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Benghabrit et la dissonance cognitive

Publié le par S. Sellami

                                    Gary Waters/Getty Images

Encore une fois, et sans surprise, la Ministre Benghabrit provoque une vive polémique par une nouvelle décision “anti-islamique” : interdire la prière à l’école. Cette décision n’est pas surprenante et s’accorde parfaitement avec la position idéologique de la Minsitre en faveur de la laïcité et que nous avons déjà analysé sur ce blog. Benghabrit qui a survécu à plusieurs remaniements ministériels n’est pas un quelconque ministre chargé d’appliquer docilement le programme de son gouvernement. Cet ancien directeur du CRASC, chercheur diplômée en sciences humaines, sociales et anthropologiques, est chargée d’une mission précise.

 

Pour rappel, Benghabrit a fait partie en 2000, de la fameuse Commission Nationale de Réforme du Système Educatif (CNRSE), dite commission Benzaghou. Les réformes recommandées par le rapport Benzaghou visent à transformer la société algérienne du 21ème siècle, ie post-1990s, par l’éducation.  Le parti pris du rapport Benzaghou se base sur l’hypothèse, réductrice et dangereuse suivante :  c’est l’enseignement de l’Islam à l’école qui a produit dans les années 1990s une société “d’intégristes” et de “terroristes” . Avec le rapport Benzaghou, l’éducation nationale n’a plus qu’un seul rôle, celui de reprogrammer l’individu algérien pour le moderniser et l’éloigner de l’influence du religieux : de l’Islam. Et c’est exactement le programme que Benghabrit est entrain d’appliquer méthodiquement.

Comment implémenter ce changement ?

La société algérienne étant d’essence religieuse, l’attaquer de plein front pour appliquer de force la laïcité sera forcément contreproductif.  Voilà pourquoi, il faut “fabriquer”, de manière subtile, le consentement de la société à ce changement radical par des techniques d’ingénierie sociale.

Dès lors, pour comprendre la méthode suivie par Benghabrit, il devient nécessaire d’analyser ses décisions avec la grille de lecture de l’ingénierie sociale, en l’occurrence de la conduite du changement et la fabrique du consentement.

La dissonance cognitive comme outil du changement

L’introduction de la modernité et de la laïcité à l’école nécessite la transformation des valeurs et des croyances des Algériens. L’équipe de Benghabrit vise justement, par ces décisions successives anti-islamiques, à induire ce changement par la création d’une dissonance cognitive.

La dissonance cognitive, est une situation de conflit entre les valeurs et croyances de l’individu avec son comportement, ou les actes qu’il est poussé à adopter, qui sont en opposition avec ses mêmes valeurs et croyances. Cette dissonance crée un état de stress, de souffrance psychologique, qui pousse l’individu à œuvrer à faire disparaitre cette dissonance. Dans ce sens, et afin d’échapper à son état de stress, l’individu, s’il ne peut pas changer son comportement, devra, tôt ou tard, changer ses valeurs et croyances.

Ainsi, la formule pour induire le changement chez un individu ou société est :

“Provoquer chez l’individu un état de dissonance cognitive pour le plonger dans un état de stress qui le poussera à changer de valeur et de croyance.”

Une formule simple et diabolique !

C’est justement cette démarche du changement qui est adoptée par l’équipe Benghabrit. Les décisions anti-islamiques successives de Benghabrit visent justement à créer une dissonance cognitive dans l’esprit des jeunes algériens en les plongeant dans un état de stress continu qui vise, à terme, à faire changer aux élèves et parents leurs valeurs et croyances.

Voilà pourquoi quel que soit les remaniements ministériels, la Misnitre Benghabrit reste inamovible. Cette permanence donne l’illusion que Benghabrit bénéficie, en effet, d’un soutient indéfectible du pouvoir en place. La communauté de l’éducation nationale : élèves, parents et enseignants, étant incapables de provoquer son départ et l’arrêt de ses réformes, doit se résigner à changer de valeur et de croyance si elle veut diminuer son état de stress.

Une école qui provoque la dissonance cognitive chez les apprenants est une école toxique, dangereuse pour leur santé mentale.

Comment protéger nos enfants des effets de cette dissonance cognitive?

Afin de diminuer le stress et désamorcer une dissonance cognitive, il suffit de faire comprendre à la victime (élève, parent, enseignant) la situation à laquelle il est soumis et les enjeux autour afin de l’aider à résister.

Dans cette vidéo,"  Vidéo non disponible "    Benghabrit justifie sa décision et exhibe sa bonne foi. Elle nous rappelle que les principes fondateurs de notre nation الثوابت   sont solides et n’ont pas pu être changés par la colonisation française qui dura plus d’un siècle. Toutefois, elle omet d’expliquer que la colonisation française n’a pas pu toucher à nos valeurs justement parce qu’elle s’affichait clairement comme l’ennemi.  Par contre, l’équipe de Benghabrit, avance masquée et applique ses changements idéologiques derrière les apparences de réformes nécessaires et rationnelles visant à moderniser l’éducation nationale sans toucher aux valeurs de l’Algérie.

Il devient crucial de démasquer ces réformes et de rappeler que l’école algérienne se doit d’être l’héritière de l’école des Oulamas Benbadis et Bachir ElIbrahimi, de la résistance contre la colonisation française et celle des valeurs arabo-musulmanes. Cette école qui a justement combattu les « valeurs » colonialistes, racistes et hégémoniques de l’école de la colonisation française, moderne, laïque et francophone.

La réforme qui prône le nettoyage de tout ce qui est religieux (musulman) du système éducatif (réformes de Benzaghou / Benghabrit) est une réforme idéologique d’essence laïque contraire aux valeurs de l’école de Benbadis. L’école qui applique les réformes qui combattent les valeurs de l’école de Benbadis, ne peut être qu’une école néo-colonialiste.

Enfin, l’école qui induit, par son enseignement, une dissonance cognitive est une école dangereuse qui ne peut produire que des générations de désaxés, perdus sans aucun ancrage ni repère…


La dissonance cognitive est une théorie de la psycho-sociologie proposée par Leon Festinger dans son livre “A theory of cognitive dissonance” 1957.

https://decolonizingalgeria.wordpress.com/2019/02/12/benghabrit-et-la-dissonance-cognitive/

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La caricature raciste de Ainouche et le mythe Kabyle …

Publié le par S. Sellami

On dit qu’une image vaut mille mots…

Capture Racism Ainouche

Cette caricature résume à elle seule le racisme du mythe kabyle, créé par la colonisation fançaise, et revivifié par le caricaturiste Ainouche, dessinateur à TSA (Tout sur l’Algérie, journal francophone online) . Étrangement, cette caricature raciste n’a suscité aucune réaction d’indignation de la part de la presse ou des intellectuels Algériens. TSA, qui publie les caricatures de ce raciste, n’a même pas daigné présenter des excuses ou mêmes des regrets …

La caricature

La caricature ayant pour titre : « la Kabylie toujours classée première aux Bac et BEM » véhicule tous les stéréotypes racistes du mythe kabyle créé par la propagande coloniale. Elle représente deux groupes d’Algériens : les kabyles et les autres…

Les kabyles sont intelligents (parce que premiers au BEM et au BAC) et beaux (parce que la miss Kabylie est de type européen blonde aux yeux bleus).

Les autres… ne sont pas intelligents (parce qu’ils ne sont pas premiers au BEM et au BAC), ne sont pas beaux (parce que leur miss n’est pas blonde aux yeux clairs). De plus, la présence d’un barbu en kamis insinue le fondamentalisme religieux et la présence de l’uniforme insinue le pouvoir militaire.

Ce dernier groupe demande au premier de leur apprendre à être beaux et intelligents comme eux. Les kabyles répondent : “Désolée c’est dans les gènes“(!)

Comprendre que l’intelligence et la beauté, supposées par le caricaturiste, des kabyles sont génétiques. Les kabyles appartiendraient donc à une race génétiquement différente du reste des Algériens et forcément supérieure parce que plus belle et plus intelligente.

Rappelons ce qu’est le racisme

« Les idéologies qui classent l’être humain en différentes races biologiques comportant des caractéristiques mentales génétiques et qui dressent une hiérarchie de ces «races biologiques» sont considérées comme racistes. »Source

Le message raciste de cette caricature ne fait aucun doute. Son message rappelle le discours des suprématistes blancs européens et du Klu Klux Klan américain. Mais ce discours n’est pas surprenant de la part du disciple des caricaturistes islamophobes et arabophobes de Charlie Hebdo.

img_2048
Algerie-focus.com

Ce qui est surprenant, par contre, c’est l’absence de réactions envers ce discours raciste et dangereux dans notre pays. Le racisme est un crime ; et il ne doit pas être toléré. Ce caricaturiste aurait dû, au minimum, retirer ces dessins et présenter, lui et le journal TSA, des excuses au peuple Algérien…

Le mythe Kabyle

Enfin, il faut rappeler que la caricature raciste de Ainouche ne vient pas du néant. Elle fait dangereusement écho au mythe kabyle colonial créé durant la colonisation française par les ethnologues et historiens militaires français qui ont créé une représentation raciste de la société algérienne opposant la “race kabyle” à la “race arabe”. On y retrouve tous les clichés recyclés par la caricature raciste de Ainouche. Le Kabyle est représenté comme proche de l’européen blanc aux yeux clairs, sédentaire, pas très musulman et plutôt démocrate, prêt à être assimilé et civilisé par le français, contrairement à l’Arabe brun et basané, nomade, fondamentaliste, et rétrograde.

L’ouvrage « Imperial identities, Stereotyping, Prejudice, and Race in Colonial Algeria »de Patricia Lorcin est la recherche académique la plus documentée sur ce sujet.

Lorcin

Ce livre, traduit en francais sous le titre de “Kabyles, Arabes, Français, identités coloniales” qui malheureusement, n’est pas en vente en Algérie, est à recommander à tous ceux qui veulent comprendre comment la France coloniale, grâce à ses militaires ethnologues et historiens (Hanotaux, Carette, Daumas, Devaux …) a créé le mythe kabyle raciste dans le but de diviser notre société pour mieux nous coloniser.

Le drame est que cette idéologie raciste, qui a servi aux européens de prétexte pour la colonisation, et qui a disparu en Europe où elle est dorénavant dénoncée et même criminalisée ; est, malheureusement, ouvertement exprimée et célébrée par un jeune Algérien.

La persistance du mythe kabyle raciste dans l’imaginaire d’une partie de notre jeunesse, doit interpeller nos intellectuels sur l’urgence de décoloniser le savoir et la culture de notre pays de ces mythes et mensonges que l’empire colonial a semé dans ses récits ethnographiques et historique pour miner l’unité et l’avenir de l’Algérie postcoloniale.

https://decolonizingalgeria.wordpress.com/2017/08/05/la-caricature-raciste-de-ainouche-et-le-mythe-kabyle/

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La “Basmala”et Benghabrit…Une histoire de lutte idéologique.

Publié le par S. Sellami

A chaque rentrée scolaire la Ministre de l’éducation Mme BenGhabrit – la francophilophone qui ne maitrise pas la langue arabe, langue officielle de notre pays  – provoque un scandale. Si l’année passée c’était à cause de sa volonté de généraliser au primaire l’enseignement de l’arabe « Derja » au lieu de l’arabe classique, cette fois-ci, c’est à cause de la suppression de la « Basmala », la citation : بسم الله الرحمن الرحيم des livres scolaires.

Pourquoi supprimer la Basmala ?

 

A cette question simple, nous n’avons aucune réponse claire. Dans différentes interviews, la Ministre évite de répondre directement à cette question et appelle ses opposants à « laisser l’école tranquille ». Pour la Ministre l’école ne doit pas être un lieu de lutte idéologique et politique (!). Dans les milieux francophones et laïques, les défenseurs de la Ministre, s’en prennent comme à leur accoutumé aux « islamo-conservateurs» les accusant de vouloir islamiser l’école.

Pourtant, si garder la « Basmala »  sur les livres scolaires est un acte religieux, la supprimer est un acte hautement idéologique. Toute personne qui prétend le contraire est soit ignorante, soit de mauvaise foi…et Mme la Ministre, sur ce sujet précis est loin d’être ignorante…

Dans son article intitulé Ecole et réligion, (déjà présenté dans ce blog) paru dans l’ouvrage collectif Où va l’Algérie?.   384-225x270

Mme Benghabrit admet que pour l’éducation nationale : « …L’enjeu est dans la fabrication de l’Algérien. », elle ajoute  « Ce n’est pas un hasard si l’école se trouve au cœur des enjeux de pouvoirs entre différentes factions. »

En citation, elle rappelle le rôle de l’école dans le conditionnement, pour ne pas dire l’endoctrinement de la jeunesse.

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Vu que Mme Benghabrit reconnait que l’école est au cœur des enjeux de pouvoir et que l’école est un instrument d’endoctrinement et de diffusion des idéologies, il devient difficile de la croire lorsqu’elle exhorte ses adversaires à ne pas politiser l’éducation et à la laisser hors des luttes idéologiques.

Supprimer la Basmala au profit de quelle idéologie ?

Dans l’article « école et religion »,  Mme Benghabrit parle de « nettoyage » des contenus  du programme de l’éducation islamique.

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Peut-être que la suppression de la Basmala n’est qu’une énième étape dans le processus de « nettoyage » du contenu des programmes de l’école de l’idéologie « islamique ».

Enfin, selon La Ministre la réforme de l’école doit passer par :

Capture bengh changement

A la lecture de cet article, le silence de la Ministre n’a plus qu’un seul sens…la peur de dévoiler son programme de laïcisation de l’école à une majorité du peuple Algérien qui lui est hostile.

Qui veut imposer l’idéologie laïque à l’Algérie ?

Enfin, rappelons que la Minsitre Benghabrit ne milite dans aucun parti et ne représente aucune majorité politique. Elle nous a été imposée à la tête de l’éducation nationale, justement, pour sa position en faveur de l’idéologie laïque dans l’enseignement.

Dorénavant la question que tous les Algériens doivent se poser n’est pas pourquoi Benghabrit a supprimé la Basmala ? Mais plutôt…

Qui a le pouvoir d’imposer à l’Algérie une idéologie laïque étrangère à ses croyances et traditions?

Qui soutient  la Minsitre Benghabrit – la francophilophone laïque qui ne maitrise pas la langue arabe, langue officielle de notre pays – contre la volonté de la majorité du peuple Algérien?

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Dans ce climat de lutte idéologique, tout autre questionnement naïf n’a plus aucun sens.

https://decolonizingalgeria.wordpress.com/2017/09/12/la-basmalaet-benghabrit/

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Le Dernier Empire d’Occident ?

Publié le par S. Sellami

« L’arbre qui cache la forêt » est une métaphore pertinente si l’on jette un coup d’œil à la plupart des commentaires qui décrivent les vingt dernières années. Cette période a été remarquable par le nombre de profonds changements tectoniques que le système international a connus.

Tout a commencé lors de ce que je considère comme la « Nuit de cristal du droit international », le 30 août 1995, lorsque l’Empire a attaqué les Bosniaques-Serbes en violation directe et totale de tous les principes les plus fondamentaux du droit international. Puis il y a eu le 11 septembre, qui a donné aux Néocons le « droit » (prétendument) de menacer, attaquer, bombarder, tuer, mutiler, enlever, assassiner, torturer, faire chanter et maltraiter toute personne, groupe ou nation sur la planète simplement parce que « nous sommes la nation indispensable » et « vous êtes soit avec les terroristes, soit avec nous« .

Au cours de ces mêmes années, nous avons vu l’Europe devenir une colonie américaine de troisième ordre incapable de défendre les intérêts géopolitiques européens, même fondamentaux, alors que les États-Unis devenaient une colonie d’Israël de troisième ordre tout aussi incapable de défendre les intérêts géopolitiques américains fondamentaux. Plus intéressant encore, alors que les États-Unis et l’UE s’effondraient sous le poids de leurs propres erreurs, la Russie et la Chine étaient clairement à la hausse ; la Russie surtout en termes militaires (voir ici et ici) et la Chine surtout économiquement. Plus important encore, la Russie et la Chine ont progressivement accepté de devenir des symbiotes, ce qui, à mon avis, est encore plus fort et plus significatif que si ces deux pays étaient unis par une alliance formelle : les alliances peuvent être rompues (surtout lorsqu’une nation occidentale est concernée), mais les relations symbiotiques durent généralement éternellement (bien sûr, rien ne dure éternellement, mais quand une durée de vie est mesurée en décennies, elle est l’équivalent fonctionnel du terme « éternel », au moins sur le plan géostratégique analytique). Les Chinois ont maintenant développé une expression officielle, spéciale et unique pour caractériser cette relation avec la Russie. Ils parlent d’un « partenariat stratégique et global de coordination pour la nouvelle ère ».

C’est le pire cauchemar des Anglo-sionistes, et leur héritage zio-médiatique se donne beaucoup de mal pour cacher le fait que la Russie et la Chine sont, à toutes fins pratiques, des alliés stratégiques. Ils s’efforcent également de convaincre le peuple russe que la Chine est une menace pour la Russie (utilisant de faux arguments, mais sans jamais s’en occuper). Cela ne marchera pas, alors que certains Russes ont des craintes au sujet de la Chine, le Kremlin connaît la vérité et continuera d’approfondir la relation symbiotique de la Russie avec la Chine. Non seulement cela, mais il semble maintenant que l’Iran soit progressivement admis dans cette alliance. Nous en avons la confirmation la plus officielle possible dans les paroles prononcées par le Général Patrushev en Israël après sa rencontre avec des responsables américains et israéliens :

« L’Iran a toujours été et reste notre allié et partenaire« .

Je pourrais continuer à énumérer divers signes de l’effondrement de l’empire anglo-sioniste et des signes qu’un nouvel ordre mondial parallèle et international est en train de se construire sous nos yeux. Je l’ai fait à maintes reprises dans le passé, et je ne vais pas tout répéter ici (les personnes intéressées peuvent cliquer ici et ici). Je soutiendrai que les Anglo-sionistes ont atteint une phase terminale de déclin dans laquelle la question du « si » est remplacée par celle du « quand ». Mais il serait encore plus intéressant de regarder le « quoi » : que signifie réellement l’effondrement de l’empire anglo-sioniste ?

Je vois rarement cette question discutée et quand elle l’est, c’est habituellement pour donner toutes sortes de garanties que l’Empire ne s’effondrera pas vraiment, qu’il est trop puissant, trop riche et trop grand pour échouer et que les crises politiques actuelles aux États-Unis et en Europe résulteront simplement sur une transformation réactive de l’Empire une fois que les problèmes spécifiques auxquels il est confronté seront résolus. Ce genre d’absurdité illusoire est complètement déconnecté de la réalité. Et la réalité de ce qui se passe sous nos yeux est beaucoup plus dramatique et séminale que de régler quelques problèmes ici et là et de continuer joyeusement à avancer.

L’un des facteurs qui nous poussent à la complaisance, c’est que nous avons vu tant d’autres empires de l’histoire s’effondrer pour être remplacés assez rapidement par d’autres, que nous ne pouvons même pas imaginer que ce qui se passe en ce moment est un phénomène beaucoup plus dramatique : le passage à une insignifiance graduelle de toute une civilisation !

Mais d’abord, définissons nos termes. Malgré toutes les absurdités auto-agrandissantes enseignées dans les écoles occidentales, la civilisation occidentale n’a pas ses racines dans la Rome antique ou, encore moins, dans la Grèce antique. La réalité est que la civilisation occidentale est née au Moyen Âge en général et, surtout, au XIe siècle qui, ce n’est pas un hasard, a vu la succession suivante de mouvements de la papauté :

1054 : Rome se sépare du reste du monde chrétien dans le fameux Grand Schisme

1075 : Rome adopte le Dictatus Papæ

1095 : Rome lance la Première Croisade

Ces trois événements étroitement liés sont d’une importance absolument cruciale pour l’histoire de l’Occident. La première étape dont l’Occident avait besoin était de se libérer de l’influence et de l’autorité du reste du monde chrétien. Une fois les liens entre Rome et le monde chrétien rompus, il était logique que Rome décrète que le Pape a maintenant les superpuissances les plus extravagantes qu’aucun autre évêque avant lui n’ait jamais osé envisager. Enfin, cette nouvelle autonomie et cette volonté de contrôle absolu sur notre planète ont abouti à ce que l’on pourrait appeler « la première guerre impérialiste européenne » : la première croisade.

Pour résumer : les Francs du XIe siècle ont été les véritables ancêtres de l’Europe moderne « occidentale » et le XIe siècle a marqué la première « guerre étrangère » impérialiste (pour utiliser un terme moderne). Le nom de l’Empire des Francs a changé au cours des siècles, mais pas sa nature, son essence ou son but. Aujourd’hui, les vrais héritiers des Francs sont les Anglo-sionistes (pour une discussion vraiment superbe sur le rôle des Francs dans la destruction de la vraie, ancienne, chrétienne, civilisation romaine de l’Ouest, voir ici).

Au cours des 900 années ou plus qui ont suivi, de nombreux empires différents remplacèrent la Papauté Franque, et la plupart des pays européens eurent leur « moment de gloire » avec des colonies à l’étranger et une sorte d’idéologie qui fut, par définition et axiomatiquement, déclarée la seule bonne (ou même « la seule chrétienne »), alors que le reste de la planète vivait dans des conditions non civilisées et généralement terribles qui ne pouvaient être atténuées que par ceux qui ont toujours cru qu’eux-mêmes, leur religion, leur culture ou leur nation avaient un rôle messianique dans l’histoire (appeler le « destin manifeste » ou « fardeau de l’homme blanc » ou être une Kulturträger (instance culturelle) en quête d’un Lebensraum (espace vital) bien mérité) : les Européens de l’Ouest.

Il semble que la plupart des nations européennes ont essayé d’être un empire et de participer aux guerres impérialistes. Même des mini-États modernes comme la Hollande, le Portugal ou l’Autriche étaient autrefois craints comme puissances impériales. Et chaque fois qu’un empire européen tombait, il y en avait toujours un autre à sa place.

Mais aujourd’hui ?

Selon vous, qui pourrait créer un empire assez puissant pour combler le vide résultant de l’effondrement de l’empire anglo-sioniste ?

La réponse canonique est « la Chine ». Et je pense que c’est absurde.

Les empires ne peuvent pas seulement commercer. Le commerce à lui seul ne suffit tout simplement pas pour rester un empire viable. Les empires ont également besoin d’une force militaire, et pas n’importe quelle force militaire, mais le genre de force militaire qui rend la résistance futile. La vérité est qu’AUCUN pays moderne n’a les capacités nécessaires pour remplacer les États-Unis dans le rôle d’Hégémon Mondial : même l’union des armées russe et chinoise ne pourrait atteindre ce résultat puisque ces deux pays n’ont pas :

1) un réseau mondial de bases (que les États-Unis possèdent, entre 700 et 1000 selon comment vous comptez)

2) une importante capacité de projection de puissance de transport aérien et maritime stratégique

3) un réseau de soi-disant « alliés » (des marionnettes coloniales, en fait) qui aideront à tout déploiement de force militaire

Mais ce qui est encore plus crucial, c’est ceci : La Chine et la Russie n’ont aucun désir de redevenir un empire. Ces deux pays ont enfin compris la vérité éternelle, à savoir que les empires sont comme des parasites qui se nourrissent du corps qui les accueille. Oui, non seulement tous les empires sont toujours et intrinsèquement mauvais, mais l’on peut faire valoir que les premières victimes de l’impérialisme sont toujours les nations qui « hébergent l’empire » pour ainsi dire. Bien sûr, les Chinois et les Russes veulent que leurs pays soient vraiment libres, puissants et souverains, et ils comprennent que cela n’est possible que lorsqu’une armée peut dissuader d’une attaque, mais ni la Chine ni la Russie n’ont d’intérêt à faire respecter une politique à la planète ou à imposer un changement de régime aux autres pays. Tout ce qu’ils veulent, c’est être à l’abri des États-Unis, c’est tout.

Cette nouvelle réalité est particulièrement visible au Moyen-Orient où des pays comme les États-Unis, Israël ou l’Arabie Saoudite (le fameux « ‘Axe du Bien ») ne sont actuellement capables de ne déployer qu’une armée capable de massacrer des civils ou de détruire l’infrastructure d’un pays, mais qui ne peut être utilisée efficacement contre deux véritables pouvoirs régionaux avec un armée moderne : l’Iran et la Turquie.

Le test décisif le plus révélateur a été la tentative américaine de brutaliser le Venezuela pour qu’il se soumette à nouveau. Pour toutes les menaces de feu et de soufre provenant de DC, l’ensemble du « plan Bolton » pour le Venezuela a abouti à un échec vraiment embarrassant : si la seule « Hyperpuissance » de la planète ne peut même pas dominer un pays extrêmement affaibli de son arrière-cour, un pays en crise majeure, alors l’armée américaine devrait s’en tenir à l’invasion de petits pays comme Monaco, la Micronésie ou peut-être le Vatican (en supposant que la garde suisse ne veuille pas tirer sur les représentants armés de la « nation indispensable »). Le fait est qu’un nombre croissant de pays « moyens » de taille moyenne se donnent progressivement les moyens de résister à une attaque américaine.

Donc, si les jeux sont faits pour l’Empire anglo-sioniste, et si aucun pays ne peut remplacer les États-Unis en tant qu’hégémon impérial mondial, qu’est-ce que cela signifie ?

Cela signifie ce qui suit : les 1000 ans d’impérialisme européen touchent à leur fin !

Cette fois-ci, ni l’Espagne, ni le Royaume-Uni, ni l’Autriche ne prendront la place des États-Unis et tenteront de devenir un hégémon mondial. En fait, il n’y a pas une seule nation européenne qui dispose d’une armée capable, même de loin, d’engager le genre d’opérations de « pacification des colonies » nécessaires pour maintenir leurs colonies dans un état de désespoir et de terreur approprié. Les Français ont eu leur tout dernier hourra en Algérie, le Royaume-Uni aux Malouines, l’Espagne ne peut même pas récupérer Gibraltar, et la Hollande n’a pas de vraie marine digne d’en parler. Quant aux pays d’Europe Centrale, ils sont trop occupés à perdre l’empire actuel pour même penser à devenir un empire (enfin, sauf la Pologne, bien sûr, qui rêve d’une sorte d’empire polonais entre la Baltique et la mer Noire ; ils en rêvent depuis des siècles, et ils en rêveront encore pour des siècles à venir…).

Comparez maintenant les forces armées européennes avec celles que l’on trouve en Amérique Latine ou en Asie ? Dans la plupart des pays anglo-saxons, la supériorité de la plupart d’entre eux est telle qu’ils ne se rendent absolument pas compte que les pays de taille moyenne et même de petite taille peuvent développer suffisamment de forces armées pour rendre une invasion américaine impossible ou, du moins, toute occupation dont le coût en vies humaines et en argent est prohibitif (voir ici, ici et ici). Cette nouvelle réalité rend aussi la campagne typique des missiles et des frappes aériennes américains assez inutile : ils détruiront beaucoup de bâtiments et de ponts, transformeront les chaînes de télévision locales (« centre de propagande » selon la terminologie impériale) en tas géants de décombres fumants et de cadavres, et ils tueront de nombreux innocents, mais cela ne donnera lieu à aucune sorte de changement de régime. Le fait frappant est que si nous acceptons que la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens, alors nous devons également admettre que, selon cette définition, les forces armées américaines sont totalement inutiles puisqu’elles ne peuvent aider les États-Unis à atteindre des objectifs politiques significatifs.

La vérité est qu’en termes militaires et économiques, « l’Occident » a déjà perdu. Le fait que ceux qui comprennent ne parlent pas, et que ceux qui en parlent (en le niant, bien sûr) ne comprennent pas ce qui se passe, ne fait aucune différence.

En théorie, on pourrait imaginer qu’une sorte de leader fort arrive au pouvoir aux États-Unis (les autres pays occidentaux sont totalement hors de propos), écrase les Néocons comme Poutine les a écrasés en Russie, et empêche l’effondrement brutal et soudain de l’Empire, mais cela ne va pas se faire. S’il y a une chose que les deux dernières décennies ont prouvé hors de tout doute raisonnable, c’est que le système impérial est totalement incapable de se réformer malgré des gens comme Ralph Nader, Dennis Kucinich, Ross Perrot, Ron Paul, Mike Gravel ou même Obama et Trump – tous des hommes qui ont promis des changements significatifs et qui ont été empêchés avec succès par ce système de réaliser quelque chose de significatif. Ainsi, le système est toujours efficace à 100%, du moins aux États-Unis : il a fallu moins de 30 jours aux Néocons pour écraser Trump et toutes ses promesses de changement, et maintenant il a même poussé Tulsi Gabbard à s’incliner et à céder devant l’orthodoxie politique absolument obligatoire des Néocons et de leurs mythes.

Donald Trump et Tulsi Gabbard

Que va-t-il se passer ensuite ?

En termes simples, l’Asie remplacera le monde occidental. Mais – ce qui est crucial – cette fois-ci, aucun empire ne viendra prendre la place de l’empire anglo-sioniste. Au lieu de cela, une coalition vague et informelle de pays essentiellement asiatiques offrira un modèle économique et civilisationnel alternatif, qui sera immensément attrayant pour le reste de la planète. Quant à l’Empire, il se dissoudra très efficacement et deviendra peu à peu insignifiant.

Américains et Européens devront, pour la toute première fois de leur histoire, se comporter comme des peuples civilisés, ce qui signifie que leur « modèle de développement » traditionnel (saccager la planète entière et voler tout le monde) devra être remplacé par un modèle dans lequel ces Américains et Européens devront travailler comme tous les autres pour accumuler des richesses. Cette notion va absolument horrifier les élites dirigeantes impériales actuelles, mais je parie qu’elle sera bien accueillie par la majorité du peuple, surtout quand ce « nouveau » modèle (pour eux) apportera plus de paix et de prospérité que le précédent !

En effet, si les Néocons ne font pas exploser la planète entière dans un holocauste nucléaire, les États-Unis et l’Europe survivront, mais seulement après une période de transition douloureuse qui pourrait durer une décennie ou plus. L’un des facteurs qui compliqueront immensément la transition de l’Empire à un pays « normal » sera l’influence profonde que 1000 ans d’impérialisme ont eue sur les cultures occidentales, surtout dans les États-Unis complètement mégalomanes (les conférences du Professeur John Marciano « L’Empire comme mode de vie«  abordent ce sujet à merveille – je les recommande fortement !) : Mille ans de lavage de cerveau ne sont pas si facilement surmontables, surtout au niveau du subconscient.

Enfin, la réaction actuelle, plutôt mauvaise, au multiculturalisme imposé par les élites dirigeantes occidentales n’est pas moins pathologique que ce multiculturalisme corrosif en premier lieu. Je fais référence aux nouvelles théories « revisitant » la Seconde Guerre mondiale et s’inspirant de tout ce qui concerne le Troisième Reich, y compris un renouveau des théories racistes/racialistes. C’est particulièrement ridicule (et offensant) de la part de gens qui essaient de se faire passer pour des chrétiens, mais qui, au lieu de prières sur leurs lèvres, crachent des absurdités dans le style « 1488 ». Tous ces gens représentent précisément le genre « d’opposition » que les Néocons aiment affronter et qu’ils finissent toujours (et je dis bien toujours) par vaincre. Cette (prétendue) opposition (des idiots utiles, vraiment) restera forte tant qu’elle restera bien financée (ce qu’elle est actuellement). Mais dès que la mégalomanie actuelle (« Nous sommes la race blanche ! Nous avons construit Athènes et Rome ! Nous sommes Evropa !!!! ») se terminera avec une inévitable chute, les gens finiront par retrouver la raison et réaliseront qu’aucun bouc émissaire extérieur n’est responsable de l’état actuel de l’Occident.

La triste vérité est que l’Occident s’est fait tout cela lui-même (principalement par arrogance et fierté !), et les vagues actuelles d’immigrants ne sont rien de plus qu’un retour de 1000 ans de très mauvais karma d’où ils viennent au départ. Je ne veux pas dire par là que les gens de l’Occident sont tous individuellement responsables de ce qui se passe actuellement. Mais je dis bien que tous les Occidentaux vivent maintenant avec les conséquences de 1000 ans d’impérialisme effréné. Il sera difficile, très difficile, de changer les choses, mais comme c’est aussi la seule option viable, cela arrivera tôt ou tard.

Mais il y a quand même de l’espoir. SI les Néocons ne font pas exploser la planète, et SI l’humanité a suffisamment de temps pour étudier son histoire et comprendre où elle a pris la mauvaise direction, alors peut-être qu’il y a de l’espoir.

Je pense que nous pouvons tous trouver du réconfort dans le fait que, aussi laid, stupide et maléfique que soit l’empire anglo-sioniste, aucun autre empire ne viendra jamais le remplacer.

En d’autres termes, si nous survivons à l’empire actuel (ce qui n’est pas du tout certain !), nous pouvons au moins espérer une planète sans empires, seulement des pays souverains.

Je soutiens qu’il s’agit d’un avenir pour lequel il vaut la peine de se battre.

par Le Saker

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Les racines coloniales de la politique française à l’égard de l’islam

Publié le par S. Sellami

« Civiliser les musulmans » · Comment comprendre le décalage entre les attentes et besoins des Français musulmans et les orientations politiques gouvernementales ? La gestion de l’islam et du culte musulman par la France durant la période coloniale permet d’apporter une réponse et de mesurer combien la vision de Paris a été forgée par la lecture catholique du fait religieux.

par Jalila Sbai

L’expansion coloniale en pays musulmans pousse les gouvernants français à rechercher une politique qui permette la centralisation des décisions en matière de gestion de l’empire, pour régir les différents statuts juridiques faisant relever les pays d’Afrique, puis ceux du Proche-Orient, de divers ministères. Une formule politique tenant compte d’une part du fait religieux musulman — plus tard du fait religieux chrétien —, et d’autre part autorisant la centralisation du pouvoir et des décisions au niveau du gouvernement de la métropole. Une fois la continuité territoriale de l’Afrique du Nord acquise par la certitude d’un protectorat sur le Maroc en 1911, cette politique musulmane se concrétise par la création de différents organismes et institutions qui concerneront à la fois l’organisation et la gestion politique de l’empire mais aussi la gestion des musulmans (émigrés et étudiants) en métropole.

L’ensemble des ministères se trouvait représenté dans ces organismes : la Commission interministérielle des affaires musulmanes, CIAM (1911-1938), le Haut Comité méditerranéen et ses différentes commissions et sous-commissions (HCM, 1935-1939) et le Centre des hautes études d’administration musulmane (Cheam, 1936-2000). Très vite, on y a adjoint des universitaires, spécialistes du monde musulman et du monde arabo-africain, dont les plus célèbres sont Louis Massignon (islamologue, 1883-1962), Robert Montagne (sociologue-politologue arabisant, 1893-1954), Charles-André Julien (historien de l’Afrique du Nord, 1891-1991), Jacques Berque (sociologue, arabisant, 1910-1995) et Vincent Monteil (islamologue et sociologue, arabisant et africanisant, 1913-2005).

Selon les périodes, la mise en place et la pratique de la politique musulmane ont pour fonction première soit de favoriser l’expansion coloniale, soit de maintenir la stabilité politique en Afrique du Nord, clé de voûte de l’empire. C’est une politique assumée de gestion de la religion, perçue comme un fait social total : l’islam est une idéologie de mobilisation et de contestation et un fait sociologique. Il est ahurissant de constater aujourd’hui que cette conception n’a pas changé, alors que les musulmans de France ne sont plus des indigènes, mais des Français depuis plusieurs générations, eu égard à l’installation des premières familles algériennes en France en 1882.

Trois étapes d’une politique

Cette politique musulmane a connu trois grandes phases qui ont combiné différentes stratégies politiques de centralisation ou d’unification. Elles ont donné, en fonction des intérêts nationaux ou internationaux, la priorité à des essais de centralisation régionale nord-africaine (avec la mise en place des conférences nord-africaines) essentiellement centrés sur une collaboration économique ou sur une centralisation régionale méditerranéenne (avec le HCM), doublée d’une centralisation politique avec prise de décisions au niveau de la présidence du conseil des ministres.

Une première phase (1914-1923) s’ouvre avec la création de la CIAM, organe consultatif sans réel pouvoir de décision, qui a néanmoins influencé les politiques. Elle montre clairement que la politique musulmane voulue s’est trouvée dès son origine enfermée dans un étau idéologique multidimensionnel qui met en jeu des choix politiques de gouvernance nationaux (centralisation versus décentralisation) et des choix politiques de gestion de l’empire (administration directe versus administration indirecte relevant de deux idéologies : assimilation vs association et laïcité vs pluralité religieuse).

La focalisation de ces débats sur la question de la gestion et l’organisation politique de l’empire ont constitué un frein à toute tentative d’unification ou de cohérence politique, y compris au niveau de la formation et des traitements des personnels civils ou militaires appelés à servir outre-mer. Dès lors, le concept même de politique musulmane est fluctuant, utilisé par tous les acteurs politiques ou personnalités publiques concernés : il désigne une politique d’assimilation pour les uns, d’association pour d’autres, voire une synthèse des deux en fonction des intérêts en jeu. Cet état de fait a renforcé l’ambiguïté dans l’opinion publique et a rendu impossible ne serait-ce qu’une politique économique commune aux trois pays du Maghreb, les tenants de chacune des idéologies craignant de perdre en indépendance locale.

Lors de la seconde phase (1923-1935), le consensus des différents acteurs politiques ne se fera que sur la dimension symbolique de l’islam, et sur sa « nécessité » diplomatique locale, régionale et internationale. C’est au cours de cette période, qui connaît un fort accroissement de la présence musulmane en métropole, que la République opte pour une gestion bicéphale de l’islam et des musulmans. D’un côté, elle délègue la gestion religieuse, sociale et répressive aux préfectures, dont la préfecture de la Seine fournit le modèle d’une administration directe à « l’algérienne ». De l’autre, elle fait de l’Institut musulman de la mosquée de Paris un archétype de gestion « sultanienne » à usage diplomatique relevant du ministère des affaires étrangères.

Enfin, la troisième phase (1935-1954) voit la mise en place d’un quasi-gouvernement métropolitain de l’empire, avec l’aboutissement de plusieurs projets d’uniformisation de la politique à l’égard des musulmans de l’empire. Une phase dans laquelle s’inscrivent activement les plus grands orientalistes français de confession chrétienne, les fonctionnaires-savants-experts dont certains sont de fervents catholiques. C’est le cas notamment de Robert Montagne, Louis Massignon et Vincent Monteil ; Charles André Julien et Jacques Berque étant de foi plus tiède.

Gestion bicéphale
Institut musulman de la mosquée de Paris

L’Institut musulman de la mosquée de Paris est inauguré en 1926 en hommage aux combattants de la Grande Guerre. Il est confié à un haut fonctionnaire musulman du ministère des affaires étrangères, Si Kaddour Ben Ghabrit. Familier de la cour des sultans marocains, il veillera à donner de ce lieu une double image, celle de l’Andalousie perdue et celle de la monarchie marocaine. Le financement de la construction a relevé d’un montage subtil entre deniers de la République et deniers des territoires musulmans sous domination :
➞ la loi du 9 juillet 1920 accorde une subvention de 500 000 francs à la société des Habous des lieux saints de l’islam au titre du ministère des affaires étrangères pour le gouvernement ;
➞ la ville de Paris attribue une subvention de 1 600 000 francs, prend en charge de coûteux frais d’actes notariés (cessation-enregistrement…) et concède un terrain de 7 400 mètres carrés ;
➞ le gouvernement général de l’Algérie accorde une subvention de 100 000 francs ;
➞ la Résidence de Rabat donne 100 000 francs également, inscrits sur les budgets chérifiens de 1921-1922 ;
➞ la Résidence de Tunis accorde 30 000 francs, inscrits au budget 1921 de la Régence ;
➞ la colonie du Tchad octroie 5 000 francs, inscrits au budget de 1922.

Des comités de souscription sont créés dès l’été-hiver 1920 dans toutes les villes et centres urbains d’Afrique du Nord pour récolter le budget nécessaire aux travaux de construction, soit 3 000 000 francs pour toute l’Afrique du Nord. L’argent est confié à deux banques en territoire musulman : la banque de l’Algérie pour l’Algérie et la Tunisie, et la banque d’État au Maroc pour le Maroc. En revanche, la gestion financière et la surveillance générale de l’Institut musulman de la mosquée de Paris ne sont pas confiées à Ben Ghabrit, mais à un haut fonctionnaire du ministère de l’intérieur, Paul Valroff. De leur côté, les imams présents en métropole pour assister les musulmans sont rémunérés par les deux protectorats et le gouvernement de l’Algérie.

Cette gestion bicéphale de l’islam est toujours en vigueur. La question du financement des mosquées et celle de la formation des imams font encore débat. Le premier ministre Manuel Valls vient de décider la création de la Fondation des œuvres de l’islam en France (FOIF), dont la présidence est proposée à Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre de l’intérieur ; et il appelle à la formation d’imams français en France.

Laïcité et organisation des religions

La remise en cause du référent « identitaire laïciste-universaliste » — étroitement lié à l’actualité en France et au contexte international troublé par « un retour à l’islam » — réactive le besoin d’un savoir sur l’islam au sein même du champ des sciences sociales. La production universitaire et intellectuelle n’a jamais été si prolifique, les analyses politiques, théologico-politiques n’ont jamais eu autant le vent en poupe que ces derniers temps, sans parler de tous ces nouveaux programmes concoctés on ne sait comment, dédiés à l’étude de la « radicalisation » et à la déradicalisation des jeunes Français musulmans.

Or, les origines du concept de politique musulmane, l’histoire des institutions qui ont été mises en place pour la définir dévoilent l’existence d’un authentique paradigme de politique publique visant à la fois les politiques religieuses françaises en situation coloniale et les Français musulmans issus des ex-territoires de l’empire. Elles dévoilent également l’ambiguïté du rapport au fait religieux, aussi bien chrétien que musulman, dans des institutions qui sont en principe laïques.

La question de la gouvernance de populations musulmanes sous domination d’une République française laïque dissimulait des questions propres aux catholiques dans la République, à savoir :

➞ le double rapport entre le politique et le religieux et l’intervention du religieux dans le politique, comme si le système républicain français et l’encyclique vaticane de Léon XIII, Rerum Novarum 1891, ne l’avaient pas définitivement tranchée ;

➞ l’égalité du christianisme avec les autres religions monothéistes qui aurait conduit inévitablement à leur traitement égalitaire par le politique.

Ces interrogations sont projetées sur l’empire arabo-africain, dès lors que la question de la centralisation de sa gouvernance au niveau de la métropole s’est posée et qu’elle n’a trouvé d’autre facteur d’unité que l’islam. Elle s’est traduite par la récurrence de l’ambition souhaitée et crainte à la fois de fédérer ces populations musulmanes de l’empire autour d’un califat marocain sous protection française pour représenter l’islam d’Occident — qu’il faut entendre au sens d’islam de l’empire arabo-africain. Celui-ci était perçu d’emblée comme malléable à cause de la présence en son sein de nombreuses confréries, considérées comme autant d’hérésies, toutefois hiérarchisées et reflétant le modèle des églises protestantes.

Une lecture catholique du fait religieux

Ces projections révèlent en fait la lecture catholique du fait religieux musulman par les décideurs français et les dissensions au sein du catholicisme français sur des questions purement théologiques comme l’égalité des dogmes monothéistes, ou politiques, comme sur la Palestine ou l’indépendance des États musulmans.

Les espaces coloniaux arabo-musulman et arabo-africain sont devenus le terrain d’expression de conflits interchrétiens, d’ordre philosophico-religieux et/ou politico-religieux. Cela grâce au rôle joué par Montagne, Massignon, Berque ou Monteil et de nombreux orientalistes arabisants et/ou africanisants, qui sont en majorité de fervents catholiques, et d’autres colonialistes laïques qui partageaient leurs points de vue au plus haut niveau de l’État français. Aujourd’hui, cette vision intégrée par les décideurs français, les personnalités publiques politiques, religieuses, laïques et certains Français musulmans est réactivée, actualisée. Elle pose très précisément la question de l’islam en France, de part et d’autre, dans des termes identiques : la radicalisation de certains jeunes et la réforme administrative de l’islam. Comme à l’époque coloniale, cette radicalisation est imputée à l’absence d’un clergé musulman (califat ou ministère du culte musulman) et à l’absence de réforme de l’islam — réforme religieuse et pas administrative, même si la question du financement est présentée comme prioritaire.

À l’instar de la période coloniale, ce qui est en jeu, c’est la réinterprétation du Coran dans une version qui serait à la fois conforme aux lois de la République et très proche du culte catholique, dans la mesure où ce sont les textes fondateurs de l’islam qui sont incriminés. La vindicte inscrite dans le Coran et la Sunna et/ou leur aspect apocalyptique et eschatologique seraient à l’origine ou expliqueraient la radicalisation de certains jeunes Français ou Européens qui mettent en acte ces textes appris en commettant des attentats terroristes, d’après les analyses théologico-politiques d’islamologues qui ont aujourd’hui le vent en poupe, comme à l’époque coloniale. En effet, les analyses théologico-politiques des islamologues actuels qui tendent à incriminer les textes fondateurs de l’islam — alors que les Français de confession musulmane sont soumis aux lois de la République et ne les remettent aucunement en cause —, ne font que reprendre les argumentaires des fonctionnaires-savants-experts des générations précédentes qui se prévalaient de l’incompatibilité avec la pleine citoyenneté de la loi islamique (charia) et du code du statut civil musulman pour justifier la nécessité de la réforme religieuse de l’islam. Or, si soumettre les sources de l’islam à la raison critique et à l’ijtihad, c’est-à-dire l’effort d’interprétation, s’avère d’une double nécessité nationale et internationale pour les sociétés musulmanes en mutation concernant la réforme des codes de statut civil et lois issues de la loi islamique, cette « relecture » ne se justifiait et ne se justifie en France que par l’objectif ancien et inavoué de la création d’un nouveau schisme en islam. Un schisme qui serait totalement intégré aux autres cultes chrétiens, à défaut d’une conversion des musulmans français au christianisme.

D’un autre côté, certains Français musulmans très pratiquants — en ce sens souhaitant se conformer à la lecture littéraliste des textes fondateurs dans leur vie quotidienne —, objets de la vindicte islamophobe et raciste, harcelés par les forces de l’ordre en particulier pour des questions vestimentaires dans l’espace public ces dernières années, répondent à cet état de fait par la hijra ou exode, c’est-à-dire un départ de la France, leur pays de naissance, pour aller s’installer et vivre dans un pays musulman. À l’instar des Algériens s’installant en Syrie, un territoire musulman entre 1908 et 1912, ceux d’aujourd’hui se dirigent vers le Maroc, pays musulman gouverné par un commandeur des croyants, où l’expression pluraliste des pratiques religieuses — des plus lâches au plus rigoristes — est acquise par le fait même de la suprématie religieuse du monarque sur toutes les autres.

Aujourd’hui comme par le passé, la politique musulmane de la France modèle les mises en représentation politiques et savantes des identités religieuses en France et dans le monde arabo-africain. Elle définit aussi la structuration et la non-structuration de l’islam en France, le liant indéfiniment aux questions géopolitiques et géostratégiques ainsi qu’aux questions des migrations nord-africaines, africaines et orientales. De fait, les solutions proposées par Manuel Valls et l’appel des Français et musulmans, qui fait écho à celui des « musulmans évolués » d’Algérie comme on les appelait à l’époque coloniale, ne sont qu’un mauvais remake de cette sacrée mission civilisatrice des populations musulmanes.

Image: « Imam présidant la prière », Étienne-Nasreddine Dinet (ca 1922).

source:https://orientxxi.info/magazine/les-racines-coloniales-de-la-politique-francaise-a-l-egard-de-l-islam,1426

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La France terre d’Asile des corrompus

Publié le par S. Sellami

Les ex Généraux et ex ministres se réfugient en France , pays ”ami ” comme le veut le tendre discours de la diplomatie. Les anciens hauts responsables algériens impliqués dans des affaires de corruptions et qui sont reconnus coupables de malversation au détriment de l’économie algérienne ont pour la majorité opté pour un exil dans un pays où “l’immunité ” est assurée même si on a commis les pires crimes économiques contre son propre peuple.

En poste, ils étaient proches de l’Élysée. À son service et orientés en direction des intérêts prioritaires de la France. C’est aussi leur seconde patrie finalement, si ce n’est la première ou l’unique au bout du compte.
Aujourd’hui la France de Macron et de Marine Le Pen n’est pas ingrate. Elle renvoie l’ascenseur à ses ex serviteurs en fermant les yeux sur le blanchiment d’argent, l’achat de l’immobilier dans des quartiers chics de Paris, Lyon et autres villes française, tout en leur offrant des cartes de séjours.

D’ailleurs il y a un traitement particulier bien réservé à ces hôtes venus d’Algérie, les poches bien remplies. L’administration française leur offre des couloirs de facilitation pour raccourcir les délais et les prémunir contre les aléas et tracasseries dans le parcours qui aboutit par des cartes de séjour et de résidence. Parmi les personnalités, « privilégiées» qui trouvent refuge officiel en France, malgré leur poursuite judiciaires par la justice algérienne, on y trouve l’ex ministre de l’industrie Abdeslam Bouchouareb, logeant dans le luxe d’un appartement haut standing, alors qu’il est recherché pour des soupçons de milliards détournés. Pour ne pas répondre à la convocation judiciaire, il a transmis un certificat médical, attestant qu’il est atteint de troubles psychiatriques.

L’ex ministre des moudjahiddine Mohamed Chérif ABBAS, détenteur d’une carte de résidence, vit actuellement dans un quartier de Lyon. L’ex homme fort du pouvoir Ammar SAADANI, cité dans des affaires de détournement d’argent destinés aux subventions des agriculteurs à El Oued, n’est jamais inquiété, se trouve toujours en France. Le général Khaled NEZZAR, pourrait s’y installer aussi, selon certaines sources. Ce dernier qui se trouve en Espagne pour des soins, refuse de rentrer en Algérie, prétextant qu’il y a un “complot” contre lui et qui viserait à l’incarcérer…

La France qui a montré la couleur, fermant ses frontières en priorité aux Algériens, considérés comme de potentiels immigrants clandestins, qu’ils soient intellectuels ou industriels, ils sont d’office soumis à d’humiliation du visa refusé.

Le record des rejets infligés aux Algériens est de près de 50 % sur les demandes introduites. Comme quoi, la France tient non seulement à son immigration choisie qui met en avant les ennemis de l’Algérie, ceux qui l’ont pillée mais en plus elle compte sur ses visiteurs également choisis… On considère au pays de Macron que l’Algérien ne peut jamais être… touriste.

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La guerre secrète d’Israël au Soudan

Publié le par S. Sellami

En avril, un mouvement de contestation populaire a renversé le Président Omar al-Bashir, de la République du Soudan. Les médias grand public ont dépeint les événements au Soudan comme un soulèvement populaire à l’encontre d’un dictateur oppresseur. Toutefois, un examen plus attentif de l’histoire géopolitique complexe du pays révèle que les forces mondialistes ont joué un rôle crucial dans le renversement d’un régime hostile aux intérêts israélo-américains. Dans la première partie de cette série, j’évoque l’engagement israélo-américain au Soudan dans le contexte des politiques sionistes en Afrique, tandis que la deuxième partie expose les principaux acteurs impliqués, et les techniques déployées dans ce qui est encore une autre opération de changement de régime ourdie par les mondialistes.

La crise au Darfour

SoudanDe nos jours, les gens associent deux mots avec le Soudan : Darfour et génocide. Le conflit au Sud-Soudan et au Darfour a reçu une couverture médiatique exhaustive depuis 2003. Pourtant la géopolitique complexe qui sous-tend cette zone de conflits est rarement, ou jamais expliquée par les médias grand public.

Quelle est l’origine du conflit au Darfour ? Quel est le rôle de la communauté internationale dans ce conflit ? Pourquoi des organisations humanitaires occidentales y ont-elles encouragé une intervention militaire de la part des États-Unis ou de l’ONU, afin de « protéger les droits de l’homme » ?

Alors que quelques analystes politiques ont souligné le rôle discret des USA et du Royaume-Uni dans la déstabilisation de la région? dans le but d’acquérir le contrôle des vastes réserves pétrolières du Darfour – actuellement exploitées par la Chine – la participation israélienne au Darfour est largement restée cachée sous le boisseau.

Le livre de Charles Onana, « Al-Bashir et le Darfour, la Contre-Enquête« , traite des origines de la crise au Darfour ainsi que de la rébellion au Sud-Soudan, en des termes qui mettent en lumière le rôle d’Israël dans la fourniture d’armes aux rebelles ainsi que dans l’organisation d’une campagne médiatique internationale impressionnante, dirigée contre le gouvernement soudanais.

Le livre met un accent particulier sur le rôle direct joué par Israël au Soudan dans le cadre d’un agenda anglo-américain et israélien, ou sioniste, concernant l’ensemble du continent africain.

La thèse d’Onana est que :

Au contraire du discours officiel sur leur contribution au processus de paix au Soudan, les États-Unis, la Grande-Bretagne et Israël n’ont jamais eu l’intention d’aider ou d’encourager la paix au Soudan. Plutôt, afin de poursuivre leurs propres intérêts, chacun d’entre eux a contribué à fomenter ce conflit entre le Nord et le Sud, ou d’en profiter en diabolisant les Musulmans et en prétendant défendre les animistes et les Chrétiens, tout en les armant les uns contre les autres.

Ce qui suit est une tentative pour résumer certains des faits troublants dévoilés par Onana afin de démontrer comment l’impérialisme occidental, par le biais de ses médias tentaculaires, ses ONGs et ses entreprises transnationales, a harcelé le Soudan sans relâche depuis sa naissance en tant qu’état indépendant en 1956, aboutissant au meurtre de plus d’un million et demi de personnes et à la destitution de millions d’autres.

Avec la sécession du Sud riche en pétrole en 2011 et le conflit toujours latent au Darfour, le Soudan risque de payer un lourd prix pour son opposition au mondialisme et à l’état le plus puissant du mondialisme, Israël.

Le problème d’Israël avec le Soudan

Les tensions ethniques entre les Arabes et les Noirs au Soudan ont leurs racines dans la politique de division pour mieux régner de l’empire britannique dans le pays, jusqu’à son indépendance en 1956.

Sous le règne britannique, les Musulmans arabes du Nord du Soudan étaient favorisés par rapport à leurs voisins du Sud à la peau plus foncée, de confession animiste ou Chrétienne. Les politiques britanniques de division pour mieux régner au Soudan impliquaient de scinder le pays selon ses identités ethniques.

Les missionnaires chrétiens étaient majoritairement actifs au sud du Soudan où l’anglais est devenu la langue officielle, tandis que l’arabe était la langue officielle du nord majoritairement musulman. Les Britanniques ont utilisé les clans régnants du Nord comme classe gouvernante par procuration, dominant leurs voisins du Sud.

Ceci signifiait que le développement économique et les investissements se concentraient au nord, ceci au détriment du sud.

Onana situe les intérêts d’Israël au Soudan dans le contexte de la politique étrangère globale de l’état sioniste en Afrique, en particulier dans les états frontaliers du Soudan.

Après l’indépendance soudanaise en 1956, la Grande-Bretagne et l’Amérique espéraient empêcher l’unification du Soudan avec l’Égypte en faisant monter la tension entre les deux états. Après que le président nationaliste égyptien Gamel Abdel Nasser ait expulsé le Mi-6 (services secrets britanniques) d’Égypte au cours de la Guerre de Suez de 1956, des agents britanniques opérèrent contre l’Égypte depuis le Soudan voisin, contribuant à y mener au pouvoir le pro-occidental Sayed Abdallah Khalil. Khalil était le dirigeant du parti de l’Oumma (nation), qui était farouchement anti-Nasser.

Mordechai Gazit, premier Secrétaire de l’Ambassade d’Israël à Londres, noua des contacts étroits avec le parti soudanais de l’Oumma, facilitant l’introduction de représentants d’Oumma auprès du Premier Ministre israélien, David ben Gourion. La relation d’Israël avec le Soudan partait sur de bonnes bases.

Les années ’60 et ’70 ont vu une succession de coups d’état militaires au Soudan ainsi qu’une guerre civile toujours en cours dans le Sud. Toutefois, l’accession d’Omar Hassan al-Bashir au pouvoir en 1989 allait radicalement changer les relations israélo-soudanaises.

Depuis son soutien en faveur des forces arabes au cours de la Guerre de Six Jours en 1967 entre l’Égypte et Israël, Omar Hassan al-Bashir est un défenseur de la libération palestinienne.

Al-Bashir servit également comme officier dans l’armée égyptienne au cours de la Guerre du Kippour de 1973 contre Israël. Depuis son accession au pouvoir au Soudan en 1989, Israël a résolu de renverser son régime pro-palestinien à Khartoum. L’animosité israélienne à l’encontre du gouvernement soudanais a pris la forme d’un soutien militaire en faveur des insurgés du Darfour se battant contre le gouvernement soudanais.

Mais afin de comprendre l’implication d’Israël au Soudan, Onana nous emmène dans une tournée des pays africains voisins dans le contexte des intérêts géostratégiques d’Israël. Ce qui en émerge est un nœud très complexe de déstabilisation israélienne, s’étendant à travers le continent africain.

Israël et le Congo

RDCLe Soudan partage une frontière avec la République Démocratique du Congo. Pendant la brutale colonisation du Congo par le roi des Belges Léopold II au 19ème siècle, des banquiers juifs tels que Raphael Bauer, Franz Philippson et Léon Lambert, ainsi que des consultants, des avocats et des entrepreneurs juifs jouèrent un rôle central dans la gestion de la colonie belge pour le compte du roi des Belges.

Des Juifs originaires de Russie, de Pologne, de Hongrie et des États Baltes se ruèrent sur le Congo pour exploiter l’immense richesse du pays qui comprenait des diamants, de l’or, du cobalt et d’autres matières premières.

Une grande partie de cette richesse contribua à construire la Belgique moderne et fut extraite au travers de l’esclavagisme, de la torture et du meurtre de masse.

Néanmoins la Belgique ne fut jamais contrainte de payer des réparations pour ses crimes contre l’humanité au Congo, au contraire de l’Allemagne après la Seconde Guerre Mondiale qui fut, de façon justifiée, obligée de payer Israël pour son asservissement des Juifs.

À l’aube du vingtième siècle, la communauté juive du Congo était devenue extrêmement fortunée, tant et si bien qu’elle devint la principale contributrice financière de l’état émergent d’Israël en 1948.

La diaspora juive de la colonie esclavagiste du Congo a levé davantage d’argent pour l’établissement d’Israël que les diasporas juives d’Amérique, de Suisse ou d’Afrique du Sud.

Après l’indépendance congolaise, des responsables israéliens servirent d’agents par procuration pour la politique US de Guerre Froide dans le pays. Après que la CIA et les services secrets belges aient assassiné le leader démocratique congolais Patrice Lumumba, forçant la province riche en minéraux du Katanga à faire sécession en accord avec les intérêts occidentaux, Israël entraîna 800 soldats d’élite congolais pour défendre le pillage occidental des mines du Katanga.

Le rôle d’Israël en tant qu’intermédiaire des intérêts occidentaux au Congo devint bientôt un sujet de lourde inquiétude pour les états arabes, enclins à décrire les activités d’Israël au Congo comme étant « néocoloniales ».

Le Congo n’était pas seulement une source importante de richesse pour Israël, sa présence sur place lui permit également d’étendre son influence en Afrique Centrale et au Soudan.

Israël et le Tchad

TchadDès l’indépendance du pays en 1960, le premier Président du Tchad François Tombalbaye entretenait des relations étroites avec Israël. La situation ethnique au Tchad était similaire à celle du Soudan, sauf que c’étaient les Sudistes francophones qui dominaient les Arabes du Nord après l’indépendance.

Ainsi, la politique israélienne au Tchad impliquait de manipuler ces tensions ethniques en poursuivant les intérêts géostratégiques sionistes et en particulier pour déstabiliser le Soudan voisin, après que le pro-Israélien Abdallah Khalil ait été renversé en 1958.

En 1965, un groupe rebelle tchadien nommé Front de Libération Nationale du Tchad (FROLINAT) s’installa à Khartoum, la capitale soudanaise.

Les tensions entre N’Djamena (capitale du Tchad) et Khartoum s’apaisèrent, toutefois, quand ces derniers consentirent à expulser les rebelles tchadiens du Soudan.

Israël, sensible aux tensions ethniques croissantes au Tchad, avait juste l’homme qu’il fallait pour cette mission diplomatique.

Quadia SofferQuadia Soffer était un Juif né en Irak qui est devenu le principal diplomate d’Israël au Tchad. Sa maîtrise de la langue arabe lui permettait de manipuler les deux côtés de la division ethnique du Tchad à l’avantage d’Israël. Soffer persuada le président Tombalbaye de soutenir Israël devant l’ONU.

Cependant, après la Guerre de Six Jours en 1967, la popularité d’Israël sombra vers des bas-fonds, la plupart des pays africains condamnant l’occupation de terres arabes par l’entité d’occupation sioniste. Par voie de conséquence, le Tchad et le Soudan commencèrent à s’unir dans leur opposition à Israël.

Hélas, en réalité, les gouvernements de l’Ouganda et du Tchad ont prêté leur assistance aux rebelles du Darfour pour le compte de Washington, de Tel-Aviv, de la France et du Royaume-Uni.

Le président Idriss Déby du Tchad et le Président Yoweri Museveni de l’Ouganda sont des alliés cruciaux des USA, d’Israël et de la France en Afrique Centrale Septentrionale et en Afrique Centrale.

Idriss DébyIdriss Déby du Tchad est arrivé au pouvoir en 1990 avec l’aide des services secrets français, après que le dictateur précédent ait commencé à favoriser les compagnies pétrolières US aux dépens de leurs concurrentes françaises.

Depuis l’accession de Déby au pouvoir la pauvreté a continué d’augmenter ; tout comme les bénéfices des entreprises pétrolières françaises qui continuent de piller le pays.

Maintenu au pouvoir par les militaires français, Déby a joué un rôle dans la déstabilisation du Soudan. Cependant, les médias occidentaux ont, sans surprise, fait écho à la propagande des gouvernements occidentaux, c’est-à-dire que la violence au Darfour pourrait se répandre jusqu’au Tchad.

Au cours du conflit avec le Sud, qui cessa avec la création de l’état du Sud-Soudan en 2011, les médias occidentaux ont décrit à plusieurs reprises la guerre comme un conflit ethnique entre des Musulmans arabes et hégémoniques au Nord, et des Chrétiens et des animistes noirs au Sud.

Israël et l’Ouganda

OugandaAu sud du Soudan se trouve l’Ouganda. Au 19ème siècle, l’Ouganda avait été suggéré par le premier Ministre britannique au président du Congrès Sioniste Mondial Theodor Herzl, comme possible foyer national pour les Juifs.

Bien que l’idée ait été rejetée ultérieurement par le Congrès Sioniste Mondial, les relations israélo-ougandaises sont demeurées fortes après l’indépendance du pays en 1962.

Milton OboteLe premier président de l’Ouganda, Milton Obote, avait au départ de bonnes relations avec Israël. Les forces armées du pays nouvellement indépendant avaient même été entraînées par Israël.

Nonobstant, la Guerre de Six Jours avait outragé les états africains, et la résolution arabe de 1967 à Khartoum appelant à la fin de l’occupation israélienne des territoires arabes conquis cette année-là, ainsi que l’appel à toutes les nations africaines de ne pas reconnaître l’état juif troublèrent Tel-Aviv. De plus, le « virage à gauche » du Président ougandais Milton Obote inquiétait les stratèges de la Guerre Froide de Washington, de Londres et de Tel-Aviv. Il fallait qu’Obote parte.

Un remplacement convenable pour Obote fut trouvé en la personne d’Idi Amin. Le Colonel Bar-Lev, l’attaché à la défense israélien du régime d’Obote, fut complice dans le coup d’état qui amena Amin au pouvoir en 1971. Amin avait été entraîné en Israël après l’indépendance ougandaise.

Une partie du pacte d’Amin avec les services de renseignement israéliens consistait à fournir des armes aux rebelles du Sud-Soudan. Israël était résolu à punir Khartoum, pour son soutien en faveur des Arabes pendant la Guerre de Six Jours.

En persuadant son régime-client d’Ouganda à fournir des armes aux rebelles du Sud-Soudan, Israël espérait provoquer une guerre civile au Soudan. Tel-Aviv, toutefois, n’avait aucunement l’intention d’aider les rebelles à prendre le pouvoir à Khartoum. Une guerre civile suffirait à affaiblir un régime hostile à la politique impérialiste d’Israël au Moyen-Orient. La guerre civile soudanaise allait prendre la vie de plus d’un million et demi de personnes.

Israël et la géopolitique du Delta du Nil

Delta du NilLe fleuve Nil a depuis longtemps été source de tensions entre nombre d’états africains. le Nil traverse l’Égypte, le Soudan, l’Éthiopie, le Kenya, la République Démocratique du Congo, l’Ouganda, le Burundi, le Rwanda et la Tanzanie.

Au dix-neuvième siècle, le père du sionisme moderne Theodor Herzl tenta de convaincre le gouvernement britannique de drainer l’eau du Nil vers un projet juif d’installation dans le Sinaï. Mais ce projet fut finalement abandonné, après la Première Guerre Mondiale.

En 1979, le président égyptien Anwar el-Sadat offrit un accès au Nil à Israël, en échange d’un retrait de Jérusalem-Est. Israël déclina l’offre.

le 14 mai 2010, un accord fut signé à Entebbe en Ouganda entre le Rwanda, l’Ouganda et la Tanzanie dans lequel ces pays convenaient d’œuvrer à obtenir une plus grande part des eaux du Nil.

Selon des accords datant de l’ère coloniale, l’Égypte et le Soudan avaient reçu plus de 90% de l’eau. L’Égypte et le Soudan refusèrent d’assister à la conférence d’Entebbe. les deux pays dépendent lourdement du Nil pour l’agriculture et ne sont pas prêts à abandonner leur part de cette ressource vitale au bénéfice de pays qui jouissent d’une pluviosité annuelle plus abondante.

Les quatre signataires de l’accord d’Entebbe ont tous signé des accords hydroélectriques et de désalinisation avec Israël.

Israël est le seul pays qui n’est pas frontalier avec Nil, et pourtant il possède des projets élaborés pour une pipeline sous le Canal de Suez pouvant fournir l’eau du Nil à Israël.

Une alliance entre un Soudan fort et unifié et l’Égypte contre le « Northern Sinai Agricultural Development Project » (NSADP) [projet de développement agricole du nord du Sinaï, NdT] pourrait rendre caducs les projets aquifères de l’état juif. L’accès aux eaux du Nil est un autre facteur alimentant la détermination infatigable d’Israël pour détruire le Soudan.

La Mer Rouge

Mer RougeL’empire portugais au 16ème siècle, la France napoléonienne et l’empire britannique ont tous cherché à posséder le contrôle de la Mer Rouge, qui a été l’artère historique des commerçants arabes pour acheminer les épices indiennes vers l’Europe.

Djibouti, l’Érythrée, l’Égypte, l’Arabie Saoudite, la Jordanie, le Yémen et le Soudan donnent tous sur la Mer Rouge.

Au cours des années 1970, Israël noua des liens étroits avec l’Éthiopie. L’Éthiopie allait devenir la base israélienne de pénétration du Soudan.

Quand des millions d’Éthiopiens mouraient de faim en 1984, les services de renseignement israéliens (le Mossad) évacuèrent discrètement, avec l’aide de la CIA, les Juifs éthiopiens du pays affamé vers Israël en passant par le Soudan.

Les Israéliens avaient convaincu le Président soudanais Gafar Nimeiry de coopérer avec cette opération secrète. Toutefois, la décision de coopérer avec une nation ennemie coûta sa carrière à Nimeiry, qui fut renversé dans un coup d’état l’année suivante.

Al-Bashir et le Darfour

SoudanOmar Hassan al-Bashir évinça Sadiq al Mahdi lors d’un putsch en 1989. Sa première action, une fois au pouvoir, fut de négocier un terme à la Seconde Guerre Civile Soudanaise. Hélas, le Darfour allait devenir le prochain théâtre des opérations de déstabilisation israéliennes.

Israël a fourni des armes et de l’entraînement aux rebelles du Darfour dès que le conflit y a commencé. Bien qu’Israël ait nié toute implication au Darfour, le gouvernement soudanais a présenté des preuves de fusils d’assaut israéliens « Tavor », pris aux rebelles du Darfour.

Pendant les années Clinton, la Conseillère à la Sécurité Nationale US Sandy Berger et le Ministre de la Défense US William Cohen ont joué un rôle crucial dans la coordination de la déstabilisation US/israélienne du Soudan.

Après que l’administration Clinton ait imposé des sanctions au Soudan en 1997 en vertu d’allégations de soutien au terrorisme, la Secrétaire d’État Madeleine Albright donna 2 millions de dollars au gouvernement ougandais pour combattre les soi-disant « rebelles ougandais » qui traversaient la frontière depuis le Soudan.

Le Soudan se trouva bientôt encerclé par des régimes-clients des USA, résolus à protéger les « minorités » à l’intérieur des frontières du pays.

En dépit du fait que le conflit soit souvent décrit comme ayant ses racines dans la haine ethnique entre les Noirs et les Arabes, la réalité du Soudan est bien différente.

Tant il est vrai que les Arabes étaient dominants durant l’ère coloniale britannique et que depuis lors ils ont conservé une certaine hégémonie, aujourd’hui le pouvoir n’est plus tout à fait divisé selon des lignes raciales.

Même le Président du Soudan Omar al-Bashir est ethniquement un Noir africain et non un Arabe, ce qui trouble la notion voulant que les Soudanais noirs soient totalement dominés par leurs compatriotes arabes.

De nombreuses ethnies et cultures se mélangent au Soudan, et le conflit ne peut tout simplement pas être réduit à une division entre Noirs et Arabes.

En fait, c’est le climat plutôt que la race qui a été le facteur décisif derrière la violence au Darfour. Des sécheresses au cours des années 1990 ont généré des migrations depuis le Nord du Darfour vers le Sud de la région, ainsi que vers l’Est. La compétition pour les terres et les maigres ressources, couplée à des armées de guérilla par procuration au services des intérêts occidentaux, telles que l’Armée de Libération du Soudan et le Mouvement pour la Justice et l’Égalité ont toutes contribué au conflit.

Il convient de préciser que, lorsque nous identifions le climat comme facteur dans le conflit, nous ne faisons nullement référence à l’hypothèse dorénavant discréditée de Roger Revelle de « réchauffement climatique » anthropique, alimenté par le CO2.

« Urgence Darfour » : intellectuels sionistes et politiciens bellicistes

Abdul Wahid al-Nour Bernard Henri-Lévy Bernard KouchnerAbdul Wahid al-Nour, le chef de l’Armée de Libération du Soudan, possédait d’étroits liens avec Israël, et aussi tout particulièrement avec la France. C’est un ami personnel de l’ancien Ministre des Affaires Étrangères français Bernard Kouchner, ainsi que des « philosophes » juifs Bernard Henri-Lévy et André Glucksmann.

L’inimitié de Bernard Kouchner envers le Soudan d’al-Bashir remonte à loin. En tant que ministre du gouvernement Mitterrand en 1991, il s’était rendu au Sud-Soudan pour y parler avec les chefs rebelles – sans la permission de Paris.

Kouchner, qui est lui-même juif et un fervent supporter d’Israël, a été le promoteur infatigable d’une campagne d’intervention militaire au Soudan. La vocation humanitaire douteuse de Kouchner s’est retrouvée sous l’œil du microscope en 2009 à la publication du livre « Le Monde selon K », écrit par le journaliste français Pierre Péan. Les révélations du livre à propos des affaires véreuses de Kouchner en Afrique avaient provoqué un scandale d’ampleur nationale, mais cela n’avait pas suffi à contraindre le Ministre des Affaires Étrangères français à la démission. Ce fut simplement un exemple supplémentaire embarrassant sur la « Françafrique » : dans la culture politique française, un certain degré de latitude est tacitement toléré quand il s’agit des affaires concernant les anciennes colonies françaises.

La campagne française « Urgence Darfour » est un trombinoscope d’organisations juives françaises et de pontes sionistes. Bien que la campagne française contre le gouvernement du Soudan soit parvenue à résonner parmi quelques groupes antiracistes africains, leurs affirmations concernant le sort des Noirs africains au Sud du Soudan et au Darfour frisent l’absurde.

Les associations juives anti-soudanaises ne se sont nullement souciées du nombre d’Africains morts au Congo voisin depuis l’invasion Tutsi soutenue par les USA et Israël en 1996, à ce jour estimé selon l’ONU entre 5 et 10 millions.

La campagne « Save Darfur » : lobbies juifs, acteurs de Hollywood et criminels de guerre

La campagne qui fut menée aux USA contre le gouvernement du Soudan, connue sous le nom de « Save Darfur » [sauvez le Darfour, NdT], suit un schéma similaire à sa consœur française, « Urgence Darfour ».

Le financement US de la campagne « Save Darfur » provient de plus de 60 lobbies juifs. Charles Jacob est l’un des cerveaux de la campagne US « Save Darfur ».

Activiste politique autodidacte, Jacob est le cofondateur de l’American Anti-Slavery Group [Groupe anti-esclavage américain, NdT – 1984], codirecteur de la « Sudan Campaign » (2000), Directeur-Adjoint du chapitre de Boston du Committee for Accuracy in Middle East Reporting in America [Comité pour l’exactitude du journalisme américain au Moyen-Orient, NdT] et cofondateur du David Project for Jewish Leadership [Projet David pour le leadership juif, NdT].

American Anti-Slavery GroupLa campagne « anti-esclavage » de Jacob se concentre exclusivement sur le Soudan, où il affirme que les personnes de couleur noire sont vendues comme esclaves aux Arabes. L’American Anti-Slavery Group n’a pas fourni la moindre preuve étayant ces allégations.

La campagne contre l’esclavage de Jacob ne mentionne jamais l’esclavage au Congo où des enfants travaillent dans des mines pour moins de 20 cents par jour, et elle ne dénonce pas non plus le trafic des femmes pour l’esclavage sexuel en Israël, une réalité qui a été documentée par de nombreuses organisations de défense des droits de l’homme.

Les allégations fumeuses d’esclavage de Jacob contre le Soudan sont destinées à des Américains mal informés, et en particulier à la communauté noire des USA.

La représentante du Congrès US Cynthia McKinney fut approchée par Jacob afin de participer à la campagne calomnieuse contre le Soudan.

On lui a dit que son image serait publiée en « Une » des magazines à travers l’Amérique, et qu’elle se verrait réélue à vie si elle coopérait avec la campagne « Save Darfur ». McKinney refusa.

On demanda aussi à la star de la pop Michael Jackson de participer à la campagne « Save Darfur », mais le chanteur n’était apparemment pas convaincu des bonnes intentions de la campagne et refusa lui aussi. La campagne fumeuse « Save Darfur » trouva finalement, néanmoins, un participant volontaire en la personne de George Clooney qui a endossé le rôle de porte-parole de l’organisation, lui apportant dans les médias une notoriété dont elle avait besoin. Clooney est membre du Council on Foreign Relations [CFR, Conseil sur les relations étrangères, NdT], et c’est un lobbyiste de premier plan des intérêts impérialistes des USA à travers le monde.

Cette campagne, abondamment financée et politiquement motivée contre le Soudan, est passée dans les médias grand public sans avoir été exposée, ou presque. Les mots-clé inlassablement répétés de la campagne « Save Darfur » sont « génocide », « nettoyage ethnique », « esclavage » et ainsi de suite.

En 2005 un panel de l’ONU arriva à la conclusion qu’il n’existait pas de preuves de génocide au Darfour. Mais la campagne « Save Darfur » continue d’employer le mot « génocide » dans ses publications.

Pétrole soudanais

Les vastes réserves pétrolières du Soudan, situées au Darfour, sont une autre motivation derrière la campagne « Save Darfur ». Le 25 janvier 2002, l’Institute for Advanced Strategic and Political Studies [Institut d’études politiques et stratégiques avancées, NdT] tint un symposium à Washington afin de formuler une politique énergétique US en Afrique. Le symposium résulta en la création de l’African Oil Policy Initiative Group [AOPIG, Groupe pour l’initiative de politique pétrolière africaine, NdT], qui publia un rapport intitulé « Pétrole Africain, une priorité pour la sécurité nationale US et le développement africain » (« African Oil, a priority for US national security and African development »).

Le rapport indique que :

L’AOPIG considère le bassin pétrolier du Golfe de Guinée en Afrique de l’Ouest, avec l’Afrique Centrale et Australe plus vaste et son marché de 250 millions de personnes vivant de chaque côté de voies cruciales de communication, comme un « intérêt vital » dans les calculs de la sécurité nationale US. Le Golfe de Guinée, faisant partie du bassin pétrolier de l’Atlantique, dépasse le Golfe Persique dans ses fournitures de pétrole aux USA par un facteur de 2:1, de plus, il possède des gisements considérables de minéraux d’une importance stratégique cruciale dont le chrome, l’uranium, le cobalt, le titane, les diamants, l’or, la bauxite, les phosphates et le cuivre. La région se caractérise également par des ressources hydrologiques, agricoles et piscicoles sous-exploitées. Un échec à traiter le problème de la concentration et de l’optimisation de l’organisation du commandement diplomatique et militaire US sera perçue par beaucoup en Afrique comme la preuve d’une négligence voulue de la part de la seule superpuissance du monde, et pourrait par conséquent agir comme incitation involontaire pour des rivaux des USA tels que la Chine, des adversaires tels que la Libye, et des organisations terroristes telles qu’al-Qaeda afin d’assurer une présence politique, diplomatique et économique en Afrique.

Ce rapport fut initialement mis en ligne avec une URL indiquant « Israel Economy », un fait intéressant en soi étant donné qu’Israël n’est nulle part mentionné dans le document.

L’ancien Ministre des Affaires Étrangères soudanais Eltigani Fidail a dit :

Nous savons que les États-Unis veulent contrôler l’exploitation et la fourniture de pétrole à travers le monde. Les entreprises US ont été les premières à découvrir du pétrole dans notre pays, mais pensant qu’elles n’avaient pas de concurrentes, elles ont demandé des conditions inacceptables pour son exploitation, ce qui nous mena à conclure un accord avec la Chine. Cela ne plaît pas aux Américains.

Le rapport recommande « l’établissement d’un commandement sous-unifié doté d’une responsabilité exclusive pour la région du Golfe de Guinée, ou toute l’Afrique sub-Saharienne, similaire à US Forces Korea » [Forces US en Corée, NdT].

Charles Jacob fut accessoire, dans la plainte pour atteinte aux droits de l’homme engagée contre l’entreprise pétrolière canadienne Talisman Energy en 1998. Talisman Energy avait une participation de 25% dans la Greater Nile Petroleum Operating Company, une entreprise co-détenue par la Chine, la Malaysie et le Soudan.

Jacob et la campagne « Save Darfur » affirmèrent que Talisman était coupable de complicité de génocide, au travers de son implication avec le gouvernement soudanais. Mais l’affaire fut finalement classée par l’US District Court du Southern District de l’État de New York [Tribunal de district du sud de l’État de New York, NdT].

Cependant, les pressions de Jacob et de ses nombreux partenaires commerciaux forcèrent Talisman Energy à quitter le Soudan. Ce fut la coopération de Talisman avec la Chine et avec la Malaysie qui fut la cible de la campagne de Jacob pour le compte des intérêts US/israéliens, ou sionistes.

Selon Onana, la Chine a eu des accords commerciaux avec le Soudan depuis 1958, et les relations entre les deux pays ont toujours été cordiales et mutuellement bénéfiques.

La compétition entre les puissances occidentales et la Chine pour le pétrole soudanais sera probablement la source de conflit dans la région dans les années qui viennent.

Dans la deuxième partie de cette série, je traiterai de certains des thèmes-clé qui doivent être pris en considération dans l’évaluation de la signification globale de la présente crise soudanaise.

Par Gearóid Ó Colmáin                                                                                                                                                                                                                                               Source: https://www.gearoidocolmain.org/israels-secret-war-in-sudan/

Traduit par Lawrence Desforges

via:https://globalepresse.net/2019/08/04/la-guerre-secrete-disrael-au-soudan/

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De Cologne à Sétif : les approximations dangereuses d’une plume impatiente

Publié le par S. Sellami

                            Statue de Ain el Fouara (Sétif, Algérie)

Dans cette Algérie de la fin 2017, les faits divers se suivent et ne se ressemblent pas, surtout à l’approche d’une année 2018 qui s’annonce difficile pour les algériens : loi de finances punitive, situation politique instable et sans issue, consacrant l’illégitimité du système en place. Et avec ce qui nous attend, il faut bien amuser la galerie !

Mais revenons à la chronique de KD écrite dans l’urgence (2) : pourquoi ne pas attendre les résultats de l’enquête ? Pourquoi faire une telle économie de détails, pour un intellectuel censé prendre de la hauteur par rapport au buzz et nous aider à mieux appréhender la complexité des évènements ? Pourquoi ne pas essayer, tout simplement, de savoir ce qui s'est réellement passé à Sétif ? Comble de l’ironie, quelques heures plus tard, les autorités révèlent, dans une déclaration officielle, que l’auteur de l’acte de vandalisme est un ancien militaire mentalement déficient (3).

Extrait de la chronique : « Nous n’aurons ni l’armée pour défendre ce pays contre sa talibanisation, ni la police mobilisée pour frapper sur le vivant algérien, les Kabyles et les démocrates, et qui supplie avec douceur et presque à genoux un destructeur au burin de nos richesses. Que faire pour ce pays et pour le défendre ? Prendre encore une fois les armes ? Se constituer en milices pour défendre cette terre puisque ce Régime ne le fait pas, ne le veut pas ? Ces islamistes ont bien compris : il faut des armes, des réseaux, des lieux de rassemblements, des médias et des vigilances sur tout, au bas de chaque statut, livres, lieux et cultures, déclarations. Nous devons faire de même... »

Ainsi, pour la plume impatiente de KD, peu importe les détails et les faits. Ce ne sera pas là sa première approximation depuis la fameuse « nuit de Cologne » et le scandale suscité par sa chronique dans le NY Times : déjà, en se basant sur de fausses informations, KD avait rendu sa sentence avant les preuves, avant l’enquête, déclarant que les viols et les agressions sexuelles commis pendant la Saint Sylvestre l’avaient été, sans aucun doute possible selon lui, par des réfugiés. Comment le savait-il ? Élémentaire, il était arrivé à la conclusion qu’ils étaient coupables en raison de leur rapport maladif à la femme, parce que musulmans tout simplement, rejoignant ainsi un cliché orientaliste bien installé dans l’inconscient occidental et heureusement, vite dénoncé par un groupe d’universitaire à travers une pétition lancée juste après son article (4 et 5).

Un tel fait divers est l’occasion, pour ceux qui ont l’habitude d’expliquer tous nos problèmes, non pas à l’aune de toutes les dimensions historique, politique et sociale de l’Algérie, ce qui serait précisément faire acte de « pensée », mais prétendent que ces évènements sont intrinsèquement liés à notre « culture » si lointaine de celle des Lumières et de la « modernité occidentale ».

Encore une forme d’essentialisation de l’arabe, du musulman, qui relègue ainsi l’impérialisme occidental au rang de dernière des explications de ce que nous vivons, relativisant tant les faits actuels que la longue histoire d’oppression de l’Autre que nous sommes, au point de réduire ceux qui y font allusion à des adeptes de la « victimisation »; cela pourrait être un sujet de débat, tant que cela est dit et analysé sur des tribunes qui n’auraient pas un background malsain. Le dire sur des tribunes occidentales bien connues par leur islamophobie et leur racisme, prend tout son pesant symbolique, et met en danger toute une population musulmane déjà fragilisée en Europe ; est-ce un hasard d’avoir en France le soutiens de Valls(6), Finkielkraut ou BHL ?

Toute idée prend sa signification depuis l’endroit à partir duquel elle est exprimée, surtout si elle n’est pas mise en perspective ni débattue sérieusement.

Mais cette dernière chronique sent fort, et pas du tout de l'eau de Cologne même pas de mauvaise qualité, chronique basée sur une information approximative et écrite dans l'urgence, toujours l'urgence d'étaler son humeur de révolté en colère. Traitant tous ceux qui ne sont pas de son avis de talibans ou de lâches, KD vient de franchir une ligne : celle de la violence. Un appel à la violence à peine « voilé » qui renvoie à une douloureuse page de l’histoire de l’Algérie indépendante, la « littérature de l’urgence » incarnée par Rachid Boudjedra (grand « ami » de KD (7)) et son brûlot « le Fils de la haine ».

On se souvient que Rachid Boudjedra avait donné, dans un élan romantique, un chèque en blanc aux militaires janviéristes suite à l’arrêt du processus électoral en 1992. Ces derniers, réjouis, n’en demandaient pas tant de la part d’intellectuels qui devraient avant tout tenir leur rôle d’analyse, de compréhension de leur société. L’islamisme n’a pas bouffé la société du jour au lendemain, il est né tel un bébé issu d’un viol, a tété le sein de la hogra et du mépris du peuple, du mépris de sa culture et de son identité ; il a appris à marcher à l’ombre de ses grands frères en Egypte, en Arabie Saoudite et en Afghanistan soutenus par les intérêts d’un capitalisme sauvage et de services secrets bien connus, et s’est exprimé dans la violence la plus inouïe face à l’incompréhension de nos élites totalement déconnectées du réel, de la réalité de l’Algérie profonde et de la grande majorité des algériens.

A la fin des années 80 et début des années 90, les intellectuels algériens étaient encore figés à traiter de la chute du mur de Berlin, alors qu’il y avait péril en la demeure. Pour changer du système totalitaire algérien, une partie du peuple, la moins instruite, la moins à l’aise matériellement avaient adopté puérilement (ce qualificatif ne les dédouane en rien) la radicalité la plus évidente qui se présentait à elle, face à des gauches qui avaient perdu la vigueur de leur idées, la fraicheur de leur idéaux, et ne présentaient plus d’alternative viable à leur peuple à qui ils ne savaient plus parler. Aucun crime n’est excusable, absolument aucun. Reste que l’on n’attend pas de nos intellectuels qu’ils se mettent à dos de chars pour ramener la démocratie. L’usage de la force, c’est l’armée et la police. L’intellectuel doit transcender sa société, l’interroger, la comprendre et la faire avancer, non pas cracher dessus ni sur une partie d’elle.

25 ans après, le constat reste le même. A coup d’approximations, de précipitation, de simplification de la réflexion, de délire hystérique, de colère et de faiblesse d’esprit, les échecs d’hier risquent de se reproduire aujourd’hui, une faillite qui risque d’alimenter l’hystérie générale dans la société, et enfoncer le pays dans une spirale violente encore une fois.

En quoi KD est foncièrement différent de ceux qu'il dit combattre ? Pour quelqu’un qui a été islamiste dans une autre vie, j’aurais aimé qu’il mette à disposition son expérience, qu’il apporte de la hauteur et de la complexité dans ses écrits et qu’il analyse le phénomène de l’intérieur, en somme, se mettre au-dessus de la mêlée. Sans vouloir faire dans la psychologie de comptoir, il y a chez lui comme un transfert en attribuant aux autres ce qu’il est lui, in fine : un converti au laïcisme, avec en sus les réflexes extrémistes de l’islamisme. Car il présente en tous les symptômes. L’approximation jusqu'à la désinformation ? On y est. La fatwa laïque ? C'est un peu ce qui est décrété dans ses tribunes à longueur d'année. L'appel à la violence ? C'est chose faite à présent ! Nous sommes très nombreux à nous sentir otage de ce schéma que les intellectuels approximatifs, d’une part, et les radicaux islamistes, d’autre part, nous imposent. Ils sont tellement semblables ! Incapacité à relever la complexité des sujets, pensée simple et unidirectionnelle, faiblesse de l’argumentaire et de l’esprit, et une colère, une très grande colère !

Entre Hamadache (8) et KD je n'ai pas envie de choisir.

Cette vision binaire du monde fragilise et sape tous ceux qui, dans le silence, résistent au rouleau compresseur qui nous broient au quotidien imposé par le système politique algérien en place. Tous ceux qui essaient de jeter des ponts entre des courants de pensées, apaiser les esprits, cohabiter avec leurs différences, travailler, créer, innover, construire, et espérer aller vers une société qui rassemble les algériens. Un tel projet est ardu. Et c’est parce que c’est difficile et complexe, que cela vaut la peine de le faire et de travailler pour une adhésion de tous les algériens. Les discours culturalistes d’exclusion qui font plaisir à l’occident ne rendront la tâche que plus difficile, créeront de la crispation, du rejet et de la tension.

A voir se déployer une telle carrière, un ami m’a dit, à propos de KD : « nous avons perdu un grand chroniqueur, la France a gagné un piètre écrivain. ».

Par Karim Kia

 

Références :

  1. Vidéo de la destruction de la statue, https://www.youtube.com/watch?v=J8_WSvqwPuE
  2. Kamel Daoud, la destruction de la statue de Ain el Fouara. http://www.chouf-chouf.com/chroniques/kamel-daoud-la-destruction-de-la-statue-de-ain-el-fouara/
  3. Article sur l’état mental auteur de l’acte de vandalisme, https://www.tsa-algerie.com/ain-el-fouara-lauteur-de-lacte-de-vandalisme-presente-une-deficience-mentale-a-100-video
  4. Kamel Daoud, La Misère Sexuelle Du Monde Arabe : https://www.nytimes.com/2016/02/14/opinion/sunday/la-misere-sexuelle-du-monde-arabe.html
  5. Nuit de Cologne : « Kamel Daoud recycle les clichés orientalistes les plus éculés », Le Monde.fr, http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/02/11/les-fantasmes-de-kamel-daoud_4863096_3232.html
  6. Valls soutient KD : https://www.facebook.com/notes/manuel-valls/soutenons-kamel-daoud-/1002589256488085/
  7. Boudjedra VS KD : http://www.algerie-focus.com/2017/10/polemique-kamel-daoud-reponds-a-tour-a-boudjedra-decide-de-porter-plainte/
  8. KD vs Hamadache, http://www.jeuneafrique.com/308178/societe/algerie-kamel-daoud-gagne-proces-contre-predicateur-salafiste-abd

http://www.ahmedbensaada.com/index.php?option=com_content&view=article&id=468:2018-03-26-18-39-04&catid=48:orientoccident&Itemid=120#A4

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Algérie : les caricaturistes et le hirak

Publié le par S. Sellami

Dans un article dithyrambique publié le 2 mai dernier dans les colonnes de l’Humanité, la journaliste Rosa Moussaoui a encensé certains caricaturistes algériens, les plus en vue dans l’effervescence « révolutionnaire » du moment.  « Crayon au poing, ils brisent tous les tabous, franchissent toutes les lignes rouges », nous dit-elle[1].

Et elle ne pouvait si bien dire. Ils en ont franchi des lignes rouges, mais pas uniquement celles auxquelles elle fait référence dans son panégyrique.

 

Situons tout d’abord le personnage de l’auteure de l’article. Rosa Moussaoui est reporter (souvent affublée de l’épithète « grand ») à l’Humanité. Très active depuis le début du mouvement de contestation, elle suit de sa prose les évènements politiques qui animent la scène politique algérienne. Prose qui trahit parfois un alignement idéologique tendancieux comme on peut s’en rendre compte à la lecture de ce titre : « En Kabylie, un peuple debout pour ressusciter le pays »[2]. D’ailleurs, n’avait-elle pas affiché son soutien au MAK (Mouvement pour l'Autonomie de la Kabylie) lors de la polémique entourant la participation de ce mouvement à la fête de l’Humanité en 2017[3]?

La « grand » reporter nous présente donc trois caricaturistes algériens qui, précise-t-elle, « tiennent la chronique d’une joyeuse révolution ». Il s’agit de Ali Dilem, Hicham Baba Ahmed, alias Le Hic, et Ghilas Aïnouche.

 

Ali Dilem Le Hic Ghilas Aïnouche

 

Moussaoui et ces trois dessinateurs ont un trait commun : celui de parler au nom du « peuple », tout en galvaudant ce noble concept.

Voici trois caricatures qui illustrent ce propos :

 

Ali Dilem
Le Hic
Ghilas Aïnouche

 

Premièrement, ils utilisent la notion de « peuple » comme s’il s’agissait d’un bloc monolithique, sphérique, uniforme et lisse.

Ensuite, ils se donnent la liberté de parler au nom de ce « peuple », comme s’ils en étaient les porte-paroles officiels, mandatés par je ne sais quelle institution fictive.

Finalement, ils utilisent la voix de ce « peuple » pour faire passer leurs idées personnelles ou l’idéologie de leur groupe d’appartenance.

Cette légèreté, voire frivolité, avec laquelle ces caricaturistes s’approprient la voix d’une nation soulèvent de nombreuses questions importantes concernant le hirak.

Qui compte le nombre de manifestants? Qui recense les messages scandés ou écrits sur les banderoles ou pancartes? À partir de quel nombre de slogans le message devient celui du peuple? Est-ce qu’un slogan prononcé le vendredi équivaut à celui scandé un autre jour de la semaine? Est-ce qu’un slogan véhiculé par les médias sociaux équivaut à celui porté à bout de bras dans la rue? Est-ce que le message d’une pancarte bien visible sur les escaliers de la Grande Poste à Alger est équivalent à un autre exhibé dans une petite ville de province?  Lorsque certaines chaînes de télévision affirment que le « peuple » veut ceci ou cela, sur quel travail scientifique se sont-elles basées?

Il est clair qu’au début du soulèvement populaire, il n’y avait aucune d’ambiguïté sur la demande du peuple : « Pas de 5e mandat ». L’adhésion de la population était unanime car la demande était simple, compréhensible et juste.

Mais à mesure que l’inflation des demandes a progressé, les réponses se sont multipliées et l’unicité des voies de sortie de crise a disparu.

Prenons pour exemple la position actuelle des citoyens vis-à-vis de l’institution militaire : la scission du hirak sur ce point est bien consommée. On n’est plus sur la longueur d’onde de l’unanimisme initial : « Djeich Chaab Khawa Khawa » (Armée Peuple Frères, Frères).

Que veut alors dire la notion de « peuple » à ce moment? Un groupe qui a un accès facile aux médias? Un groupe qui arrive à mobiliser plus de personnes sur le terrain? Un groupe qui produit plus de décibels dans les manifestations? Un groupe plus organisé et mieux formé pour véhiculer son idéologie? Un groupe qui a plus de moyens financiers?

Et ces questions se posent aussi pour les caricaturistes qui doivent, par honnêteté intellectuelle et éthique journalistique refléter le débat tel qu’il est vécu par les citoyens.

Pour bien comprendre l’orientation idéologique de ces caricaturistes qui parlent au nom d’un « certain peuple », il est essentiel et judicieux de nous intéresser à chacun d’eux.

Ali Dilem

Le plus influent d’entre eux est très certainement Ali Dilem. J’en veux pour preuve le nombre de câbles Wikileaks américains qui citent son nom : pas moins de dix!

Dans le câble 08ALGIERS504_a (daté du 5 mai 2008), on peut voir à quel point il est apprécié par les diplomates américains en poste à Alger : « Dans le cas de Liberté, la plupart des lecteurs aujourd'hui ne regarde pas la une du journal en premier, mais la dernière page pour savourer la caricature quotidienne de Dilem qui est souvent une critique caustique du gouvernement ».

Mais cette remarque ne relève pas uniquement de l’admiration candide. Des contacts ont bien eu lieu entre le caricaturiste et les fonctionnaires de l’ambassade américaine comme clairement mentionné dans le câble 09ALGIERS370_a (daté du 13 avril 2009) : « Le caricaturiste politique Ali Dilem nous a dit que les bureaux de vote qu’il a visité avec un journaliste français étaient presque vides. Dans un cas, il a rencontré un chômeur qui a déclaré qu'il votait parce qu'on lui avait demandé de présenter sa carte d'électeur afin d'obtenir un passeport ».

Un caricaturiste algérien qui « dit » des choses aux diplomates américains en poste à Alger durant des élections présidentielles algériennes? Comment peut-on appeler cela? Je vous laisse le soin d’y répondre.

Dilem fait partie de « Cartooning For Peace » (CFP - Caricature pour la paix), organisme qui se définit comme « un réseau international de dessinateurs de presse engagés qui combattent, avec humour, pour le respect des cultures et des libertés ». C’est sans doute pour cette raison qu’on l’a vu officier sur TV5 aux côtés de deux autres caricaturistes pour la paix : le Français Plantu (fondateur de CFP) et l’Israélien Kichka.

 

 

 

Plantu, Dilem, Nadia Khiari (alias Willis From Tunis) et Kichka: quatre membres de “Cartooning For Peace” au 66e Festival de Cannes.

C’est aussi dans ce cadre que Dilem s’est rendu en Israël avec ses deux compagnons de TV5. Dans la vidéo immortalisant la visite[4] on le voit rire à éclats devant un dessin de l’israélien Shay Charka (membre de CFP) véhiculant des stéréotypes négatifs et tendancieux sur les Palestiniens (voir ci-après). Précisons que Charka est un caricaturiste sioniste faisant partie d’une « armée » de dessinateurs israéliens qui luttent contre la campagne internationale BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions)[5].

 

-Papa, peux-tu fabriquer une fusée qui peut aller sur la lune?

-Y a-t-il des Israéliens sur la lune ?! Alors pourquoi? Pense de manière productive!

 

Ensuite, arrivé devant le mur des lamentations, il fait une déclaration stupéfiante qu’il est important de reporter au complet tellement elle représente la quintessence de la propagande sioniste :

« Pour quelqu’un qui a grandi dans la haine de l’autre, la haine du juif, en fait la haine de ce qu’il ne connait pas, de ce qu’il a ignoré et dans l’acceptation de tout ce qu’on lui foutait dans le crâne… Ça donne pas envie ici d’être terroriste, ça donne pas envie de haïr l’autre, ça donne pas envie de, de…Ça donne envie d’aimer, de connaitre… ».

No comment!

La vidéo se termine avec des notes mélodieuses de piano et une danse de notre illustre caricaturiste, bras dessus, bras dessous, avec un personnage portant une kippa qui doit connaitre et, surtout, aimer beaucoup de Palestiniens!

Une relation singulière relie nos caricaturistes à Charlie Hebdo comme nous allons le constater par la suite. À peine un mois après l’attentat contre ce journal satirique, Dilem a rejoint son équipe de dessinateurs. À la question : « Qu’aviez-vous pensé à l’époque de la publication par Charlie Hebdo des caricatures de Mahomet ? », il répondit : « Je savais qu’ils s’exposaient à des réactions. Je savais qu’on ne pouvait pas s’amuser avec l’image du Prophète aux yeux de certains. Mais en tant que professionnel de la caricature, je me disais aussi que c’était un sujet comme un autre, et qu’il ne fallait pas s’arrêter à ce qui est considéré comme sacré […][6].

Dilem a reçu de nombreuses distinctions soulignant la qualité de son travail, mais c’est la France qui l’a le plus gâté. En 2010, il a reçu les insignes de Chevalier des Arts et Lettres à l’ambassade de France à Alger, des mains de Noëlle Lenoir, ancienne ministre des Affaires européennes et en présence de l'ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt[7].

 

 

 

Noëlle Lenoir et Ali Dilem

 

 

Rappelons que l’Ordre des Arts et des Lettres (qui comprend trois grades) est une décoration honorifique française qui, gérée par le ministère de la Culture, récompense « les personnes qui se sont distinguées par leur création dans le domaine artistique ou littéraire ou par la contribution qu'elles ont apportée au rayonnement des arts et des lettres en France et dans le monde ».

En 2017, notre caricaturiste a été promu au rang d’Officier des Arts et des Lettres par la présidence de la République française.

 

 

 

Ambassade de France à Alger : Bernard Émié, ambassadeur, et Ali Dilem

Dans un livre qu’il a consacré à Ali Dilem, son ami Mustapha Benfodil cite Mohamed Benchico, présenté comme le maître à penser du caricaturiste: « Dilem a une âme de justicier. Il ne dessine pas pour passer le temps mais pour faire mal, pour écorcher les crapules et les puissants »[8] .

Avec ce qu’on vient de voir sur le trajet de Dilem, une question se pose : qui sont les crapules et qui sont les puissants?

 

 

Le Hic

La caricature du Hic qui figure au début de cet article pose de nombreux problèmes. En effet, en plus de discourir au nom du peuple comme mentionné précédemment, l’auteur fait preuve d’une totale ignorance en matière de géostratégie, de techniques de déstabilisation des pays ou de révolutions non-violentes. Pourtant, ce ne sont pas les exemples qui manquent depuis quelques décennies. Mais, vous allez me dire, on ne peut pas demander à un caricaturiste de faire rire et d’être versé dans les sciences demandant un peu de sérieux. À moins, bien sûr, d’exceller dans l’art de la dissimulation et dans la dextérité du mensonge par omission.

Le plus grave, cependant, dans ce dessin, c’est son indécence. Le « digitus impudicus » ou doigt d’honneur est un geste obscène. Avec cette caricature, Le Hic a non seulement usurpé l’identité du peuple, mais lui fait faire des gestes grossiers et orduriers qui ne concernent que sa personne!

Ce n’est certainement pour des dessins de ce genre que Le Hic fut « élevé », en 2016, au rang de Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres des mains de Bernard Émié, à la villa des Oliviers, résidence de l’ambassadeur de France à Alger[9].

Ambassade de France à Alger : Bernard Émié, ambassadeur, et Hicham Baba Ahmed (Alias Le Hic)

 

 

Notons, que tout comme Dilem, Le Hic est membre de « Cartooning For Peace ». Cependant, il n’a pas collaboré avec Charlie Hebdo, mais reconnait avoir rencontré et travaillé avec Charb et Wolinski[10], deux dessinateurs vedettes du magazine humoristique français, qui ont perdu la vie lors des attentats de janvier 2015.

Petite précision: Bernard Émié, l’ambassadeur qui a décoré Dilem et Le Hic, a été nommé en 2017 par le président Emmanuel Macron à la tête de la direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE), en remplacement d’un autre ancien ambassadeur de France en Algérie (2006-2008), M. Bernard Bajolet[11].

 

Ghilas Aïnouche

La palme de l’indécence, de l’impudeur et du mauvais goût revient sans aucun doute à Ghilas Aïnouche. Scatologie, obscénité, racisme, tout y passe! Comparé à ceux de Aïnouche, le dessin du Hic discuté auparavant passerait pour celui d’un enfant de chœur.

Il faut savoir qu’en humour, lorsque le talent fait défaut, on se focalise sur ce qui se trouve en dessous de la ceinture ou bien sur ce qui se passe dans les toilettes.

Lorsque la députée Naima Salhi, fidèle représentation de la décadence politique qu’a connue l’Algérie ces dernières années, a tenu des propos choquants sur les Kabyles et leur langue, une monumentale levée de boucliers s’en est suivie. Aïnouche, quant à lui, a choisi de réaliser plusieurs caricatures de la députée où les matières fécales sont à toutes les sauces! À donner la nausée!

Pour voir les caricatures obscènes de Aïnouche

(à vos risques et périls!)

 

Cette obscénité n’est pas nouvelle dans le monde de la caricature algérienne. C’était une pratique usitée par le chroniqueur d’El Watan, Chawki Amari, qui fut, dans une autre vie, caricaturiste. Il avait raconté à Mustapha Belfodil, non sans une pointe de fierté, qu’il s’amusait à cacher des parties intimes masculines dans ses dessins. Pourquoi? Juste comme ça, pour le fun. Et d’ajouter : « Personne ne relevait ces petits détails, et le lendemain, je me marrais. J’étais vraiment un sale gosse »[13].

Dans le cas de Chawki Amari, il est intéressant de noter qu’il a été emprisonné, en 1996, pour une caricature jugée offensante pour l'emblème national [14]. Objet du délit? Le dessin représentait « deux passants qui regardent les drapeaux algériens déployés à l'occasion de l'anniversaire de l'indépendance. « C’est pour le 5 juillet? », demande l'un. « Non, ils étendent le linge sale », répond son compagnon »[15].

 

Pour voir la caricature délictueuse de Chawki Amari

 

Mais même en ce temps-là, l’ambassade américaine d’Alger n’était pas très loin des journaux et de leurs caricaturistes.

Des documents d’époque montrent que l’organisme américain Cartoonists Rights Network International (CRNI) avait dénoncé son emprisonnement, ce qui est en soi louable. En effet, selon son site, la mission du CRNI est de « défendre la liberté créative et les droits de l’Homme des caricaturistes éditoriaux menacés dans le monde entier »[16].

Mais le CNRI précise aussi que « pendant son séjour en prison, l’organisme a également envoyé de l'argent à Chawki pour l'aider à payer ses frais légaux »[17].

En regardant de plus près les sponsors de CRNI, on y trouve aussi bien la NED (National Endowment for Democracy) et l’Open Society Foundations du milliardaire américain, George Soros[18], des commanditaires étasuniens très impliqués dans l’« exportation de la démocratie »[19].

Dans une interview accordée au Washington Post, la question suivante a été posée au directeur exécutif du CRNI, Robert Russell : « Avez-vous déjà travaillé en collaboration avec le Département d'État, des ambassadeurs ou d'autres agences / départements américains pour atteindre vos objectifs dans le monde entier? [] ». Ce à quoi il répondit : « Nous sommes toujours prêts à travailler avec un ambassadeur ou même un bureau au Département d'État [] »[20].

D’ailleurs, après cette affaire, certains câbles Wikileaks ont révélé une proximité entre l’ambassade américaine à Alger et Chawki Amari, El Watan (où il travaille actuellement avec Le Hic) ainsi que son ancien directeur Omar Belhouchet[21].

Mais ça, c’est une histoire qui mériterait qu’on y consacre plus de temps.

Revenons à Ghilas Aïnouche. Certaines de ses caricatures dénotent une affinité non dissimulée avec le Mouvement pour l'Autodétermination de la Kabylie (MAK), affinité partagée avec Rosa Moussaoui qui a encensé le jeune caricaturiste dans son article.

 

 

 

Ferhat Mehenni : président du MAK

Abassi Madani : cofondateur du Front islamique du salut (FIS)

Cette sympathie pour la cause sécessioniste du MAK a été confirmée lors d’un voyage effectué par Aïnouche en 2017 aux États-Unis, invité par le Département d’État. Il y a défendu la liberté d’expression pour les militants du MAK « constamment harcelés et leurs passeports bloqués»[22].

Et le MAK le lui rend bien. Lorsque Aïnouche a été victime de violence policière lors d’une manifestation interdite, le président du MAK, Ferhat Mehenni, lui a personnellement téléphoné pour s’enquérir de sa santé et l’assurer de son soutien[23].

Il est indéniable qu’une des conséquences fâcheuses du hirak est la tension actuellement perceptible entre certains citoyens kabyles et le reste des Algériens. Le MAK, naguère imperceptible dans la vie politique du pays, a repris du poil de la bête avec ses idées toxiques. Ferhat Mehenni s’est même fait inviter à l’université de Tizi-Ouzou pour disserter, par vidéoconférence, rien de moins que du « combat kabyle face à l’Algérie »[24]. Jamais cette tension n’a été aussi exacerbée, très certainement instrumentalisée aux dépens de la cohésion de la nation algérienne. Le plan Yinon[25] pour l’Algérie serait-il activé via le MAK en cette période d’instabilité politique? Rappelons que, tout comme Dilem, Mehenni s’est rendu en Israël, s’y est entretenu avec des politiciens de haut rang de l’État hébreu et, dans une entrevue au Jérusalem Post, il n’a pas été avare de formules aplaventristes et provocatrices. Florilège : « Les Kabyles ont toujours eu de la sympathie pour Israël »; « Pendant la guerre de 1967, la Kabylie a applaudi à la défaite des Arabes »; « Les femmes kabyles ne portent pas de voile et les Kabyles vivant en France n'ont pas participé à la campagne de légalisation du voile dans les écoles »; « Liberté pour la Kabylie, éternité pour Israël »[26].

 

Entrevue de Ferhat Mehenni à la chaine israélienne Guysen TV lors de son séjour en Israël

Sur les médias sociaux, cette tension a généré une confrontation orageuse. Pourtant, le hirak n’était-il pas censé nous solidariser contre les politiciens véreux, les voleurs de la richesse de notre pays, les bradeurs de sa souveraineté et les liquidateurs de son unité?

La différenciation entre les Kabyles et le reste de la société algérienne a été poussée par Aïnouche à un niveau jamais atteint. Plus que du racisme, certaines caricatures sont la représentation d’un suprémacisme kabyle. Jugez-en.

 

 

 

 

Une question se pose là encore: avec quelle procuration, Aïnouche et Mehenni, se permettent-ils de parler au nom de tous les Kabyles?

Dilem s’est lui aussi essayé à la caricature raciste, ce qui lui a valu une volée de bois vert[27].

 

À l’instar de Dilem et Le Hic, Aïnouche a eu des contacts avec Charlie Hebdo et ses dessinateurs. Il a même été pigiste pour cet hebdomadaire. Dans une entrevue publiée après les attentats de Charlie Hebdo, il a déclaré : « Je ne vois pas comment l’on peut dire que Charlie Hebdo est islamophobe »[28].

Avec toutes ces frasques figurant sur son CV, parions que Aïnouche finira, comme ses ainés, par être invité à la villa des Oliviers pour une solennelle cérémonie où ses faits d’armes chevaleresques seront reconnus, récompensés et applaudis.

En guise de conclusion, mentionnons que toute caricature véhicule, à travers son écorce humoristique, des messages qui sont en phase avec l’orientation du caricaturiste ou du journal qui l’emploie. Il est impératif de retourner chaque caricature et d’en regarder le sceau sur le verso pour en connaitre le commanditaire, le destinataire, la base idéologique ou la vision politique. Ou pourra alors comprendre que la notion galvaudée de « peuple » figurant dans certaines caricatures n’est pas fortuite, bien au contraire.

En ces moments de soubresauts politiques et de tentative d’édification d’une nouvelle république algérienne, les caricaturistes devraient jouer l’apaisement au lieu de pousser à la confrontation.

Cette période nécessite un humour qui nous unit et non un humour qui nous divise, un humour qui construit des ponts et non un humour qui bâtit des murailles.

 


Références

  1. Rosa Moussaoui, « Rire des puissants pour les déboulonner » L’Humanité, 2 Mai 2019, https://www.humanite.fr/algerie-rire-des-puissants-pour-les-deboulonner-671661
  2. Rosa Moussaoui, « En Kabylie, un peuple debout pour ressusciter le pays » L’Humanité, 15 avril 2019, https://www.humanite.fr/algerie-en-kabylie-un-peuple-debout-pour-ressusciter-le-pays-670818
  3. Mohand Beloucif, « Notre mouvement est "pacifique et n’émarge pas aux extrêmes" », Le Matin d’Algérie, 1er novembre 2017, https://www.lematindalgerie.com/notre-mouvement-est-pacifique-et-nemarge-pas-aux-extremes
  4. Dailymotion, « Dilem, Kichka et Plantu à Jérusalem », https://www.dailymotion.com/video/xe9lzn
  5. The Times Of Israel, « Une armée de caricaturistes lutte contre le mouvement BDS », 13 juillet 2015,https://fr.timesofisrael.com/une-armee-de-caricaturistes-lutte-contre-le-mouvement-bds/
  6. Hassina Mechaï, Interview : « "Charlie Hebdo" - L'Afrique réagit - Dilem : "Ce n’est pas qu’un titre, c’est un esprit" », Le Point, 8 janvier 2015, https://www.lepoint.fr/culture/charlie-hebdo-l-afrique-reagit-dilem-ce-n-est-pas-qu-un-titre-c-est-un-esprit-08-01-2015-1894965_3.php
  7. Liberté, « Dilem : “Je suis fier d'être Algérien” - Il a été fait hier chevalier des arts et des lettres », 12 octobre 2010, https://www.djazairess.com/fr/liberte/144123
  8. Mustapha Benfodil, « Dilem Président », Editions INAS (Alger), 2008, p. 3
  9. Ambassade de France à Alger, « Décoration d’Ahmed Bedjaoui et Hicham Baba Ahmed », 16 mai 2016, https://dz.ambafrance.org/Decoration-d-Ahmed-Bedjaoui-et-Hicham-Baba-Ahmed
  10. Nejma Rondeleux. « Le Hic: "J'ai été triplement choqué: en tant qu'être humain, dessinateur et Algérien" », Huffington Post Maghreb, 8 janvier 2015, https://www.huffpostmaghreb.com/2015/01/08/le-hic-charlie-hebdo_n_6436212.html
  11. Amine Kadi, « Bernard Emié, de l’ambassade d’Alger à la DGSE », La Croix, 27 juin 2017, https://www.la-croix.com/Monde/Afrique/Bernard-Emie-lambassade-dAlger-DGSE-2017-06-27-1200858548
  12. Voir réf. 8, p. 7
  13. Ibid., p. 99
  14. José Garçon, « Crime de lèse-drapeau en Algérie - Pour un dessin « offensant », Alger maintient en prison le journaliste Chawki Amari », Libération, 13 juillet 1996, https://www.liberation.fr/planete/1996/07/13/crime-de-lese-drapeau-en-algeriepour-un-dessin-offensant-alger-maintient-en-prison-le-journaliste-ch_177216
  15. Ibid.
  16. Cartoonists Rights Network International, « Who we are – Our mission », https://cartoonistsrights.org/mission/
  17. Cartoonists Rights Network International, « Middle East/North Africa », http://archive.cartoonistsrights.org/cartoonists_rights_free_speech.php--id=33.html
  18. Cartoonists Rights Network International, « Foundation and corporate support », https://cartoonistsrights.org/category/cnri-gratefully-acknowledges-major-support-from/
  19. Pour plus de détails, lire : Ahmed Bensaada, « Huit ans après : la « printanisation » de l’Algérie », ahmedbensaada.com, 4 avril 2019, http://www.ahmedbensaada.com/index.php?option=com_content&view=article&id=475:2019-04-04-22-50-13&catid=46:qprintemps-arabeq&Itemid=119
  20. Michael Cavna, « Crowdfund of the week: Free-speech cartoonists vs. legal and mortal threats », Washington Post, 2 avril 2015, https://www.washingtonpost.com/news/comic-riffs/wp/2015/04/02/crowd-fund-of-the-week-free-speech-cartoonists-vs-legal-and-mortal-threats/?utm_term=.0eae6ab200c1
  21. Lire, par exemple, le câble 08ALGIERS388_a: https://wikileaks.org/plusd/cables/08ALGIERS388_a.html ou le câble 08ALGIERS521_a : https://wikileaks.org/plusd/cables/08ALGIERS521_a.html
  22. KDirect.info, « Invité par le Département d’Etat américain à Washington, le dessinateur Ghilas Aïnouche a parlé aussi du MAK », 7 novembre 2017, http://archive.wikiwix.com/cache/?url=https%3A%2F%2Fk-direct.info%2F2017%2F11%2F07%2Finvite-par-le-departement-detat-americain-a-washington-le-dessinateur-ghilas-ainouche-a-parle-aussi-du-mak-k-direct%2F
  23. Siwel, « Ghilas Aïnouche agressé : le Président de l’Anavad s’enquiert de son état de santé », 23 juillet 2017, https://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:QzrVanxcK3AJ:https://www.siwel.info/ghilas-ainouche-agresse-president-de-lanavad-sencquiert-de-etat-de-sante_49075.html+&cd=1&hl=fr&ct=clnk&gl=dz
  24. Hakim Megatli, « Université de Tizi Ouzou : Ferhat Mehenni a discouru sur le « combat kabyle face à l’Algérie », Algérie 1, 28 avril 2019, https://www.algerie1.com/actualite/universite-de-tizi-ouzou-ferhat-mehenni-a-discouru-sur-le-laquo-combat-kabyle-face-a-l-algerie-raquo
  25. Pour plus de détails sur le plan Yinon, lire : Ahmed Bensaada, « La géopolitique selon « Arab Idol », Reporters, 13 décembre 2014, http://www.ahmedbensaada.com/index.php?option=com_content&view=article&id=300:la-geopolitique-selon-l-arab-idol-r&catid=46:qprintemps-arabeq&Itemid=119
  26. Sharon Udasin et Jan Koscinski, « Algeria’s Kabylie craves friendship with Israel », The Jerusalem Post, 27 mai 2012,https://www.jpost.com/Middle-East/Algerias-Kabylie-craves-friendship-with-Israel
  27. Dehbia Ak, « Ali Dilem accusé de « racisme anti-arabe » par des chroniqueurs d’une chaîne privée (VIDÉO) », ObservAlgérie, 19 janvier 2019, https://www.observalgerie.com/actualite-algerie/dilem-ali-une-nouvelle-caricature-secoue-les-medias-algeriens/
  28. Algérie Focus, « Ghilas Aïnouche, caricaturiste algérien : "Je ne vois pas comment l’on peut dire que Charlie Hebdo est islamophobe"», 8 janvier 2015, https://www.algerie-focus.com/2015/01/ghilas-ainouche-caricaturiste-algerien-je-ne-vois-pas-comment-lon-peut-dire-que-charlie-hebdo-est-islamophobe/#sthash.WSQngftu.uxfs
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Algérie : La Révolution trahie par les berbéristes

Publié le par S. Sellami

Leur arrière-pensée est de pousser à l’affrontement le peuple et son armée et créer ainsi les conditions pour se séparer du reste des Algériens. 

Nous étions presque parvenus à la réalisation de l’unité du peuple, pour renverser définitivement la dictature militaire et édifier un état civil, démocratique et souverain.

Hélas, les berbéristes ont d’autres calculs en tête et leur principal objectif est de se distinguer du reste des Algériens, en revendiquant leur fantasme de pureté ethnique au détriment de la personnalité de base de l’Algérien et de la citoyenneté algérienne, transculturelle et métissée. Celle-là même qui a permis au peuple Algérien de s’unifier autour d’un intérêt commun : mettre fin à la dictature au nom de l’algérianité.

Militants indépendants ou associatifs, médias privés, partis politiques, ont tous contribuer à cette trahison, qui a permis à l’état-major d’imploser la Révolution en deux blocs antagoniques : les berbéristes et le reste des Algériens. Berbère télévision, El Watan, Le Matin, le site Chouf Chouf, la LADDH, le RAJ, et tant d’autres, sont très actifs pour réaliser cet objectif de division du peuple, pour faire échouer la Révolution.

Leur lâcheté n’a d’égale que la perversion qui caractérise leur posture de victimisation, en inversant les rôles de la manipulation et de la diversion. Prétendant que ce serait l’Etat-Major qui a divisé le peuple en interdisant le drapeau amazigh, alors que ce sont eux qui ont en premier doubler le drapeau de l’unité du peuple pour le diviser et offrir ainsi l’alibi à l’Etat-Major de sévir !

Leur stratégie de victimisation vise à exploiter la radicalisation du peuple dans la conjoncture critique actuelle, qui est caractérisée par un refus de l’armée de satisfaire ses exigences de souveraineté, pour l’amener à tomber dans son piège, celui de se solidariser avec le drapeau amazigh sans en mesurer la portée. Leur arrière-pensée est de pousser à l’affrontement le peuple et son armée et créer ainsi les conditions pour se séparer du reste des Algériens. Notamment, par un désir inavoué de semer la confusion, synonyme de chaos et d’ingérence étrangère, dont ils seront sans aucun doute les principaux bénéficiaires. Contre l’Algérie et contre son peuple.

Autrement, on ne voit pas quel est l’intérêt de s’évertuer à brandir ostentatoirement le drapeau Amazighe ! En Algérie, il n’y a ni pures arabes, ni pures amazighes, ni quelque autre ethnie à prétendre au fantasme de la pureté. En Algérie, il n’y a que des Algériens, produit d’un métissage millénaire entre les peuples autochtones amazighes et tous les autres peuples qui sont venus s’établir sur le territoire national depuis des milliers d’années. C’est le seul slogan qui sera le garant de l’aboutissement de la Révolution et de la réalisation de ses objectifs, en premier, celui de reléguer la religion et l’identité dans le privé et l’armée dans les casernes.

Youcef Benzatat, le 3 juillet 2019

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