé l’article « La guerre entre Israël et Gaza a-t-elle changé votre sentiment d’être américain ? » pour empêcher les Étasuniens de trop réfléchir à la guerre sanglante menée par Israël à Gaza et à la complicité de leur pays dans cette guerre.

Dans un article de mercredi intitulé « Biden essaie à nouveau avec les Arabes américains du Michigan », Farah Stockman, membre du comité de rédaction du New York Times, a écrit une phrase absolument insensée : « L’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre semble affecter les perspectives électorales de Biden. » Et le New York Times l’a imprimé.

Relisez cette ligne. Elle dit que les Arabes étasuniens rejettent Biden à cause de l’attaque du Hamas du 7 octobre, ce qui est bien sûr absurde ; ils rejettent Biden parce qu’il soutient un génocide à Gaza. Elle a écrit cette ligne absurde parce que dans le New York Times, vous ne pouvez pas dire des phrases comme « le génocide israélien à Gaza » ou « la facilitation des crimes contre l’humanité par le président », et vous ne serez pas embauché si vous êtes le genre de personne qui serait enclin à l’écrire. Au lieu de cela, le titre prétend que, pour une raison inexplicable, les Arabes étasuniens sont simplement en colère contre Biden parce que le 7 octobre s’est produit.

Mais encore une fois, ces petites manipulations passent inaperçues si vous n’y prêtez pas attention. Tel est l’éclat de la machine de propagande invisible de l’Empire. C’est pourquoi il est très difficile de gagner une guerre de propagande contre les États-Unis, c’est pourquoi les Occidentaux ont été si bien manipulés pour accepter un statu quo de guerres sans fin, d’écocide, d’injustice et d’exploitation, et c’est pourquoi le monde est tel qu’il est actuellement.

»» https://lesakerfrancophone.fr/la-revue-de-presse-du-12-fevrier-2024tra...
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♦ La place d’Israël dans l’espace public mondial

Publié le par S. Sellami

“Hague Schmague” La subtile remarque de Ben-Gvir. (Global Bridge.)

On apprend que les propagandistes israéliens ont inventé de toutes pièces des histoires selon lesquelles les membres du Hamas se seraient livrés à des viols et à des violences sexuelles “systématiques” lorsqu’ils ont franchi la frontière entre Gaza et le sud d’Israël, il y a quatre mois cette semaine. Nombre de ces récits étaient invraisemblables, mais peu importe : de nombreux médias occidentaux ont fait état de la “militarisation” de la violence sexuelle par le Hamas. Le phénomène a désormais son propre acronyme. Ceux qui considèrent ces informations comme crédibles les appellent désormais CRSV, pour conflict-related sexual violence (violences sexuelles liées aux conflits).

De quoi vous dégoûter définitivement des acronymes.

De puissants et convaincants exposés ont été consacrés à ces productions de propagande israélienne à l’intention des correspondants occidentaux, destinées aux yeux, aux oreilles et à l’esprit de leurs lecteurs et téléspectateurs. Je citerai ici le travail de Mondoweiss, qui couvre les développements en Israël et en Palestine, et celui de The Grayzone, qui couvre Israël, la Palestine et bien d’autres choses encore. Retournons ce phénomène pour le voir sous un autre angle. Demandons-nous alors dans quelle mesure Israël pollue ce que j’appellerai l’espace public mondial pour assurer sa survie. Question complémentaire : Israël peut-il survivre dans l’espace public mondial?

Le récent verdict de la Cour internationale de justice sur le génocide à Gaza est un révélateur utile pour y apporter une réponse.

Deux jours avant que la CIJ ne statue, le 26 janvier, sur la présentation par l’Afrique du Sud de preuves plausibles de la conduite génocidaire d’Israël à Gaza et sur la nécessité d’engager une procédure judiciaire, le gouvernement sioniste a affirmé avoir déclassifié près de trois douzaines de documents – procès-verbaux du Cabinet, ordres internes, notes consultatives – suggérant que son intention a toujours été de limiter le nombre de victimes parmi les Palestiniens de Gaza. L’un de ces documents – ces prétendus documents, plutôt, se lit en partie comme suit :

“Le Premier ministre a souligné à maintes reprises la nécessité d’augmenter de manière significative l’aide humanitaire dans la bande de Gaza.” Et dans un autre document : “Il est recommandé de répondre favorablement à la demande des États-Unis de permettre l’entrée de carburant.”

Les Israéliens ont laissé le New York Times consulter des copies de ces textes – de prétendues copies de prétendus textes. Pour autant que nous le sachions, aucune personne ou organisation autre que la CIJ n’y a eu accès. Le Times, comme il en a l’habitude chaque fois qu’il couvre Israël, a rendu compte de ces prétendues copies de prétendus documents en faisant preuve d’une crédulité béate. Il n’a jamais remis en question leur provenance ni leur authenticité – une négligence facile à comprendre, mais difficile à pardonner.

Relisez attentivement ces passages. Pouvez-vous imaginer une situation où un ministre israélien ou un autre représentant du gouvernement ferait de telles remarques lors d’une réunion de Cabinet à huis clos ou dans un mémorandum interne ? Je n’y parviens pas. J’interprète cet exercice de “déclassification” de dernière minute comme une propagande grossière en prévision de la décision de La Haye. Ma prédiction : nous n’entendrons plus jamais parler de ces “documents”, qui méritent bien d’être mis entre guillemets.

Immédiatement après la décision de La Haye en défaveur d’Israël, peu après le rapport du Times sur les prétendues copies des prétendus procès-verbaux et mémos, le régime d’apartheid a affirmé qu’il avait la preuve qu’une douzaine d’employés de l’Office de secours et de travaux des Nations unies, responsable du bien-être des Palestiniens à Gaza et ailleurs dans la région, avaient participé aux incursions dans le sud d’Israël menées par les milices du Hamas le 7 octobre de l’année dernière.

Cette fois-ci, les preuves – les prétendues preuves – proviennent de plusieurs sources. Il y aurait les interceptions de téléphones portables. On y trouverait des aveux supposés de Palestiniens capturés par les Forces de défense israéliennes pendant ou après les événements du 7 octobre. En outre, les Israéliens prétendent avoir établi un recoupement entre une liste du personnel de l’Office de secours et de travaux et une liste de membres du Hamas qu’ils affirment avoir trouvée sur un ordinateur au cours de leur campagne terrestre dans la bande de Gaza.

Là encore, aucun responsable ou média occidental n’a soulevé la moindre question quant à la véracité des “preuves” israéliennes. Les Israéliens ont un long et sordide palmarès en matière de torture et d’aveux de Palestiniens captifs. Ils disposent d’une machine de propagande qui n’a rien à envier à celle de n’importe quel pays, qui coiffe même au poteau. Ces réalités ne sont pas mentionnées. Personne n’a encore prouvé la véracité des allégations d’Israël. Néanmoins, près de 20 nations – dont la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la France, les Pays-Bas, l’Italie, la Suisse, la Finlande, l’Australie, le Canada et le Japon – ont suivi l’exemple du régime Biden en supprimant le financement de Relief and Works.

Samedi, le Times a publié un article citant longuement le directeur de Relief and Works à Gaza, Philippe Lazarini, qui fournit un compte rendu crédible des conditions dans lesquelles son agence travaille et des procédures qu’elle suit pour empêcher le personnel de collaborer avec le Hamas. Néanmoins, à l’heure où nous écrivons ces lignes, l’agence prévoit qu’elle ne sera pas en mesure de fonctionner d’ici la fin du mois de février. Famine, carences, maladies, déshydratation chronique : la catastrophe est désormais imminente. Comme le note Jonathan Cook dans un remarquable article du 30 janvier, les États-Unis et ceux qui les soutiennent ne sont plus seulement complices du génocide israélien : ils sont désormais partie prenante.

Il est important à ce stade de distinguer ce que nous savons et ce que nous ignorons de la réaction d’Israël à l’arrêt de la CIJ. Nous ne pouvons pas être entièrement certains que l’État sioniste a présenté des preuves falsifiées à La Haye, même si c’est très probablement le cas. Nous ne connaitrons sans doute jamais le contenu des dites interceptions téléphoniques, ou savoir si de telles interceptions ont effectivement existé. Nous ne pouvons pas savoir avec certitude comment les enquêteurs israéliens ont obtenu les aveux des Palestiniens captifs, ni s’ils ont effectivement obtenu des aveux, ni si les Forces de défense israéliennes possèdent une quelconque liste de membres du Hamas, comme le prétendent les Israéliens, et si elles ont procédé à des recoupements, comme ils l’affirment également. Je confirme mon scepticisme quant à l’existence des fameux comptes rendus d’Israël, mais il est manifeste qu’ils restent trop opaques pour être évalués en toute confiance.

L’arrêt de la Cour mondiale et la réponse préliminaire d’Israël n’en sont pas moins révélateurs – aussi clairs qu’un agent chimique fait disparaître une solution contenant des solides en suspension. Nous savons maintenant deux choses, parfaitement claires. Premièrement, Israël, avec le soutien des États-Unis et des divers poissons pilotes dans leur sillage, a commencé – ou relancé, pour être plus précis – une attaque concertée contre l’ONU, la justice mondiale et, plus généralement, l’espace public international.

Deuxièmement, si cette stratégie nous apprend quelque chose, c’est que ni les Israéliens ni leurs soutiens occidentaux n’ont la moindre idée de l’heure qu’il est à l’horloge de l’histoire. Ils ne comprennent pas que l’espace public international fait l’objet d’un processus de restructuration. John Whitbeck, avocat international et chroniqueur à Paris, a replacé les événements du mois dernier dans leur contexte historique comme personne. Il a écrit dans sa lettre d’information :

“De jour en jour, on constate que notre monde se restructure à long terme en deux nouveaux blocs géopolitiques, fondés principalement, voire exclusivement, sur les divisions historiques entre États colonisateurs et États colonisés et sur les divisions ethniques et culturelles entre États “blancs” et États “non-blancs”.

D’un côté, un nouvel empire du mal (l’empire israélo-américain), assisté de ses fidèles et serviles valets d’Europe et de l’anglosphère coloniale. De l’autre, un nouveau monde libre, englobant des pays aux cultures et aux systèmes de gouvernance interne très divers, à la fois désireux et capables de s’opposer et de résister à la domination du Nouvel Empire du Mal et, plus généralement, d’affirmer leur propre liberté, leur souveraineté et leurs préférences nationales….”

Itamar Ben-Givr, ministre israélien de la sécurité nationale et l’une des personnalités les plus répugnantes du pays, s’est exprimé sur les réseaux sociaux après l’annonce de la décision de la CIJ en prononçant deux mots que ceux qui connaissent les expressions familières juives reconnaîtront facilement : “Hague Schmague”, a-t-il posté sur la plate-forme de messagerie X.

Hormis ce degré de grossièreté de la part d’un fonctionnaire de rang ministériel, il n’y a rien de surprenant à cela. Les colonies illégales, les mauvais traitements criminels infligés aux Palestiniens, les actes de torture, les assassinats et les opérations secrètes … : la liste des transgressions du droit international par Israël est longue. Depuis la guerre des Six Jours en 1967, Israël a enfreint plus de 30 résolutions du Conseil de sécurité. Alors que les Israéliens ignorent la décision de la CIJ et poursuivent leur campagne d’extermination de la population palestinienne de Gaza, cette attitude est tout à fait conforme au comportement de “l’État juif” depuis sa création, au beau milieu des massacres et des déplacements forcés – la Nakba, soit“la Catastrophe”, comme l’appellent les Palestiniens – qui ont commencé il y a 76 ans (mais qui n’ont jamais pris fin).

L’espoir que les dirigeants d’Israël, aussi extrémistes que psychotiques, puissent reconnaître que l’ordre mondial est en train de changer, que la décision de la CIJ en témoigne et qu’une nouvelle approche est nécessaire, n’est qu’un vœu pieux. Aucune chance que cela arrive. L’amère vérité est qu’Israël, tel qu’il a été constitué en 1948, ne peut survivre dans l’espace public international. Il est trop attaché au sionisme, qui représente précisément l’idéologie raciste que les Nations unies ont proclamée, il n’y a pas cinquante ans, dans la résolution 3379 de leur Assemblée générale. En outre, Israël est bien trop enclin aux guerres sans fin, à la répression, à la discrimination institutionnalisée et à la violence pour être considéré comme autre chose qu’une expérience ratée. La résolution 3379, révoquée en 1991 sous la forte pression des États-Unis, devrait être rétablie pour tenir compte de cette réalité.

La négation du bien fondé de l’espace public mondial constitue un aspect essentiel du lien qu’Israël partage – ou plutôt exploite – avec les États-Unis. Que penser de la liste des génocides commis par l’Amérique – avec le déplacement des Amérindiens par Jackson, la “Piste des larmes” [ en cherokee : Nunna daul Isunyi – est le nom donné au déplacement forcé de plusieurs peuples natif américains par les États-Unis entre 1831 et 1838], à la fin des années 1830 ? Que dire de son mépris du droit international, avec l’annexion du Texas et la guerre américano-mexicaine de 1846-1848 ? Plus proche dans le temps, la situation a pris une tournure plus explicite. En 2002, peu après avoir envahi l’Afghanistan, les États-Unis ont adopté l’American Service-Members Protection Act, également connu sous le nom de Hague Invasion Act. Cette loi proclame unilatéralement que le personnel militaire américain est à l’abri de toute poursuite devant des tribunaux tels que la CIJ. Joe Biden, alors sénateur, était un fervent partisan de ce projet de loi.

Peu après les événements du 7 octobre, les Israéliens se sont mis à baptiser l’événement “le 11 septembre d’Israël”, en référence aux attentats de New York et Washington en 2001. C’est selon moi une notion trop théâtrale pour être prise au sérieux, à l’exception d’un dénominateur commun à ces événements. Israël et les États-Unis partagent l’obsession de la sécurité totale, se croyant tous deux à l’abri des intrusions d’autrui. Les événements du 7 octobre ont arraché Israël à cette illusion, tout comme le 11 septembre y a mis fin pour les Américains. Tous deux ont découvert, en ces occasions, que la sécurité totale et l’immunité face à l’histoire et aux tempêtes qui l’accompagnent inévitablement n’existent pas.

Deux nations habitées par le syndrome du “peuple élu”, pour le dire autrement, ont découvert qu’elles n’étaient pas plus élues que les autres. On peut aisément imaginer les chocs psychologiques qui ont poussé l’une et l’autre à des réactions extrêmes, irrationnellement violentes, lorsque ces certitudes ont été bousculées. Selon moi, Israël est sur le point de devoir faire face à cette amère vérité que les Américains ont éludée jusque-là : la sécurité totale n’existant pas, sa quête est non seulement vouée à l’échec, mais également à la destruction du peuple ou de la nation concernée.

Le sionisme est une variante de la prétention américaine à l’exceptionnalisme. Dans leurs réponses à la décision judiciaire rendue à La Haye il y a deux semaines, Israël et les États-Unis ont montré leur intention de persister à affirmer qu’ils sont font exception aux lois et aux normes de la communauté internationale. Malheureusement, mais pas tragiquement – la tragédie implique une purification, une souffrance menant à une forme de rédemption -, ils ont mal interprété notre époque. Le sionisme peut-il survivre à cette erreur ? Au prix d’une violence toujours plus extrême ? Israël peut-il survivre à l’erreur du sionisme ? Doit-il le faire ? Telles sont les questions en suspens.

Patrick Lawrence

Article original en anglais publié le 11 février 2024 sur The Floutist

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♦ Le génocide rencontre la dévotion française envers Israël

Publié le par S. Sellami

Le soutien français à Israël est politique et de longue date, mais teinté d’une dévotion semi-religieuse enracinée dans l’histoire récent

antisémtisme manif

Manifestation à Paris contre l’antisémitisme, le 12 novembre 2023. (S5A-0043, Wikimedia Commons, CC BY-SA 4.0)

Par Diana Johnstone

Paris, 12 février 2024
Special to Consortium News

Les fidèles partisans d’Israël en Occident combattent l’indignation mondiale croissante face aux souffrances du peuple palestinien en changeant de sujet.

Lorsque des familles gazaouies sont ensevelies sous les décombres de leurs maisons, il ne s’agit pas du sort des  Palestiniens dépossédés ; il s’agit de victimes juives éternelles ; il s’agit du « terrorisme islamique » ; ou bien il s’agit d’une menace pour les « valeurs occidentales ».

C’est la ligne adoptée par la plupart des médias et de la classe politique française.

Ou bien il y a le recours aux récits bibliques, mettant en scène la vengeance, le massacre ethnique et la prophétie de malheur. En Israël, le Premier ministre Benjamin Netanyahu déclare une lutte entre le bien et le mal :

« Nous sommes le peuple de la lumière, eux sont le peuple des ténèbres et la lumière triomphera des ténèbres .  Maintenant, mon rôle est de conduire tous les Israéliens vers une victoire écrasante… Nous réaliserons la prophétie d’Isaïe… »

Aux États-Unis d’Amérique, les folles prophéties du leader israélien trouvent le soutien d’une variante américaine du judéo-christianisme, plus judéo que chrétien, dont les adeptes apprennent à croire que le doux Jésus reviendra sur terre en tant que vengeur meurtrier pendant que ses fidèles flottent jusqu’au ciel.


La France et la Shoah


La France sceptique est très loin de tels fantasmes. Le soutien français à Israël est politique et de longue date, mais teinté d’une dévotion semi-religieuse enracinée dans l’histoire récente.

La France est officiellement, voire ostensiblement, une nation laïque, considérablement déchristianisée au cours des deux cents dernières années.

Au cours du dernier demi-siècle, ce vide religieux a été comblé par le souvenir sacré de la Shoah, comme on appelle habituellement ici l’Holocauste.

Tout a commencé en 1954, lorsqu’un journaliste juif de 27 ans, Eliezer Wiesel, rencontre à Paris le romancier catholique François Mauriac, âgé de 70 ans.

Mauriac a été profondément ému par la « résurrection » de Wiesel de son expérience de prisonnier à Auschwitz, le considérant comme une figure du Christ. Pour Mauriac, le sacrifice des Juifs rappelle la crucifixion de Jésus.

Avec l’aide de l’éminent écrivain français, Wiesel a transformé ses nombreuses notes yiddish en un mémoire français, La Nuit , témoignage qui a fait de lui une figure spirituelle majeure de l’après-Seconde Guerre mondiale.

C’est Mauriac, le fervent chrétien, qui voyait chez Wiesel et son peuple des parallèles avec le christianisme, qui, avec la Shoah, était destiné à prendre les attributs d’une religion d’État en France à mesure que les souvenirs de l’occupation nazie se transformaient en mythe sacré.


Une alliance contre le nationalisme arabe 


Lorsque les nazis ont envahi la France, environ 320 000 Juifs vivaient en France, dont un grand nombre d’étrangers ayant fui l’antisémitisme en Europe de l’Est.

Ces malheureux exilés constituaient la majeure partie des 74 000 Juifs qui furent brutalement arrêtés et déportés sous l’occupation allemande. Ces déportations constituent la principale base factuelle de ce qui est devenu un sentiment de responsabilité nationale dans la Shoah comparable à celui de l’Allemagne elle-même.

Cependant, de tous les pays occupés par les nazis, la France est le pays où le plus grand pourcentage de Juifs ont échappé aux déportations nazies. On estime que 75 pour cent des Juifs ont survécu à l’occupation sans être déportés, dont environ 90 pour cent des Juifs ayant la nationalité française.

Les raisons de cette situation sont controversées, mais l’une des conséquences est que la France compte aujourd’hui la plus grande population juive d’Europe – environ un demi-million, soit la troisième plus grande population juive au monde, bien que loin derrière Israël ou les États-Unis (avec environ 7 millions chacun).

Ces dernières années, de nombreux Juifs ont quitté la Russie et Israël pour s’installer en Allemagne (118 000 au total), ce qui fait de la France et de l’Allemagne les foyers avec plus de Juifs que tout autre État membre de l’Union européenne. Ce sont aussi les pays où la repentance institutionnalisée pour la Shoah est la plus développée.

La différence est qu’un certain nombre d’éminents juifs d’Allemagne critiquent vivement Israël (ce qui pourrait leur causer des démêlés avec la justice), alors que la communauté juive française est plus résolument sioniste. Le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), une sorte d’AIPAC française, défend farouchement les intérêts israéliens.

Une particularité importante de la France est que la plus grande population juive d’Europe cohabite avec la plus grande population d’origine musulmane d’Europe continentale, majoritairement arabe. Bien que la France évite officiellement les comptages ethniques ou raciaux, cette population est estimée à environ 15 millions.

Bien que politiquement désorganisée, cette communauté est considérée – en particulier par les dirigeants de la communauté juive – comme hostile à Israël. Le potentiel de conflit entre ces deux communautés – l’une très petite et très influente, l’autre très grande et disparate – hante depuis des années les dirigeants politiques français.


La France et le nationalisme arabe


Guy Mollet

Guy Mollet, alors ancien Premier ministre français, avec son épouse, à droite, et la politicienne israélienne Golda Meir, à gauche, lors du défilé du Jour de l’Indépendance d’Israël à Tel Aviv, le 13 mai 1959. (Wikimedia Commons, domaine public)

Lorsque l’État juif n’était qu’un rêve, certains y voyaient une sorte de projet socialiste, basé sur le kibboutz. S’appuyant sur les relations amicales de longue date entre les socialistes français et le sionisme, la France était l’alliée occidentale la plus proche du nouvel État d’Israël.

En 1954, le gouvernement du Premier ministre socialiste Guy Mollet accepta de vendre à Israël tout l’équipement militaire qu’il souhaitait. La France a même aidé Israël à développer des armes nucléaires.

À cette époque, Tel Aviv et Paris étaient alliés contre le nationalisme arabe, dans la mesure où les États arabes laïcs et de gauche (Égypte, Syrie, Irak) sympathisaient à la fois avec les Palestiniens et avec le mouvement de libération nationale montant en Algérie française.

Mais cela a changé sous Charles De Gaulle, qui a concédé l’indépendance de l’Algérie en 1962, a imposé un embargo sur les armes dans la région en 1967 et a cherché à construire des relations équilibrées avec les États arabes dans le cadre d’un effort visant à développer des relations amicales et postcoloniales avec le Sud global. .

En juin 1967, la victoire éclair d’Israël dans la guerre des Six Jours fut célébrée dans les rues de Paris par de joyeux klaxons. Mais le président De Gaulle s’était opposé à l’expansion israélienne et avait appelé à une paix durable basée sur l’évacuation des territoires conquis par Israël et la reconnaissance mutuelle des États belligérants.

Lors d’une conférence de presse remarquable le 27 novembre 1967, De Gaulle a exprimé son soutien continu à l’existence d’Israël comme fait accompli tout en exprimant de fortes réserves quant à l’avenir de la domination juive sur les territoires palestiniens.

Après avoir rappelé l’admiration partagée pour le peuple juif et la sympathie pour ses souffrances, de Gaulle a observé, à propos de la création d’un État juif, que :

« Certains redoutaient même que les Juifs, jusqu’alors dispersés, mais qui restaient ce qu’ils avaient toujours été, c’est-à-dire un peuple d’élite, sûr de lui et dominateur, une fois réunis sur le lieu de leur ancienne grandeur, viendraient transformer les vœux très émouvants exprimés depuis dix-neuf siècles dans une ambition ardente et conquérante”.



Charles de Gaulle à Londres diffusant une émission de radio de la BBC en 1941. (Wikimedia Commons, domaine public)

De Gaulle a rappelé qu’il avait promis que la France défendrait Israël de toute attaque arabe, mais a imploré Israël de ne pas utiliser son avantage pour attaquer ses voisins arabes.

« Nous savons que la voix de la France n’a pas été entendue. Israël ayant attaqué, s’empare en six jours de combat des objectifs qu’il souhaitait atteindre. Aujourd’hui, sur les territoires conquis, elle organise une occupation qui ne peut se poursuivre sans oppression, répression, expulsions et résistance à tout ce qu’elle appellera terrorisme.»

En réponse à ces déclarations, d’éminents intellectuels et dirigeants communautaires juifs ont cessé de vénérer De Gaulle en tant que chef de la Résistance. À cette époque, la Résistance elle-même en tant que mythe patriotique national fut rapidement discréditée à mesure que l’imaginaire public de l’occupation nazie se concentrait sur l’Holocauste.

Le cinéma a joué un rôle. En 1969, le film documentaire de Marcel Ophuls, « Le chagrin et la pitié », convainc le public que la collaboration plutôt que la Résistance a largement dominé la France occupée. Le film a eu un fort impact sur l’opinion publique, notamment sur les jeunes de gauche qui avaient mené l’année précédente une révolte libertaire ciblant les deux héritiers politiques de la Résistance : le Parti communiste français et le président Charles De Gaulle.

Dans l’ambiance révisionniste de l’époque, la fierté nationale issue de la Résistance a cédé la place à la honte nationale suscitée par la déportation des Juifs. Cette culpabilité est devenue une sorte de rituel public pour le public qui a regardé le documentaire de neuf heures « Shoah » de Claude Lanzmann, sorti en 1985. En 1990, la France a adopté une mesure appelée loi Gayssot qui peut entraîner de lourdes amendes, voire des peines d’emprisonnement, pour toute mise en question de la version officielle de l’Holocauste.

Comme je l’ai écrit dans mon livre Circle in the Darkness , l’hérésie définit la religion. Un citoyen français peut nier l’existence de Napoléon, ou de tout autre événement historique, mais toute remise en cause de la version officielle de la Shoah est un blasphème. Ainsi, en sacralisant un événement historique unique, la loi Gayssot a en effet institué la Shoah comme religion d’État.

La Shoah est célébrée officiellement et officieusement, non seulement lors de la commémoration annuelle de la Shoah, mais presque constamment dans les salles de classe, lors de voyages à Auschwitz, dans des programmes de radio et de télévision, dans des livres et des films. Elle a de facto remplacé le christianisme, qui avait succombé à la laïcité il y a plus d’un siècle, comme religion d’État. Elle a ses martyrs et ses saints, ses saintes écritures, ses rituels, ses pèlerinages, tout ce que le christianisme avait sauf la rédemption.


Rôle croissant de l’islam politique


Pendant ce temps, le développement industriel français d’après-guerre attirait des milliers de travailleurs d’Algérie.

Ce n’est que lorsque de nouvelles lois dans les années 1970 ont autorisé le « regroupement familial » que le regroupement de travailleurs étrangers avec épouses et enfants a commencé à créer de grands quartiers d’immigrés, notamment dans les banlieues de Paris et d’autres grandes villes, avec leurs propres pratiques religieuses ethniquement distinctes, leur nourriture et leur habillement, notamment les femmes voilées, qui contrastent visiblement avec les coutumes françaises.

La croissance de ces communautés a eu un fort impact sur l’environnement politique. Le Front national, une coalition de groupes d’extrême droite dirigée par Jean-Marie Le Pen, a appelé à l’arrêt de l’immigration, et la nouvelle gauche issue du mouvement de Mai 68 est devenue la championne des immigrés.

Au début des années 1980, afin de se concilier avec l’unification européenne, le président socialiste François Mitterrand abandonne le programme de nationalisations et de mesures sociales pour lequel il avait été élu en coalition avec le Parti communiste français (PCF).

Le PCF a quitté la coalition et a perdu par la suite son rôle d’influence à la fois dans l’assimilation des travailleurs étrangers et dans l’opposition à l’immigration illimitée. Les socialistes ont alors adopté les droits de l’homme et l’antiracisme comme leurs thèmes déterminants, condamnant l’opposition à l’immigration comme étant raciste. Accusé d’antisémitisme, le Front national a été condamné comme un paria n’ayant pas sa place dans la République. Cet ostracisme a été renforcée par la condamnation de Le Pen en vertu de la loi Gayssot pour avoir déclaré, dans une interview, que les chambres à gaz étaient « un point de détail de la Seconde Guerre mondiale ».

Alors que la gauche a de plus en plus adopté une acceptation « des frontières ouvertes » de l’immigration, elle a aussi, de plus en plus, préconisé des mesures visant à interdire les coutumes musulmanes considérées comme violant la doctrine officielle française de la laïcité.

La laïcité française a été institutionnalisée par la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État, qui a finalement privé l’Église catholique de son rôle traditionnel en matière d’éducation. En réponse à une apparente croissance de la pratique religieuse parmi les jeunes musulmans, la laïcité a été revitalisée en interdisant la signalisation de l’identité religieuse dans les écoles publiques, notamment en interdisant aux écolières de porter un foulard musulman pour se couvrir les cheveux. Cette focalisation sur l’habillement féminin a ensuite abouti à l’interdiction du port de la burqa en public. Bien que destinées à promouvoir l’assimilation culturelle, de telles mesures peuvent également alimenter le ressentiment des musulmans à l’idée d’être une minorité discriminée.


La schizophrénie occidentale envers l’islam


Des manifestants palestiniens affrontent les troupes israéliennes dans la ville de Gaza en 1987, lors de la première Intifada. (Efi Sharir / Agence de presse et de photo israélienne, Wikimedia Commons, CC BY 4.0)

En 1979, les attitudes occidentales à l’égard de l’Islam sont entrées dans une période radicalement schizophrénique, dénonçant la révolution islamique en Iran comme un désastre politique et en matière de droits de l’homme, tout en apportant leur plein soutien aux moudjahidines islamiques de l’Afghanistan voisin.

L’exhibitionniste politique français Bernard Henri Lévy était un partisan des plus zélés des musulmans afghans opposés à l’incursion russe qui n’a pas réussi à sauver les forces progressistes modernisatrices à Kaboul.

C’est le stratège en chef du président Jimmy Carter, Zbigniew Brzezinski, qui a vu le potentiel de l’islam militant pour vaincre l’influence soviétique en Asie centrale. Dans les années 1990, les États-Unis ont secrètement soutenu l’armement illégal des moudjahidines pour combattre aux côtés des islamistes en Bosnie, contre la Serbie, considérée par Washington comme une Russie miniature.  Pour les dirigeants de l’Occident “éclairé”, les expressions les plus médiévales de l’Islam étaient considérées comme un outil utile contre la version rivale des Lumières, à l’Est, fondée sur le marxisme.

Les premiers ennemis d’Israël étaient liés au nationalisme arabe laïc : les Forces populaires de libération (FPL), le Fatah et le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). À Gaza, la branche locale des Frères musulmans, interdite en Egypte et hostile aux groupes laïcs, semblait inoffensive, d’autant que son chef, Cheikh Ahmad Yassin, était tétraplégique, confiné dans un fauteuil roulant et à moitié aveugle.

Yassin a construit un centre islamique, appelé Moujamma, qui a gagné en popularité grâce à diverses activités sociales et caritatives. Les maîtres israéliens ont favorisé cette évolution car elle rivalisait avec les groupes de résistance laïque. Israël a officiellement reconnu la Moujamma en 1979 et le nombre de mosquées à Gaza a doublé sous l’administration israélienne.

 “Pour les dirigeants de l’Occident éclairé, les expressions les plus médiévales de l’Islam étaient considérées comme un outil utile contr la version rivale des Lumières, à l’Est, fondée sur le marxisme.”

Ce n’est que lors du soulèvement palestinien de décembre 1987, connu sous le nom de Première Intifada, que Cheikh Yassine crée le Hamas, voué à la résistance islamiste. Proche du peuple par ses activités culturelles et sportives, l’organisation islamique disposait d’une base populaire qui a finalement conduit à un succès électoral à Gaza contre l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) laïque en 2006.

L’instrumentalisation complexe d’Al-Qaïda par les États-Unis en Afghanistan, la révolution islamiste en Iran, le soutien américain à l’Irak de Saddam Hussein contre l’Iran avant de lancer une guerre contre Saddam Hussein, ont conduit de manière mystérieuse aux dramatiques attentats du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center. à New York et au Pentagone, dont le seul effet politique évident a été de cimenter l’alliance américano-otano-israélienne contre le « terrorisme islamique ».

Ce terme implique de confondre différents groupes, souvent mutuellement hostiles, ainsi que d’associer faussement des musulmans pacifiques à des groupes armés. Les dirigeants israéliens ont toujours dénoncé les résistants palestiniens comme des terroristes, y compris ceux qui sont chrétiens. Mais le terrorisme islamiste était une menace qui permettait d’identifier plus facilement Israël comme la ligne de front dans la défense de la civilisation judéo-chrétienne occidentale.

Gaza

8 octobre 2023 : Ruines laissées par les frappes aériennes israéliennes à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza. (Mahmoud Fareed, Wafa pour APAimages)

Depuis lors, les États-Unis et leurs partisans de l’OTAN ont ravagé le Moyen-Orient, utilisant l’extrémisme islamiste comme ennemi officiel ou allié factuel, pour détruire les trois États les plus laïcs et pro-palestiniens de la région, l’Irak, la Libye et la Syrie – en exécutant Saddam Hussein, en assassinant Mouammar Kadhafi et en persistant dans l’occupation illégale et les sanctions contre la Syrie visant à renverser Bashar al Assad.


Attaques terroristes en France


Suivant la tradition gaulliste, le président Jacques Chirac a tenu la France à l’écart de l’invasion de l’Irak menée par les États-Unis en 2003. Mais les gouvernements suivants se sont alignés sur les États-Unis et Bernard-Henri Lévy a ostensiblement incité la France à attaquer la Libye.  La France a payé un lourd tribut à cause de ses rencontres ambiguës avec l’Islam. Au cours des 12 dernières années, le pays a connu un nombre extraordinaire d’attaques terroristes islamistes authentiques contre des civils, perpétrées par des fanatiques criant « Allahu Akbar ».

– En mars 2012, un homme nommé Mohammed Merah a abattu sept personnes, dont un rabbin français et trois jeunes enfants juifs, dans le sud de la France. Ses motivations déclarées incluaient la Palestine et l’interdiction française de la burqa.

– Le 7 janvier 2015, deux attaques coordonnées ont eu lieu, provoquant un choc majeur dans l’opinion publique. Des hommes armés sont entrés dans les locaux du journal satirique Charlie Hebdo et ont assassiné huit caricaturistes de renom et deux gardiens, pour se venger de la publication de caricatures insultantes à l’égard du Prophète. Entre-temps, un complice a tué plusieurs personnes lors d’une prise d’otages dans une épicerie casher.

– L’attaque la plus meurtrière a eu lieu dans la soirée du 13 novembre de la même année, tuant 131 personnes et en blessant 413 autres lorsque des fanatiques islamistes se sont fait exploser devant un événement sportif majeur, ont lancé des coups de feu et des grenades dans un théâtre lors d’un concert de rock et aux terrasses des cafés parisiens. L’État islamique en Irak et en Syrie (EIIS) a qualifié ces attaques de représailles aux bombardements français en Syrie.

– Le 14 juillet 2016, un Tunisien a foncé avec un camion de 19 tonnes sur une foule en vacances sur la Promenade des Anglais à Nice, tuant 86 personnes et en blessant 434 avant d’être abattu par la police.

–Douze jours plus tard, un prêtre de 86 ans est tué à coups de couteau alors qu’il disait la messe dans une église de Normandie. L’Etat islamique a revendiqué la responsabilité du meurtre.

– Le 6 octobre 2020, lors d’un cours sur la liberté d’expression, l’enseignant de collège Samuel Paty a montré à sa classe les caricatures du Prophète de Charlie Hebdo, après avoir autorisé les élèves musulmans à sortir s’ils le souhaitaientDix jours plus tard, en représailles, l’enseignant a été poignardé et décapité dans la rue par Abdullakh Anzorov, 18 ans, un réfugié islamique tchétchène bénéficiant de l’asile politique en tant qu’exilé de Russie. Cela a provoqué un énorme choc en France, notamment parmi le corps enseignant.

– Le 13 octobre 2023, un réfugié politique tchétchène de 20 ans criant Allahu Akbar a attaqué une école d’Arras, dans le nord de la France, poignardant à mort le professeur de littérature française Dominique Bernard.

Dans ce contexte, les Français sont particulièrement sensibles au terme de « terrorisme islamique » [comme si toute la religion islamique en était responsable, plutôt que de parler de terrorisme islamiste, qui fait référence à l’islam politique.]

Lorsque, le 7 octobre, des combattants de Gaza ont réussi à entrer en Israël, les médias et les hommes politiques français ont immédiatement condamné l’attaque comme étant du « terrorisme islamique », la reliant implicitement à la longue chaîne d’attaques islamistes en France.

Contrairement à ces attaques, les combattants du Hamas, bien organisés, ont mené une opération militaire réussie, brisant le mur israélien qui emprisonne Gaza et envahissant les bases militaires israéliennes. Cette opération avait des objectifs clairs, notamment la prise d’otages pour les échanger contre quelques-uns des milliers de prisonniers palestiniens détenus par Israël. La prise d’otages était une invitation claire à des négociations, mais le régime israélien déteste toute négociation susceptible de « légitimer » un mouvement palestinien.

“Lorsque, le 7 octobre, des combattants de Gaza ont réussi à entrer en Israël, les médias et les hommes politiques français ont immédiatement condamné l’attaque en la qualifiant de “terrorisme islamique”, la reliant implicitement à la longue chaîne d’attaques islamistes en France.” 

Le gouvernement a initialement interdit les manifestations protestant contre les attaques massives d’Israël sur la population de Gaza. Des manifestants pacifiques ont été brutalisés et condamnés à une amende par la police. Toutefois, les interdictions ont été levées et les manifestations pro-palestiniennes se sont poursuivies. L’opposition aux représailles génocidaires d’Israël contre la population de Gaza est certainement forte au sein de la population française, en particulier parmi les jeunes, mais elle a très peu de voix politique et jusqu’à présent, aucun sondage ne la mesure.

Les médias français ont fait écho aux rapports israéliens extrêmement exagérés sur les atrocités du Hamas et la « montée de l’antisémitisme ».

Les journaux ont fait état des craintes croissantes des Juifs d’être attaqués ici en France. Le gouvernement israélien a délibérément exploité la peur de l’antisémitisme pour encourager les Juifs français à s’installer en Israël, mais le succès des incursions du Hamas risque d’ébranler la confiance en Israël en tant que refuge sûr des Juifs – en entassant la moitié de la population juive mondiale dans un petit espace entouré par des ennemis.


Les positions de gauche et de droite qui s’échangent.



Jean-Luc Mélenchon en 2019. (La Gauche, Flickr, CC BY-NC-ND 2.0)

Dans les jours qui ont suivi le 7 octobre, les intervieweurs des grands médias ont mis à l’épreuve tous les politiciens en exigeant de condamner le Hamas comme une « organisation terroriste islamiste ». Presque tous se sont conformés avec enthousiasme, soulignant leur soutien au « droit d’Israël à exister » (quoi que cela puisse impliquer).

Du chef du Parti communiste Fabien Roussel à Eric Zemmour, fondateur d’un parti nationaliste à droite de Marine Le Pen, les politiques français ont été unanimes à condamner « l’attaque terroriste brutale » du Hamas – à une exception près. L’exception notable était le principal homme politique de gauche du pays, Jean-Luc Mélenchon.

Mélenchon a refusé de dénoncer le Hamas comme une « organisation terroriste ». Les meurtres de civils par le Hamas sont des « crimes de guerre », comme tout meurtre de civils, a-t-il déclaré. Les attaques, a-t-il tweeté, “ne prouvent qu’une chose : la violence ne fait que se produire et se reproduire. Horrifiées, nos pensées et notre compassion vont à toutes les populations en détresse, victimes de tout cela. Un cessez-le-feu doit être imposé . ”

De nombreux parlementaires du parti de Mélenchon « La France Insoumise » (LFI) ont emboîté le pas, contrairement à d’autres sections de la gauche fragmentée. Danièle Obono, députée LFI Paris d’origine africaine, a été brutalement incitée par un journaliste de télévision hostile à déclarer que le Hamas « est un mouvement de résistance, c’est comme ça qu’il s’appelle… son objectif est la libération de la Palestine… il résiste à l’occupation ». En quelques heures, le ministre de l’Intérieur, Gérard Darmanin, a annoncé qu’il la mettait en examen pour « apologie du terrorisme ».

Un lynchage verbal s’est élevé contre Mélenchon, un chœur vigoureusement rejoint non seulement par ses ennemis de droite mais aussi par ses rivaux dans les petits partis appartenant à la coalition électorale de gauche en désintégration NUPES ( Nouvelle Union Populaire, Ecologique et Sociale ) qu’il a fondée. Mélenchon et LFI sont dénoncés comme des « islamo-gauchistes », flattant les terroristes pour conquérir le vote musulman.

Yonathan Arfi, le président du CRIF, a dénoncé avec colère Mélenchon comme « un ennemi de la République ». Mélenchon, a-t-il dit en étant enragé « a choisi de ne pas exprimer sa solidarité avec Israël mais de légitimer le terrorisme par une équivalence entre Israël et le Hamas ».

De son côté, Serge Klarsfeld, célèbre chasseur de nazis de toujours et président de l’association Fils et filles de juifs déportés de France, se réjouissait que Marine Le Pen ait complètement changé l’idéologie de son parti, le Rassemblement National , par rapport à celle de son père, Jean-Marie Le Pen.

Marine Le Pen a dirigé son parti lors d’une manifestation à Paris le 12 novembre 2023 contre l’antisémitisme tout en soulignant son soutien à Israël. Du coup, elle est « devenue respectable », a-t-il conclu. Une telle approbation rendra difficile sa diabolisation lors des prochaines élections, comme par le passé.

Faisant référence à Jean-Luc Mélenchon, Klarsfeld a regretté que « l’extrême gauche ait abandonné sa ligne d’action contre l’antisémitisme», tout en soulignant que « l’extrême gauche a toujours eu une tradition antisémite ».

Ainsi, un renversement politique qui se prépare depuis longtemps est en train de s’achever, non seulement en France mais dans toute l’Europe et même en Amérique. Israël, dont les premiers partisans étaient à gauche, de l’Union soviétique aux socialistes français, est défendu le plus vigoureusement par la droite, tandis que de plus en plus de personnes (mais rarement de politiciens) de gauche se joignent au choc et à l’horreur du monde non occidental face aux actions génocidaires d’Israël contre le peuple palestinien.


La guerre des civilisations


Les champions d’Israël les plus extrémistes, dont de nombreux commentateurs et Eric Zemmour, journaliste fondateur du parti nationaliste et anti-musulman appelé Reconquête à droite de Marine Le Pen, fusionnent le conflit israélo-palestinien dans une guerre mondiale des civilisations. Pour eux, le Hamas n’est qu’une partie d’une guerre islamique internationale contre la civilisation occidentale. Dans cette vision des choses, Israël est l’avant-garde de la civilisation occidentale dont le principal ennemi est l’antisémitisme.

Au milieu de cette tourmente, le président Emmanuel Macron suit les tendances européennes, mais avec des notes d’ambiguïté confirmant sa position de parfait centriste. Il a hésité avant de suspendre le financement de l’UNRWA, puis l’a fait en affirmant que son intention était d’obtenir un cessez-le-feu. Une telle incertitude ne peut que déplaire aux deux côtés de la nation aigrie et divisée autour de Gaza.

Il est resté à l’écart des manifestations politiquement surchargées du 12 novembre contre l’antisémitisme, mais a compensé en dirigeant une commémoration le 7 février à Paris des 42 victimes françaises et franco-israéliennes des attentats du 7 octobre. Le gouvernement français a affrété un avion pour transporter les proches des victimes d’Israël. Les participants ont hué et crié « fasciste ! » et « terroristes ! » aux parlementaires du parti de Mélenchon venus leur rendre hommage.

Sous une pluie froide, Macron a lu les prénoms des 42 victimes dont la vie, selon lui, a été « brisée par la fureur terroriste».

« Le 7 octobre, à l’aube, dit-il, l’innommable a refait surface des profondeurs de l’histoire, produisant « le plus grand massacre antisémite de notre siècle ». Ainsi, en France, il semble que le véritable sujet du 7 octobre ne concernait pas Gaza, ni Israël, et certainement pas les Palestiniens, mais fondamentalement une résurgence de l’impunité provoquée par l’omniprésente Shoah.

Diana Johnstone

Diana Johnstone a été attachée de presse du Groupe des Verts au Parlement européen de 1989 à 1996. Dans son dernier livre, Circle in the Darkness : Memoirs of a World Watcher (Clarity Press, 2020), elle raconte les épisodes clés de la transformation de l’Allemagne. Le Parti Vert passe d’un parti de la paix à un parti de la guerre. Ses autres livres incluent : La croisade des fous  Yougoslavie, première guerre de la mondialisation (Éditions critiques) et en co-auteur avec son père, Paul H. Johnstone, From MAD to Madness : Inside Pentagon Nuclear War Planning (Clarity Press). Elle est joignable à diana.johnstone@wanadoo.fr

Article original en anglais traduit en français avec l’autorisation de l’auteur

Source: Consortiumnews.com, 12 février 2024

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♦ Indignation après la diffusion d’une image virale d’un Palestinien blessé et dénudé

Publié le par S. Sellami

palestine

L’image d’un Palestinien blessé, menotté et déshabillé, dominé par un soldat, est la dernière en date à avoir suscité l’indignation et de vives inquiétudes au sujet des soldats israéliens qui documentent les atrocités commises à l’encontre des civils à Gaza. Cette “pratique” a été incluse par l’équipe juridique de l’Afrique du Sud dans sa plaidoirie devant la Cour internationale de justice le mois dernier, selon laquelle il existait des “preuves de l’intention génocidaire” d’Israël dans ses actions à Gaza.

L’image désormais virale, qui aurait été postée par Yosee Gamzoo, qui semble être le soldat en question, a depuis été supprimée et son compte fermé. Le Palestinien torturé, en sous-vêtements, le sang coulant d’une blessure à la jambe, fixe le soldat d’un air de défi. La main du soldat, visible sur l’image, semble ensanglantée.

Une autre image postée par le journaliste Younis Tirawi sur X montre le détenu escorté dans une rue par un groupe de soldats. Il est déjà déshabillé sur cette image.

Tirawi a indiqué que selon des sources locales, le détenu a été identifié comme “Hamza du quartier de Shujaiyah, à l’est de la ville de Gaza”.
“Avant son arrestation dans les images, l’armée israélienne a tué son père, la femme de son frère et ses deux neveux (un nourrisson et un enfant de deux ans)”, a déclaré Tirawi.

Les utilisateurs des réseaux sociaux ont dénoncé l’image, certains la comparant aux atrocités commises contre les détenus à Guantanamo Bay et à la prison d’Abou Ghraib en Irak.  “S’ils n’ont ni honte ni conscience en publiant cette image, pensez à toutes les scènes qu’ils ne publieront pas”, peut-on lire dans un commentaire.

Sur X, un autre commentaire disait que “cette image puissante résume parfaitement la lutte des Palestiniens. L’oppression israélienne. L’humiliation. La brutalité. L’asymétrie du conflit. Et le défi palestinien face à tout cela”.
Une tendance aux atrocités documentées

Interrogé sur cette image lors d’une conférence de presse lundi, Vedant Patel, porte-parole adjoint du département d’État américain, a déclaré qu’elle était “profondément troublante”, mais qu’il n’avait “aucune connaissance ou information sur les circonstances entourant cet incident”. Il a déclaré que l’armée israélienne devrait “parler de ces situations spécifiques”, ajoutant que “nous avons été clairs avec eux sur le fait que le droit humanitaire doit être respecté”.

Israeli occupation forces truck dozens of Palestinian civilians from northern Gaza to a detention camp in Israel, December 2023.

Des images diffusées précédemment par des soldats israéliens ont montré des dizaines d’hommes palestiniens aux yeux bandés et menottés, déshabillés jusqu’à leurs sous-vêtements avant d’être transportés à l’arrière de camions vers des lieux non divulgués.

Les soldats ont également partagé des images et des vidéos de leurs actions à Gaza, notamment en faisant exploser des bâtiments et en mettant le feu à des maisons. Une chaîne Telegram appelée “72 Virgins – Uncensored” aurait été créée pour documenter les activités des soldats.

Selon un article paru mardi dans le Jerusalem Post, “les administrateurs de la chaîne ont posté des contenus graphiques, y compris des vidéos dans lesquelles on peut voir les corps de terroristes…”. Le journal rapporte que “l’armée a admis à Haaretz en début de semaine” qu’une “unité de guerre psychologique des FDI” exploitait la chaîne “non autorisée”.

Mardi, l’Observatoire Euro-Med des droits de l’homme, basé à Genève, a publié une déclaration soulignant les témoignages de torture et de mauvais traitements reçus de détenus palestiniens récemment libérés de la bande de Gaza, y compris des femmes et des enfants.

L’organisation de défense des droits de l’homme a cité des révélations de crimes tels que la nudité forcée, le harcèlement sexuel et les menaces de torture sexuelle, appelant à une action internationale urgente pour mettre fin à ces violations.

L’organisme de défense des droits de l’homme a souligné que “les forces israéliennes font disparaître de force les détenus palestiniens et les soumettent à des violences brutales, voire à des tortures graves, depuis le tout premier moment de leur arrestation jusqu’à celui de leur libération“.

Euro-Med a souligné l’absence d’un décompte précis des détenus de Gaza. “L’armée israélienne a récemment affirmé qu’il y avait 2 300 détenus à Gaza ; cependant, les estimations basées sur les témoignages des personnes libérées suggèrent que le nombre réel de détenus est beaucoup plus élevé“.

Article original en anglais The Palestine Chronicle, le 6 février 2024.

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♦ Surveiller les chiens de garde: L’héritage israélien en matière de tromperie des médias trébuche

Publié le par S. Sellami

Palestinians flee Khan Younis in the southern Gaza Strip, January 26, 2024. (Atia Mohammed/Flash90)


La campagne de tromperie d’Israël contre l’UNRWA ne semble pas fonctionner comme prévu. Pourquoi ?


Au cours des deux dernières semaines, le gouvernement israélien a organisé un cours magistral sur la manière d’utiliser les médias occidentaux pour diffuser des fausses nouvelles et de la propagande et pour justifier les mesures anti-palestiniennes prises par les États-Unis et leurs alliés. Cela a fonctionné, mais seulement en partie.

Le 26 janvier, dans une décision préliminaire historique sur l’accusation de génocide portée par l’Afrique du Sud contre Israël, la Cour internationale de justice (CIJ) a estimé qu’il était « plausible » qu’Israël commette des actes violant la Convention sur le génocide et a exigé qu’il prenne « des mesures immédiates et efficaces pour permettre la fourniture des services de base et de l’assistance humanitaire dont les Palestiniens de la bande de Gaza ont un besoin urgent afin de remédier aux conditions de vie défavorables auxquelles ils sont confrontés ».

Israël n’en a pas tenu compte et, quelques heures plus tard, a lancé une campagne de tromperie visant à affaiblir l’UNRWA, la principale agence humanitaire des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, afin d’infliger davantage de souffrances et de morts à près de deux millions de Palestiniens déplacés, blessés, malades et affamés dans la bande de Gaza.

Israël a transmis aux médias occidentaux un « dossier » alléguant qu’une douzaine d’employés de l’UNRWA à Gaza travaillaient pour le Hamas et avaient même participé à l’attaque du 7 octobre contre Israël.

Après que les médias complaisants ont immédiatement relayé ces allégations non fondées dans le monde entier sans prendre la peine de procéder à une vérification indépendante, les États-Unis et d’autres pays ont suspendu le financement vital de l’UNRWA. Pendant ce temps, d’éminents politiciens ont commencé à demander la « fermeture » de l’UNRWA, comme le souhaite depuis longtemps Israël dans ses efforts pour annuler la reconnaissance des Palestiniens qu’il a déplacés en tant que « réfugiés » et pour invalider leur droit au retour sur les terres d’Israël qui leur ont été volées.

Rien de tout cela n’est nouveau ou extraordinaire.

Les grands médias occidentaux, du New York Times au Wall Street Journal en passant par CNN et NBC, aident depuis longtemps Israël à diffuser sa propagande et à atteindre ses objectifs politiques.

Au cours du siècle dernier, ces organisations et leurs homologues en Europe ont régulièrement diffusé des récits israéliens sans remettre en question leur véracité, tout en ignorant, en minimisant ou en déformant les perspectives palestiniennes. Leurs efforts ont aidé Israël à gagner la guerre des récits et à poursuivre son assaut colonial contre les Palestiniens dans une impunité presque totale.

Enfin, jusqu’à récemment, car la tradition peu glorieuse d’Israël qui réussit à blanchir ses mensonges et sa propagande par l’intermédiaire des médias traditionnels occidentaux est aujourd’hui exposée et remise en question, et semble commencer à se dissiper dans l’ère de l’information dominée par les nouveaux médias.

En effet, depuis le 7 octobre, une série d’enquêtes indépendantes sur les événements en Israël et en Palestine et sur les reportages des médias occidentaux à leur sujet ont révélé comment Israël utilise les médias occidentaux traditionnels pour tromper le monde, réduire au silence les Palestiniens et leurs alliés, saper le droit international, dissimuler ses violations systématiques des droits de l’homme et faire avancer son programme de colonisation.

La première couverture médiatique occidentale des allégations de terrorisme à l’encontre de l’UNWRA est peut-être le meilleur exemple de ce phénomène.

Israël a soudainement présenté un dossier « explosif » sur les liens présumés entre le Hamas et le personnel de l’UNRWA parce qu’il voulait détourner l’attention de la décision de la CIJ sur ses propres actes génocidaires et, au lieu de cela, soulever des doutes sur la crédibilité de l’agence cruciale de l’ONU.

Grâce en grande partie aux reportages non critiques des médias occidentaux, le plan d’Israël a réussi, du moins en partie, puisqu’il a déclenché d’importantes réductions de financement et une audition au Congrès américain sur le thème « UNRWA Exposed : Examining the Agency’s Mission and Failures » (L’UNRWA dévoilé : examen de la mission et des échecs de l’agence).

Les membres du Congrès ont accusé l’UNRWA d’avoir « des liens de longue date avec le terrorisme et de promouvoir l’antisémitisme », apparemment sur la base d’affirmations israéliennes diffusées dans les médias. Ils ont également présenté un projet de loi intitulé « UNRWA Elimination Act » (loi sur l’élimination de l’UNRWA) demandant la dissolution complète de l’agence humanitaire et le transfert de toutes ses responsabilités au Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

Mais des rapports et des enquêtes indépendants ont rapidement révélé des failles importantes dans le récit israélien que les médias dominants avaient adopté et diffusé avec empressement.

À mesure que les journalistes occidentaux en dehors des grands médias, les médias du Sud comme Al Jazeera, les militants et les universitaires ont commencé à poser des questions sur les accusations portées contre l’UNRWA, l’histoire d’Israël a commencé à s’effilocher.

Incapable de fournir des preuves tangibles de l’implication du personnel de l’UNRWA dans les attentats du 7 octobre, l’agence de renseignement qui a distribué le « dossier » a déclaré que ses informations provenaient « d’interrogatoires de prisonniers palestiniens ». Cette révélation a éveillé les soupçons des journalistes et des universitaires qui suivent le conflit, Israël étant connu pour utiliser la torture afin d’extorquer de faux aveux aux prisonniers palestiniens. Se rendant compte que la communauté internationale mettait en doute leur version des faits, les agents de renseignement israéliens l’ont tout simplement modifiée et ont commencé à dire qu’ils avaient obtenu ces informations par le biais de la surveillance.

Alors que de nombreux pays prenaient la défense de l’UNRWA, Israël a dû faire face à un examen minutieux de ses allégations à l’encontre de l’agence américaine et a communiqué ses « documents de renseignement » douteux à un nombre encore plus grand de journalistes.

Une analyse du dossier par la chaîne britannique Sky News a révélé que ces documents affirment que seuls six employés de l’UNRWA sont entrés en Israël le 7 octobre, et non 12 comme cela avait été initialement suggéré. Elle a noté que « les documents des services de renseignement israéliens font plusieurs affirmations dont Sky News n’a pas vu la preuve et beaucoup de ces affirmations, même si elles sont vraies, n’impliquent pas directement l’UNRWA ».

Après avoir également analysé les documents, la chaîne britannique Channel 4 est parvenue à une conclusion similaire et a déclaré que le dossier de six pages « ne fournit aucune preuve à l’appui de l’affirmation explosive selon laquelle le personnel de l’ONU a été impliqué dans des attaques terroristes contre Israël ».

Les accusations de terrorisme portées contre l’UNRWA constituent peut-être l’exemple le plus frappant de la mise en cause des grands médias occidentaux qui, depuis le 7 octobre, diffusent sans esprit critique les fabrications et la propagande israéliennes. Mais ce n’est pas le seul.

Les allégations israéliennes concernant les « tunnels terroristes » et les « centres de commandement du Hamas » sous les hôpitaux de Gaza, qui ont été répétées par la plupart des médias occidentaux sans aucun examen ou tentative de vérification, se sont également révélées sans fondement grâce à plusieurs enquêtes de sources ouvertes, à des reportages approfondis réalisés par des journalistes locaux sur le terrain et à de nombreuses preuves vidéo.

En février, la chaîne de télévision Al Araby TV a filmé ce qu’Israël prétendait être un « tunnel du Hamas » découvert sous l’hôpital Sheikh Hamad, dans le nord de la bande de Gaza, et qui s’est avéré n’être rien d’autre qu’un puits d’eau.

Auparavant, en décembre, un rapport explosif du New York Times sur l’utilisation de la violence sexuelle par le Hamas lors de l’attaque du 7 octobre a été critiqué pour la faiblesse de ses sources et le manque de rigueur de ses reportages. Le journal de référence a finalement dû retirer un épisode de podcast qu’il avait préparé sur le sujet.

À propos du rapport et du podcast du Times sur les violences sexuelles, le site d’investigation The Intercept a déclaré que « les critiques ont mis en évidence des divergences majeures dans les récits présentés par le Times, des commentaires publics ultérieurs de la famille d’un des principaux sujets de l’article dénonçant ce dernier, et des commentaires d’un témoin clé semblant contredire une affirmation qui lui est attribuée dans l’article ».

L’Electronic Intifada a publié plusieurs articles et podcasts contenant plus de détails sur l’enquête du New York Times concernant son article sur les viols collectifs, confirmant pour la plupart l’absence de preuves crédibles ou de témoins oculaires dans les histoires que les institutions israéliennes, y compris les forces armées, ont partagées avec les médias mondiaux.

Le site d’investigation progressiste Mondoweiss a expliqué dans un rapport intitulé « Nous méritons la vérité sur ce qui s’est passé le 7 octobre » que « les chercheurs qui ont recoupé les déclarations avec la liste des victimes du terrorisme tenue par l’administration israélienne de la sécurité sociale ont montré que plusieurs histoires horribles que les premiers intervenants et les membres [de l’armée israélienne] ont initialement racontées aux journalistes ne correspondent pas à des personnes ou à des décès réels ».

Le Guardian de Grande-Bretagne a publié un rapport détaillé sur la façon dont « CNN fait face à un retour de bâton de la part de son propre personnel concernant les politiques éditoriales qui, selon eux, ont conduit à une régurgitation de la propagande israélienne et à la censure des perspectives palestiniennes dans la couverture de la guerre à Gaza par la chaîne ».

Le projet Oct7factcheck – un recueil exhaustif d’affirmations, de leur origine, de leurs propagateurs et des preuves qui les confirment ou les réfutent, mis en place par l’initiative Tech for Palestine – a également publié les résultats d’enquêtes indépendantes sur une douzaine d’accusations et de rapports israéliens parmi les plus spectaculaires concernant l’attaque du Hamas, qui ont été repris sans esprit critique par la plupart des médias occidentaux, et a démenti la plupart d’entre eux, les jugeant faux et dépourvus de preuves.

Ils montrent, par exemple, que certaines des preuves présentées par Israël lors de l’audience de la CIJ – preuves republiées par les principaux médias occidentaux sans poser de questions – étaient fausses.

« Au cours des quatre derniers mois, les affirmations concernant le 7 octobre ont influencé le récit public », notent-ils. « Des récits d’atrocités, parfois bricolés à partir de témoins oculaires peu fiables, parfois entièrement fabriqués, ont été transmis à des chefs d’État et utilisés pour justifier la violence militaire d’Israël.

À mesure que de nouvelles preuves révèlent que les histoires qu’Israël offre aux médias sur les Palestiniens et le Hamas sont fabriquées, non fondées ou exagérées, les journalistes internationaux ont tendance à passer plus de temps à vérifier la véracité des offres de propagande d’Israël – et plus de temps à faire leur travail de reportage des faits et de la vérité.

 – Chercheur émérite à l’Université américaine de Beyrouth

Source: Al Jazeera

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♦ À propos du génocide des Palestiniens par l’État d’Israël : les « Nouveaux justes »

Publié le par S. Sellami

Chapeau bas à tous ces courageux israéliens qui œuvrent pour la paix, et à en payer le prix, sont prêts
À l’instar de ce jeune qui a déclaré à ses juges : « à une guerre criminelle à Gaza, je refuse d’y aller » [1]
Et nombreux sont les jeunes pacifistes israéliens emprisonnés pour avoir refusé d’y participer
Et à toutes ces organisations juives qui militent en faveur de la cause palestinienne, avec témérité
En faveur d’une paix juste et durable au Proche-Orient, avec, en premier, l’association juive laïque l’UJFP [2]
Suivie de l’association de terrain israélienne Peace Now qui, en mars 1978, a été fondée
Œuvrant pour mettre fin à l’occupation, revenir au Frontières de 1967 et instaurer la paix
Dès les années 90, les colonies comme l’un des principaux obstacles à ce but, elle a identifiées
Ses activités visent à garantir que les questions liées à cette paix restent une primordiale priorité
De l’agenda politique et du discours public, et cela par la pression citoyenne, les débats, les publicités,...
Elle a des milliers d’adhérents et ses sympathisants se comptent, à l’intérieur d’Israël, par centaines de milliers [3]
Parmi lesquels la regrettée Vivian Silver qui, le 7 octobre, dans son Kibboutz, fut sauvagement assassinée
Par le Hamas ; par ailleurs, l’une des fondatrices et un membre pivot de l’association Women Wage Peace, elle a été [4]
Il y a aussi l’association IfNotNow d’Américains juifs qui, au système d’apartheid israélien, sont opposés
Ainsi qu’à la colonisation par Israël des territoires qui reviennent à la palestinienne Autorité
Et dont les membres, contre la politique américaine pro-Israël actuelle, ne cessent de manifester
« Les Juifs ne seront pas libres tant que les Palestiniens ne le seront aussi » est leur cri de bataille adopté [5]
Sans oublier Israël Shahak, un survivant de la Shoah, Professeur à la Jérusalem Université
« Hier, sous les nazis, j’avais peur d’être juif. Aujourd’hui, avec les Israéliens, j’en ai honte », qui avait affirmé [6]
Après la guerre de Suez, et après avoir entendu Ben Gourion, dans un discours à la Knesset déclarer
Que le but de cette guerre, de « rétablir le royaume de David et de Salomon dans ses frontières bibliques », était
Dans un état « avec le plus de territoire possible, le plus de juifs et le moins d’Arabes possible » avait-il spécifié [7]
Après la guerre des Six Jours, il milite contre le sionisme, la façon dont sont traités les Palestiniens l’a indigné
La Shoah, par le racisme et la division de la société allemande entre Juifs et non-Juifs, fut amenée
« C’est exactement la même chose qui est en train d’arriver en Israël », a-t-il, dans un livre, développé
En ajoutant qu’ « Israël, en tant qu’État juif, constitue, non seulement pour lui-même et pour ses habitants, un danger
Mais encore pour tous les juifs, et pour tous les autres peuples et États du Moyen-Orient, et au-delà... », tout y est [8]
Chapeau bas aussi à tous ces citoyens du monde qui, « Justes parmi les nations », pourraient être considérés [9]
Qui osent approuver ce que la CIJ a retenu comme un génocide des Palestiniens par Israël, présumé [10]
Malgré la réticence de leurs gouvernements à admettre la thématique du génocide, tous azimuts déclarée
Comme pourraient mériter de l’être tous ceux qui, en dépit des risques encourus, œuvrent inlassablement pour la paix
Et cela dans une ambiance dominante où critiquer l’État d’Israël conduit à être, d’antisémite, accusé
Parmi lesquels les Français Balibar, Dayan-Herzbrun, Lévy-Leblond, Löwy et Morin méritent d’être cités [11]

J’ai employé dans ce qui précède deux importantes notions qui se trouvent au nombre de celles les plus usitées
Dans les médias, écrits et parlés, et les discours politiques, depuis les massacres du 7 octobre dernier
À savoir, antisioniste et antisémite ; aussi, la signification de ces notions, proposons-nous de donner
Surtout que, plus d’un média, plus d’un politique entretiennent la confusion entre eux, par ignorance ou par duplicité
À l’instar du président Macron qui, sur la sémantique adoptée par Benyamin Netanyahou, s’est aligné
Et cela dans un discours officiel, en présence de ce dernier et des caméras, comme il sera ci-dessous exposé
Le sionisme historique est un mouvement politique qui, dans le dernier quart du XIXe siècle, est né
En Europe de l’Est ; la constitution d’une patrie pour les juifs fut sa priorité depuis son premier congrès
Au départ, l’antisionisme est la critique de toute idéologie prônant qu’un État juif devrait être créé
Aujourd’hui, l’antisionisme désigne la critique des conséquences du sionisme historique caractérisées
Par l’inégalité de tous les habitants vivant, entre la mer et le Jourdain, sous l’israélienne souveraineté
Corollaire de la nature même du régime israélien qui affirme que la terre d’Israël est, aux juifs, réservée
Et la nationalité juive de l’État confère des droits aux juifs du monde, aux Palestiniens d’Israël, refusés
Conduisant à de multiples lois d’apartheid à leur égard, faisant d’eux des citoyens israéliens discriminés
Ariel Sharon n’avait-il pas franchement déclaré « Nos pères et nos arrière-grands-pères ne sont pas venus ici pour fonder
Un Etat démocratique. Ils sont venus dans l’intention de construire un Etat juif », ce qui fut, dans les lois, gravé [7]
Conséquences qui se sont aggravées quand le sionisme a muté et, par la droite messianique, a été absorbé
Quand il a glissé vers un nationalisme religieux, par l’idéologie du parti majoritaire le Likoud, porté
« Le peuple juif, sur toutes les parties de la Terre de l’Israël biblique, a un droit inaliénable et particulier »
C’est ce qui est affirmé dans un communiqué du Likoud et des partis ultra-orthodoxes et d’extrême droite, ses alliés [12]
Quant à l’antisémitisme, c’est la haine quasi-viscérale des juifs ; c’est un phénomène très ancien qui s’est manifesté
Tout au long de l’Histoire, notamment à partir de l’aube du christianisme, quand ses théologiens ont réfuté
Le judaïsme, comme le montre en détail l’ouvrage du Carthaginois Tertullien, Contre les Juifs, intitulé [13]
Et, pour l’Histoire, soit dit en passant, c’est ce Berbère de l’Ifrikya qui a introduit le terme de « Trinité » [14]
Et c’est un autre Berbère de Tunisie, le Pape Victor 1er, qui, les dates de Pâques, a essayé en vain d’unifier [15]
Revenons au président Macron qui, face au premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, sans sourciller
A déclaré : « Nous ne céderons rien à l’antisionisme car il est la forme, de l’antisémitisme, réinventée »
Accusation qui a fait bondir l’ensemble des milieux de soutien au peuple palestinien en France et à l’étranger [16]
Confusion savamment et continûment entretenue par la propagande de l’État d’Israël qui tente d’imposer
La proposition que tout juif est sioniste, puisqu’il considère Israël comme l’État de tous les juifs du monde entier
Par suite, tout antisioniste est anti-juif, et, donc, est antisémite. Or, comme il a été ci-dessus montré
Il n’y a aucun point commun entre les deux notions : on peut être judéophile et antisioniste confirmé
L’accusation selon laquelle les critiques à l’égard d’Israël constituent de l’antisémitisme est partagée
Par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste, domicilié à Berlin, dont fait partie l’État français [17]
Et c’est le président Emmanuel Macron lui-même qui, d’intégrer l’antisionisme dans l’antisémitisme, a proposé
En mettant en œuvre une définition de ce dernier englobant celle du premier, avait-il, devant le CRIF, annoncé [18]

Salah HORCHANI

[1] https://www.legrandsoir.info/4185-criminels-de-guerre-franco-israelien...
Dans ce contexte, voir aussi le lien suivant :
https://twitter.com/Vanneur/status/1741897171262173262
[2] https://ujfp.org/
https://alencontre.org/debats/critiquer-israel-nest-pas-antisemite.html
[3] http://peacenow.org.il/eng/
[4] https://www.womenwagepeace.org.il/en/vivian-silver-peace/
[5] https://www.ifnotnowmovement.org/
[6] https://www.palestine-solidarite.org/livre.The_Wandering_Who-1.htm
[7] https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/03/19/du-reve-d-un-etat-juif...
[8] https://www.livresenfamille.fr/etudes/15835-israel-shahak-histoire-jui...
[9] En faisant référence à l’expression « Justes parmi les nations » qui désigne un titre honorifique décerné par le Mémorial de Yad Vashem aux personnes qui ont pris des risques considérables pour sauver des Juifs de l’extermination nazie, pendant la Seconde Guerre mondiale.
[10] https://www.icj-cij.org/sites/default/files/case-related/192/192-20240...
https://news.un.org/fr/story/2024/01/1142662
https://www.youtube.com/watch?v=sINFQePYqeE
[11] https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/09/guerre-israel-hamas-no...
[12] https://www.20minutes.fr/monde/4016607-20221228-israel-netanyahu-prese...
[13] https://bibliobs.nouvelobs.com/en-partenariat-avec-books/20150925.OBS6...
https://www.tertullian.org/french/g3_02_adversus_judaeos.htm
[14] https://www.tertullian.org/french/g3_18_doctrine.htm
[15] https://nominis.cef.fr/contenus/saint/1586/Saint-Victor-Ier.html
[16] Voir le deuxième lien de la référence [2] ci-dessus.
https://alencontre.org/debats/critiquer-israel-nest-pas-antisemite.html
[17] https://www.bbc.com/afrique/articles/c2x85l5m7r8o# : :text=Aujourd’hui%2C%20ceux%20qui%20s,au%2Ddel%C3%A0%20de%20son%20territoire
[18] https://fr.timesofisrael.com/antisemitisme-paris-appliquera-la-definit...

»» https://www.facebook.com/photo++cs_INTERRO++fbid=1644116996361023++cs_AMP++amp ;set=a.120896128683125
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