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Des enregistrements audio dévoileraient le chantage de Biden à Kiev pour écarter un procureur

Publié le par S. Sellami

Des enregistrements audio dévoileraient le chantage de Biden à Kiev pour écarter un procureur © Gleb Garanich Source: AFP L'ancien vice-président américain Joe Biden et l'ancien président ukrainien Petro Porochenko à Kiev, le 16 janvier 2017.

L'ex-vice-président américain Biden a-t-il conditionné une aide d'un milliard de dollars à Kiev au renvoi du procureur ukrainien Chokine qui enquêtait sur une affaire de corruption impliquant son fils ? C'est ce que prouveraient des enregistrements. Déjà minée par les difficultés, la campagne de Joe Biden vient de voir ressurgir un fantôme qui a de quoi effrayer l'ancien vice-président américain : Andreï Derkatch, un député indépendant ukrainien, a publié une série d'enregistrements audios qui viendraient appuyer l'idée selon laquelle Joe Biden a fait pression en 2016 sur le président ukrainien Petro Porochenko de l'époque, afin qu'il démette de ses fonctions le procureur général Viktor Chokine. Ce dernier supervisait à l'époque une vaste enquête sur la corruption touchant l'entreprise gazière Burisma Holdings, qui avait embauché quelques mois auparavant Hunter Biden, le fils de Joe Biden. Si le conditionnel est d'usage, c'est que personne n'a confirmé l'authenticité de ces enregistrements, sur lesquels on entend les conversations attribuées à Petro Porochenko et Joe Biden, mais aussi John Kerry. Toutefois, il est important de souligner que personne – et notamment aucun des protagonistes – n'a pour l'heure contesté leur authenticité. Plus encore, tant Joe Biden, via son équipe de campagne, que Petro Porochenko ont implicitement reconnu leur véracité. Le député ukrainien Andreï Derkatch affirme les avoir reçus des mains d'un journaliste d'investigation, selon qui ils auraient été enregistrés par Petro Porochenko lui-même. Ces enregistrements dévoilent une Ukraine de l'après-Maïdan soucieuse de s'attirer les bonnes grâces des Etats-Unis. Ils montrent surtout l'incohérence de la politique du gouvernement Obama qui a soutenu cette «révolution» pour mettre fin à la corruption endémique en Ukraine... mais se serait empressé de procéder à des pratiques plus que douteuses une fois le nouveau gouvernement en place.

 

Maintenant qu'un nouveau procureur général est en place, nous sommes prêts à aller de l'avant et à signer cette garantie de prêt d'un milliard de dollars Au cœur du scandale, trônent ainsi Joe Biden et son implication dans le départ précipité de Viktor Chokine. L'ancien vice-président américain aurait conditionné une aide américaine d'un milliard de dollars à l'Ukraine au départ du procureur général de ce pays. «S'il y a un nouveau gouvernement et un nouveau procureur général, je suis prêt à faire une signature publique de notre engagement [à payer] le milliard de dollars», peut-on entendre confier à Petro Porochenko celui qui serait Joe Biden dans une conversation datée du 22 mars 2016. «Je ne suggère pas que c'est ce que vous voulez ou ne voulez pas. Je suggère simplement que c'est ce que nous sommes prêts à faire», poursuit-il, dans ce qui semble être une tentative pour le moins maladroite de se couvrir. A en croire l'enregistrement, le message a été bien reçu par Petro Porochenko qui fait part de sa «motivation extrêmement forte» pour faire ce que l'administration Obama lui demandait, glissant le nom de Iouri Loutsenko comme éventuel remplaçant de Viktor Chokine, et cherchant à savoir si celui-ci disposait bien des faveurs de Joe Biden. Quelques jours plus tard, Iouri Loutsenko était effectivement nommé procureur général. Dans une conversation datée du 13 mai, l'individu présenté comme étant Joe Biden s'est alors dit prêt à honorer sa part du marché : «Je suis un homme de parole, et maintenant qu'un nouveau procureur général est en place, nous sommes prêts à aller de l'avant et à signer cette garantie de prêt d'un milliard de dollars.» Chantage pour couvrir son fils Hunter Biden ? L'implication de Joe Biden dans la démission contrainte de Viktor Chokine est un secret de polichinelle. Et pour cause : l'ancien vice-président s'en est vanté publiquement. «Je leur ai dit : "Vous n'aurez pas le milliard [...] Je pars dans six heures, si le procureur n'est pas viré, vous n'aurez pas l'argent"», avait-il ainsi raconté lors d'une intervention au think tank Council of Foreign Relations début 2018. «Eh bien le fils de p***, il s'est fait virer. Et ils ont mis en place quelqu'un qui était solide à l'époque», s'était-il également félicité à cette occasion

Illégal en lui-même, ce chantage interpelle d'autant plus que Viktor Chokine menait une enquête sur une vaste affaire de corruption relative à la société de gaz naturel Burisma Holdings. Or en 2014, dans la foulée de Maïdan, le fils du vice-président, Hunter Biden, a été nommé au conseil d'administration de Burisma Holdings. Le moment où cette nomination est intervenue autant que les compétences de Hunter Biden pour ce poste auraient donc dû être scrutés attentivement par le procureur général ukrainien. Pour Viktor Chokine, il ne fait aucun doute que Joe Biden a joué de son pouvoir pour, in fine, interrompre cette enquête. L'ancien procureur général a d'ailleurs déposé plainte en janvier dernier contre l'ancien vice-président américain pour «ingérence dans les activités d'un représentant de la loi». Avec la publication de ces enregistrements, la pression monte encore d'un cran sur le candidat démocrate à l'élection présidentielle américaine. Pour s'atteler à la délicate tâche de défendre ce qui pourrait s'avérer indéfendable à la vue des éléments qui se font jour, l'équipe de campagne de Joe Biden s'est appuyée sur une stratégie élimée depuis trois ans par le camp démocrate : mettre en cause la Russie. Dans les colonnes du Washington Post, l'équipe de campagne du candidat a ainsi jugé que la publication de ces enregistrements constituait «la poursuite des efforts russes» pour «s'attaquer à l'ancien vice-président», notant les «liens avec les intérêts russes» d'Andreï Derkatch. Les collaborateurs de Joe Biden ont par ailleurs pointé du doigt RT, coupable à leurs yeux de «promouvoir ces enregistrements», qui ont été, selon eux, «fortement modifiés» afin de travestir la réalité. En d'autres termes, l'équipe de campagne de Joe Biden, qui ne conteste pas l'authenticité des enregistrements et n'apporte comme de coutume aucune preuve pour étayer sa «thèse russe», reproche simplement à RT de faire un travail journalistique en s'intéressant à une affaire de corruption au sommet de l'Etat américain. A leur décharge, force est de reconnaître que la démarche peut surprendre, les médias outre-atlantique ayant été pour l'heure été bien discrets sur le sujet.

https://francais.rt.com/international/75265-enregistrements-audio-devoileraient-chantage-biden-kiev-ecarter-procureur?utm_source=browser&utm_medium=aplication_chrome&utm_campaign=chrome

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Le président palestinien Mahmoud Abbas annonce la fin de la coopération sécuritaire avec Israël

Publié le par S. Sellami

Abbas déclare mettre fin « à partir d’aujourd’hui » à tous les accords avec les gouvernements américain et israélien, ajoutant que l’annexion de territoires en Cisjordanie occupée annihilerait toute chance de parvenir à la paix
Mahmoud Abbas prononce un discours critique sur le plan de paix de Donald Trump au Conseil de sécurité des Nations unies, à New York, le 11 février 2020 (AFP)

Le gouvernement palestinien est « absous, à partir d’aujourd’hui, de tous ses accords et ententes avec les gouvernements américain et israélien, et de toutes ses obligations basées sur ces ententes et ces accords, y compris celles relatives à la sécurité », a annoncé mardi soir le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas.

« À partir d’aujourd’hui, l’autorité d’occupation israélienne doit assumer toutes les responsabilités et obligations devant la communauté internationale en tant que puissance occupante sur le territoire de l’État palestinien occupé, avec toutes ses conséquences et ses répercussions fondées sur le droit international et le droit international humanitaire, en particulier la quatrième Convention de Genève de 1949, qui tient la puissance occupante responsable de la protection des populations civiles sous occupation et de leurs biens, criminalise les punitions collectives, interdit le vol de ressources, l’appropriation et l’annexion de terres, le transfert forcé de la population du territoire occupé et le transfert de la population de l’État occupant (les colonialistes) vers les terres qu’il occupe, lesquels sont tous de graves violations et crimes de guerre », a-t-il ajouté.

Dans ce discours prononcé après une rencontre avec la direction de l’Autorité palestinienne à Ramallah, le dirigeant palestinien a également prévenu que toute annexion israélienne en Cisjordanie mettrait fin à l’espoir de parvenir à une solution à deux États.

Mahmoud Abbas a, à de multiples occasions, menacé de mettre fin à la coopération sécuritaire avec Israël, et déjà annoncé la rupture de « toutes les relations » avec Israël et les États-Unis dans le sillage de l’annonce du plan Trump sur le conflit israélo-palestinien, surnommé l’« accord du siècle ».

Mais c’est la première fois qu’il renvoie Israël à ses obligations en tant que puissance occupante avec effet immédiat.

Il n’a toutefois donné aucun détail sur ce que cette déclaration aurait pour conséquences pratiques.

Israël s’est doté dimanche d’un gouvernement d’union qui consacre un partage du pouvoir entre le Likoud (droite) de Benyamin Netanyahou et la formation centriste Bleu Blanc de l’ex-chef de l’armée Benny Gantz, et leurs alliés respectifs.

En vertu de l’accord, le gouvernement israélien doit présenter à partir du 1er juillet sa stratégie pour traduire dans les faits le plan Trump, qui prévoit l’annexion à Israël de la vallée du Jourdain (30 % de la Cisjordanie) et des plus de 130 colonies qui s’y trouvent, ainsi que la création d’un État palestinien sur un territoire largement amputé.

Un « été chaud »

Mahmoud Abbas a déclaré mardi tenir l’administration américaine « pleinement responsable de l’oppression qui frappe le peuple palestinien » et la considérer comme « un partenaire principal du gouvernement d’occupation israélien dans toutes ses décisions et mesures agressives et injustes contre le peuple [palestinien] ».

Il a rappelé notamment la décision de Donald Trump de transférer l’ambassade des États-Unis en Israël de Tel Aviv à Jérusalem, ville revendiquée par les Israéliens et les Palestiniens comme capitale de leur État respectif.

Le président palestinien a également annoncé qu’il finaliserait immédiatement la signature d’accords permettant à l’État de Palestine d’adhérer à des conventions internationales, une démarche qui avait été suspendue pour donner une possibilité aux négociations de paix.

Le Premier ministre palestinien Mohammed Shtayyeh a quant à lui prévenu d’un « été chaud » si Israël mettait en œuvre le projet d’annexion.

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Demain le Corona des pauvres va nourrir les comptes des riches

Publié le par S. Sellami

Qui a cru à "un monde de demain qui ne serait plus comme celui d'hier" ? Macron l'a laissé entendre, dans la panique, puis il s'est ressaisi : le monde de demain sera celui de l'écrasement de ce qui reste de droits acquis, sera à une violence sociale qui, ayant le Covid pour fondement, n'a plus besoin d'alibi. Comment imaginer que des cerveaux formés dans des banques puissent imaginer autre chose que de conserver, ou d'améliorer, le taux de profit...

On ne sait plus à combien chiffrera réellement la douloureuse : 6 000 milliards rien que pour l’Europe ? 10 000 milliards ? On ne sait pas ! La pompe à phynance turbine trop vite. Face à sa calculatrice tout le monde n’a pas le génie de Glenn Gould face à son clavier. On se trompe sans cesse de chiffres et on joue faux. Trois zéros de plus c’est quoi ? Le pourboire ?

Pour tout simplifier les unités changent. Comme en 2008 on se remet à calculer en trilliards l’équivalent de mille milliards. Pour la seule Europe donc, la BCE a décidé d’acheter 750 milliards de bons du trésor. Ce qui fera passer à 1 100 milliards ses achats d’ici à décembre [1], la Commission y est allée de sa poche de 450 milliards auquel il faut ajouter 1 100 milliards [2] « d’aides aux entreprises » chez nos voisins germains (600 milliards pour les grandes entreprises et 357 milliards d’euros pour la banque d’investissement publique allemande).

Notre gouvernement s’est montré un peu plus pingre, un petit 300 milliards, à quoi il faut ajouter 7 milliards pour Air France, quelques autres milliards pour Renault et la SNCF sans oublier ceux qui vont continuer à dégringoler de la tirelire pour rassurer les marchés.

Schizophrène ou plaintif

Devant ce feu d’artifice, cette orgie financière, Le Point applaudit. Alors qu’en mars l’hebdomadaire de François Pinault accrochait le lecteur avec une couverture vitriolée : « Comment la CGT ruine la France », aujourd’hui il se réjouit que « la BCE sort le bazooka avec 750 milliards d’Euros ». On vient de s’endetter de 750 milliards d’euros et l’hebdomadaire est content ! Ose-t’on supposer que cette allégresse vient de ce que tous ces zéros, à l’infini, ne vont pas tomber dans la poche d’un gilet jaune ?

D’autres, comme Challenge, se plaignent pour exiger plus : « la France est à la traîne dans la course aux milliards ». Dans l’article, Elie Cohen, comme le Monsieur Plus de Balhsein, estime que ce n’est pas assez. 112 milliards ce n’est pas suffisant ! Est-ce bien le même Elie Cohen qui il y a quelques mois, affirmait que la France était incapable de financer nos retraites avec une barre placée à 13 milliards d’euros ?

D’un seul coup, et pour la seconde fois depuis 2008 et la crise des subprimes, c’est open bar pour sauver le « Nouveau Monde »Mais qui va payer ?

C’est nous qu’on va payer.

Évidemment pour ne pas casser la reprise, qu’il sait difficile mais qu’il souhaite la plus massive possible, Gérard Darmanin, ministre de « l’Action » et des Comptes publics, affirme sur France Inter que tous ces milliards ne nous coûterons rien : « pour ne pas démoraliser les Français... augmenter les impôts, ce n’est pas notre choix ».

Mais d’un autre côté, à bas bruit, les journalistes et autres économistes de garde invitent ceux qui le peuvent à faire des réserves et ceux qui sont dans le rouge le quinze du mois à se préparer à un monde plus dur. Le 2 mai deux journalistes du Monde nous préviennent « qu’il n’y a pas d’argent magique [3] ».

Le lecteur attentif comprend vite comment le Système va s’y prendre pour étrangler sans un cri. Premier, mais pas des moindres à tomber le masque, le gouverneur de la Banque de France rappelle dans le « JDD » que « dans la durée, il faudra rembourser cet argent... nous devrons également, sans freiner la reprise à court terme, traiter ensuite ce qui était déjà notre problème avant la crise : pour le même modèle social que nos voisins européens, nous dépensons beaucoup plus. Donc il faudra viser une gestion plus efficace [4] ».

Une gestion plus efficace ? Fermer de nouveaux des lits d’hôpitaux. Christophe Lannelongue le responsable de l’ARS d’Alsace Moselle, cœur de la chaudière du Corona avait juste un peu d’avance sur les réformes lorsqu’il demandait le 4 avril, la suppression de 598 postes la fermeture de 174 lits.

Encore dans le JDD, 60 « personnalités » de la droite libérale sont très porches du discours du patron de la Banque de France en signant « Libérons la société pour sortir de la crise ». En exergue le journal cite « La maîtrise de nos finances publiques s’impose comme un impératif moral ». On dirait du Kant !

L’institut Montaigne (une boite à mauvaises idées très proche d’Emmanuel Macron) n’est pas en reste, dans une note intitulée « Rebondir face au Covid-19 : l’enjeu du temps de travail ». Bertrand Martinot nous propose « une nécessaire augmentation de la durée moyenne du travail ». L’ouvrier de notre bonheur nous aligne « neuf propositions pour adapter le temps de travail en contexte de crise ».

Cette note propose pèle mêle : des « formules de rémunérations différées », c’est à dire d’« inciter à l’accroissement du temps de travail sans pour autant que la rémunération supplémentaire ne soit versée immédiatement », de « supprimer le jeudi de l’Ascension comme jour férié », de « supprimer la première semaine des vacances scolaires de la Toussaint en 2020 ».

On se demande où habite ce gonze : ce « spécialiste de l’économie du travail » présenté sur la plaquette de pub de Montaigne comme « un des meilleurs », ce qui nous laisse inquiet pour les autres. Cet économiste, peu économe de la sueur des autres, semble convaincu que les élèves et les enseignants se tournent les pouces depuis deux mois. Peut-être ce savant pousse-t-il l’économie jusqu’à se priver de l’achat d’un poste de télévision, d’une radio, ou d’un abonnement à “ Là-bas si j’y suis ” ?

A défaut de connaitre le monde réel il pourrait alors en apercevoir quelques images. Sur ces neuf propositions cinq visent spécifiquement les fonctionnaires, pouvait-il en être autrement ? Ces paresseux sans imagination, ceux qui viennent de vider nos poubelles pleines de Covid et de sauver les vies dans les hôpitaux, doivent se mettre au travail. Le drôle n’a même entendu la demande de notre président de « sortir des sentiers battus, des idéologies ».

Dans « Mieux Vivre Votre Argent », un site Internet, un normalien, agrégé, prof de fac, ancien de l’Essec (il a dû avoir une enfance difficile), Olivier Babeau, annonce sans retenue que « les Français peuvent éviter la hausse des impôts, à condition que l’État fasse enfin les profondes réformes structurelles qu’il repousse depuis si longtemps. La crise actuelle pourrait-elle servir d’électrochoc à cet égard ? On peut le souhaiter ».

Si par un tôt matin, dans la brume froide vous apercevez par le trou d’une palissade un pousseur de brouette, ne cherchez pas, c’est Babeau qui participe aux réformes structurelles, il montre l’exemple.

Ne croyez pas que l’hôpital, applaudi chaque soir, sera épargné. Dans un article du 1 avril, Mediapart [5] nous annonce, qu’aux ordres de l’Élysée, des têtes pensantes d’une filiale de la Caisse des Dépôts et Consignation, réfléchissent à la fin du premier épisode hospitalier et à sa suite. On change de héros, finis les soignants combattants, l’avenir est aux start-ups, et à l’ouverture, plus grande encore, au privé.

Après avoir lu le rapport, Pierre-André Juven, exemplaire sociologue, conclut, « ce document n’est pas seulement la marque d’une volonté d’étendre l’emprise du privé au sein de l’hôpital public, il traduit la conception technophile, néolibérale et paternaliste qu’une grande partie des acteurs administratifs et des responsables politiques ont de la santé ».

Vous aurez compris que, dès la crise passée, la relance effectuée, les bénéfices assurés, les fonds de pension rassurés, le rythme des « réformes » va reprendre voire s’accélérer. On connait le couplet et le refrain depuis Margaret Thatcher « Il n’y a pas d’alternative ». Le retour à l’anormal est prévu, il faut juste rattraper le retard. Demain sera « le même, en un peu pire » prédit, Michel Houellebecq, notre sinistre analyste.

« D’une manière générale, l’État dispose de trois leviers pour se financer »

On pouvait espérer une évolution puisqu’un Macron acculé avait évoqué pour demain un « monde différent ». D’autres stratégies sont possibles. Dans la précipitation il n’en est rien, le néolibéralisme revigoré au Covid garde la main sur notre sort. L’article du Monde cité plus haut en est une preuve de plus.

Rédigé en mode faux cul il commence par préciser « d’une manière générale (il faut comprendre pour toutes les personnes censées), l’État dispose de trois leviers pour se financer : – faire des coupes budgétaires ; – augmenter les impôts ; – s’endetter », puis ils expliquent avec beaucoup de pédagogie les avantages et les inconvénients de chacun des choix pour envisager, à la toute fin qu’il serait possible d’annuler la dette.

Mais là ils abandonnent le style direct pour évoquer cette monstruosité sortie de têtes loufoques : « plusieurs économistes ont émis l’idée d’annuler purement et simplement les dettes des États ». Faute de pioches, les travailleurs du Monde, ne creusent pas beaucoup plus l’hypothèse.

Également peu surprenant, dans cette trousse de secouriste, il n’est jamais envisagé de faire financer la dette directement par la Banque Centrale comme cela se pratique aux EU et en Grande Bretagne, deux pays qui n’éprouvent pas de nostalgie pour l’URSS.

Évidement dans quasiment aucun de ces articles il n’est envisagé de revenir sur la suppression de l’ISF. Pour faire payer un peu plus les riches le problème a définitivement été définitivement réglé par Darmanin sur France Inter : « Ce ne serait pas envisageable de remettre un ISF que nous avons supprimé il y a deux ans et qui a apporté ses preuves (sic). Aucun pays autour de nous ne l’a, il n’y a aucune raison de le remettre aujourd’hui. ». To be or not to be, les riches doivent rester riches.

Il ne nous reste plus qu’à imaginer les techniques mises en œuvre pour nous faire avaler la cigüe.

La faim de mois

La technique est éprouvée. Marx en avait décrit le principe au milieu du XIXe et l’avait appelé « l’armée de réserve ». Les chômeurs sont là pour tétaniser ceux qui ont encore un travail. Le jésuite et économiste hétérodoxe Gaël Giraud l’explique avec ses mots : « l’angoisse du chômage risque de servir d’épouvantail pour reconduire le monde d’hier ».

L’armée est en cours de constitution, son recrutement a commencé et pour ceux qui ont encore un travail les chiffres sont alarmants. En mars le chômage a bondi de 7,1%. Les statistiques à venir seront encore plus effrayantes. A ces nouvelles recrues s’ajoutent les 12 millions de chômeurs partiels qui risquent d’être sacrifiés.

Comme à chaque dois les plus précaires sont et seront les premiers touchés. L’étranglement du quinze du mois passe au premier. Plus d’espoir, il faut juste leur garder la tête hors de l’eau. Par crainte d’émeutes, annoncées par la DGSI, l’État colmate. Il devient dame de charité et augmente son aide alimentaire avant d’installer dans nos rues des camions de soupe populaire.

Nos petits-enfants pris en otage

Il va donc falloir faire des économies, et vite. Pour justifier cette nouvelle érection de la guillotine sociale, beaucoup d’économistes nous affirment qu’ils « souhaitent protéger nos enfants ». Impossible de laisser des dettes à nos chères petites têtes brunes ou blondes.

« Moralement impossible » crient ensemble les journalistes du Monde et les signataires de cette incroyable tribune du JDD : « Nous le devons à nos enfants : si les services publics sont un bien commun, il est de notre responsabilité de les leur léguer que libérés d’une dette qui les menace ».

Ce chantage est vieux comme Adam Smith. Juste avant la crise, devant une infirmière qui demandait plus de moyens, Emmanuel Macron répondait d’un direct : « C’est vos enfants qui payent quand ce n’est pas vous ! ».

La règle d’or du macronisme, « Bénéfices privés, pertes publiques », remplace plus que jamais « Liberté Égalité Fraternité ».

Bertrand Rothé

Notes

[1] https://www.la-croix.com/Economie/Monde/Coronavirus-milliards-endiguer...

[2] https://www.lefigaro.fr/conjoncture/en-allemagne-un-plan-de-soutien-ge...

[3] https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/04/23/coronavirus-d-...

[4] https://www.banque-france.fr/intervention/le-journal-du-dimanche-cette...

[5] https://www.mediapart.fr/journal/france/010420/hopital-public-la-note-...

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Lettre ouverte au ministre australien des affaires étrangères Marise Payne

Publié le par S. Sellami

Madame le Ministre des affaires étrangères,

Je vous écris une fois de plus au sujet de Julian Assange. Je ne répéterai pas ce que j’ai déjà écrit, mais j’examinerai le cas d’Assange sous l’angle d’autres procédures judiciaires.

M. Ben Roberts Smith, lauréat de la Croix de Victoria et le soldat le plus décoré d’Australie, a été accusé d’avoir commis un crime de guerre. Sur la base des preuves présentées par la police fédérale australienne au directeur des poursuites publiques du Commonwealth, une décision sera prise quant à savoir si Ben Roberts-Smith sera jugé ou non.

Chris Masters, le journaliste qui a fait les allégations initiales concernant Roberts-Smith, étayées par des preuves convaincantes, subira un préjudice de réputation et perdra peut-être dans une affaire de diffamation si Roberts-Smith est déclaré innocent. Quelle que soit l’issue juridique, la procédure régulière aura été suivie.

En 2010, le site Wikileaks de Julian Assange a publié des informations et une cassette vidéo, intitulée "Collateral Murder", qui constituaient des preuves convaincantes que l’armée américaine était coupable d’un crime de guerre - à savoir tirer sur un groupe de civils irakiens non armés, dont deux journalistes, et les tuer ? Et de la blessure de deux enfants, dont le père a également été abattu alors qu’il tentait d’aider une victime blessée de cette attaque non provoquée.

Si le soldat que Masters accuse de crimes de guerre était un citoyen américain, s’il avait obtenu des preuves de ces crimes d’un dénonciateur au sein du Pentagone, comme l’a fait Assange de Chelsea Manning, et si l’administration #Trump demandait au gouvernement australien d’extrader Chris Masters vers les États-Unis, donneriez-vous suite à cette demande ?

Le gouvernement australien, allié des États-Unis, nos soldats combattant en Irak aux côtés de ceux des États-Unis, a-t-il demandé aux administrations Obama ou Trump de mener une enquête sur ce crime de guerre présumé "Collateral Murder" ?

Comme vous le savez, j’ai été accusé d’espionnage et j’ai passé 15 mois dans une prison cambodgienne à la suite de cela. Il n’y a pas plus de preuves que j’étais coupable d’espionnage qu’il n’y en a qu’Assange qui est coupable de tout autre crime que de recevoir des preuves de crimes de guerre de la part de Manning.

Pourquoi le gouvernement australien intervient-il dans des affaires comme la mienne et celle d’un jeune couple qui a piloté un drone en Iran - Jolie King et Mark Firkin - mais pas dans le cas d’Assange ? Vous avez dit au moment de la libération de King et Firkin : "Le gouvernement a travaillé très dur par la voie diplomatique... pour obtenir leur libération...".

Il en va de même pour votre soutien public au Dr Kylie Moore Gilbert, reconnue coupable d’espionnage en Iran en 2018. En tant que ministre des affaires étrangères, vous avez à plusieurs reprises évoqué le cas de Moore-Gilbert avec votre homologue iranien Javad Zarif et déclaré : "Nous n’acceptons pas les charges sur lesquelles le Dr Moore-Gilbert a été condamnée et nous poursuivons tous les efforts pour qu’elle soit renvoyée en Australie dès que possible".

Acceptez-vous comme valables les accusations portées contre Julian Assange qui pourraient le conduire à mourir dans une prison américaine s’il est extradé ?

Après dix ans de détention virtuelle (à l’ambassade d’Équateur) et maintenant de détention réelle dans la prison de haute sécurité de Belmarsh, sous la menace de contracter le Coronavirus, n’est-il pas temps pour le gouvernement australien de "travailler dur par la voie diplomatique" pour obtenir la libération sous caution de Julian Assange lorsque sa demande de libération sous caution sera entendue à Londres le 1er juin ?

S’il vous plaît, Madame le Ministre, exprimez-vous publiquement comme vous l’avez fait pour Jolie King, Mark Firkin et le Dr Moore Gilbert. Soulevez le cas de Julian Assange auprès du ministre britannique des affaires étrangères, Dominic Raab, comme vous l’avez fait pour l’Iranien Javad Zarif. Dites à M. Raab que le gouvernement australien demande respectueusement que Julian Assange soit libéré sous caution afin qu’il puisse être avec sa partenaire, Stella Moris, et ses jeunes fils, Max et Gabriel, alors qu’il travaille avec ses avocats à la préparation de sa défense dans le cadre des procédures d’extradition qui auront lieu dans le courant de l’année.

Malheureusement, votre bureau n’a pas accusé réception de mes lettres précédentes. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir veiller à ce que je reçoive cet accusé de réception.

Je vous prie d’agréer, Madame le Ministre, l’expression de mes sentiments distingués,

James Ricketson, Le 20 mai 2020

James Ricketson, @SAWCSydney sur #Twitter, est un réalisateur australien qui, en juin 2017, a été arrêté alors qu’il pilotait un drone lors d’un rassemblement au Cambodge National Rescue Party à Phnom Penh, au Cambodge, et accusé d’espionnage, une accusation qu’il nie.

Version originale : https://medium.com/@info.sawcsydney/an-open-letter-to-foreign-minister...

Traduction par Assange Ultime Combat                                                               »» https://www.facebook.com/groups/Assange.Ultime.Combat/permalink/113983...                                                                                                                                               URL de cet article 36155
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Plan des États-Unis : contrôle militarisé de la population (Il Manifesto)

Publié le par S. Sellami

L’Art de la guerre                                                                                                        

La Fondation Rockefeller a présenté le “Plan d’action national pour le contrôle du Covid-19”, en indiquant les “pas pragmatiques pour rouvrir nos lieux de travail et nos communautés”.

Mais il ne s’agit pas, comme il apparaît dans le titre, simplement de mesures sanitaires. Le Plan – auquel ont contribué certaines des plus prestigieuses universités (Harvard, Yale, Johns Hopkins et autres) – préfigure un véritable modèle social hiérarchisé et militarisé. Au sommet : le “Conseil de contrôle de la pandémie, analogue au Conseil de production de guerre que les États-Unis créèrent dans la Seconde Guerre mondiale”.

Il serait composé de “leaders du monde des affaires, du gouvernement et du monde universitaire” (ainsi répertoriés par ordre d’importance, avec au premier rang non pas les représentants gouvernementaux mais ceux de la finance et de l’économie). Ce Conseil suprême aurait le pouvoir de décider productions et services, avec une autorité analogue à celle conférée au président des États-Unis en temps de guerre par la Loi pour la production de la Défense. Le Plan prévoit qu’il faut soumettre au test Covid-19, hebdomadairement, 3 millions de citoyens étasuniens, et que le nombre doit être porté à 30 millions par semaine en six mois. L’objectif, à réaliser en une année, est celui d’atteindre la capacité de soumettre à des tests Covid-19 30 millions de personnes par jour.

Pour chaque test on prévoit “un remboursement adéquat à un prix de marché de 100 dollars”. Il faudra donc, en argent public, “des milliards de dollars par mois”.

La Fondation Rockefeller et ses partenaires financiers contribueront à créer un réseau pour la fourniture de garanties de crédit et la signature des contrats avec les fournisseurs, c’est-à-dire avec les grandes sociétés productrices de médicaments et équipements médicaux. Selon le Plan, le “Conseil de contrôle de la pandémie” est aussi autorisé à créer un “Corps de réponse à la pandémie” : une force spéciale (non fortuitement nommée “Corps” comme celui des Marines) avec un personnel de 100 à 300 mille membres. Ils seraient recrutés parmi les volontaires des Peace Corps et des Americorps (créés par le gouvernement des EU officiellement pour “aider les pays en voie de développement”) et parmi les militaires de la Garde Nationale.

Les membres du “Corps de réponse à la pandémie” recevraient un salaire moyen brut de 40 000 dollars annuels, pour lequel est prévue une dépense publique de 4-12 milliards de dollars annuels. Le “Corps de réponse à la pandémie” aurait surtout la tâche de contrôler la population avec des techniques de type militaire, à travers des systèmes digitaux de traciation et identification, dans les lieux de travail et d’étude, dans les quartiers de résidence, dans les locaux publics et dans les déplacements. Des systèmes de ce type, rappelle la Fondation Rockefeller, sont réalisés par Apple, Google et Facebook.

Selon le Plan, les informations sur les personnes individuelles, relatives à leur état de santé et à leurs activités, resteraient réservées “autant qu’il est possible”. Elles seraient cependant toutes centralisées dans une plate-forme digitale cogérée par l’État Fédéral et par des sociétés privées.

Sur la base des données fournies par le “Conseil de contrôle de la pandémie”, serait décidé tour à tour quelles zones seraient soumises au confinement et pour combien de temps. Ceci, en synthèse, est le plan que la Fondation Rockefeller veut opérer aux États-Unis et ailleurs. S’il était réalisé même partiellement, se produirait une ultérieure concentration du pouvoir économique et politique dans les mains d’élites encore plus restreintes, au détriment d’une majorité croissante qui se verrait privée des droits démocratiques fondamentaux.

Opération conduite au nom du “contrôle du Covid-19”, dont le taux de mortalité, d’après les données officielles, est jusqu’à présent inférieur à 0,03% de la population étasunienne. Dans le Plan de la Fondation Rockefeller le virus se trouve utilisé comme une véritable arme, plus dangereuse encore que le Covid-19 même.

Manlio Dinucci

Édition de mardi 19 mai 2020 d’il manifesto

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Une cellule secrète britannique planifie la «reconstruction» du Venezuela

Publié le par S. Sellami

Les documents obtenus en vertu de la loi sur la liberté de l’information ont révélé l’existence d’une cellule secrète du ministère des affaires étrangères visant à la « reconstruction » du Venezuela. Les documents révèlent également des discussions privées entre des figures de l’opposition vénézuélienne et des fonctionnaires britanniques, détaillant des propositions pour la promotion des entreprises britanniques après un coup d’État planifié.

                                Le Ministre Raab reçoit Guaido à Londres

Soutien britannique à la tentative de coup d’État au Venezuela

Au cours des 16 derniers mois, le gouvernement britannique a constamment soutenu les tentatives de Juan Guaidó de renverser le gouvernement élu du président Nicolás Maduro.

Fin janvier 2019, par exemple, le Foreign & Commonwealth Office (FCO) britannique a fait pression sur la Banque d’Angleterre pour qu’elle accorde à Guaidó l’accès au 1,2 milliard de livres sterling de réserves d’or vénézuéliennes.

Le Département pour le développement international (DFID) a également promis une « aide humanitaire » de quelque 40 millions de livres sterling au Venezuela, mais il a refusé de révéler la destination de cette aide.

Cellule de reconstruction du Venezuela

En janvier 2020, Guaidó s’est rendu à Londres pour rencontrer des représentants du gouvernement britannique et renforcer le soutien de la communauté internationale à ses efforts infructueux pour renverser le gouvernement vénézuélien.

Des documents obtenus en vertu de la loi sur la liberté de l’information donnent des détails sur sa visite et révèlent l’existence d’une cellule spécialisée au sein du FCO dédiée à la « reconstruction » du Venezuela.

Lors de sa visite, M. Guaidó a rencontré le ministre des affaires étrangères Dominic Raab, le ministre d’Etat pour l’Europe et les Amériques Christopher Pincher et le directeur pour les Amériques Hugo Shorter.

Il a également rencontré le « chef de la cellule de reconstruction du Venezuela, FCO », John Saville. L’existence de cette cellule n’a jamais été publiquement reconnue ni par le FCO ni par Saville, qui était auparavant ambassadeur du Royaume-Uni au Venezuela (2014-2017). La biographie de Saville sur le site web du gouvernement britannique, par exemple, ne fait aucune mention de cette cellule.

Lorsqu’on lui a demandé quel était le but de la cellule de reconstruction du Venezuela et pourquoi son existence n’avait pas été révélée, un porte-parole du FCO a répondu à The Canary :

    Le Royaume-Uni s’est engagé à travailler avec ses partenaires internationaux pour mettre fin à l’effroyable crise du Venezuela.

    La cellule de reconstruction du Venezuela du FCO a été créée à l’automne 2019 pour coordonner une approche britannique des efforts internationaux visant à répondre à la situation économique et humanitaire désastreuse au Venezuela.

Cette réponse est pratiquement indissociable des messages publics du gouvernement britannique sur le Venezuela. Trois semaines avant l’arrivée de Guaidó, Saville a fait part d’une déclaration du FCO :

    Le Royaume-Uni réaffirme son soutien au président constitutionnel par interim Guaidó et à ses efforts pour conduire le Venezuela vers une résolution pacifique et démocratique de la crise effroyable à laquelle le pays est confronté.

Saville a joué un rôle central dans l’organisation de la visite de Guaidó et, en janvier 2020, des plans étaient déjà en cours pour une incursion violente au Venezuela par des mercenaires américains et vénézuéliens — un plan qui, selon le mercenaire américain en charge, a été approuvé par Guaidó lui-même. En effet, le contrat complet divulgué par le Washington Post désigne Guaidó comme « commandant en chef » de toute l’opération. Guaidó a nié toute implication.

Ce n’était pas le premier scandale de ce type. En février 2019, Guaidó a été aidé par un cartel narco-paramilitaire colombien pour passer la frontière vénézuélienne avant d’assister au concert d’aide organisé par Richard Branson. Les fonds récoltés lors de ce concert auraient ensuite été détournés par l’opposition vénézuélienne.

L’engagement du gouvernement britannique à « mettre fin à l’effroyable crise du Venezuela » par le biais d’une cellule secrète du FCO semble donc, à tout le moins, peu sincère.

L’existence de cette unité soulève également une question plus fondamentale : Que vient faire le gouvernement britannique dans la « reconstruction » d’une nation souveraine ? Les populations d’Irak, d’Afghanistan, de Libye et de Syrie pourraient en dire long sur ce sujet.

« Gang busters »

Les discussions privées qui ont entouré la visite de M. Guaidó à Londres révèlent également l’importance que le FCO et les personnalités de l’opposition vénézuélienne ont accordée à s’attirer la sympathie des médias.

Le 17 janvier, un fonctionnaire note qu’une société de médias qu’il n’a pas nommée à Londres « souhaite que [Guaidó] vienne au bureau pour une table ronde avec ses rédacteurs en chef et qu’ils fassent un reportage spécial sur la résistance ».

Le 21 janvier 2020, un autre fonctionnaire non nommé se vante de cette initiative : « Cette [visite] a un impact massif sur les gangs busters » : « CNN International veut maintenant se placer entre la BBC et FT. »

Discussions privées avec la représentante de Guaidó au Royaume-Uni

D’autres documents ont permis de dévoiler des discussions privées entre la représentante de Guaidó au Royaume-Uni, Vanessa Neumann, et des fonctionnaires du gouvernement britannique.

« J’aimerais demander une rencontre avec le Ministre Raab, dès que possible », a écrit Neumann aux responsables du FCO en juillet 2019 :

    J’ai cru comprendre qu’il a été l’agent de liaison juridique du FCO auprès de la CPI [Cour pénale internationale] pendant des années, et son passé familial est presque identique au mien et à celui de Madeleine Albright

En juillet 2019, Neumann a également décrit la rencontre avec l’ancienne secrétaire d’État américaine Madeleine Albright comme « un rêve devenu réalité pour moi : rencontrer l’idole de mon adolescence… J’espère maintenant glaner un peu de sa sagesse pour m’aider à lutter pour la liberté du Venezuela ».

Le journaliste Glenn Greenwald a décrit « l’idole de l’adolescence » de Neumann comme « l’une des bellicistes les plus détraquées et les plus sanguinaires à occuper une haute fonction gouvernementale depuis des décennies ». En 1996, par exemple, Albright a déclaré à PBS News que la mort « d’un demi-million d’enfants [irakiens] » suite aux sanctions économiques américaines « en valait la peine ».

Les parallèles avec le Venezuela sont particulièrement inquiétants. Neumann encourage constamment les « sanctions ciblées fortes » contre le Venezuela qui, selon le Centre for Economic and Policy Research, « a tué 40 000 personnes… entre 2017 et 2018 ». Plus récemment, l’ancien expert des droits de l’homme des Nations unies Alfred de Zayas a estimé que ce nombre dépasse probablement les 100 000.

En mai 2019, Mme Neumann a écrit aux responsables du FCO qu’elle avait « contacté Rory Stewart du DFID pour une réunion qui permettra… de soutenir les entreprises britanniques dans la reconstruction du Venezuela ». Cela donne une idée de la nature même de la « reconstruction » britannique du Venezuela : obtenir des conditions favorables pour les entreprises britanniques. Et on peut deviner quels pourraient être les intérêts des « entreprises britanniques » dans un pays situé sur les plus grandes réserves pétrolières prouvées du monde.

Dans un enregistrement de septembre 2019, Neumann aurait signalé qu’il serait possible de « renoncer à la revendication du Venezuela sur la région contestée d’Essequibo en échange d’un soutien politique du gouvernement britannique ».

En mai 2019, Neumann a encouragé en privé le FCO à « se prononcer publiquement en faveur de nos forces démocratiques, de nos partenaires… avant mon interview sur BBC World Service pour discuter de la question dans une heure ».

Plus tard le même jour, elle a été rassurée par un fonctionnaire du FCO que « le ministre des affaires étrangères [Jeremy Hunt] vient de tweeter » pour soutenir Edgar Zambrano, accusé de trahison, conspiration, rébellion civile, usurpation de responsabilités, association de malfaiteurs et incitation publique à désobéir à la loi après avoir participé à une tentative de coup d’État armé.

Les discussions privées entre Neumann et les responsables du FCO portent également sur la « restructuration de la dette du Venezuela » et sur un « nouvel attaché militaire du Venezuela », bien que ces conversations aient été presque entièrement expurgées.

« Nous sommes restons constants dans notre point de vue que Maduro est illégitime », a assuré Nigel Baker, chef du département Amérique latine du FCO, à Neumann en mai 2019, « et dans notre soutien à Juan Guaido ».

« Excellent. Merci, Nigel », a répondu M. Neumann. « Nous apprécions votre soutien, essentiel pour nous maintenant et pour notre reconstruction. » Ailleurs, Neumann fait l’éloge du « rôle historique de la Grande-Bretagne dans les concepts de liberté et de justice (j’enseignais la philosophie politique et j’aimais particulièrement les penseurs britanniques) ».

Asymmetrica

Neumann est également le PDG d’Asymmetrica Limited, une entreprise de « communication stratégique » dont le site web contient des citations d’Henry Kissinger.

Aux côtés de Neumann, les noms d’Alec Bierbauer et de Michael Marks ont été cités en 2015 comme co-directeurs d’Asymmetrica. Tous deux sont étroitement liés à l’armée et aux services de renseignement américains. Bierbauer a été une figure centrale dans le développement du programme de guerre des drones de Washington. Marks, quant à lui, « a travaillé dans le monde entier au service de la communauté américaine du renseignement et des opérations spéciales, une carrière qui s’étend des jungles du Nicaragua aux montagnes de l’Afghanistan ».

En 2018, Bierbauer et Marks ont publié un livre intitulé Predator Rising : How a Team of Renegades Broke Rules, Shattered Barriers, and Launched a Drone Warfare Revolution. Le livre raconte « depuis l’intérieur, l’histoire de la façon dont un agent de la CIA et un officier de l’armée de l’air ont uni leurs forces pour développer l’outil le plus puissant de l’Amérique dans la guerre contre le terrorisme ».

Dans cette optique, le nom d’Asymmetrica semble être une référence aux stratégies de guerre asymétrique développées après le 11 septembre 2001, et maintenant exportées au Venezuela.

En tant que représentante de Guaidó au Royaume-Uni, la proximité de Neumann avec des personnes liées à la CIA et aux forces armées américaines fera probablement sourciller. En fait en 2017, Neumann déclarait à Mike Pompeo, alors directeur de la CIA, que « le changement de régime [au Venezuela] semble être — nous l’espérons — imminent ou en train de se produire ».

Curieusement, Asymmetrica s’est récemment associée à une société de prêt basée en Californie, offrant des prêts aux entreprises basées aux États-Unis d’une valeur allant jusqu’à 5 millions de dollars. Cela semble s’écarter des fonctions typiques d’un « ambassadeur », d’autant plus que ces prêts sont offerts exclusivement à des entreprises américaines. La dernière initiative de Neumann soulève également des questions concernant la collecte de fonds pour l’opposition vénézuélienne, une question longtemps perturbée par des eaux troubles.

Asymmetrica n’a pas répondu à une demande de commentaires. Neumann non plus.

La contribution du Royaume-Uni aux efforts de coup d’Etat

L’existence d’une cellule secrète de reconstruction du Venezuela au sein du FCO, combinée aux discussions privées du FCO avec la représentante de Guaidó, semble démontrer à quel point le gouvernement britannique est engagé dans le renversement du gouvernement vénézuélien.

Ces documents suggèrent également que le « changement de régime » au Venezuela suit la procédure habituelle : les pays qui contribuent le plus à la phase de déstabilisation peuvent s’attendre à partager le butin financier dans la phase de « reconstruction ».

Cet épisode s’inscrit dans une longue tradition britannique de soutien aux forces de droite en Amérique latine.

Source : https://www.thecanary.co/

Traduction : Venesol

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Le gouvernement britannique ne fait pas preuve de bon sens à propos de Julian Assange

Publié le par S. Sellami

Andrew Wilkie MP (Député) et George Christensen MP (Député), co-présidents du groupe parlementaire (Australien) Bring Julian Assange Home, sont profondément déçus de la réponse insatisfaisante du Lord Chancellor et du secrétaire d’État à la Justice du gouvernement du Royaume-Uni, le très honorable Robert Buckland QC MP, qui a indiqué que Julian Assange ne se verrait pas accorder une libération compassionnelle de prison au motif qu’il ne remplit pas les critères et qu’il présente également un risque de fuite.

"Le fait que Julian Assange soit en prison est totalement absurde", a déclaré M. Wilkie.

"Tout ce qu’il a fait, c’est exposer des preuves solides de crimes de guerre américains, de corruption et du traitement inhumain des prisonniers à Guantanamo Bay. Il devrait être salué comme un héros, mais au lieu de cela, le gouvernement britannique s’entête et s’incline devant l’administration Trump.

"Les risques auxquels M. Assange est confronté pendant la pandémie COVID-19 rendent encore plus important l’abandon de son extradition vers les États-Unis et son retour en Australie. Si les gouvernements britannique et américain ne sont pas prêts à accepter cela, ils peuvent certainement faire preuve de la plus élémentaire décence humaine et transférer M. Assange en détention commune au Royaume-Uni".

"Il est très décevant de constater que nous n’avons reçu qu’une lettre type du chef de la commission britannique de la justice suite à nos démarches pour la libération compassionnelle de Julian Assange en détention à domicile en raison des problèmes de santé actuels", a déclaré M. Christensen.

"Il est également risible de suggérer que M. Assange présente une forme de risque de fuite dans ces circonstances limitées.

"Julian Assange a des enfants et d’autres membres de sa famille avec lesquels il pourrait passer du temps en toute sécurité pendant la longue attente de son audience en septembre, et en tant que prisonnier à faible risque, il devrait se voir offrir cette opportunité".

La prochaine audience de M. Assange est prévue pour le mois de septembre. D’ici là, il restera incarcéré au HMP Belmarsh en isolement virtuel. Cette prison de sécurité maximale est normalement utilisée pour détenir les pires des pires, y compris les terroristes et les meurtriers, et non ceux qui les exposent.

https://www.legrandsoir.info/le-gouvernement-britannique-ne-fait-pas-preuve-de-bon-sens-a-propos-de-julian-assange.html

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Baie des Cochons ou «Opération Mangouste»?

Publié le par S. Sellami

Les 3 et 4 mai, en provenance de Colombie, plusieurs groupes armés dirigés et entraînés par des mercenaires américains appartenant à une société de sécurité privée située en Floride on tenté d’infiltrer le Venezuela  avant d’être neutralisés par les forces de sécurité. Sur la base de témoignages et documents irréfutables, on connaît les objectifs qui leur étaient assignés  : séquestrer voire assassiner le président Nicolás Maduro, neutraliser les hauts dirigeants civils et militaires du gouvernement bolivarien et semer le chaos. Le tout en lien avec le président autoproclamé Juan Guaido et son cercle rapproché. 

De nombreuses hypothèses ont été émises sur la nature de cette opération. Par certains côtés, surtout symboliques, elle peut rappeler la tentative d’invasion de la Baie des Cochons, à Cuba, en  avril 1961. Plus assurément, elle ressort des méthodes moins connues utilisées ultérieurement, et pendant des décennies, contre La Havane, tout en permettant à Washington d’apporter un « démenti plausible » à  son implication ou sa participation.


« Toutes les options sont sur la table » … Phrase mille fois répétée à Washington. Et sur tous les tons. Au micro, devant les caméras : Donald Trump (président), Mike Pence (vice-président), John Bolton (ex-conseiller à la Sécurité nationale), Mike Pompeo (secrétaire d’Etat), Elliott Abrams (envoyé spécial au [sur le] Venezuela). Plus, bien sûr, leur domestique de luxe, Luis Almagro, secrétaire général de l’Organisation des Etat américains (OEA) [1]. Un mantra repris depuis septembre 2018, dès qu’est évoqué le nom du président vénézuélien Nicolás Maduro.
Levons d’emblée une équivoque : du temps de Richard Nixon (1969-1974), le secrétaire d’Etat Henry Kissinger ne s’exprimait pas autrement. Le 27 juin 1970, lors d’une réunion du Conseil national de sécurité, avec une arrogance qui tient presque du rite, c’est lui qui déjà déclarait : « Je ne vois pas pourquoi nous devrions rester tranquilles quand un pays devient communiste à cause de l’irresponsabilité de son propre peuple. » Au Chili, le socialiste Salvador Allende venait d’être élu.

On remplacera ici « communiste » par « populiste » et, en un quart de seconde, on aura traversé cinquante années.

A partir du 3 mai au petit matin, plusieurs incursions maritimes de groupes lourdement armés – l’opération « Gedeón » – ont été neutralisées au Venezuela. Provenance des infiltrés : le département côtier de la Guajira, sur la Caraïbe, en Colombie.

Première tentative de débarquement à Macuto (Etat de La Guaira), proche (une quarantaine de kilomètres) de Caracas : deux prisonniers et huit morts chez les assaillants, dont l’un de leurs chefs, l’ex-capitaine de la Garde nationale vénézuélienne Robert Colina Ibarra, alias « Pantera ». Autres neutralisations et arrestations effectuées sur la côte de Chuao (Aragua, dans le nord du pays) et dans l’Etat de Vargas. En tout, plus de quatre-vingt-dix individus appréhendés, sous réserve de futures captures : intercepté le 11 mai dans l’Aragua, Jairo Betamy a révélé que cinquante-quatre hommes se trouvaient à bord de la vedette rapide qui l’a transporté de la côte proche de Maicao (Colombie), avec pour objectif le palais présidentiel de Miraflores.

Parmi les détenus, des capitaines déserteurs de la Force armée nationale bolivarienne (FANB) ; César Pérez Sequea, Jesús Ramos, Adolfo Baduel et Antonio Sequea. Ce dernier se trouvait en compagnie du président autoproclamé Juan Guaido et d’une poignée de soldats simulant la prise d’une base militaire, lors de la tentative de coup d’Etat avortée du 30 avril 2019.
D’autres ex-officiers et sous-officiers, deux anciens policiers.

Deux têtes brûlées yankees, anciens des Forces spéciales, Luke Denman (de 2006 à 2011) et Airan Berry (de 1996 à 2013) ; des vétérans de l’Irak et de l’Afghanistan. Tous deux travaillent pour une société de sécurité privée, Silvercorp USA, basée à Melbourne, sur la côte est de la Floride, à 280 kilomètres de Miami.

Autre détenu : José Socorro, alias « Pepero ». Un narcotrafiquant vénézuélien, agent ou ex-agent de la Drug Enforcement Administration (DEA : les « stups » américains).

On se permettra de mentionner sans ajouter de commentaires (parfaitement inutiles) : depuis la Floride (ou la Colombie), le patron de Silvercorp USA, Jordan Goudreau, accompagné de l’ex-capitaine vénézuélien Javier Nieto Quintero, revendique immédiatement et par vidéo la direction de l’opération « Gedeón » [2]. Goudreau est un ancien des Forces spéciales US. Affecté au 10e Special Forces Group, unité spécialisée en guerre non conventionnelle et en contre-terrorisme, il a été décoré à trois reprises pour ses faits d’armes sur les champs de bataille d’Irak et d’Afghanistan. Le 23 février 2019, il a assuré la sécurité du concert « Venezuela Aid Live » – show organisé par le multimillionnaire britannique Richard Branson, patron de Virgin Group, pour le compte de Guaido, en Colombie, sur la frontière, à Cúcuta [3]. Il s’agissait de faire entrer en force une supposée « aide humanitaire » au Venezuela. Autre échec flamboyant. Sans appartenir au Secret Service – unité chargée officiellement de la protection du président américain –, Goudreau a contribué à la sécurisation de plusieurs rassemblements auxquels participait Donald Trump [4]. Genre de tâche qu’on assigne rarement un parfait inconnu.

Sur WhatsApp et les réseaux sociaux, quelques heures avant sa capture, Antonio Sequea appelait l’armée à se soulever et à rejoindre les rebelles pour « liquider la dictature ».

Abattu au cours de sa tentative de débarquement, Robert Colina Ibarra, dit « Pantera », était de son côté connu comme le loup blanc. Aussi bien au Venezuela qu’en Colombie. Son nom est apparu au grand jour après l’interception le 24 mars, lors d’une opération de routine de la police colombienne, d’un véhicule transportant un arsenal sur la route Barranquilla – Santa Marta. Depuis Barranquilla où il vivait en toute quiétude depuis deux ans, l’ex-général vénézuélien Cliver Alcala, virulent « anti-maduriste », révéla aux médias que ces armes appartenaient à 90 officiers déserteurs, que lui-même dirigeait. Qu’elles étaient destinées à passer clandestinement en Guajira vénézuélienne où, « pour libérer le pays et éliminer chirurgicalement les objectifs criminels » (lire le gouvernement), l’un de ses hommes de confiance devait les réceptionner. Un certain… « Pantera » ! Ce qu’on pourrait résumer en une formule : « Chronique d’une opération annoncée ». Et nommée « Gedeón ».

Accusé de « narcotrafic » par la justice américaine, Cliver Alcala s’est depuis tranquillement mis à disposition des autorités colombiennes, qui l’ont extradé dans des conditions très particulières, sans rudesse excessive, aux Etats-Unis [5].

Dans un premier temps, Guaido et son clan ont dénoncé un montage du pouvoir pour détourner l’attention de son incurie. L’essoreuse à information les a relayés. « Le Venezuela victime d’une tentative d’invasion, selon son président » (c’est nous qui soulignons) annonce la chaîne Arte (5 mai). « Au Venezuela, Maduro dénonce une tentative d’incursion armée », titrent les commissaires politiques du Monde, pour tirer dans un sens acceptable un article un peu trop décent de leur correspondante à Bogotá, Marie Delcas. Laquelle est rapidement éclipsée par le « papier » d’un confrère du même quotidien, Gilles Paris. Depuis Washington, celui-ci transforme le raid en une « rocambolesque équipée » conduite par un « pied nickelé ». Il relaie ainsi à distance l’ « opération suicide » – « Un Rambo et un narco-général » – de l’hebdomadaire colombien Semana. Deux reprises (parmi bien d’autres) de la thèse avancée, quelques jours auparavant, par l’agence Associated Press (AP).

Très documentée (d’éléments déjà connus et révélés par Caracas) sur le duo de cinéma « Alcala-Goudreau », cette enquête dissimulait difficilement son véritable objectif : « AP n’a pas rencontré d’indices de ce que des fonctionnaires étatsuniens aient appuyé les actions de Goudreau ni que Trump ait autorisé des opérations clandestines contre Maduro (…). » Pas même en promettant 15 millions de dollars à qui le capturera, ouvrant un champ « free play » – sans règles ni scénario ?
En marge des interprétations fumeuses, on découvrira rapidement la véritable ampleur et le rôle des protagonistes de l’incursion armée lancée le 3 mai [6]. Et planifiée depuis longtemps.

La tentation était grande. Sur le plan symbolique, cette agression caractérisée de la République bolivarienne a souvent amené, à gauche, à évoquer l’épisode de la Baie des Cochons. Comparaison n’est pas raison. Le 17 avril 1961, lorsque la Brigade 2506 débarqua à Cuba pour tenter de renverser Fidel Castro et la révolution, elle était composée de quelque mille cinq cents hommes. Tous avaient été recrutés par les Etats-Unis, armés et entraînés par la CIA en Floride, au Guatemala et au Nicaragua, transportés sur mer par des « Liberty ships » et protégés depuis le ciel par des bombardiers B26 et quelques chasseurs P51. Aucune similitude avec la centaine, ou peut-être les trois cents (l’avenir le dira) antichavistes alignés pour « Gedeón ». D’un côté une véritable armée, de l’autre un ou des commandos conséquents.

Pour autant, la référence à Cuba n’a rien d’absurde. Si, à l’époque, John Fitzgerald Kennedy (JFK) a « tenté le coup », c’est sur la base d’informations erronées : ses « services » lui avaient vendu que la population et une partie de l’armée cubaine se joindraient aux anticastristes, « Fidel » étant politiquement usé, impopulaire et majoritairement rejeté. Il n’en était rien (et beaucoup font la même erreur concernant l’appui dont jouit Maduro). Par ailleurs, l’agression américaine ne s’est pas arrêtée après l’échec humiliant de Playa Girón. Parmi les 2 900 documents « confidentiels » déclassifiés en octobre 2017 sur la mort de JFK (Dallas, 1963) figure un mémorandum qui, daté du 8 août 1962, lui était destiné. Son émetteur, le « Groupe spécial élargi » chargé de s’occuper du cas « Fidel Castro », estimait que, en cas d’intervention directe, « pour prendre le contrôle des zones stratégiques clés à Cuba avec un minimum de pertes des deux côtés, environ 261 000 militaires américains devraient participer à l‘opération [7] ». Le genre de petit détail qui retient l’attention. Et que, vraisemblablement, les stratèges du Pentagone les plus sensés (ainsi que leurs homologues colombiens et brésiliens) étudient attentivement, s’agissant de l’actuel Venezuela. Le même type d’alliance civico-militaire que celle régnant à l’époque dans l’Ile n’y a rien d’une fiction – en témoigne le rôle majeur des pêcheurs de Chuao dans la détection et la neutralisation des assaillants, le 3 mai dernier [8].

A l’époque, face à l’éventuel prix à payer, Washington recula. Sans renoncer à son projet. Priorité absolue du gouvernement, un programme de terrorisme international – l’Opération Mangouste (ou Projet cubain ») – est mis en place dès juin 1961, avec un budget excédant 50 millions de dollars par an. Pas moins de trente plans sont élaborés, qui vont du sabotage à l’espionnage, en passant par des projets d’assassinat de Fidel Castro. Le 13 mars 1962, le Pentagone propose même une Opération Northwood au Groupe spécial élargi. Il s’agit de simuler une intrusion cubaine sur la base de Guantánamo ou d’attaquer sous fausse bannière des navires américains, provoquant ainsi un casus belli (jugé trop contre-productif en cas d’échec, ce projet spécifique sera rejeté par Kennedy) [9]. Ce qui n’empêche nullement « Mangouste » de soumettre l’île et ses habitants à un nombre incalculable d’attaques maritimes et de raids aériens. Toutefois, fin 1962, l’opération doit être suspendue (officiellement) : lors des négociations qui accompagnent la Crise des fusées, l’administration étatsunienne s’est engagée devant l’Union soviétique à ne plus tenter d’envahir Cuba. A ce moment, une dizaine d’équipes de saboteurs sont déjà déployées sur son territoire…

Bien entendu, et une fois encore, Washington (et Miami) n’ont pas l’intention d’en rester là. L’Opération Mangouste disparaît formellement. Sauf pour les historiens et les Cubains, son nom sombrera bientôt dans l’oubli. Mais son objectif et ses méthodes demeurent inchangés. Simplement, les opérations seront désormais sous-traitées.

Il n’existe pas à l’époque de compagnies de sécurité (CSP) ou militaires (CMP) privées du type Blackwater (devenue Academy), DynCorp, Triple Canopy (grandes et sulfureuses bénéficiaires de la présidence de George W. Bush), ou… Silvercorp USA (plus récemment). Mais la CIA a de la ressource et de la main d’œuvre. Les Cubains « dissidents ». A la tête de leur structure clandestine, le Commando d’organisations révolutionnaires unies (CORU), Orlando Bosch et Luis Posada Carriles, deux terroristes cubains notoires, bénéficient des financements de l’ « Agence » ainsi que de ceux du trafic de drogue (bien qu’ayant fait exploser en vol un avion de ligne cubain [1976, 73 morts], tous deux finiront paisiblement leur vie à Miami).

Depuis cette même Miami, toujours appuyés par la CIA et bénéficiant de la mansuétude du FBI, les réseaux de l’extrême droite cubano-américaine vont poursuivre les infiltrations, attaques et sabotages pendant les trois décennies suivantes. Sans lien apparent avec l’administration américaine, une multitude d’organisations criminelles mènent ces actions, depuis le territoire des Etats-Unis : Comandos L ; Comandos Martianos MRD ; Comando uni pour la libération (CLU) ; Conseil militaire cubano-américain (Camco) ; Omega 7 ultérieurement rebaptisé Commission nationale cubaine (CNC) ; Alpha 66 ; Comandos F4 ; Parti unité nationale démocratique (PUND)…

Des actions multiformes, un but commun. En 1975, la Commission Church (du Sénat américain) recensait déjà au moins huit projets d’assassinats de Fidel Castro, avec parfois la participation de membres de la pègre. Cette obsession ne s’éteindra jamais. Les dernières tentatives d’élimination physique de « Fidel » auront lieu en novembre 1997 à l’occasion du Sommet ibéro-américain de l’île de Margarita (Venezuela) et en novembre 2000 lors d’une visite de Castro au Panamá !

Le groupe Omega 7 a reconnu avoir introduit dans l’île la dengue hémorragique. Entre 1975 et 1980, cette maladie a coûté la vie à 158 personnes, dont 101 enfants.Entraînant sans se cacher leurs troupes dans les marais des Everglades, à vingt-cinq milles au sud de Miami,Cuba indépendant et démocratique ainsi qu’Alpha 66 avaient pour spécialité la piraterie maritime. En 1981, Alpha 66 effectua plusieurs opérations pour empoisonner le bétail, mettre le feu à des champs de canne à sucre, détruire des plantations d’agrumes.Créée en mai 1994, Comandos F4 s’évertua à pénétrer les côtes cubaines. Le PUND (1989-1997) menait des opérations terroristes en étroite relation avec le narcotrafic, sans grande réaction, sauf en de rares exceptions, de la DEA.

Comme le cercle rapproché de Guaido aujourd’hui, tous ces gens vivaient comme des pachas en dilapidant des fortunes. L’argent dont la CIA – remplacée actuellement aux finances par la plus discrète mais tout aussi intrusive New Endowment for Democracy (NED) –, et les administrations successives les arrosaient généreusement.

Fusils d’assaut AK-47, fusils M-3 avec silencieux, pistolets semi-automatiques Makarov, explosifs Semtex et C-4 : deux cents actions contre Cuba pendant la décennie 1990 ! Venant de Floride, des éléments criminels posent des bombes dans des hôtels et des lieux touristiques connus. Une façade politique « respectable » de cette nébuleuse ultra-violente, la Fondation nationale cubano-américaine (FNCA), a été créée en septembre 1981 par Ronald Reagan. Tout en finançant le terrorisme, elle tient publiquement le rôle de l’actuel « gouvernement en exil » de Guaido : celui d’une organisation citoyenne se battant pacifiquement pour la « démocratie. Pour mémoire, l’ « administration » de Guaido n’est rien d’autre qu’une fiction regroupant un Tribunal suprême de justice (TSJ) installé à Bogotá, des semblants de ministres, des ambassadeurs fantoches, des réseaux de personnages officiels et officieux, de pseudo gestionnaires d’entreprises appartenant à l’Etat vénézuélien et indûment confisquées aux Etats-Unis et en Colombie…

Lors de ses congrès de 1992 et 1993, la FNCA s’est dotée d’une structure clandestine. Avec son Groupe de direction, situé aux Etats-Unis, et son Groupe opérationnel en Amérique centrale, cette formation paramilitaire dispose bientôt d’un hélicoptère, de sept embarcations, d’explosifs et, destinés à être utilisés contre des objectifs économiques ou dans un attentat contre Fidel Castro, de dix avions légers télécommandés. Les ancêtres de nos drones !

Même business, mêmes méthodes : c’est à l’aide de deux drones chargés d’explosifs qu’a eu lieu la tentative d’assassinat de Nicolás Maduro et de tout son état-major, le 4 août 2018.

D’aucuns objecteront que toutes ces actions n’ont pas eu raison de Cuba. C’est un fait. Mais, elles ont provoqué la mort de quelque trois mille quatre cents personnes et plus de deux mille handicapés. Sans compter, s’ajoutant aux mesures coercitives unilatérales imposées depuis plus d’un demi-siècle, les dommages incalculables infligés à l’économie de l’île. Des pratiques aussi obscènes et moralement condamnables que celle consistant aujourd’hui à agresser de mille manières et à étrangler économiquement le Venezuela, en pleine pandémie de Covid-19.

« Mangouste » donc, au sens large, plus que Baie des Cochons. Et pas en mode mineur ! Arrêtés, interrogés par les forces de sécurité, les comparses des 3 et 4 mai dernier parlent. Et racontent. Et révèlent. Ce que d’autres confirment. Parfois de manière inattendue. C’est une antichaviste forcenée qui, depuis Miami, fait exploser la bombe la plus puissante : la journaliste vénézuélienne en exil, Patricia Poleo. Elle a férocement combattu Chávez. Elle abhorre Maduro. Mais, considère Guaido comme un clown de la politique. Qu’on n’oublie pas cette donnée : chacune des chapelles de l’opposition a son histoire propre, sa vision et aussi ses ambitions. Elles couchent dans le même lit, mais ne font pas les mêmes rêves. Certaines ont été écartées de la répartition du butin volé à la République bolivarienne par Washington et le clan Guaido. Or, en politique comme en physique, toute action produit une réaction. Sur sa chaîne Youtube « Factores de poder » (Facteurs de pouvoir), Poleo interview le patron de Silvercorp USA, Jordan Goudreau. Lequel confirme son rôle, la nature de l’opération et lui révèle l’existence du « contrat ».

         Le contrat signé le 16 octobre 2019 entre Juan Guaido et Silvercorp

Ce « Contrat », même « Mangouste » n’aurait pas osé. Il a été signé le 16 octobre 2019 entre Goudreau, Juan Guaido (« président du Venezuela »), Sergio Vergara (député d’opposition, bras droit du chef d’Etat fantoche), Juan José (dit « JJ ») Rendon (vénézuélien d’opposition vivant aux Etats-Unis, proche de nombreux chefs d’Etat, dont les colombiens Álvaro Uribe et Iván Duque, cul et chemise avec Luis Almagro [OEA] et pour l’heure responsable du « Comité de stratégie » de Guaido).

Comme on dit en Amérique latine, « es muy feo » (très sale, très laid). Mais assez lucratif (sur le papier) pour Goudreau. Pour la phase initiale (45 jours) le projet prévoit le décaissement de 50 millions de dollars. Avec un coût total de 212,9 millions de dollars pour les 495 jours de collaboration prévue.

En échange ? Trois fois rien. « Les prestataires de service conseilleront et assisteront le Groupe associé [l’équipe du président imaginaire] dans la planification et l’exécution d’une opération pour capturer / arrêter / éliminer Nicolás Maduro (…). » Attention : il ne s’agit pas ici d’une exégèse, d’une paraphrase, d’une interprétation. C’est écrit noir sur blanc. Il s’agit d’un « contrat », au sens mafieux du terme. Il envisage, parmi ses hypothèses, d’assassiner (« éliminer ») Maduro. Il est signé « Juan Guaido ». L’homme reconnu « chef d’Etat intérimaire » du Venezuela par une Union européenne alignée de façon répugnante sur le pire de ce qui peut exister aux Etats-Unis. L’individu qui, le 24 janvier 2020, à l’Elysée, a eu un « échange constructif » avec le président français Emmanuel Macron. Celui qui, ce même jour, a été accueilli au son de l’hymne national vénézuélien, par la très respectable Maison de l’Amérique latine, à Paris.

Le document n’a rien d’un texte signé sur un coin de table. Long de 41 pages (pour ce qu’on en connaît), il détaille les objectifs des conspirateurs de façon extrêmement précise : après la « neutralisation » « séquestration » ou « assassinat » de Maduro (et d’autres dirigeants civils et militaires de son cerce rapproché) il s’agit d’ « éliminer l’actuel régime et d’installer le président vénézuélien reconnu Juan Guaido ». Puis, pour mettre le pays en coupe réglée, d’y rétablir la stabilité. Même les méthodes de répression des inévitables protestations, manifestations et résistances sont soigneusement codifiées. « Létales » en cas de nécessité, est-il précisé.

Comme il se doit, chaque individu a sa propre version de la vérité. Avec l’entêtement d’une mule, Guaido nie tout en bloc. Va savoir ce que Maduro et les siens sont capables d’imaginer pour tenter de le discréditer… Mauvaise pioche. A Caracas, capturé, le chef des opérations de « Gedeón », Antonio Sequea, révèle qu’entre février et mars, alors qu’il se trouvait à Riohacha (dans la Guajira colombienne), Iván Simonovich, Commissaire à la Sécurité et au renseignement de Guaido, l’a appelé à plusieurs reprises pour lui demander de le tenir au courant de ce qui se passait sur le terrain. Pour ne rien arranger, Patricia Poleo, encore elle, diffuse l’enregistrement sonore de la conversation téléphonique qu’a eue Guaido avec Goudreau au moment de la signature du contrat. Puis les déclarations s’enchaînent. Impossible désormais d’évoquer des rumeurs, des ragots, des pseudo révélations. Il s’agit de faits réels, d’informations confirmées.

Lors de leurs interrogatoires, les mercenaires étatsuniens Denman et Berry révèlent la nature de leur mission principale : prendre le contrôle de l’Aéroport Simón Bolívar de Maiquetía (Caracas) et le sécuriser pour permettre l’atterrissage d’un (ou de plusieurs) avion(s) destiné(s) à embarquer Nicolás Maduro après son éventuelle séquestration (pour une destination non précisée mais pas très difficile à deviner). Autres objectifs spécifiques : l’attaque et la prise de la Direction générale du renseignement militaire (DGCIM), du Service bolivarien du renseignement (Sebin), du palais présidentiel de Miraflores…

A la différence de Guaido, JJ Rendon est parfaitement capable de reconnaître sa signature au bas d’un document que même certains titres de la presse conservatrice – en l’occurrence The Washington Post – publient en intégralité. Rendon renonce à nier l’évidence. Au Diario Las Américas (Miami, 8 mai) et à CNN, il confirme : oui, ce texte existe ; oui, il l’a paraphé ; oui il a lui-même fait une avance de 50 000 dollars au patron de Silvercorp USA. Puis, désormais en chute libre, il tente d’ouvrir le parachute de secours : en fait, le projet dont il était question a été abandonné. Donc, « ce contrat n’existe pas. Une chose qui a été signée et laissée sans effet n’a pas de validité au-delà du papier qui la contient et – les gens pouvant se montrer extrêmement pervers ! – de la référence qu’elle constitue pour déclencher un scandale. » Quant aux assaillants pris les armes à la main les 3 et 4 mai : « Ces jeunes qui étaient là font partie d’un tas de groupes autonomes qui n’appartiennent pas au gouvernement de Juan Guaido. »

« Gedeón » : un coup de chaud suivi de sueurs froides. Même au sein de l’opposition antichaviste la plus déterminée, le désastre (et surtout sa révélation !) laissent un goût de cendres. Un début de rébellion se manifeste au sein du parti Primero Justicia. Les mises en demeure fusent. Le 12 mai, deux des signataires du texte scélérat démissionnent du Comité de stratégie : Rendon et Sergio Vergara. Guaido les remercie « pour leur travail et leur engagement envers le Venezuela ». Néanmoins, le Département d’Etat américain répondra par une fin de non recevoir à la demande de Henrique Capriles (adversaire de Chávez et de Maduro lors des présidentielles de 2012 et 2013) et de son cercle rapproché de mettre définitivement un terme au désastreux épisode « Guaido ».

C’est depuis la Floride, mais aussi le Guatemala et le Nicaragua que sont parties les vagues d’assaut vers la Baie des Cochons en avril 1961. Sept années auparavant, en 1954, pour évincer le président guatémaltèque Jacobo Arbenz, l’opération PBSUCCESS organisée par la CIA avait bénéficié de l’aide du dictateur nicaraguayen Anastasio Somoza et du gouvernement du Honduras, pays d’où s’élancèrent les troupes mercenaires qui mirent un terme à la démocratie. Au cours des années 1980, pour agresser le Nicaragua sandiniste, les « contras » armés et financés par les Etats-Unis purent également compter sur le Honduras, qui, sur la frontière, hébergeait leurs campements. Dans les années 1990, c’est depuis l’Amérique centrale – particulièrement le Salvador et le Guatemala – que le terroriste Luis Posada Carriles organisa les incursions et poses de bombes à Cuba.

En ce début de XXIe siècle, le principal pays « collabo » des desseins de l’Impérialisme s’appelle Colombie. Ce « cimetière à opposants » [10] a pour président un « fils spirituel » d’Álvaro Uribe, Iván Duque (et indépendamment de sa politique, des millions de citoyens qui, eux, méritent le respect).

Comme Guaido, comme Trump, comme beaucoup d’autres, Duque n’a rien vu, rien entendu, et n’a strictement/absolument/et définitivement rien à voir avec les récents événements qui ont secoué le Venezuela. Sur ce thème, Duque débite une multitude de poncifs aux chaînes télévisées qui informent le globe entier. Duque, c’est un robinet d’eau tiède (sauf lorsqu’il parle de Maduro). Et pourtant…

Lorsque, le 25 mars, après la découverte d’un arsenal, l’ex-général vénézuélien Cliver Alcalárévèle que celui-ci appartient à un groupe de déserteurs vénézuéliens que lui-même dirige, il vit à Barranquilla depuis deux ans. Son épouse, Marta González, est la sœur d’Hermágoras González Polanco, alias « El Gordito González », narcotrafiquant et ancien membre de l’organisation paramilitaire des Autodéfenses unies de Colombie (AUC). Alcala ne cache ni que trois de ses groupes de militaires vénézuéliens déserteurs s’entraînent « dans le pays » ni qu’il a des contacts fréquents avec les services de renseignements colombiens (et Juan Guaido). Puis Alcala disparaît des radars, extradé (ou exfiltré) aux Etats-Unis [11].

Malgré ces révélations pour le moins explosives, le gouvernement colombien ne semble guère intéressé. Aucune enquête, aucune réaction. Pourtant, en mars, depuis Caracas, le gouvernement bolivarien lui a communiqué – et l’a fait savoir – les coordonnées GPS des fameux camps d’entraînement, situés à Riohacha, dans la Guajira. Ils sont si peu secrets, ces camps encadrés par Goudreau et ses deux mercenaires, Denman et Berry, que le député d’opposition vénézuélien Hernán Claret Alemán les a visités pendant plusieurs jours début décembre 2019, comme il l’a révélé le 13 mai au site argentin Infobae. « Ultérieurement, affirme-t-il, j’ai discuté avec le général Alcalá et avec Jordan [Goudreau, qu’il appelle par son prénom, on est manifestement entre amis] [12].  »

Présente en force sur le territoire colombien (enfin, on le suppose !), la DEA n’a manifestement jamais détecté, dans la Guajira, la « hacienda »d’Elkin Javier López Torres, alias « Doble Rueda », l’un des principaux « capos » du narcotrafic de la région. Officiellement, elle le recherche pour l’extrader ! C’est dans cette « finca » qu’ont été regroupés les hommes de l’opération « Gedeón » dans les jours précédant leur embarquement pour le Venezuela. C’est « Doble Rueda » en personne qui leur expliqua comment allait fonctionner leur transfert vers les embarcations.

On jugera que, comme la DEA, les services de renseignements colombiens sont bien peu efficaces. Ou un peu distraits. A leur décharge, on mentionnera qu’ils sont très occupés. Un énième épisode d’interceptions illégales les impliquant a été découvert il y a quelques semaines et provoque un énorme scandale. Plus d’une centaine de citoyens, dont des politiciens, des syndicalistes et des journalistes ont été écoutés. Des citoyens autrement plus préoccupants et dangereux que les sbires armés vénézuéliens ou les « narcos » des deux pays.

Nul n’en doute : comme lors de la coopération de Guaido avec les narco-paramilitaires des Rastrojos, pour faire le chemin inverse – c’est-à-dire passer clandestinement du Venezuela en Colombie en février 2019 – cette cohabitation malsaine avec « Doble Rueda » relève du plus grand des hasards. Dans la vie, les coïncidences ne manquent pas. Qu’on en juge : sur la dernière page du contrat paraphé par Guaido, Vergara, Rendon et Goudreau, figure une cinquième signature. Celle d’un avocat, agissant en tant que « témoin » : Manuel J. Retureta. Américain d’origine cubaine, pénaliste, partenaire de Retureta & Wassem, celui-ci, d’après les autorités vénézuéliennes, a défendu en Colombie le narco-paramilitaire Salvatore Mancuso ; aux Etats-Unis, il a eu comme clients Juan Antonio « Tony » Hernandez (frère de l’actuel président du Honduras) et Fabio Lobo (fils du chef d’Etat précédent, Porfirio Lobo), tous deux accusés de narcotrafic (et tous deux condamnés). Actuellement, il plaide en faveur de Damaso López Nuñez – « El Licenciado » –, l’un des proches du « Chapo » Guzmán, l’ex-grand du narcotrafic mexicain.

On dira qu’on a affaire là à un familier du monde interlope et de la pègre plutôt qu’à l’univers de la veuve et de l’orphelin. Et que, dans le fond, si l’on réaligne toutes les planètes précédemment citées, le financement de la « contra » nicaraguayenne par le Cartel de Medellin, via la CIA, dans les années 1980, n’est pas si lointain qu’il y paraît ! Sans parler des révélations faites à visage découvert en 2010 par Rafael García, ex-chef du service informatique de la police politique colombienne, le Département administratif de sécurité (DAS), affirmant que l’ancien chef du DAS, Jorge Noguera, avait rencontré en 2004 des leaders paramilitaires et des opposants vénézuéliens afin de concocter un « plan de déstabilisation » et l’assassinat de Hugo Chávez.

1er mai 2020 : nul n’a encore entendu parler de l’opération « Gedeón ». Le quartier Felix Ribas de Petare fait la « une » des médias d’opposition. Petare, dans l’est de Caracas : l’un des plus grands quartiers populaires d’Amérique latine. Pendant cinq jours consécutifs, il va être « à feu et à sang ». D’incessantes fusillades entre deux bandes rivales terrorisent la population. Explication alors la plus communément lue et entendue (en résumé) : « la méga-bande criminelle – 200 délinquants de 18 à 23 ans – de Wilexis Alexánder Acevedo, alias “Wilexis”, défend son territoire contre le groupe El Gusano ; “Wilexis” est très populaire au sein de la population car il la protège des exactions de la police, et en particulier de sa Force d’actions spéciales (FAES), contre laquelle il fait campagne et, en 2019, a organisé (en sous-main) trois manifestations ; en revanche, “des gens” du gouvernement soutiennent les voyous d’El Gusano pour reprendre le contrôle du quartier [13] ».

Raid sur les côtes vénézuéliennes. Interceptions, arrestations. Emargeant ou ayant émargé à la DEA, un peu « narco » sur les bords, José Socorro, alias « Pepero », parle. Un autre agent de la DEA, Orlando Laufer, lui a demandé d’organiser des actions violentes simulées dans Petare pour détourner l’attention des forces de sécurité, tandis que les factieux de « Gedeón » avanceront vers les côtes. Bruit et fureur : contact pris avec les délinquants, l’enfer s’est déchainé, à l’arme de guerre, sans faire aucune victime. Mais créant la distraction attendue (à défaut du résultat).

Tous les ingrédients classiques se sont donc ainsi retrouvés réunis. Secteur criminel de l’opposition, monde du narcotrafic, univers de la pègre et… ombre des Etats-Unis. Lors de leurs interrogatoires, les deux mercenaires de Silvercorp USA, Luke Denman et Airan Berry, ont expliqué assez candidement que, s’ils se sont lancés dans cette aventure, c’est qu’ils se sentaient en totale confiance : la Justice de leur pays n’offre-t-elle pas une récompense pour la capture du « narcotrafiquant » Maduro ? Dans le cadre d’une opération navale destinée à réduire la circulation des drogues illégales, des navires de l’US Navy ne rodent-ils pas dans la Caraïbe, à quelques encablures des côtes du Venezuela ?

De son côté, le ministre de la Défense vénézuélien Vladimir Padrino López a résumé de façon plus précise l’opération « Gedeón ». Il ne s’agissait pas d’une « invasion ». Il la considère comme « une opération militaire très bien planifiée, préparée en territoire étranger, avec un financement étranger, de l’équipement fourni par des puissances comme les Etats-Unis et le gouvernement colombien. Elle avait des objectifs très détaillés, très bien marqués, avec des renseignements sur les objectifs physiques des infrastructures à attaquer très bien préparées et relevés au millimètre, couche par couche, et évidemment, sur le temps nécessaire, le trajet, le pouvoir de feu qu’ils allaient employer pour chaque objectif. »

Moins spectaculaire qu’une « Baie des Cochons », la tentative d’incursion renvoie dans l’esprit à l’« opération Mangouste » (et à ses suites) – ce poison lent, qui infuse, et qui use, et qui oblige à une vigilance de chaque instant, à la dépense de ressources financières et humains considérables quand tant d’autres tâches économiques et sociales devraient monopoliser les énergies.
On suivra avec attention le sort réservé à Goudreau par la justice des Etats-Unis – son activité mercenaire et le trafic d’armes qui en découle y tombant (théoriquement) sous le coup de la loi. On s’intéressera également à ses démêlés avec ses commanditaires – Guaido, Rendon, etc. –, qu’il accuse de ne pas lui avoir payé ce qu’ils lui devaient, raison pour laquelle il a beaucoup « balancé » [14]. Toutefois, on prendra très au sérieux les déclarations qu’il a faites immédiatement après l’échec de « Gedeón » : « La principale mission était de libérer le Venezuela, de capturer Maduro, mais la mission à Caracas a échoué. » Néanmoins, a-t-il ajouté, la mission secondaire était d’établir, en territoire vénézuélien, des campements d’insurgés. « Ils sont déjà dans les campements, ils recrutent et nous allons commencer à attaquer des objectifs tactiques. » Sur ce point, aucun doute. Sur les côtes vénézuéliennes, sur les 2 200 kilomètres de frontière avec la Colombie, de nouvelles actions paramilitaires auront lieu. Tandis que les dites « sanctions économiques » continueront à étrangler le pays – c’est-à-dire la population.

Comme il faut toujours une touche d’humour (même noir, même dans les situations les plus préoccupantes), on mentionnera que, le 15 mai, à la question « quelles sont vos priorités ? », la ministre des Affaires étrangères colombienne, Claudia Blum, a déclaré : « Positionner la Colombie comme un pays leader dans l’agenda mondial de la légalité, tant pour la défense de la démocratie et des droits humains qu’en matière d’initiatives globales contre la corruption, le terrorisme et le crime organisé [15] » Deux jours auparavant, l’administration de Donald Trump avait placé Cuba et le Venezuela (avec l’Iran, la Syrie et la Corée du Nord) sur la liste des pays qui ne coopèrent pas suffisamment en matière de lutte contre le terrorisme [16].

Maurice Lemoine

 

 

Notes

[1Lire Guillaume Long, « Le ministère des colonies américaines », Le Monde diplomatique, Paris, mai 2020.

[3A la tête de 400 entreprises et d’une fortune de 4,4 milliards de dollars, Branson pleurniche désormais pour recevoir une « aide publique » (humanitaire ?) afin de sauver ses deux compagnies aériennes Virgin Atlantic et Virgin Australie mises en faillite par les effets de la pandémie de Covid-19.

[5Sur cet épisode, lire : http://www.medelu.org/Maduro-mort-ou-vif

[6Pour une information documentée sur l’incursion armée du 3 mai, lire Thierry Deronne, « Le Venezuela inflige une nouvelle défaite à l’Empire et aux grands médias » et Romain Migus, « Attaque mercenaire contre le Venezuela  »

[9Top secret, le document « Justifications pour une intervention militaire à Cuba » a été déclassifié le 18 novembre 1997.

[10Depuis janvier 2016, plus de 700 personnes politiquement engagées y ont été assassinées, essentiellement des dirigeants communautaires et sociaux, mais aussi 200 ex-guérilleros des FARC ayant déposé les armes dans le cadre des Accords de paix.

[11Certains membres de l’opposition vénézuélienne avancent la thèse suivante : Cliver Alcala serait en réalité un agent double, qui les aurait infiltrés pour communiquer de précieuses informations sur les opérations en préparation aux services de renseignements bolivariens.

[14En représentation de Jordan Goudreau et de Silvercorp USA, Volk Law, cabinet d’avocats situé en Floride, a envoyé une mise en demeure à Juan Guaidó pour le paiement de 1 500 000 dollars : ce paiement initial devait être effectué dans les quinze jours suivant la signature du Contrat du 16 octobre 2019.

[16La Havane était sortie de cette liste en 2015 sous Barack Obama.

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Lettre ouverte face à la RTS et au procédé de certains médias suisses

Publié le par S. Sellami

Fribourg, le 14 Mai 2020

Selon ses propres sources, le congrès nord-américain vote chaque année des millions de US dollars (120 millions entre 2017-2019, 32 millions en 2020), pour financer des campagnes diffamatrices visant Cuba. En pleine pandémie de Covid-19, les USA et ses serviteurs tentent une fois de plus de discréditer la collaboration médicale cubaine internationale. Washington a également publié des déclarations de menace contre les gouvernements qui, au vu du drame de la pandémie, ont décidé souverainement de demander de l’aide à Cuba.
 
Les autorités cubaines ont récemment dénoncé le fait que l’Agence américaine pour le développement international (USAID) consacrera deux millions de dollars supplémentaires pour attaquer les brigades médicales cubaines.

(Cuba a entre autres présenté des preuves photographiques de la participation d’agents américains et de véhicules portant des plaques diplomatiques américaines à des actes de harcèlement contre des médecins cubains à La Paz).
 
En août 2019, USAID avait déjà offert une récompense allant jusqu’à 3 millions de dollars à des organisations, à l’intérieur et à l’extérieur de l’île, pour financer des actions et des recherches d’informations visant à discréditer et à saboter la coopération médicale fournie par Cuba.

On peut se demander pourquoi le gouvernement américain dépense ces millions pour payer à ces mercenaires pour de faux témoignages au sujet de Cuba depuis bientôt 60 ans ?

Il est aussi opportun de se demander comment cette pratique a été intériorisée par la plupart des principaux médias internationaux, ainsi que par certains médias suisses (voir par exemple l’émission de la RTS du 13 mai 20, Tout un monde, signé Xavier Alonso, présentée par Eric Guevara - Frey) qui se contentent de ce genre de témoignages sans creuser un peu plus ?
 
S’abaisser à participer à ces campagnes de dénigrement des brigades internationalistes de solidarités d’aide médicale des cubains, qui étaient notamment engagés en Afrique contre la fièvre hémorragique d’Ebola, est immoral et déplorable. Au-delà des idées politiques que chacun a le droit d’avoir - y compris les journalistes - l’objectivité et le respect de la vérité est le minimum que l’on puisse attendre de ceux qui sont censés nous informer, et d’autant plus de la part d’une radio de service public dont la redevance est payée par les contribuables. Bien que tout sauf neutre politiquement, la radio suisse romande n’avait sans doute jamais atteint un tel niveau de propagande ignominieuse contre Cuba.
 
Toute personne un tant soit peu informée et honnête intellectuellement sait, qu’outre l’éducation, le point fort de Cuba est le droit à la santé. Pour rappel : en plus de mettre à disposition 9 médecins par 1000 habitants à l’intérieur de Cuba, ce petit pays envoie depuis des décennies des dizaines de milliers de médecins et infirmiers dans le monde entier avec plus de 1.7 milliards d’examens médicaux, 12,5 millions d’opérations chirurgicales et autant de vaccinations et la vie de plus de 6’253’000 personnes à été sauvée par ses brigades internationalistes à l’extérieur de l’île * , ce qui lui a valu la reconnaissance des peuples, mais aussi celle de l’OMS. (*pour les sources, voir Cuba le pays le plus solidaire du monde , aussi Dital, esp, Eng.) 

La déontologie journalistique et l’éthique professionnelle ne devraient pas permettre de diffamer une des plus belles missions que connait l’humanité : sauver des vies.

Contrairement de ce qui est dit dans l’émission, les professionnels de la santé cubains qui participent à des missions médicales le font de manière absolument libre et volontaire avec leur fierté professionnelle et leur sens de la solidarité. Pendant leurs missions, ils continuent à recevoir leur salaire complet à Cuba et bénéficient également d’une allocation dans le pays de destination, ainsi que d’autres formes de compensation. Mais personne ne cherche le profit, ni les médecins, ni l’Etat cubain. Il faut pas oublier que Cuba ne fait pas payer les services médicaux dans les pays plus pauvres comme Haïti et de nombreux pays d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et des Caraïbes, où les médecins cubains travaillent depuis de nombreuses années, sauvant des vies dans les endroits les plus reculés et les plus pauvres.
 
Dans les cas où Cuba reçoit une compensation pour la coopération fournie, ces internationalistes ont le mérite d’apporter une contribution très précieuse, juste et totalement légitime au financement, à la durabilité et au développement du système de santé cubain, qui est universel, gratuit et de bonne qualité, malgré un blocus commercial, financière et économique de 60 ans imposé par les USA et, malheureusement, appliqué également par nos banques suisses et PostFinance qui refusent de faire des transactions financières si le mot Cuba y est mentionné par peur des repressailles des USA.

Un prochain sujet de reportage pourrait être d’aller à la rencontre des 99% des médecins internationalistes qui parlent autrement que les 1% d’opportunistes attirés par les financements des USA et qu’on retrouve ensuite dans nos reportages non représentatifs, ou d’aller demander aux autorités d’Italie ou d’Andorre, comment ils apprécient la collaboration cubaine ?
 

David Piccot, François Page (section Fribourg), Veronika Herzig, Peter Berger (section Winterthur), Pierre Marbacher (section Berne), membres du comité national de l’Association Suisse-Cuba ; Federico Jauch, (prés. section Ticino), Andrea Duffour (prés. section Fribourg)

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Le gambit turc en Libye porte ses fruits - pour l’instant

Publié le par S. Sellami

Malgré l’élan récent d’Ankara et du GNA, leurs gains restent fragiles et peu concluants
Combattants fidèles au geste du GNA en célébration après avoir pris le contrôle de la ville côtière de Sabratha, en Libye, le 13 avril (AFP)
abratha, en Libye, le 13 avril (AFP)

Lors du lancement de sa campagne sanglante pour prendre Tripoli du Gouvernement libyen d’accord national (GNA) reconnu par l’ONU en avril 2019, le maréchal Khalifa Haftar et son Armée nationale libyenne (LNA) autoproclamée s’attendaient à une victoire rapide et concluante.

Soutenu par les Émirats arabes unis et l’Egypte, éclairés par l’administration Trump et renforcés par le groupe russe Wagner et des mercenaires de divers pays, Haftar était convaincu qu’une victoire totale - qui aurait ouvert la voie à l’établissement d’une dictature militaire de style égyptien à Tripoli - était bien à portée de main.

À mesure que l’offensive de Haftar prend de l’ampleur, la recherche du soutien régional et international du GNA est devenue plus désespérée. Face à la perspective de la chute de son allié, la Turquie est intervenue pour renforcer son soutien militaire au GNA.

Deux accords

En novembre dernier, la Turquie a signé deux accords avec le GNA : l’un sur la délimitation des zones de compétence maritime en Méditerranée, soutenu par de nombreux acteurs en raison de sa légalité, et l’autre sur la sécurité et la coopération militaire.

Grâce au premier accord,la Turquie a cherché à saper le cadre émergent de la sécurité et de l’énergie en Méditerranée orientale, centré sur la coopération entre l’Égypte, Israel, la Grèce et Chypre.

Alors que la Russie transfère également des mercenaires syriens pro-régime en Libye pour combattre au nom de Haftar, la guerre civile syrienne est exportée vers la Libye

En fait, c’était l’un des trois objectifs cruciaux que la Turquie voulait atteindre grâce à son incursion en Libye, aux côtés de la volonté d’Ankara de faire pencher la balance en sa faveur dans la lutte de pouvoir avec des rivaux régionaux tels que les Émirats arabes unis, l’Egypte et l’Arabie saoudite, et de garantir ses intérêts financiers et énergétiques en Libye et en Méditerranée orientale.

Craignant une réaction européenne et un isolement international, le GNA n’était pas prêt pendant longtemps à signer un tel accord, malgré la pression turque - en fait, cet accord portait davantage sur la Turquie que sur la Libye, et pour le GNA, c’était un prix à payer pour obtenir le soutien militaire de la Turquie.

Ce n’est que lorsque le plaidoyer de soutien du GNA est tombé dans l’oreille d’un sourd, tant au niveau régional qu’international, que le GNA a signé. Dans un sens, pour le GNA, le premier accord était une condition préalable à remplir pour atteindre le deuxième accord.

Avec le deuxième accord sur la sécurité et la coopération militaire, Ankara s’est effectivement engagée à protéger le GNA. La Turquie a fourni du matériel militaire et transféré des mercenaires syriens en Libye pour combattre au nom du GNA.

Alors que la Russie transfère également des mercenaires syriens pro-régime en Libye pour combattre au nom de Haftar, la guerre civile syrienne est entièrement exportée vers la Libye.

L’objectif de la Turquie est d’empêcher la chute du GNA et d’ouvrir la voie à un processus politique à partir d’une position de force. Pendant une brève période, la Turquie et la Russie ont semblé appliquer leur formule Astana pour la Syrie à la Libye en organisant une réunion entre les parties belligérantes à Moscou en Janvier, mais il s’est effondré que Haftar a quitté sans signer l’accord.

Upping l’ante

Dans ce contexte, la conférence de Berlin en janvier n’a pas donné de résultats significatifs. Au lieu de cela, le camp de Haftar est revenu à sa stratégie de solution militaire, et le GNA a fait de même.

Simultanément, la Turquie a fait monter les enchères en termes d’engagement militaire et politique envers le GNA. Il a établi la supériorité aérienne autour de Tripoli d’abord, puis d’autres parties de l’ouest de la Libye.

Il a fourni au GNA des drones armés, des systèmes de missiles, des véhicules militaires et des brouilleurs de radars,tandis que des frégates turques ont apporté leur soutien au GNA au large des côtes de l’ouest de la Libye. Ankara a également déployé du personnel militaire pour la formation et la planification stratégique.

Libyan Prime Minister Fayez al-Sarraj and Turkish President Recep Tayyip Erdogan meet in Istanbul on 20 February (Murat Cetinmuhurdar/Turkish Presidential Press Service/AFP)
Le Premier ministre libyen Fayez al-Sarraj et le président turc Recep Tayyip Erdogan se rencontrent à Istanbul le 20 février (Murat Cetinmuhurdar/Turkish Presidential Press Service/AFP)

L’intensification par la Turquie de son engagement militaire en Libye a récemment commencé à porter ses fruits. Le mois dernier, les forces du GNA ont pris le contrôle de sept villes de l’ouest de la Libye, dont les villes côtières stratégiquement importantes de Sabratha, Surman et al-Ajaylat. Le GNA a également sécurisé la route de la frontière tunisienne à Tripoli, et entre Tripoli et Misrata.

Souffrant de revers majeurs, la LNA de Haftar a annoncé une trêve, le mois sacré musulman du Ramadan servant de bon prétexte, le 30 avril. Conscient des résultats des précédents cessez-le-feu, qui n’ont pas duré longtemps, et pensant que la LNA pourrait utiliser n’importe quelle période de trêve pour la consolidation militaire, le GNA a rejeté cet appel purement et simplement.

Élan militaire

Profitant de l’élan militaire récent, la Turquie et le GNA ont les yeux rivés sur deux objectifs interconnectés. Tout d’abord, comme l’illustrent les récentes attaques à la roquette des forces de Haftar, qui ont touché des zones autour de la résidence de l’ambassadeur d’Italie et de l’ambassade de Turquie, Tripoli reste toujours à portée des bombardements des forces de Haftar. Le GNA va maintenant essayer de pousser les combattants de Haftar de leurs bases restantes près de Tripoli.

Deuxièmement, puisque Tarhuna est un poste clé de mise en scène et de logistique pour Haftar dans l’ouest de la Libye, le GNA s’efforcera de chasser les forces de l’ANL de la ville. Couplé aux récents gains territoriaux du GNA, l’objectif ultime semble être d’établir le contrôle total du GNA sur l’ouest de la Libye.

À cet égard, la récente prise par le GNA de la base aérienne stratégique d’al-Watiya par les forces Haftar est un pas important dans cette direction.

Pourtant, malgré l’élan récent de la Turquie et du GNA, leurs gains restent fragiles et peu concluants. Il n’y a aucun signe de la fin du conflit. Au lieu de cela, il est très probable que le camp pro-Haftar va renforcer son soutien militaire à Haftar, exacerber et compliquer davantage le conflit.

En outre, pour traduire les gains militaires en gains politiques, Ankara doit avoir une coordination politique plus étroite, en particulier avec des pays majoritairement pro-GNA comme l’Italie et l’Allemagne.

Dans le même ordre d’idées, les Européens doivent adopter une position plus ferme en rejetant la quête désormais intenable de Haftar pour une dictature militaire en Libye.

Comme c’est le cas avec le transfert de mercenaires syriens en Libye, les deux parties au conflit libyen et leurs bailleurs de fonds opèrent de plus en plus avec peu de recours au déni. Une telle escalade exigera non seulement un engagement militaire plus important et une responsabilité directe de la part de la Turquie, mais elle exigera également du gouvernement qu’il gère le front intérieur. Beaucoup ont affirmé que l’intervention libyenne n’est pas si populaire au niveau national en Turquie.

En effet, il y a des signes de fatigue sociétale avec les campagnes militaires de la Turquie à l’étranger. Le soutien public à la récente intervention de la Turquie à Idlib a été nettement inférieur à celui des autres campagnes militaires de la Turquie en Syrie. La pandémie de coronavirus pourrait contribuer davantage à cet état d’esprit, de sorte que le gouvernement doit être conscient des perceptions populaires tout en traçant la prochaine phase de sa campagne en Libye.

Perception du public

Un sondage mené auprès des Turcs en janvier a révélé que 58 pour cent des personnes interrogées s’opposaient au déploiement de soldats turcs en Libye. En revanche, à l’exclusion des récentes opérations d’Idlib, le soutien aux opérations syriennes précédentes de la Turquie était beaucoup plus élevé, autour de 75 pour cent. Un autre sondage réalisé en décembre dernier n’indiquait que 38 pour cent des appuis au déploiement militaire en Libye.

Ces résultats sont révélateurs de la perception du public sur la politique de la Turquie en Libye, montrant que le gouvernement doit faire une ligne fine dans sa gestion. Mais le gouvernement peut encadrer sa politique libyenne différemment en la liant à sa politique chypriote et plus large de la Méditerranée orientale. Le niveau élevé précédent de soutien aux opérations de la Turquie en Syrie était principalement motivé par des facteurs liés à la politique kurde régionale, plutôt qu’à la dynamique syrienne en soi.

La pandémie de coronavirus augmentera probablement la remise en question par le public des campagnes militaires étrangères

Le verdict public sur le gambit libyen de la Turquie sera remodelé rétrospectivement. Le soutien à la politique libyenne de la Turquie sera également fondé sur la question de savoir si elle est perçue comme un succès ou un échec. Alors que les récents revers de la Turquie à Idlib sont de mauvais augure, les récents gains en Libye sont susceptibles d’avoir l’impact inverse.

Dans le même temps, la pandémie de coronavirus augmentera probablement la remise en question des campagnes militaires étrangères par le public. Ankara aura du mal à éviter toute perte majeure de vies humaines de ses soldats, tout en conservant l’image d’une politique réussie visant à cultiver le soutien à ses opérations en Libye.

Galip Dalay
Galip Dalay est membre Richard von Weizs-cker de l’Académie Robert Bosch et boursier non-résident au Brookings Institution Doha Center. Dalay est également affilié à l’Université d’Oxford.
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