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♦ La signification politique et idéologique du rapport Stora

Publié le par S. Sellami

La signification politique et idéologique du Rapport de Benjamin Stora. On ne dépasse jamais une page d’histoire sans la lire jusqu’à la dernière ligne

Cet article est le développement de celui écrit pour le site « Rouge Midi » publié le 1er février 2021.

En juillet 2020 le président Emmanuel Macron confie à l’historien Benjamin Stora la mission de produire « un rapport sur les questions mémorielles portant sur la colonisation, et la guerre d’Algérie » dans l’objectif d’affirmer « une volonté nouvelle de réconciliation des peuples français et algériens » ancrée sur un « travail de mémoire, de vérité et de réconciliation [i] ». La veille de la remise du rapport les services de la présidence précisaient : « Des « actes symboliques » sont prévus mais il n’y aura « ni repentance ni excuses » [ii]. » Le président de la République reprend dans ces précisions le vocabulaire de l’extrême-droite qui dénonce depuis des décennies les exigences de vérités historiques comme constituant une demande de « repentance ». L’exigence légitime de « reconnaissance » de la colonisation comme « crime contre l’humanité » est ainsi transformée en exigence de « repentance ». La question bascule ainsi du champ du politique et de la caractérisation d’une des formes les plus ignobles de l’exploitation à celle de la morale et d’une posture de contrition. Le peuple algérien [pas plus que les militants anticolonialistes de France] n’a jamais massivement été demandeurs d’excuses mais a toujours exigé que toute la vérité sur les horreurs de la colonisation, et non seulement sur celles de la guerre d’Algérie, soit reconnue.

Le contenu et la logique du rapport Stora

Disons le d’emblée de nombreux développement du rapport sont pertinents et font plaisir à lire dans un rapport officiel. On ne peut ainsi que se satisfaire de la préconisation « de reconnaissance par la France de l’assassinat de Ali Boumendjel » (p. 96) ou de celle « d’entrée au Panthéon de Gisèle Halimi, grande figure féminine d’opposition à la guerre d’Algérie » (p. 100). Cependant comme le souligne la nièce d’Ali Boumendjel on peut s’interroger sur les raisons et surtout sur la conséquence de singulariser quelques personnes : « A la lecture du rapport, j’ai trouvé étonnant que l’historien français parle particulièrement d’Ali Boumendjel. Pourquoi le distinguer, alors que le Mouvement national algérien et la Bataille d’Alger particulièrement ont donné d’autres Ali Boumendjel ! Il existe tellement d’anonymes qui ont subi le sort affreux des assassinats et de la torture. Pourquoi le singulariser dans la communauté des martyrs algériens ? [iii] » La reconnaissance de quelques assassinats ignobles ne peut être un pas positif qu’à la condition qu’elle ne sert pas de prétexte à la négation des dimensions systémique et totale de la violence coloniale des débuts de la conquête à l’indépendance.

La logique consistant à reconnaître des « bavures », des scandales », des « dérives », etc., pour mieux occulter le caractère consubstantiellement violent de la colonisation, n’est pas nouvelle. C’est la même logique que nous retrouvons dans la dénonciation des violences de la guerre d’Algérie sur fond d’un silence assourdissant sur les violences de la conquête puis sur celles de 132 ans de colonisation. Benjamin Stora n’échappe pas à cette tendance à découpler la violence d’une séquence (la guerre d’Algérie) de celle de l’ensemble de la période coloniale. Certes il aborde les violences de la conquête et de la colonisation mais de manière allusive, l’essentiel de son rapport restant centré sur la période de la guerre d’Algérie. Le rapport Stora minimise l’ampleur des violences de la conquête que l’historien Gilbert Meynier évalue comme suit sur le seul plan des décès : « au total il y eut disparition peut-être bien d’un quart à un tiers de la population algérienne de 1830 à 1870 [iv]. » S’appuyant sur les données démographiques disponibles, le démographe de l’INED Kamel Kateb évalue les pertes algériennes liées la conquête coloniale comme étant encore plus importantes : « De 1830 à 1856 la population algérienne tomba d’environ 5 à 3 millions à environ 2.3 millions […] En se basant sur ces chiffres, nous pouvons établir que l’Algérie a perdu entre 30 et 58 % de sa population au cours des quarante – deux premières années (1830 – 1872) de la colonisation française [v]. »

C’est sciemment que le silence est fait sur ces chiffres que Benjamin Stora connaît parfaitement puisqu’il a rédigé la préface du livre de Kamel Kateb. Les enfumades, les exterminations de populations, l’horrible famine de 1866-1868, etc., sont tout simplement absentes d’un rapport censé faire progresser la « vérité et la réconciliation ». Ces occultations permettent en effet d’occulter ce que Youcef Girard appelle à juste titre : « le passé génocidaire de la France en Algérie [vi] ». Prendre en compte cette dimension génocidaire de la conquête rend en effet impossible de réduire le débat à une « concurrence des mémoires » d’une part et à traiter de manière équivalente les mémoires des uns et des autres d’autre part. Le rapport Stora « met sur le même plan victimes et bourreaux, colonisateurs et colonisés, spoliateurs et spoliés, tortionnaires et suppliciés [vii] » résume l’historien et sociologue Ahmed Rouadjia.

On ne peut rien comprendre aux formes prises par le combat indépendantiste en Algérie sans prendre la mesure de cette violence congénitale à la colonisation et à la colonisation de peuplement plus particulièrement. Voulant se situer au-dessus de la mêlée l’historien acceptant la fonction de « conseiller du prince » tente de « reconnaître » sans froisser les nostalgiques de l’Algérie française ce qui le conduit à une euphémisation permanente. Pour ce faire il doit mettre en place une logique d’équivalence entre tous les acteurs qui apparaissent dans leur ensemble comme coresponsables des violences de la guerre d’Algérie. Bref un « crime contre l’humanité » devient dans cette logique de l’équivalence une « guerre fratricide ». On comprend dès lors les nombreuses réactions négatives au « rapport Stora » en Algérie où aucune famille n’a été préservée, aucune structure sociale n’a été épargnée, aucune assise culturelle n’a échappé à l’œuvre de destruction totale qu’est la colonisation de peuplement.

C’est justement l’ampleur du traumatisme collectif qui donne tant d’importance à la question des archives qui est largement abordée dans le rapport Stora. Cette ampleur explique l’exigence algérienne de restitution de l’ensemble des archives algériennes rapatriées au moment de l’indépendance : celle de l’Algérie précoloniale démentant l’image d’une « Algérie sauvage » disponible pour l’œuvre civilisatrice, celles de la conquête mettant en exergue des violences exterminatrices de masses, celles de toutes la période coloniale soulignant, entre autre, l’ampleur de la violence que fut la dépossession foncière, celles de la guerre d’Algérie enfin. A l’inverse certains s’opposent logiquement en France à toute restitution des archives considérant celles-ci comme un symbole de souveraineté nationale. Comme pour les autres questions abordées dans le rapport, Benjamin Stora propose une « troisième voie » consistant à restituer les « archives de gestion », cadastre, transport, chambre de commerce, etc., mais à garder en France les « archives de souveraineté » c’est-à-dire celles produites par l’appareil d’Etat (défense, justice, etc.). « Ménager la chèvre et le choux » résume le journaliste algérien Mohamed Kouini :

“ Les 22 préconisations ou recommandations de ce rapport foisonnent beaucoup plus de gestes symboliques, d’approches plus événementielles ou commémoratives que d’une réelle volonté de faire éclater la vérité ou les vérités ou de rétablir les droits. Le colonisé et le colonisateur pour Stora sont situés au même niveau. Le sentiment que dégagent les 22 recommandations de l’historien donnent à penser qu’il tente de ménager le chou et la chèvre voire sortir de cette mission, qui lui a été confiée par le chef de l’Etat, indemne et sans susciter du ressentiment dans l’Hexagone [viii]. ”

La vérité historique à l’épreuve du rapport des forces

Le rapport Stora est de fait un recul en comparaison des déclarations d’Emmanuel Macron lors de sa visite à Alger en février 2017. Nous aborderons plus loin les raisons qui ont menés Emmanuel Macron, alors candidat à la présidence de la République à de telles déclarations faisant rupture avec le déni massif antérieur. A un journaliste de la télévision « Echorouk TV » il déclare en effet le 15 février 2017 :

“ Je pense qu’il est inadmissible de faire la glorification de la colonisation. Certains, il y a un peu plus de dix ans, ont voulu faire ça en France. Jamais vous ne m’entendrez tenir ce genre de propos. J’ai condamné toujours la colonisation comme un acte de barbarie. Je l’ai fait en France, je le fais ici […] La colonisation fait partie de l’histoire française. C’est un crime, c’est un crime contre l’humanité, c’est une vraie barbarie. Et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face, en présentant nos excuses à l’égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes [ix]. ”

Le propos est d’autant plus surprenant dans la bouche du candidat qu’il contraste avec une autre déclaration datant de quelques mois auparavant. Dans un entretien au Point de novembre 2016, le même Macron donne en effet une toute autre lecture de la colonisation, y décelant des « éléments de barbarie » et des « éléments de civilisation » c’est-à-dire certes une « œuvre négative » mais aussi une « œuvre positive » : « En Algérie, il y a eu la torture, mais aussi l’émergence d’un Etat, de richesses, de classes moyennes, c’est la réalité de la colonisation. Il y a eu des éléments de civilisation et des éléments de barbarie [x]. »

Que signifient ces déclarations contradictoires ? La réponse à cette question est, selon nous, à rechercher dans la différence des contextes électoraux d’une part et dans les difficultés contemporaines de l’impérialisme français en Afrique d’autre part. La déclaration de février 2017 se réalise en pleine campagne électorale dans laquelle Macron joue sa participation « ni droite – ni gauche », adopte une posture de transgression et de briseur de tabous politiques et se met en scène comme symbole d’une génération n’ayant pas de responsabilité dans la guerre d’Algérie. Il s’agit dans ce contexte d’attirer les suffrages des héritiers de l’immigration postcoloniale. Le rapport Stora pour sa part s’inscrit dans un contexte de libération de la parole et des actes islamophobes, dans le projet de construction d’un scénario présidentiel binaire « Macron-Le Pen », dans la mise en avant des pseudos dangers « séparatistes » et/ou « communautaristes » comme cœur de la campagne présidentielle. Les électeurs à séduire ne sont plus dans cette logique les héritiers de l’immigration comme en 2017 mais les électeurs du Front National et plus largement tous ceux sensibles aux argumentaires essentialistes et culturalistes que nos médias ont encore plus intensément banalisés ces dernières années. Cette première raison explicative est cependant insuffisante. Seule elle aurait dû mener à une simple reprise du discours cocardier et au refus assumé de la moindre critique de la période coloniale. Le rapport Stora et sa prétention à constituer une « troisième voie » pragmatique reflète également le contexte international.

L’impérialisme français est confronté depuis plusieurs décennies à des pertes de positions sur le plan économique, à un enlisement sur le plan militaire et à un discrédit grandissant auprès des opinions publiques africaines sur le plan politique. La multiplication des ingérences militaires n’a été d’aucun effet sur le déclin économique français en Afrique : « Le constat est indéniable. Les interventions de l’armée française n’ont pas permis à l’ancienne puissance coloniale de compenser son déclin économique en Afrique, y compris en Libye depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011 [xi] » résument les économistes Marc-Antoine Pérouse de Montclos et Thierry Hommel. Confrontée à la concurrence des pays émergents et en particulier de la Chine d’une part et des autres puissances impérialistes [en particulier de l’Allemagne] d’autre part, la présence économique française en Afrique ne cesse de reculer : « D’une manière générale, la part de l’Afrique dans les exportations françaises a diminué de moitié en vingt ans, passant de 11 % en 2000 à 5 % du total en 2017. Premier exportateur européen en Afrique jusqu’en 2016, la France a depuis lors perdu son leadership au profit de l’Allemagne[xii] » rappelle les deux économistes. Si l’interventionnisme militaire français vise à contrecarrer le déclin économique relatif de l’impérialisme français, il ne suffit donc pas à atteindre un tel objectif. Le rapport Stora laisse apparaître cette préoccupation angoissée en indiquant comme une des motivations du travail « mémoriel » proposé … la place de la Chine en Algérie : « On pourrait aussi ajouter à ces questions essentielles […] le fait d’approfondir nos relations économiques au moment où la Chine occupe une place de premier ordre sur le marché algérien » (p. 46).

Sur le plan politique la situation en Afrique n’est guère meilleure pour l’impérialisme français. Les grands mouvements populaires qui ont secoués le continent depuis la décennie 2010 (Tunisie, Egypte, Burkina, Mali, Côte d’Ivoire, Algérie, etc.) ont mis en exergue le soutien de Paris aux pouvoirs en place au même moment où ceux-ci réprimaient férocement leurs peuples. De nouvelles organisations politiques sont apparues remettant en cause le Franc CFA, les Accords de Partenariat Economique, la présence militaire française au Sahel, etc. En fait une nouvelle génération anticoloniale émerge en Afrique rendant nécessaire un nouveau discours idéologique. C’est donc le rapport des forces qui contraint aujourd’hui la classe dominante à tenter de se relégitimer en prétendant rompre avec le déni antérieur de la colonisation et de ses crimes d’une part et avec les pratiques néocoloniales d’autre part. Il en découle l’affirmation par tous les chefs d’Etat depuis Mitterrand d’une volonté de rompre avec la Françafrique, la proposition de Macron de réformer le Franc CFA pour le transformer en Eco [sans pour autant renoncer à la parité fixe néocoloniale entre l’Eco et l’Euro] et enfin l’affichage d’une volonté de sortir du déni de l’histoire coloniale et de ses horreurs.

L’opération de chirurgie esthétique et idéologique de l’impérialisme français se heurte néanmoins aux contradictions internes de la classe dominante française. Certains segments de celle-ci ne sont pas prêts à sortir du déni de l’histoire coloniale. Le discours sur la « repentance » (que personne ne demande en Afrique) exprime cette résistance. Les réactions indignées à la déclaration de Macron à Alger en 2017 de l’extrême-droite, d’une partie importante de la droite et de nombreux « chroniqueurs médiatiques » reflètent cette opposition. Il en découle une valse politique en trois temps ayant pour objectif de produire un nouveau consensus idéologique : un discours de transgression du consensus sur l’histoire coloniale [qu’affectionne particulièrement Macron] ; des réactions indignées appelant à refuser la « repentance » ; et enfin la proposition d’une troisième voie se présentant comme « scientifique », « objective », « au-dessus de la mêlée », « refusant la concurrence victimaire », « réconciliant toutes les mémoires », etc.

Une telle valse n’est pas nouvelle. Toutes la période de la décolonisation a été caractérisée par la recherche de telles « troisièmes voies ». Dans la décennie 50, au moment, où se radicalisaient les luttes de libération nationale, la « troisième voie » proposée était « l’Union française rénovée » instaurant une « autonomie interne » présentée comme étant une rupture avec la colonisation. Défendant cette « Union » Gaston Deferre expliquait de manière significative : « Ne laissons pas croire que la France n’entreprend des réformes que lorsque le sang commence à couler [xiii]. » On pourrait paraphraser ce propos en l’actualisant : « Ne laissons pas croire que la France ne reconnaît son histoire coloniale et ses « bavures » que lorsqu’elle est évincée économiquement de l’Afrique ». De Gaulle pour sa part appelait à rompre avec « l’Algérie de papa » pour pouvoir garder « l’Algérie française » : « L’Algérie de papa est morte, et si on ne le comprend pas, on mourra avec elle [xiv]. »

Javellisation de l’histoire ou Réparation ?

La lettre de mission écrite par Macron à Benjamin Stora avance l’objectif de « réconciliation » entre les peuples français et algérien. L’expression « refus de la repentance » a été diffusée médiatiquement et politiquement depuis le début du nouveau siècle comme borne de cette « réconciliation ». Elle est reprise par Macron aujourd’hui. Après la loi sur « l’œuvre positive de la colonisation » de février 2005, le « refus de la repentance » ressurgit régulièrement dans le débat politique. Il devient même un point de large consensus allant de l’extrême-droite au parti socialiste avec en accompagnement le silence embarrassé d’autres forces politiques ou personnalités de gauche. Mitterrand, Hollande, Sarkozy, Chirac, Macron, etc., tous ont dénoncés cette « repentance » qui menacerait la France avec cependant une palme revenant à Sarkozy qui réussit l’exploit dénoncer ce spectre dans la quasi-totalité de ses interventions lors des présidentielles de 2007. « Je déteste cette mode de la repentance, déclare ce dernier en avril 2007, qui exprime la détestation de la France et de son histoire. Je déteste la repentance qui veut nous interdire d’être fiers de notre pays, qui est la porte ouverte à la concurrence des mémoires, qui dresse les Français les uns contre les autres en fonction de leurs origines [xv] ».

En réalité seules ces éminentes personnalités et les intellectuels médiatiques qui les accompagnent faisaient et font références à une pseudo « repentance » et même à l’idée d’« excuses ». Les discours sur le refus de la repentance et sur la « guerre des mémoire » est en fait une réponse à une autre revendication bien réelle celle-ci : celle des réparations pour les crimes contre l’humanité que furent la traite, l’esclavage et la colonisation. La conférence mondiale des Nations Unies « contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance » qui s’est tenue en août-septembre 2001 à Durban a en effet posé un triple principe. Le premier est celui de reconnaissance du caractère de « crime contre l’humanité » de la traite et de l’esclavage d’une part et du caractère condamnable de la colonisation « quels que soient le lieu et l’époque où elles sont advenues » d’autre part. Le second est celui de la reconnaissance des effets systémiques de long terme de l’esclavage et de la colonisation : « les effets et la persistance de ces structures et pratiques [ont été] été parmi les facteurs qui ont contribué à des inégalités sociales et économiques persistantes dans de nombreuses régions du monde aujourd’hui[xvi]. » Le troisième est le principe d’une « réparation » de la part des pays esclavagistes et colonisateurs. C’est en réaction à ces analyses et ces revendications que se déploie le contre-feu du discours sur la repentance. La contre-offensive des pays impérialistes visait et vise encore aujourd’hui à masquer les deux réelles questions : celle de la caractérisation comme « crime contre l’humanité » et celle de la réparation. Le rapport Stora élude entièrement ces deux questions posées à Durban. L’euphémisation de la violence coloniale comme la limitation des préconisations à la sphère symbolique sont à l’antipode des travaux de Durban :

“ Nous soulignons l’importance et la nécessité […] d’enseigner les faits et la vérité de l’histoire, les causes, la nature et les conséquences du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée afin que les tragédies du passé soient connues de manière complète et objective […] Nous reconnaissons et regrettons profondément les immenses souffrances humaines et le sort tragique subis par des millions d’hommes, de femmes et d’enfants du fait de l’esclavage, de la traite des esclaves, de la traite transatlantique des esclaves, de l’apartheid, du colonialisme et du génocide ; nous engageons les États concernés à honorer la mémoire des victimes des tragédies passées et affirmons que celles-ci doivent être condamnées quels que soient l’époque et le lieu où elles sont advenues, et qu’il faut empêcher qu’elles ne se reproduisent [xvii]. ”

A l’inverse de cette exigence « d’enseigner les faits et la vérité de l’histoire », Benjamin Stora s’interroge dans l’introduction de son rapport : « faut-il tout raconter, tout dévoiler des secrets de la guerre ? [xviii] ». Nous sommes bien en présence de la tentation de « javelliser » une partie de la vérité historique pour reprendre une expression de Kamel Badaoui dans « Bref propos sur ledit rapport Stora » publié le 31 janvier 2021.

∞∞∞

La « banalisation-euphémisation du passé colonial du rapport Stora [nous reprenons ici la caractérisation de ce rapport faite par l’historien Algérien Hosni Kitouni [xix]] est à l’antipode du besoin de vérité historique dont ont besoin les peuples français et algérien. On ne dépasse jamais une page sanglante de l’histoire sans la lire jusqu’au bout. Il ne faut pas confondre la nécessité de dépassionner le travail historique et la désincarnation de l’histoire que produit la logique de l’équivalence en général et le rapport Stora en particulier. La caractérisation de la période coloniale ne peut souffrir d’aucune ambiguïté : nous sommes en présence de crimes de guerre, de crimes d’Etat et de crimes contre l’humanité. L’enjeu de cette bataille pour la vérité historique dépasse l’Algérie. Les crimes coloniaux à Madagascar ou au Cameroun en particulier restent encore largement occultés aujourd’hui. Les peuples n’ont que faire de la pseudo « repentance ». Le besoin est ailleurs. Il est dans la reconnaissance publique de ce qu’a été réellement la période coloniale d’une part et dans les logiques de réparation qui en découle d’autre part.

Saïd BOUAMAMA

[i] Benjamin Stora, Rapport : « Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie », Janvier 2021, p.2, consultable sur le site elysee.fr

[ii] Dépêche AFP du 20 janvier 2021 à 15 h 30.

[iii] Fadhila Chitour-Boumendjel, “ Nous avons gagné la guerre, nous ne sommes pas demandeurs d’excuses ”, consultable sur le site liberte-algerie.com

[iv] Gilbert Meynier, L’Algérie et les Algériens sous le système colonial. Approche historico- historiographique, Insaniyat, Revue Algérienne d’anthropologie et de sciences sociales, n° 65 -66, 2014, p. 13.

[v] Kamel Kateb, Européens, « Indigènes » et Juifs en Algérie (1830 -1962), Travaux et Documents de l’INED, n° 145, PUF-INED, Paris, 2001.

[vi] Youssef Girard, “ Le passé génocidaire de la France en Algérie ”, 26 décembre 2011, consultable sur le site ism-france.org.

[vii] Ahmed Rouadjia, « C’est une compilation fade et insipide », 24 janvier 2021, consultable sur le site lexpressiondz.com.

[viii] Mohamed Kouini, “ Histoire coloniale : un rapport décevant de Benjamin Stora ”, consultable sur le site jeune-independant.net

[ix] Patrick Roger, Colonisation : Les propos inédits d’Emmanuel Macron font polémique, Le Monde du 16 février 2017, consultable sur le site lemonde.fr.

[x] Ibid.

[xi] Marc-Antoine Pérouse de Montclos et Thierry Hommel, Militaires français en Afrique : un bon investissement ?, 27 janvier 2020, consultable sur le site lepoint.fr.

[xii] Ibid.

[xiii] Gaston Deferre, Intervention devant le Conseil de la République, in L’Année politique, économique, sociale et diplomatique en France (1956), PUF, Paris, 1957, p. 64.

[xiv] Charles De Gaulle, le 29 avril 1959 à Pierre Laffont, directeur de L’Echo d’Oran.

[xv] Nicolas Sarkozy, discours de Lyon du 5 avril 2007, consultable sur le site vie-publique.fr.

[xvi] Nations Unies, “ Rapport de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance ”, Durban 31 août-8 septembre 2001, p. 7, consultable sur le site undocs.org.

[xvii] Ibid., pp. 18 -19.

[xviii] Benjamin Stora, Rapport : « Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie », op. cit., p. 5.

[xix] Hosni Kitouni, Ce qui nous importe c’est le jugement que nous portons nous même sur la colonisation, El Watan du 24 janvier 2021, consultable sur le site, elwatan.com.»»https://bouamamas.wordpress.com/2021/02/06/la-signification-politique-… URL de cet article 36922
https://www.legrandsoir.info/la-signification-politique-et-ideologique-du-rapport-stora.html

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♦ L’espace mental colonial comme matrice du racisme contemporain

Publié le par S. Sellami

♦ L’espace mental colonial comme matrice du racisme contemporain
♦ L’espace mental colonial comme matrice du racisme contemporain

Les émeutes des jeunes des quartiers populaires1 qui se sont déroulées durant l’année 2005 sont à la fois non surprenantes et révélatrices. Elles sont non surprenantes parce qu’elles se déroulent après près de trois décennies de cris de colère, d’analyses issues des premiers concernés alertant sur la situation de ces quartiers, de réunions publiques, de tentatives d’organisations et de structurations, de marches pacifiques, etc.

Plus que toute autre colonie, l’Algérie a marqué durablement la société française. De même que l’Inde était considérée comme le « joyau » de l’Empire britannique, l’Algérie était perçue comme le symbole de la grandeur française. Colonie de peuplement, l’Algérie a donné l’illusion criminelle d’une possibilité de transformer un peuple malgré lui. Il suffisait pour cela d’y mettre la détermination nécessaire, c’est-à-dire d’exercer les violences appropriées. Si toutes les colonisations sont par nature illégitimes, violentes et injustifiables au regard des droits humains, celle de l’Algérie en constitue un idéal-type. Frantz Fanon a depuis longtemps décrit les effets de cette colonisation sur le peuple colonisé, mais il souligne également qu’une telle entreprise ne peut pas ne pas avoir d’effet sur le peuple du pays colonisateur. Si la colonisation suppose la production par la violence totale d’une « mentalité du colonisé » ayant en son centre un « complexe d’infériorité », elle suppose également la production d’une « mentalité du colonisateur » ayant en son centre un « complexe de supériorité ».

La production d’un espace mental colonial

♦ L’espace mental colonial comme matrice du racisme contemporain

Coloniser suppose la production de conditions subjectives conduisant le peuple du pays colonisateur à soutenir le projet colonial pour le pire et à s’en désintéresser pour le mieux. Sans ces conditions, la brutalité du colonialisme ne peut que susciter oppositions et révoltes. La faiblesse de l’anticolonialisme français souligne la réussite de cette opération de production d’un espace mental colonial qui, de la Troisième République à aujourd’hui, a été initiée par de multiples canaux : journaux, manuels scolaires, cartes postales, discours publics, zoos humains, etc. Les résistances à cet espace mental ont été quantitativement faibles et cela rehausse le courage de cette minorité de Français s’y sont opposé. À l’exception des actions courageuses du PCF pendant la guerre du Rif, les oppositions à la colonisation de l’Afrique furent rares, minoritaires et sporadiques. Elles furent enfin ambiguës au sens où elles se déployaient fréquemment sur la base d’un appel à une colonisation plus humaine. Ce qui était dénoncé, c’était la forme violente de la colonisation alors que celle-ci est consubstantielle au projet colonial.

Au cœur de l’espace mental colonial figurent des représentations du peuple colonisé, de sa culture et de sa religion desquelles découlent logiquement les types de rapports envisageables avec les membres de ce peuple. L’image de l’Arabe, du musulman, de l’indigène est ainsi produite pendant un siècle et demi pour justifier logiquement les rapports inégalitaires et les traitements d’exception que l’on doit tisser avec lui et exercer sur lui. Le racisme était à l’époque coloniale une production systémique nécessaire au problème colonial et non un simple problème de mentalité individuelle. Sans ce racisme systémiquement produit, la colonisation ne dispose pas d’assises suffisamment solides pour perdurer. C’est l’ancrage de cet espace mental et de ses images du colonisé qui explique que les massacres de la conquête aient pu être déplorés, mais jugés nécessaires, que le statut esclavagiste de l’indigénat ait pu laisser indifférent un mouvement syndical et ouvrier puissant, que la guerre d’Algérie ait pu durer aussi longtemps sans soulèvement massif anticolonial dans la métropole, que les mensonges idéologiques colonialistes aient pu être aussi efficaces.

Ces processus pertinents pour toutes les colonisations sont encore plus prégnants dans le cas algérien, compte tenu du nombre de citoyens français impliqués de près ou de loin, directement ou non à la longue guerre d’Algérie : les colons eux-mêmes qui reviennent en France après l’indépendance, les Harkis et leurs enfants, les immigrés algériens et leurs familles, les appelés du contingent et leurs familles, les militants des différents partis politiques qui se sont affrontés à propos de la guerre d’Algérie au début de la décennie 60, etc. Au final, c’est une part essentielle de la société française d’aujourd’hui qui a été percutée par la guerre d’Algérie dans ses trajectoires familiales et/ou personnelles. Il est illusoire de considérer qu’une telle marque puisse disparaître d’elle-même simplement parce que les troupes françaises avaient quitté le territoire algérien. De la même façon il était tout aussi illusoire de considérer que les effets de la colonisation puissent disparaître d’eux-mêmes parce que la colonisation avait pris fin.

La reproduction de l’espace mental colonial

♦ L’espace mental colonial comme matrice du racisme contemporain

L’espace mental colonial n’ayant fait l’objet d’aucune déconstruction après les décolonisations, il s’est logiquement reproduit. L’absence de décolonisation des esprits (dans le discours politique, dans les médias, dans les programmes scolaires, etc.) a eu pour effet le maintien du « complexe de supériorité » qui ne pouvant plus s’exercer en Algérie s’est reporté sur les Algériens de France et plus largement sur l’ensemble des immigrés postcoloniaux. Karl Marx soulignait déjà dans « Le 18 brumaire de Louis Bonaparte » que « La tradition de toutes les générations mortes pèse d’un poids très lourd sur le cerveau des vivants ». Nous pouvons le paraphraser en disant que « l’espace mental colonial du passé pèse encore d’un poids très lourd sur le cerveau des vivants ».

L’extrême droite qui relève la tête à la fin de la décennie soixante trouvera cet espace mental colonial disponible et l’investira pour développer ses thèmes et stratégies. En s’appuyant sur cet espace mental colonial non déconstruit et en réinvestissant ses représentations de l’Arabe et du musulman, elle disposait d’un terrain favorable dans une société française qui était devenue un porteur sain du virus du racisme colonial qu’il suffisait de réactiver. L’espace mental colonial est ainsi une des racines puissantes de la pensée d’extrême droite. Mais l’espace mental colonial ayant irrigué pendant 130 ans l’ensemble des composantes de la société française, la réactivation de l’imaginaire colonial par l’extrême droite ne pouvait pas ne pas susciter des échos dans d’autres forces politiques. Les conditions étaient réunies pour un processus de lepénisation des esprits conduisant à la reprise des thèmes, raisonnements et positions de l’extrême droite.

♦ L’espace mental colonial comme matrice du racisme contemporain

Entre-temps les dégâts de l’ultra-libéralisme en termes de paupérisation, précarisation et dérégulations ont déployé leurs effets et suscité le besoin de nouveaux « boucs émissaires » et « débats-écrans » visant à détourner l’attention des véritables questions posées à la société française. De surcroît les politiques ultra-libérales ont conduit à une segmentation du marché du travail sur une base sexiste et raciste affectant les forces de travail à tel ou tel type d’emploi ou secteur selon l’origine et/ou le sexe. Cette inégalité au sein même des travailleurs se traduisant par des discriminations massives et systémiques ne se limite pas aux immigrés, mais s’étend désormais à leurs enfants nés français. Le clivage de couleur de l’espace mental colonial était internalisé à la société française. L’espace mental colonial retrouve une nouvelle jeunesse avec une efficace contemporaine de justification des discriminations racistes. C’est dire l’erreur consistant à considérer cet espace mental colonial comme un simple héritage du passé. Il est bien plus que cela. Il est au service d’intérêts d’aujourd’hui.

L’internalisation du clivage de couleur entre Français nécessite une mutation de l’espace mental colonial. Celui-ci doit en effet construire pour être crédible un clivage durable entre Français, basé sur une « différence » que l’on peut instrumentaliser comme étant irréductible afin de produire des peurs. Au racisme anti-maghrébin historique datant de la colonisation succède une forme mutante : l’islamophobie. Des débats sur la laïcité soi-disant menacée par quelques foulards aux polémiques contemporaines portant sur la viande hallal en passant par le débat sur l’identité nationale, une tendance consensuelle particulièrement large se révèle et dépasse les clivages politiques classiques. Ce consensus révèle la prégnance de l’espace mental colonial réactualisé qui a pour effet concret d’unir ceux qui devraient être divisés (le pauvre et le riche blanc) et de diviser ceux qui devraient être unis (les travailleurs de toutes origines et confessions). Cela n’est rien d’autre que le rêve de tout dominant.

Il est temps de nous souvenir de la leçon d’Aimé Césaire et de décoloniser les esprits : « Il faudrait d’abord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutirau sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral, et montrer que, chaque fois qu’il y a au Viêt Nam une tête coupée et un œil crevé et qu’en France on accepte, une fillette violée et qu’en France on accepte, un Malgache supplicié et qu’en France on accepte , il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, une régression universelle qui s’opère, une gangrène qui s’installe, un foyer d’infection qui s’étend et qu’au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées, de tous ces prisonniers ficelés et « interrogés », de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de l’Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l’ensauvagementdu continent » (Discours sur le colonialisme).

Notes

1 Nous parlons volontairement de « quartiers populaires » et non de « banlieues » dans la mesure où ce dernier terme (comme celui de ghetto d’ailleurs) massivement utilisé, participe de la construction d’un regard éludant les causes sociales de la situation. Nous ne serions pas (selon les raisonnements en termes de banlieue) devant une production de l’ensemble de notre système social mais devant de simples erreurs de « peuplements », de « politiques urbaines », de « choix architecturaux », de « repli sur soi », etc.

Pour citer ce document

Saïd Bouamama, « L’espace mental colonial comme matrice du racisme contemporain », in, Les Figures de la Domination [En ligne], mis en ligne le : 18/03/2013,                                                                                                                                                                                                            URL : http://www.lesfiguresdeladomination....

Quelques mots à propos de : Saïd Bouamama

Sociologue, chargé de recherche à l’IFAR, sbouamama@ifar59.fr

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♦Les rédacteurs en chef du New York Times mentent et dissimulent des faits pour renforcer leur intox sur la Russie

Publié le par S. Sellami

Par Moon of Alabama – Le 6 février 2021

Il est amusant de voir à quel point les rédacteurs du New York Times ont recours au mensonge dans leurs tentatives de décrire l’incarcération du raciste de droite Andrej Navalny et de le présenter comme la meilleure chose qui soit arrivée depuis l’invention du fil à couper le beurre

L’éditorial d’aujourd’hui est un véritable délire. Aleksei Navalny résiste à Poutine, et gagne : Le leader de l’opposition a été condamné à la prison, mais a mobilisé un vaste mouvement qui n’en fini pas de grandir.

 

Cet éditorial est plein de mensonges et de désinformation :

Un tribunal russe a ouvert mardi une nouvelle étape fatidique dans la lutte pour le pouvoir entre Aleksei Navalny, ce leader de l'opposition russe qui parle franchement et sait utiliser Internet, et le président Vladimir Poutine, en condamnant M. Navalny à son premier vrai séjour en prison.

À première vue, cela semble être une nette victoire pour M. Poutine, qui s'est effectivement proclamé président à vie. ...

Mais dans cette saga à la David contre Goliath, M. Navalny, 44 ans, a réussi à mettre M. Poutine sur la défensive grâce à son courage et à sa persévérance. L'emprisonnement a été l'initiative de M. Navalny. M. Poutine avait essayé pendant des années de ne lui donner que de brèves peines pour éviter d'en faire un martyr. ...

Le Kremlin a tenté de donner un vernis de légitimité à la procédure judiciaire en la déplaçant dans une grande salle d'audience au centre de Moscou et en permettant à M. Navalny de parler autant qu'il le souhaitait. Mais l'issue était prédestinée : M. Navalny a été accusé d'avoir violé sa liberté conditionnelle suite à une condamnation de 2014 que la Cour européenne des droits de l'homme avait démystifiée comme étant "arbitraire et manifestement déraisonnable". L'accusation a servi à souligner la raison principale pour laquelle M. Navalny n'a pas pu effectuer les visites nécessaires auprès des autorités : Les preuves suggèrent qu'il a été presque empoisonné à mort en août par la police secrète. Il a ensuite été évacué vers l'Allemagne.

La phrase en gras est un mensonge. Le 17 janvier, le ministère russe des affaires étrangères a relayé une déclaration (en anglais !) de la direction du service pénitentiaire fédéral de Russie à Moscou qui dément cette affirmation :

Auparavant, le 30 décembre 2014, le tribunal du district de Zamoskvoretsky de Moscou avait condamné M. Navalny à 3 ans et 6 mois de prison et à payer une amende de 500 000 roubles pour fraude et blanchiment d'argent. Le tribunal a décidé de suspendre la peine avec une période de probation de 5 ans. Le 4 août 2017, le tribunal du district Simonovsky de Moscou a prolongé la période de probation de M. Navalny de douze mois supplémentaires.

Cependant, le Service pénitentiaire fédéral de Russie a enregistré de multiples violations des conditions de probation par M. Navalny au cours de l'année 2020 ; à savoir, M. Navalny n'a pas réussi à se faire enregistrer au Département des services correctionnels de la Direction de Moscou du Service pénitentiaire fédéral deux fois par mois selon le calendrier prévu. Il a manqué deux rendez-vous d'enregistrement en janvier 2020, et un dans chacun des mois suivants : Février, mars, juillet et août 2020. La dernière fois que M. Navalny s'est présenté au Département des services pénitentiaires, c'était le 3 août 2020. Pendant tout ce temps, le Département des services correctionnels a averti M. Navalny que ces violations pourraient entraîner la révocation de son sursis et son remplacement par une véritable peine de prison.

Le département des services correctionnels a suspendu l'obligation pour M. Navalny de se faire enregistrer pour la durée de son traitement à l'hôpital de la Charité à Berlin, en Allemagne. Toutefois, les déclarations officielles de l'hôpital de la Charité indiquaient que le traitement de M. Navalny avait été achevé le 23 septembre 2020. Plus tard, M. Navalny a confirmé ce fait dans une notification qu'il a envoyée au Service pénitentiaire fédéral de Russie. En l'absence apparente de toute raison valable, M. Navalny ne s'est présenté à aucun des rendez-vous d'enregistrement réguliers auprès du Service pénitentiaire fédéral de Russie, d'octobre 2020 jusqu'à la fin de sa période de probation, violant ainsi à nouveau les conditions de probation.

Soit les rédacteurs du New York Times ne connaissent pas les faits, soit ils les évitent parce qu’ils ne correspondent pas à leur récit :

C'était M. Navalny qui était dans le box vitré des prisonniers. Mais c'était M. Poutine et sa cohorte corrompue qui étaient jugés derrière l'armée de policiers anti-émeute rassemblée dans le centre de Moscou pour empêcher les protestations de masse, menées dans toute la Russie, qui ont suivi le retour de M. Navalny dans son pays, le 17 janvier. "Des centaines de milliers de personnes ne peuvent pas être enfermées", a déclaré M. Navalny à ses millions d'adeptes sur les médias sociaux. "De plus en plus de gens vont le reconnaître. Et quand ils le reconnaîtront - et ce moment viendra - tout cela s'effondrera, parce que vous ne pouvez pas enfermer tout le pays."

Il y avait, au maximum, quelque 40 000 personnes qui manifestaient dans toute la Russie lorsque Navalny est revenu. Beaucoup d’entre eux étaient des écoliers. Au total, il y a eu beaucoup moins de manifestants qu’à d’autres occasions.

Nina Byzantina @NinaByzantina - 15:11 UTC – 23 Janvier 2021

Sur le bâtiment au-dessus de ces manifestants anti-gouvernementaux en Russie, on peut lire une enseigne au néon disant : "Cirque : animaux dressés." Oui, ils le sont.
Agrandir

 

La semaine suivante, moins de la moitié d’entre eux sont retournés dans la rue. L’organisation de Navalny a depuis lors cessé tout appel à de nouvelles manifestations. Ils savent que personne ne les suivra. Le « vaste mouvement » que le NYT prétend voir n’existe pas.

La répression policière massive et les gelées hivernales pourraient étouffer les manifestations. Mais le vaste mouvement que M. Navalny a mobilisé est quantitativement différent des forces d'opposition précédentes, et continue de se développer. L'opposition a maintenant 40 bureaux répartis dans toute la Russie, et la plupart de ses millions d'adeptes sont des jeunes qui n'avaient auparavant jamais défié le Kremlin. Parmi les personnes âgées de 18 à 24 ans, la popularité de M. Poutine a chuté de 36 % en décembre 2019 à 20 %.

La dernière phrase est un mensonge flagrant et intentionnel. Le lien fourni renvoie à un article du Washington Post qui ne contient aucun chiffre de ce type.

Il y a pourtant de nouveaux sondages en provenance de Russie. Le New York Times les ignore car, une fois encore, ils ne correspondent pas à son récit :

Quelque chose a changé, nous dit-on encore et encore. Après deux décennies de mauvaise gestion, les Russes en ont de plus en plus marre de Vladimir Poutine et de son "régime". Les récentes protestations provoquées par l'arrestation d'Alexei Navalny ne sont que la partie émergée de l'iceberg, sous lequel se trouve une énorme vague de mécontentement qui ne demande qu'à éclater.

Mais est-ce le cas ? ...
Pour répondre à cette question, nous nous tournons vers l'organisation sociologique russe connue sous le nom de Centre Levada. Il y a plusieurs raisons à cela. Premièrement, Levada réalise des enquêtes depuis longtemps, ce qui permet de comparer les données sur une longue période. Ensuite, Levada est bien connu pour son orientation libérale et anti-gouvernementale, et ne peut donc en aucun cas être accusé de biaiser ses enquêtes pour favoriser l'État russe.

Aujourd'hui, Levada a publié sa dernière série d'indicateurs. Examinons-les, en commençant par celui qui intéresse toujours tout le monde : la cote d'approbation de Vladimir Poutine.

Cette note indique que 64 % des personnes interrogées ont répondu oui à la question "Approuvez-vous les activités de Vladimir Poutine en tant que président ?" C'est une baisse par rapport aux 69 % de septembre de l'année dernière, mais une hausse par rapport aux 60 % enregistrés en juillet au plus fort de la première vague de coronavirus.

S'il y a une raison de s'inquiéter pour M. Poutine, c'est que son taux d'approbation est plus faible chez les jeunes que chez les plus âgés. Alors que 73% des personnes âgées de 55 ans ou plus l'approuvent, seuls 51% des 18-24 ans le font. Mais là encore, 51 % c’est toujours une majorité.

Le New York Times affirme que la popularité de Poutine auprès des jeunes est « tombée » à 20 %. Il donne de manière trompeuse un lien, que peu de gens suivront, comme source de son affirmation, même si la page liée ne soutient pas une telle assertion. Ceci alors que les sondages actuels montrent qu’une majorité de jeunes russes approuvent Poutine.

Le Times et d’autres médias « occidentaux » construisent constamment et intentionnellement un récit sur la Russie qui n’a pas grand-chose à voir avec la réalité. C’est dangereux, car cette histoire bidon constitue la base de la politique « occidentale » envers la Russie. Lorsque la Russie réagit durement à des demandes et à des politiques « occidentales » irréalistes, le tollé et la déception sont grands. Mais ils n’en tirent jamais aucune leçon.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone

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♦ Meeting Edward Snowden | ARTE

Publié le par S. Sellami

Les vœux de Noël d'Edward Snowden - Vidéo Dailymotion

Le temps d'une rencontre inédite, Edward Snowden, Lawrence Lessig et Birgitta Jónsdóttir, figures de la lutte pour les libertés, s'interrogent sur l'avenir de la démocratie. Députée islandaise depuis 2009, Birgitta Jónsdóttir se mobilise pour redonner le pouvoir au peuple. Professeur de droit à Harvard et pionnier de l'Internet libre, l'Américain Lawrence "Larry" Lessig dénonce sans relâche l'influence délétère de l'argent sur la politique et la collusion des élites, qui mine l'intérêt général. Quant à son compatriote Edward Snowden, ancien collaborateur de la CIA et de la NSA, il a révélé la surveillance généralisée de la population et des alliés des États-Unis, et vit désormais en Russie, où il a obtenu un asile politique d'autant plus précaire que les relations entre les deux pays apparaissent aujourd'hui illisibles. Tandis que, depuis Moscou, Vladimir Poutine règne en maître sur la scène internationale, son homologue américain Donald Trump, pur produit de la société du spectacle, s'installe aux commandes de la première puissance nucléaire avec autoritarisme… Cette nouvelle page de l'histoire signera-t-elle la fin de la démocratie ? Figures de proue d'un mouvement mondial de défense des libertés, ces trois compagnons de lutte, qui s'estiment et s'entraident à distance sur Internet, se sont rencontrés pour la première fois en secret à Moscou, à la veille de Noël. Ils ont autorisé les caméras de Flore Vasseur à capter cette conversation hors norme, au fil de laquelle émergent des questionnements essentiels : comment sauver la démocratie ? Qu'est-ce que l'échec ? Qui écrit l'histoire ? Documentaire complet de Flore Vasseur (France, 2016, 48mn) #Snowden #NSA #lanceurdalerte [Documentaire complet disponible jusqu'au 30/05/2022]

https://www.youtube.com/watch?v=Q2yb6dyrsh0

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♦ Julian Assange : l'homme traqué | ARTE

Publié le par S. Sellami

Voici ce que risque Julian Assange après son arrestation à Londres

Une équipe d'ARTE Reportage avait rencontré Julian Assange 3 ans jour pour jour avant cette arrestation, pensant le retrouver rapidement en homme libre. Il dort désormais dans une prison de haute sécurité de la périphérie londonienne, entouré des plus dangereux terroristes du Royaume-Uni. Il risque surtout jusqu'à 175 ans de prison aux Etats-Unis, qui réclament son extradition. Mais que serait aujourd’hui un monde sans Julian Assange ? Et quel prix le lanceur d’alerte australien a-t-il payé pour nous permettre une meilleure compréhension de celui-ci ? Enquête sur le cas Assange, une affaire qui interroge les principes fondamentaux de notre liberté et de notre vie démocratique.

https://www.youtube.com/watch?v=90Lfo4ypzyM

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