En quittant Matignon, Manuel Valls a laissé une mauvaise surprise à Bernard Cazeneuve

Publié le par S. Sellami

Un décret signé par l'ex-premier ministre la veille de son départ provoque la colère de la Cour de cassation qui craint pour son indépendance.
JACKY NAEGELEN / REUTERS
En partant, Manuel Valls a laissé un dossier brûlant à Bernard Cazeneuve et Jean-Jacques Urvoas.

POLITIQUE - Il ne devait pas s'attendre à un tel dossier. En arrivant à Matignon, Bernard Cazeneuve va devoir assumer le dernier décret signé par son prédécesseur Manuel Valls. Il concerne l'autorité judiciaire et inquiète passablement la Cour de cassation. La plus haute juridiction du pays s'est ému de ce texte au point d'interpeller directement le nouveau premier ministre par une lettre relayée sur les réseaux sociaux.

 

Le premier président et le procureur général près la Cour de cassation demandent à être reçus en urgence par Bernard Cazeneuve pour obtenir des informations que le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas ne leur a pas donné après la publication du décret en date du 5 décembre.

 

 

 

De quoi s'agit-il? La Cour de cassation redoute une nouvelle brèche dans l'indépendance de la justice. Depuis 1958, un décret établit une inspection générale des services judiciaires qui contrôle les tribunaux et cours d'appel et a une fonction d'audit sur les tribunaux, cours d'appel et sur la Cour de cassation. Or, le nouveau décret signé par Manuel Valls et Jean-Jacques Urvoas ne fait plus de distinction entre les juridictions et fait entrer la Cour de cassation dans ce champ de compétence.

 

Une cassure depuis le début de l'état d'urgence

Les magistrats ne redoutent pas une emprise du pouvoir exécutif sur les décisions de justice mais ils pointent le soucis symbolique causé par le décret. Jusqu'à présent, le contrôle de la Cour de cassation est assuré par elle-même puisqu'elle fait une fois par an un rapport sur son fonctionnement à l'occasion de sa rentrée solennelle. La Cour des comptes peut aussi scruter l'organisation et le fonctionnement de l'institution judiciaire; mais il s'agit d'une instance indépendante pas d'un organe sous le contrôle direct du ministère de la Justice, donc du pouvoir exécutif.

Et quand on demande aux magistrats, s'ils soupçonnent une erreur administrative ou une volonté politique de reprendre la main, ils sont explicites. A la Cour de cassation, on note que depuis le début de l'état d'urgence en novembre 2015, le pouvoir exécutif n'a eu de cesse de grignoter ce fondement de l'état de droit qu'est l'indépendance de la justice. La décision de confier le contrôle de l'état d'urgence au Conseil d'Etat et non à la Cour de cassation a déjà créé beaucoup de remous.

Sans compter les déclarations de François Hollande dans son livre Un président ne devrait pas dire ça qui avait conduit le président de la République à recevoir les plus hauts magistrats du pays. Se sentant humiliés, les magistrats de la Cour de cassation avaient conduit le chef de l'Etat a adressé une lettre d'excuses à tous les juges.

Alexandre Boudet

Journaliste politique                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      http://www.huffingtonpost.fr/ 

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